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11/10/2011 | FRANCE | N°991

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 11 octobre 2011, 991


COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2011

ARRÊT N 991 R. G : 10/ 01411 YRD/ CA
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AUBENAS 24 février 2010 Section : Encadrement
SYNDICAT CGT MINES ET ENERGIE DROME ARDECHE SECTION DES RETRAITES X... C/ SA EDF

APPELANTS : SYNDICAT CGT MINES ET ENERGIE DROME ARDECHE SECTION DES RETRAITES prise en la personne de son représentant légal en exercice 24 Avenue de la Marne 26000 VALENCE représenté par Monsieur Louis Z... dûment muni d'un pouvoir régulier, assisté de Monsieur Pierre Y..., délégué syndical dûment muni d'un

pouvoir régulier
Monsieur André X... né le 26 Novembre 1948 à AUBENAS... 07350...

COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2011

ARRÊT N 991 R. G : 10/ 01411 YRD/ CA
CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AUBENAS 24 février 2010 Section : Encadrement
SYNDICAT CGT MINES ET ENERGIE DROME ARDECHE SECTION DES RETRAITES X... C/ SA EDF

APPELANTS : SYNDICAT CGT MINES ET ENERGIE DROME ARDECHE SECTION DES RETRAITES prise en la personne de son représentant légal en exercice 24 Avenue de la Marne 26000 VALENCE représenté par Monsieur Louis Z... dûment muni d'un pouvoir régulier, assisté de Monsieur Pierre Y..., délégué syndical dûment muni d'un pouvoir régulier
Monsieur André X... né le 26 Novembre 1948 à AUBENAS... 07350 CRUAS comparant en personne, assisté de Monsieur Pierre Y..., délégué syndical dûment muni d'un pouvoir régulier

INTIMÉE : SA EDF prise en la personne de son représentant légal en exercice et prise en son Etablissement EDF CNPE CRUAS MEYSSE dont le siège est sis RN 86 BP 30 07350 CRUAS 22/ 30, avenue de Wagram 75382 PARIS CEDEX 08 représentée par la SCP FROMONT BRIENS et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON plaidant par Maître BOEUF, avocat au même barreau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties. Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Régis TOURNIER, Président Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Conseiller Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller

GREFFIER : Madame Catherine ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et du prononcé,

DÉBATS : à l'audience publique du 22 Juin 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Septembre 2011 prorogé au 11 Octobre 2011,

