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27/09/2011 | FRANCE | N°09/03695

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre civile, 27 septembre 2011, 09/03695


COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2011

ARRÊT N R. G : 09/ 03695 IT/ CM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 03 août 2009

GFA DOMAINE DE GRAILHE C/ COMMUNE DE CAMPESTRE ET LUC COMMUNE DE SAUCLIERES Z... X...

APPELANTE : GFA DOMAINE DE GRAILHE poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social Domaine de Grailhe 30770 CAMPESTRE ET LUC Rep/ assistant : la SCP MARION GUIZARD PATRICIA SERVAIS (avoués à la Cour) Rep/ assistant : la SCP DENEL-GUILLEMAIN-RIEU-DE CROZALS (avoc

ats au barreau de MONTPELLIER)

INTIMÉES : COMMUNE DE CAMPESTRE ET LUC poursuites ...

COUR D'APPEL DE NÎMES CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2011

ARRÊT N R. G : 09/ 03695 IT/ CM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 03 août 2009

GFA DOMAINE DE GRAILHE C/ COMMUNE DE CAMPESTRE ET LUC COMMUNE DE SAUCLIERES Z... X...

APPELANTE : GFA DOMAINE DE GRAILHE poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social Domaine de Grailhe 30770 CAMPESTRE ET LUC Rep/ assistant : la SCP MARION GUIZARD PATRICIA SERVAIS (avoués à la Cour) Rep/ assistant : la SCP DENEL-GUILLEMAIN-RIEU-DE CROZALS (avocats au barreau de MONTPELLIER)

INTIMÉES : COMMUNE DE CAMPESTRE ET LUC poursuites et diligences de son Maire en exercice, domicilié en cette qualité audit siège Salle communale Le Village-hôtel de ville 30770 CAMPESTRE ET LUC Rep/ assistant : la SCP CURAT JARRICOT (avoués à la Cour) Rep/ assistant : Me Jacques COUDURIER (avocat au barreau de NÎMES)

COMMUNE DE SAUCLIERES représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité au siège social Hôtel de ville 12230 SAUCLIERES Rep/ assistant : la SCP TARDIEU Michel (avoués à la Cour) Rep/ assistant : la SCP BISMES PARDAILLE (avocats au barreau de MILLAU)

Madame Jeanne Z... veuve X... née le 05 Août 1923 à ST GEORGES DE LUZENCON (12100)... 12230 SAUCLIERES Rep/ assistant : la SCP PERICCHI Philippe (avoués à la Cour) Rep/ assistant : Me Bernard RAINERO (avocat au barreau de MILLAU)

Madame Monique X... épouse B... née le 02 Mai 1949 à MILLAU (12100)... 34920 LE CRES Rep/ assistant : la SCP PERICCHI Philippe (avoués à la Cour) Rep/ assistant : Me Bernard RAINERO (avocat au barreau de MILLAU)

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 29 Juin 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Isabelle THERY, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Gérard DELTEL, Président Mme Isabelle THERY, Conseiller Mme Nicole BERTHET, Conseiller

GREFFIER : Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS : à l'audience publique du 30 Juin 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Septembre 2011, prorogé à celle de ce jour. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Mme Isabelle THERY, Conseiller, en l'absence du Président légitimement empêché, publiquement, le 27 Septembre 2011, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, par mise à disposition au greffe de la Cour.

****

FAITS et PROCÉDURE-MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES Vu l'appel interjeté le 20 août 2009 par le GFA Domaine de Grailhe à l'encontre du jugement prononcé le 3 août 2009 par le tribunal de grande instance de Nîmes. Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 27 mai 2011 par le GFA Domaine de Grailhe, appelant, le 15 avril 2010 par la commune de Sauclières, 6 juin 2011 par la commune de Campestre et Luc et 17 juin 2011 par Madame Jeanne Z... veuve X... et Monique X... épouse B..., intimées, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives. Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 29 juin 2011. * * * * * En vertu d'un acte authentique du 16 février 1998, la SCA domaine de Grailhe transformée en GFA en 1999 a acquis auprès de la SAFER une propriété de 390 hectares dénommée'domaine de Grailhe'située sur les communes de Campestre et Luc (30) et Sauclières (12) et traversée par un chemin figurant au cadastre rénové comme étant la « voie communale n... ». Le GFA Domaine de Grailhe considérant que le chemin lui appartenait et ayant fait obstacle au passage en implantant notamment des clôtures électriques sur l'emprise du chemin, la commune de Campestre et Luc l'a fait assigner ainsi que M. Jean Marie Y... et la SCA domaine de Grailhe devant le tribunal de grande instance de Nîmes aux fins de les voir notamment condamner sous astreinte à supprimer l'intégralité des éléments obstruant le passage. Le GFA Domaine de Grailhe a appelé en cause la commune de Sauclières afin que la décision lui soit déclarée opposable. Par ailleurs, Madame Jeanne Z... veuve X... et Madame Monique X... ont fait assigner le GFA Domaine de Grailhe aux fins de le voir condamner à supprimer les obstacles situés sur les chemins permettant l'accès à leur propriété le domaine des Rouquettes et obtenir des dommages-intérêts pour trouble de jouissance. Par jugement du 3 août 2009 le tribunal a :- prononcé la mise hors de cause de M. Jean Marie Y... et de la SCA domaine de Grailhe,- déclaré irrecevable le moyen tiré de la péremption de l'instance,- déclaré recevable l'ensemble des demandes formées par la commune de Campestre et Luc, par la commune de Sauclières et par Mmes Z... veuve X... et Madame X... épouse B...,- dit que le chemin qui part de l'extrémité de la voie communale n 7 et de l'extrémité du chemin de Y... au Mas Gauzin situé sur le territoire de la commune de Campestre et Luc et qui se poursuit jusqu'à Cazejourde constitue un chemin rural appartenant pour les portions concernées aux communes de Campestre et Luc et de Sauclières sur le territoire desquels il se trouve successivement implanté,- condamné en conséquence le GFA Domaine de Grailhe à supprimer l'ensemble des obstacles qu'il a placés sur le chemin et l'ensemble des clôtures implantées sur l'assiette de ce chemin dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement sous astreinte passé ce délai de 500 euros par jour de retard,- dit que le chemin qui relie le chemin Campestre à Cazejourde à la bergerie Les Rouquettes constitue un chemin d'exploitation,- rejeté en conséquence les demandes formées par la commune de Campestre et Luc relativement à ce chemin,- condamné le GFA Domaine de Grailhe sur le fondement des articles L. 162-1 et suivants du code rural à rétablir la libre circulation sur ce chemin au profit de Madame Z... veuve X... et X... épouse B..., propriétaires riverains de ce chemin d'exploitation et ce dans le délai de deux mois de la signification du jugement sous astreinte passée ce délai de 500 euros par jour de retard,- ordonné l'exécution provisoire des dispositions susvisées,- condamné le GFA Domaine de Grailhe à régler à la commune de Campestre et Luc la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts,- condamné le GFA Domaine de Grailhe à régler sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1500 euros respectivement d'une part à la commune de Campestre et Luc d'autre part à la commune de Sauclières et enfin à Mmes Z... veuve X... et X... épouse