ARRÊT : Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 11 Octobre 2011,

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur X..., salarié de EDF depuis le 1er septembre 1977, en dernier lieu contremaître principal radio au CNPE de CRUAS MEYSSE, a reçu le 21 juin 2004 un courrier de son employeur l'informant de sa mise en inactivité d'office du personnel au motif qu'il réunissait au 1er février 2005 les conditions d'âge et d'ancienneté requises par le décret n 54-50 du 16 janvier 1954 dans la mesure où il serait âgé de plus de 55 ans et totaliserait plus de 25 années de service avec plus de 15 ans de service actif. Contestant la légitimité cette décision, il saisissait, ainsi que le syndicat CGT Mines et Energie Drôme Ardèche, le conseil de prud'hommes d'Aubenas pour :- dire et juger que sa mise en inactivité d'office est illicite-dire et juger que la production de l'attestation ASSEDIC constitue une faute. En conséquence condamner l'entreprise EDF SA à lui verser : Au principal,-102. 701 euros au titre des dommage-intérêts pour préjudice constitué sur l'illicéité de sa mise en inactivité-121. 347 euros au titre de dommages intérêts pour préjudice estimé perte de chance de la pension du régime particulier au titre de 1382 et 1383 du code civil Subsidiairement,-80. 373 euros au titre de dommage-intérêts pour préjudice constitué sur la perte des indemnités ASSEDIC-22. 632 euros au titre de dommages intérêts pour préjudice estimé perte de chance de la pension du régime général au titre de 1382 et 1383 du code civil-250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile Sur les demandes du Syndicat CGT Mines et Energie DROME ARDECHE Section des RETRAITES-dire et juger qu'il est compétent, au titre de L 2132-3 et suivants du code du travail, pour intenter cette action, née des articles L 2262-11 et suivants du code du travail.- dire et juger que l'absence d'information des organisations représentatives du personnel sur l'existence d'une convention C52 entre l'entreprise UNEDIC constitue une faute,- en conséquence condamner l'entreprise EDF CNPE de Cruas à lui verser :-2. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour délit d'entrave,-250, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 24 février 2010 le conseil, a :- dit que la mise en inactivité de Monsieur X... est licite,- dit que la non délivrance de l'attestation ASSEDIC constitue un préjudice,- condamné EDF SA à payer à Monsieur X... la somme de 4. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour la non délivrance de l'attestation ASSEDIC et celle de 250, 00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- débouté Monsieur X... de ses autres de mandes,- s'est déclaré incompétent pour statuer sur les autres demandes présentées par le syndicat CGT Mines et Energie Drôme Ardèche,- condamné EDF SA aux dépens.
Par acte du 18 mars 2010 Monsieur X... et le syndicat CGT Mines et Energie Drôme Ardèche, ont régulièrement interjeté appel de cette décision. Par conclusions développées à l'audience, ils demandent à la cour de :- infirmer la décision déférée, Sur l'appel de Monsieur X... :- dire et juger que sa mise en inactivité d'office est illicite-dire et juger que la production de l'attestation ASSEDIC constitue une faute. En conséquence condamner l'entreprise EDF SA à lui verser : Au principal-102. 701 euros au titre des dommage-intérêts pour préjudice constitué sur l'illicéité de sa mise en inactivité-121. 347 euros au titre de dommages intérêts pour préjudice estimé perte de chance de la pension du régime particulier au titre de 1382 et 1383 du code civil Au subsidiaire-80. 373 euros au titre de dommage-intérêts pour préjudice constitué sur la perte des indemnités ASSEDIC-22. 632 euros au titre de dommages intérêts pour préjudice estimé perte de chance de la pension du régime général au titre de 1382 et 1383 du code civil-750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Sur l'appel du Syndicat CGT Mines et Energie DROME ARDECHE Section des RETRAITES-dire et juger qu'il est compétent, au titre de L 2132-3 et suivants du code du travail, pour intenter cette action, née des articles L 2262-11 et suivants du code du travail.- dire et juger qu'il existe un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession En conséquence condamner l'entreprise EDF SA à lui verser :-1. 000, 00 euros au titre de dommage-intérêts pour le préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession.-750, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. EDF. SA., reprenant ses conclusions déposées à l'audience, a soulevé in limine litis l'incompétence de la présente juridiction au profit de la juridiction administrative pour apprécier la légalité du décret n 54-50 du 16 janvier 1954. Sur les demandes, elle a sollicité le débouté des prétentions adverses et subsidiairement la confirmation du jugement.