B...,- débouté le GFA Domaine de Grailhe de ses demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné ce dernier aux dépens. * * * * * Le GFA Domaine de Grailhe a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation demandant à la Cour :- sur le litige l'opposant aux communes de Campestre et Luc et Sauclières-de les débouter de leurs demandes en jugeant que les chemins revendiqués sont des chemins privés de service lui appartenant et non des chemins ruraux relevant du domaine privé des deux communes,- de les condamner chacune au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- sur le litige l'opposant aux consorts X...- de les débouter de leurs prétentions en constatant que leur propriété est desservie par la voie communale n 4 partant de la commune de Sauclières la Grave,- de les condamner conjointement et solidairement au paiement de la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles. Il critique essentiellement la décision du premier juge en ce qu'elle a retenu de façon erronée qu'il existait un chemin de Campestre à Cazejourde et que les communes pouvaient bénéficier de la présomption édictée par l'article L 161-3 du code rural alors qu'elle est contredite par son titre de propriété et que le chemin litigieux ne constitue pas une voie de passage. Il prétend ensuite en ce qui concerne le deuxième litige que le premier juge a opéré une confusion entre l'action en désenclavement engagée devant le tribunal de grande instance et l'action en revendication d'un chemin alors que la bergerie n'est pas enclavée puisque desservie par le Nord par une voie communale. Il conteste le caractère de chemin d'exploitation considérant qu'il s'agit d'un chemin de service propre à chacune des deux propriétés sur lesquelles il est situé. Il soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts formée par les consorts X... et oppose subsidiairement son mal fondé. * * * * * La commune de Campestre et Luc conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf à augmenter le montant des dommages et intérêts pour la porter à 20. 000 euros et à la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle demande à la Cour selon son dispositif :''tenant le litige opposant les différentes communes et particuliers au GFA " Domaine de la Grailhe ",- tenant l'attitude inadmissible du dirigeant de ce dernier,- tenant la décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de NÎMES mettant à la charge du GFA Domaine de la Grailhe la réouverture des chemins, l'allocation de dommages et intérêts et la fin d'une situation préjudiciable,- tenant l'exécution provisoire qui y était attachée, le refus de l'appelante d'exécuter la décision,- tenant les éléments probatoires versés aux débats,- faisant application : * des dispositions des articles 544, 1382 du Code civil, * des dispositions des articles L. 161-1 et suivants du Code rural,- tenant les documents probatoires versés aux débats et en particulier l'analyse effectuée par Sud Environnement, les relevés photographiques, les nombreuses attestations versées,- tenant par ailleurs les termes de la correspondance adressée par Monsieur Jean-Marie Y... à la Commune de Sauclières, faisant référence aux conversations qu'il avait eues avec la Commune de Campestre et Luc le 10 août 1998 et le plan joint annoté de sa propre main,- constatant que ce document constitue manifestement un aveu radical,- tenant les actes d'obstruction inacceptables commis par le défendeur,- prenant acte de l'intervention volontaire de la Commune de Sauclières, laquelle rencontre les mêmes difficultés avec les mêmes conséquences dommageables,- tenant par ailleurs l'action spécifique engagée par Madame Monique X... B... et Madame Jeanne Z... X...,- tenant également le versement aux débats de toutes les pièces concernant cette même procédure,- tenant les préjudices subis par la Commune de Campestre et Luc, la Commune de Sauclières et la nécessité de remettre les lieux en état et de rouvrir le passage faisant partie du domaine privé de la Commune,- dire et juger que la Commune de Campestre et Luc est bien fondée à solliciter devant la juridiction civile, la protection de son chemin rural,- condamner le GFA à retirer dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et passé ce délai sous astreinte de 1. 000 euros par jour de retard pendant un délai de 15 jours et, passé ce nouveau délai de quinze jours, sous astreinte de 10. 000 euros l'intégralité des éléments obstruant le chemin rural en ses deux branches soit les portails, les tonnes de matériaux et des déchets déposés sur son tracé et à assurer la jonction de deux branches du chemin,- le condamner sous même délai et même astreinte à supprimer sur l'assise du chemin communal rural l'intégralité des clôtures électriques irrégulièrement posées sur ce chemin,- le condamner sous même délai sous même astreinte à remettre en état les bases de ce chemin sur les endroits qui ont été dégradés par l'implantation des poteaux nécessaires à l'implantation du système électrique,- tenant l'attitude inadmissible du GFA, les solutions amiables tentées en amont,- Le condamner à verser à la Commune de Campestre et Luc la somme de 50. 000 euros à titre de dommages et intérêts outre une somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 Nouveau Code de procédure civile,- condamner le GFA aux entiers dépens, et ce en application de l'article 696 Nouveau Code de procédure civile, lesquels comprendront également le coût de la mesure expertale qui serait mise en place, A titre subsidiaire,- ordonner l'instauration d'une mesure expertale en l'état des pièces communiquées et des aveux scripturaux rédigés par Monsieur Jean-Marie Y..., à titre infiniment subsidiaire,- tenant les éléments sans portée factuelle ni juridique versés en cause d'appel sous la couverture de Monsieur F...,- confirmer en toutes ses dispositions la décision critiquée, en tous cas en ce qui concerne la Commune de Campestre et Luc et la réouverture des chemins, y ajoutant,- tenant le préjudice subi par la Commune de Campestre et Luc,- condamner le GFA Domaine de la Grailhe à lui verser une somme de 20. 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l'impossibilité d'entretenir les chemins ruraux de la commune outre la somme de 5. 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,- condamner le GFA Domaine de la Grailhe aux entiers dépens de la présente instance comprenant les frais de première instance et d'appel,- ordonner la distraction des dépens d'appel au profit de l'avoué soussigné. " * * * * * La commune de Sauclières conclut également à la confirmation du jugement et à la condamnation du GFA Domaine de Grailhe à lui payer la somme de 1500 euros pour ses frais irrépétibles. * * * * * Les consorts X... sollicitent le rejet des prétentions du GFA Domaine de Grailhe, la confirmation du jugement sur le principe de sa condamnation et la condamnation du GFA Domaine de Grailhe à supprimer l'ensemble des obstacles placés sur le chemin de Cazejourde à Campestre à Grailhe puis de Y... aux Rouquettes ainsi que l'ensemble des clôtures qu'il a implantées sur l'assiette de ces chemins et à les rétablir dans leur état antérieur, dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et sous astreinte passée ce délai de 1000 euros par jour de retard. Elles réclament encore la condamnation du GFA Domaine de Grailhe à leur verser la somme de 57. 400 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance, outre celle de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elles font essentiellement valoir que la voie communale n 4 est impraticable, qu'il n'existe qu'un seul chemin n 7 entre Cazejour et Campestre pour desservir leur propriété et qu'elles ne peuvent plus accéder à la propriété du fait des obstacles placés par le GFA Domaine de Grailhe. Elles soutiennent qu'elles ont déposé des conclusions en première instance tendant à obtenir des dommages-intérêts et qu'elles sont privées depuis pratiquement 10 ans d'un accès normal à leur propriété ne leur permettant pas de recueillir les fruits notamment de fermage et bail de chasse.