MOTIFS
Sur l'application du décret n 54-50 du 16 janvier 1954 Lors de sa mise en inactivité d'office, le 21 juin 2004, l'entreprise EDF était un Etablissement Public Industriel et Commercial. La loi n 2004-803 du 9 août 2004 a transformé EDF en société anonyme. L'intimée fait observer que le statut de ses agents était alors, pour ce qui concerne leur mise à la retraite, régi par les dispositions du décret 54-50 du 16 janvier 1054 complété par l'annexe 3 du statut du personnel des industries électriques et gazières et par la circulaire PERS 70 du 10 juin 1947. Elle ajoute que c'est par application de l'ensemble de ces dispositions que Monsieur X... a été placé en situation d'inactivité, à l'exclusion de toute référence aux dispositions issues du code du travail. Si effectivement lors de son départ de l'entreprise, le 1er février 2005, le personnel d'EDF relevait désormais du droit privé, la décision de mise en inactivité intervenue le 21 juin 2004 doit être appréciée au regard de la réglementation toujours applicable à l'époque. Monsieur X... fait l'aveu dans ses écritures de ne pouvoir se fonder sur aucune jurisprudence et sollicite de la Cour qu'elle saisisse pour avis la Cour de cassation sur ce point. Or précisément, la Cour de cassation, dans un avis du n 11. 00. 001 du 31 janvier 2011, a estimé que la question qui lui était posée par le Conseil de prud'hommes d'Aubenas (concernant déjà le centre CNPE de CRUAS MEYSSE) portant sur l'application du décret 54-50 ne présentait pas de difficulté sérieuse dès lors que le loi n 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, dont l'article 24 a transformé l'établissement public industriel et commercial EDF en société à compter du 19 novembre 2004, n'a eu ni pour objet ni pour effet de mettre fin à l'application, au personnel EDF, du décret n 54-50 du 16 janvier 1954 « portant régime d'administration publique pour l'application du personnel d'EDF et de GDF du décret du 9 août 1953 relatif au régime de retraite des personnels de l'Etat et des services publics », lequel est resté en vigueur jusqu'à son abrogation par le décret n 2008-1072 du 20 octobre 2008. Dès lors les développements de Monsieur X... sur l'inapplicabilité à son cas d'espèce du décret 54-50 sont inopérants et son argument selon lequel « à compter du 10 août 2004 EDF S. A. ne peut plus évoquer les dispositions du décret 54-50 pour mettre à la retraite d'office les agents » ne peut être retenu. Ainsi, l'appelant reconnaît lui même dans ses écritures que, dans le cadre du décret 54-50, EDF pouvait mettre à la retraite d'office les agents ayant atteint 55 ans d'âge, 25 années de service et 15 ans de service actif. Il n'est pas discuté que ces conditions étaient réunies lors de la notification à Monsieur X... de sa mise en inactivité. Dès lors, dans le cadre de la réglementation alors applicable, la mise en inactivité de Monsieur X... était régulière et fondée en droit et ne peut être, pour cette raison, assimilée à un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
Sur la discrimination liée à l'âge Se prévalant des dispositions de l'article 6 § 1 de la Directive 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, Monsieur X... estime qu'il convient d'apprécier en l'espèce si la limite d'âge retenue pour sa mise en inactivité était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et si la cessation d'activité constituait un moyen approprié et nécessaire pour réaliser cet objectif. Il fait observer que le courrier par lequel il a été mis en inactivité ne faisait nullement référence à l'existence d'un motif légitime. Sur ce point, contrairement à ce que prévoit la législation en matière de licenciement, la lettre de mise en inactivité n'a pas à être spécialement motivée dès lors que le rappel des conditions de mise en inactivité y sont rappelées. Un tel mode de rupture du contrat de travail ne peut être assimilé à un licenciement ainsi qu'il a été rappelé plus avant. Concernant l'appréciation de la compatibilité du décret 54-50 avec les dispositions de l'article 6 § 1de la Directive 2000/ 78/ CE qui prévoit que les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. S'il est exact que les juridictions judiciaires sont incompétentes, au profit des juridictions administratives pour apprécier la légalité des actes réglementaires, elles peuvent toutefois apprécier la compatibilité des actes administratifs avec la réglementation européenne. Il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer pour apprécier si la mesure prise à l'encontre du salarié constitue ou non une discrimination au regard de la directive précitée. En l'espèce, Monsieur X... a été mis en inactivité uniquement sur des critères d'âge et d'ancienneté. EDF S. A. explique d'une part que le salarié avait accompli au moins 15 années de service actif qui, au termes de la circulaire PERS 226 du 21 mai 1952, implique des conditions de travail pénibles et de fréquents déplacements en extérieur. Elle considère avoir légitimement poursuivi un objectif de prévention et de protection de la santé du salarié au demeurant consacré par la loi du 9 novembre 2010. Ce classement en catégorie des services actifs fait l'objet d'une prise en compte de la durée de travail majorée de deux mois par année de service effectif. EDF S. A. expose d'autre part que ce dispositif poursuit un autre objectif légitime tenant à l'accession à un emploi pour ceux qui en sont privés. Un départ à la retraite à l'âge de 55 ans permet de lutter contre le chômage et l'exclusion. Les accords conclus en matière de réduction du temps de travail précisent à cet égard que les départs sont intégralement compensée par des embauches au niveau global de l'entreprise. E. D. F. rappelle à cet égard les termes de l'accord de réduction du temps de travail signé le 25 janvier 1999 : « Etape nouvelle dans la vie des entreprises, la réduction du temps de travail associée à son aménagement est une opportunité pour contribuer à la lutte contre le chômage et l'exclusion. (...) Par ailleurs, dans le cadre de la politique en faveur de l'emploi, notamment des jeunes, et de la solidarité envers les clients démunis, les signataires conviennent de poursuivre rapidement la négociation sur ce thème. Ces départs sont intégralement compensés par des embauches au niveau global de l'entreprise. 18000 à 20000 embauches statutaires seront réalisées dans les trois ans qui suivent la signature du présent accord national. L'atteinte de cet objectif suppose la mise en'uvre effective et complète de l'accord dans les unités. Il sera d'autant mieux réalisé que les leviers de création d'emplois (réduction collective à 32 heures, temps choisi, aménagement du temps de travail, départs, etc.) produiront leurs pleins effets et dans la mesure où l'ambition de développement des entreprises se concrétisera rapidement, permettant de dégager un solde positif significatif de l'évolution des effectifs. Les directions estiment que les gains de productivité nécessaires à la compétitivité des entreprises à 9300 emplois « équivalents 38h », ce qui aurait conduit, hors effet des dispositions du présent accord et compte tenu des prévisions de départ en inactivité, à effectuer environ 3000 embauches sur la période 1999-2001. Compte tenu des gains de productivité induits par la réduction du temps de travail, ceci conduit les directions à se fixer pour objectif de réduire d'environ 3 % par an le volume d'heures travaillées. L'objectif d'EDF et de Gaz de France est d'avoir en permanence au moins 1500 jeunes de tous niveaux en formation par alternance (apprentissage ou qualification) ayant vocation à être embauchés par nos entreprises. » Toutefois, ces considérations d'ordre général ne prennent pas en compte le cas particulier de Monsieur X... dont la mise en inactivité procède uniquement de son âge et des années d'activité. La Directive 2000/ 78 applicable au secteur public, prohibe toute discrimination liée à l'âge et s'applique aux situations de mise en inactivité en raison de l'âge qui constitue un principe général du droit communautaire (CJUE 19 janvier 2010 Kücükdeveci C-555-07). Les dérogations énoncées par cette même Directive imposent une appréciation in concreto que ne propose pas EDF dans ses écritures. Contrairement à ce que soutient EDF, l'appréciation d'une discrimination n'est pas circonscrite au personnel d'une même entreprise mais en considération des mobiles invoqués pour exclure d'un emploi toute personne quelle que soit son appartenance à une entité définie. Ainsi, soutenir que le fait de prononcer une mise en inactivité d'office au sein d'EDF en raison de l'âge du salarié ne peut être discriminatoire dans la mesure où tous les salariés de cette entreprise sont soumis au même régime n'exclut pas pour autant que les mesures individuelles échappent à tout contrôle. Le critère retenu pour mettre à la retraite Monsieur X..., même fondé sur le décret du 16 janvier 1954, demeure son âge ce qui apparaît discriminatoire. Il appartient ainsi à l'employeur de démontrer en quoi la cessation de fonctions à 55 ans constitue un moyen nécessaire à la réalisation des objectifs recherchés. À cet égard, l'employeur fait observer qu'a été pris en compte le temps passé dans un service actif exposant les salariés à des conditions de travail particulièrement pénibles en sorte que l'employeur tenu d'une obligation de sécurité de résultat doit prendre toute mesure pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés ce qui justifie une mise en à la retraite anticipée. Or, lors de sa mise en inactivité, Monsieur X... n'exerçait plus de telles fonctions et l'employeur n'avance aucun élément pour démontrer qu'en raison de son âge il ne disposait plus des aptitudes nécessaires à l'accomplissement de ses missions. L'évolution de l'espérance de vie ne justifient pas plus les restrictions apportées en 1954 qui pouvaient être à l'époque être utilement appliquées. Dès lors, la mise à la retraite d'office de Monsieur X... en considération de son seul âge sans tenir compte des spécificités liées à son emploi lors de la notification de cette mesure ni aux sujétions concrètes auxquelles il aurait été exposé constitue une discrimination en sorte que cette mesure doit être considérée comme un licenciement nul en application des dispositions de l'art 1132-4 du code du travail. Le préjudice subi par le salarié, dont la retraite a été effectivement liquidée, doit être estimé, toutes causes de préjudices confondues, à la somme de 60. 000, 00 euros.