MOTIFS DE LA DÉCISION La Cour est saisie à l'instar du premier juge de deux litiges distincts concernant le GFA Domaine de Grailhe l'opposant d'une part à la commune de Campestre et Luc et d'autre part aux consorts X... de sorte qu'il convient de les examiner successivement.- sur le litige opposant le GFA Domaine de Grailhe aux communes de Campestre et Luc et Sauclières Pour appréhender le litige, il est nécessaire de rappeler en droit qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural, les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voie communale. Ils font partie du domaine privé de la commune. L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. (Article L 161-2). Enfin l'article L. 161-3 dispose que tout chemin affecté à l'usage du public est présumé jusqu'à preuve du contraire appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé. Il existe contrairement à ce que prétend le GFA Domaine de Grailhe, à l'examen du plan de classement de voirie de la commune de Campestre et Luc, de la carte IGN et du propre plan communiqué par l'appelant un chemin qui part de la commune de Campestre et Luc en passant par le village de Homs jusqu'au bâtiment du domaine de Grailhe dénommé voie communale n 7 de Cazejourde à Campestre, ce chemin se poursuivant à partir du domaine de Grailhe d'une part en direction du hameau du Mas Gauzin et d'autre part, en direction du hameau de Cazejourde dépendant de la commune de la Couvertoirade en passant par le Bousquet et Gaillac. Il est constant à l'examen des pièces communiquées et des cartes IGN que les portions des chemins situés sur la propriété du GFA ne sont pas classés au répertoire des chemins ruraux. Pour autant l'extrait de la carte d'état-major, les cartes IGN et les clichés photographiques aériens attestent de l'ancienneté et de la permanence des chemins en nature de terre. L'appelant prétend que les communes de Campestre et Luc et Sauclières ne pouvaient bénéficier de la présomption édictée par l'article L. 161-3 dès lors que cette présomption est contredite par son titre de propriété et que le chemin ne constitue pas une voie de passage. Le premier juge a rejeté à bon droit ces deux moyens selon des motifs tout à fait exacts que la Cour adopte dès lors sur le premier moyen que le titre de propriété ne fait mention d'aucun chemin puisqu'il a été acquis à la lecture du paragraphe " désignation du bien vendu " une propriété consistant en " maisonnages, bâtiments ruraux, terres en nature de pâtures, terres ". Il n'existe pas davantage d'éléments sur l'assiette de ces chemins. La circonstance que le domaine de Grailhe ait pu être qualifié de propriété agricole d'un seul tenant lors de la vente aux enchères du bien ne comporte aucune valeur probante dès lors qu'il ne s'agit pas du titre de propriété. Quant au deuxième moyen, il sera ajouté que l'affectation à l'usage du public est établie par la destination du chemin qui a en l'occurrence une vocation touristique au regard de son implantation et une fonction de communication puisqu'il permet au-delà de l'existence du GR71 de faire le lien entre deux causses et deux départements, l'Aveyron et le Gard. Les clichés photographiques versés aux débats démontrent que le chemin est structuré et très ancien au regard des pierres alignées de part et d'autre. Le GFA prétend que le chemin n'a jamais été utilisé comme une voie de circulation publique générale libre et continue tout en admettant qu'il s'agit d'un lieu de promenade. M. Jean Marie Y... reconnaît pour autant dans son courrier du 10 août 1998 l'existence des chemins et surtout la circulation générale sur son domaine. Les 85 attestations produites par la commune de Campestre et Luc quant à l'utilisation du chemin dans ses différentes portions qui rendent inopérantes les attestations Marques du Luc et Saurel démontrent amplement l'utilisation du chemin rural comme voie de passage continue depuis des temps immémoriaux ce que confirme l'existence du pont construit sur la Virenque qui, selon l'architecte des bâtiments de France (en vertu de son attestation du 1er juin 2011), évoque un ouvrage ancien antérieur à 1860 et son rôle de liaison entre deux communes de deux départements différents. Le rapport de M. F... produit en cause d'appel n'est pas de nature à remettre en cause l'affectation à l'usage du public des chemins litigieux alors qu'il se prononce sur la qualification de chemin privé, élément qui relève précisément de l'appréciation des juges et part du postulat erroné qu'aucun chemin ouvert au public ne traverse la propriété dans la mesure où il s'agit d'une propriété agricole d'un seul tenant. Si les communes de Campestre et Luc et de Sauclières n'établissent pas un entretien régulier du chemin au regard notamment de l'attestation du maire et de la délibération de 1968, il doit être observé que ce critère est subsidiaire de sorte que l'argumentation de l'appelant sur ce point est inopérante. S'agissant d'un chemin couramment utilisé par le public depuis de très nombreuses années, il n'existe pas d'éléments de nature à renverser la présomption de propriété résultant de l'article L 161-3 du code rural ce qui justifie de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné le GFA Domaine de Grailhe à supprimer l'ensemble des obstacles placés sur le chemin et des clôtures implantées sur l'assiette du chemin. Il est sollicité une somme de 50. 