Sur le remise tardive de l'attestation destinée à l'ASSEDIC L'E. D. F. n'a pas remis à Monsieur X..., lors de son départ le 1er février 2005, une attestation destinée aux Assedic, à l'époque, cette remise n'intervenant que sur sollicitation du salarié en décembre 2006. L'employeur rappelle qu'elle était alors liée par un convention en date du 1er janvier 2004 avec l'UNEDIC qui définissait les conditions de prise en charge :- s'inscrire comme demandeur d'emploi auprès de l'ASSEDIC dans les 12 mois suivant la fin du contrat ;- être à la recherche effective et permanente d'un emploi ;- être apte physiquement à l'exercice d'un emploi ;- ne pas avoir quitté volontairement son dernier emploi. L'article 2 du règlement annexé à la convention indiquait en outre que : « Sont involontairement privés d'emploi les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte :- d'un licenciement ;- d'une fin de contrat de travail à durée déterminée ;- d'une démission considérée comme légitime, dans les conditions fixées par un accord d'application ;- d'une rupture de contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées à l'article L 321-1 du code du travail ». EDF rappelle qu'elle bénéficiait d'un régime particulier d'assurance chômage, en application de l'article L. 5424-1 du Code du travail, qui prévoyait que les entreprises publiques assuraient elles-mêmes la charge et la gestion de l'indemnisation de leurs salariés. En application de l'article L. 5424-2, EDF avait confié, par une convention du 30 avril 1968 (Convention C52), la gestion de cette indemnisation à l'UNEDIC qui effectuait, pour le compte de l'employeur, le service des prestations de chômage aux anciens salariés d'EDF. Elle indique que cette convention, dont le seul objet était de régir les relations entre EDF et l'UNEDIC, était sans aucune incidence sur les conditions d'ouverture et l'étendue des droits des anciens salariés en matière d'assurance chômage, qui étaient régies par les dispositions de droit commun en matière d'indemnisation chômage. A cet effet la convention C52 précisait dans son article 4 : « Les dossiers de demande d'allocation spéciale déposées parles anciens salariés d'EDF ou de GDF seront examinés par les ASSEDIC compétentes qui prononceront selon les cas, l'admission ou le rejet et, si il y a lieu, liquideront le montant de l'allocation et en assureront le paiement, le tout dans les conditions fixées par le règlement et les diverses annexes qui sont joints à la convention du 31 décembre 1958 ainsi que les délibérations de la commission paritaire nationale ». Dans ces conditions, nonobstant les particularités inhérentes au fonctionnement du régime d'assurance chômage pour les anciens agents d'EDF telles que prévues par la convention C52, les conditions d'indemnisation chômage sont issues des conventions UNEDIC et, au cas particulier, de la Convention UNEDIC du 1er janvier 2004 précitée et de son règlement annexé. EDF énonce à juste titre que faute pour Monsieur X..., qui ne démontre nullement s'être livré à une recherche effective et permanente d'emploi, de remplir ces conditions, il ne pouvait prétendre au bénéfice de ce dispositif. En effet, la demande tardive du salarié en vue d'obtenir la délivrance de ce document démontre qu'il n'avait entrepris aucun démarche en vue de se voir pris en charge au titre de l'assurance chômage. Ainsi, si l'employeur a certes tardé pour remettre cette attestation, il n'est pas pour autant responsable de la perte par Monsieur X... de ses allocations dont l'attribution demeurait soumise à des conditions dont rien ne permet d'affirmer qu'elles étaient réunies. L'employeur fait justement remarquer que Monsieur X... pouvait entamer des démarches pour être inscrit comme demandeur d'emploi, l'Assedic lui aurait demandé les pièces pour sa prise en charge mais Monsieur X... ne démontre pas s'être inscrit comme demandeur d'emploi. Le préjudice découlant de la remise tardive de l'attestation destinée à l'ASSEDIC doit être évalué à la somme de 500, 00 euros.
Sur les demandes du syndicat CGT Mines et Energie Drôme Ardèche La recevabilité de l'action du syndicat n'est pas discutée. Le préjudice né de la remise tardive d'une attestation ASSEDIC est propre et personnel au salarié qui était en droit de l'obtenir, il ne peut être fait état en ce domaine d'une atteinte portée à la défense des intérêts collectifs de la profession. Par ailleurs, le syndicat CGT invoque un préjudice découlant de l'absence d'information, de la part de l'employeur, de la teneur de la convention C52 conclue avec l'UNEDIC pour la prise en charge des salariés privés d'emploi. Outre que le syndicat ne précise pas le fondement de cette demande, il convient d'observer que cette convention a été conclue le 30 avril 1968 en sorte cette demande est largement prescrite. Par contre, l'action du syndicat est recevable au regard des dispositions de l'article L 1134-2 du code du travail dès lors qu'une mesure discriminatoire est alléguée. En l'état du constat du caractère discriminatoire de la mise en inactivité d'office de l'un des salariés d'EDF, le syndicat peut se prévaloir d'une atteinte portée aux intérêts collectifs de la profession. Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 1. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts L'équité n'impose pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en l'espèce.

PAR CES MOTIFS
LA COUR Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :- dit que la non délivrance de l'attestation ASSEDIC constitue un préjudice,- condamné EDF SA à payer à Monsieur X... la somme de 250, 00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné EDF SA à payer à Monsieur X... la somme de 250, 00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens. Réforme le jugement en ce qu'il a :- dit que la mise en inactivité de Monsieur X... est licite,- condamné EDF SA à payer à Monsieur X... la somme de 4. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour la non délivrance de l'attestation ASSEDIC et celle de 250, 00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- s'est déclaré incompétent pour statuer sur les autres demandes présentées par le syndicat CGT Mines et Energie Drôme Ardèche, Statuant à nouveau, Dit que la mise en inactivité de Monsieur X... est nulle en raison de son caractère discriminatoire, Condamne E. D. F SA à payer à Monsieur X... la somme de 60. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts, Condamne EDF SA à payer à Monsieur X... la somme de 500, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour la non délivrance de l'attestation ASSEDIC, Condamne EDF SA à payer au Syndicat CGT Mines et Energie Drôme Ardèche la somme de 1. 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Déboute pour le surplus, Condamne EDF SA aux dépens d'appel. Arrêt signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président et par Madame Catherine ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 991
Date de la décision : 11/10/2011
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1) Sur l'application du décret nº54-50 du 16 janvier 1954 : La Cour de cassation, dans un avis du 31 janvier 2011, a estimé que la question portant sur l'application du décret nº 54-50 du 16 janvier 1954 pris pour l'application du décret du 9 août 1953 relatif au régime de retraite des personnels de l'Etat et des services publiques, ne présentait pas de difficulté sérieuse dès lors que la loi nº 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, n'avait eu ni pour objet ni pour effet de mettre fin à l'application, au personnel EDF, du décret 54-10 lequel est resté en vigueur jusqu'à son abrogation par le décret nº2008-1072 du 20 octobre 2008. Dès lors, dans le cadre du décret précité en vertu duquel la société EDF pouvait mettre à la retraite d'office les agents ayant atteint 55 ans d'âge, 25 années de service et 15 ans de service actif, la mise en inactivité de l'appelant intervenue le 21 juin 2004 était régulière et fondée en droit, et ne peut donc être assimilée à un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. 2) Sur la discrimination liée à l'âge : La Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 applicable au secteur public, prohibe toute discrimination liée à l'âge et s'applique aux situations de mises en inactivité en raison de l'âge, ce qui constitue un principe général du droit communautaire (CJUE 19 janvier 2010 Kücükdeveci C-555-07). Les dérogations énoncées par cette même directive imposent une appréciation in concreto. La discrimination s'apprécie donc en considération des mobiles invoqués pour exclure d'un emploi toute personne quelle que soit son appartenance à une entité définie. Ainsi, si le fait de prononcer une mise en inactivité d'office au sein d'EDF en raison de l'âge du salarié peut ne pas être discriminatoire dans la mesure où tous les salariés de cette entreprise sont soumis au même régime, il n'est pas exclu pour autant que les mesures individuelles échappent à tout contrôle. En l'espèce, le critère retenu pour mettre à la retraite l'appelant, même fondé sur le décret du 16 janvier 1954, demeure son âge, ce qui apparaît discriminatoire. L'employeur doit donc démontrer en quoi la cessation de fonction à 55 ans constitue un moyen nécessaire à la réalisation des objectifs recherchés. L'agent EDF ayant été mis à la retraite d'office en considération de son seul âge sans tenir compte des spécificités liées à son emploi lors de la notification de la mesure ni des sujétions concrètes auxquelles il aurait été exposé, l'employeur n'est pas en mesure de réaliser la démonstration susvisée. Dès lors, une discrimination est caractérisée, en sorte que la mise en inactivité doit être considérée comme un licenciement nul en application des dispositions de l'article L1132-4 du code du travail.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Aubenas, 24 février 2010


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2011-10-11;991 ?
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