000 € à titre de dommages-intérêts par la commune de Campestre et Luc du fait de l'impossibilité d'entretenir les chemins ruraux de la commune. Néanmoins, il a été retenu ci avant que celle-ci ne rapportait pas la preuve d'un entretien régulier du chemin, étant par ailleurs relevé que l'appelant affirme avoir exécuté le jugement assorti de l'exécution provisoire ce qu'aucune pièce adverse ne vient démentir. Enfin le seul exercice d'une voie de recours légalement prévue ne saurait être considéré comme abusif de sorte que la demande de dommages et intérêts de la commune doit être écartée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.- sur le litige opposant le GFA domaine de Grailhe aux consorts X... Les consorts X... sont propriétaires d'une bergerie Les Rouquettes qui est, à l'examen des clichés photographiques IGN avec superposition du cadastre annexé au rapport amiable de M. G..., géomètre expert, situé dans le département de l'Aveyron avec un seul accès possible pour les véhicules à partir du chemin situé au niveau du domaine de Grailhe. Le litige porte donc sur la portion de chemin située entre le domaine de Grailhe et la bergerie qui permet ainsi comme l'a exactement relevé le premier juge de relier le chemin rural desservant Cazejourde et Campestre. À cet égard le premier juge a qualifié à bon droit ce chemin de chemin d'exploitation dès lors qu'il sert exclusivement à la communication entre divers héritages et plus précisément entre les parcelles appartenant au GFA Domaine de Grailhe et celles appartenant aux consorts X.... Les chemins et sentiers d'exploitation sont en vertu de l'article L. 162-1 du code rural ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. Il s'agit donc de voies privées servant à la communication, au service et à l'exploitation d'un ou plusieurs fonds et à l'usage exclusif de leurs titulaires qui en assument en commun l'entretien et en ont en commun l'usage. Ainsi la qualification de chemin d'exploitation nécessite de démontrer l'unicité d'accès, l'exclusivité quant à son usage et la pluralité de fonds desservis. Il apparaît au vu des plans communiqués aux débats que le chemin litigieux est bordé dans sa première partie par des parcelles appartenant tant au GFA Domaine de Grailhe qu'aux consorts X... et que dans sa seconde partie il dessert exclusivement la propriété de celles-ci. L'accès aux parcelles des consorts X... se fait donc par un chemin qui sert exclusivement à la desserte des fonds qui le bordent en ce compris les parcelles appartenant au GFA Domaine de Grailhe sans qu'il soit nécessaire de rechercher si les fonds sont enclavés ce qui justifie d'écarter le moyen tiré de l'absence d'enclavement de la propriété X.... Etant exclusivement affecté à la communication entre les fonds, ce chemin a pour finalité de permettre aux consorts X... d'accéder à leur parcelle et de la desservir de sorte qu'il s'agit bien d'un chemin d'exploitation. Il s'ensuit qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a condamné le GFA à rétablir la libre circulation sur ce chemin au profit des consorts X.... Les consorts X... sollicitent la somme de 15. 000 € à titre de dommages-intérêts, prétention dont il est soulevé l'irrecevabilité par l'appelant au motif que cette demande n'a pas été maintenue en première instance et que Mmes X... y ont renoncé. La consultation du dossier de première instance enseigne que la demande de dommages et intérêts a été formulée dans l'assignation délivrée le 25 octobre 2005, que le dossier a fait l'objet d'une radiation le 18 mai 2006 et que les conclusions signifiées le 21 mars 2008 aux fins de réenrôlement, qui constituent les dernières conclusions, si elles rappellent ce chef de prétention, ne la renouvellent pas de sorte que le premier juge a retenu à bon droit que les consorts X... étaient présumées y avoir renoncé. Pour autant, cette demande doit s'analyser en cause d'appel comme une prétention nouvelle qui constitue le complément de la demande initiale tendant à voir supprimer les obstacles obstruant le chemin litigieux puisque les dommages-intérêts sont réclamés sur le fondement du trouble de jouissance subi du fait de l'impossibilité d'emprunter ce chemin. Il en résulte que cette prétention est recevable au regard des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile. Les consorts X... prétendent avoir subi une perte de jouissance puisque M. Éric H... qui bénéficiait d'un prêt à usage n'a pu exploiter les terres dépendant de la bergerie ainsi qu'il résulte de l'attestation de ce dernier du 22 juin 2005. La cour observe néanmoins qu'il n'est produit aucun document comptable permettant d'évaluer cette perte et qu'au demeurant il est fait état d'un prêt à usage et non d'un fermage. Il est encore fait référence à l'éventualité d'un bail de chasse sur la base de l'attestation non datée de M. Z... ce qui ne permet pas d'apprécier ce préjudice dans la durée. En tout état de cause les consorts X... ont été privés de ce passage depuis 2005 jusqu'à la décision de première instance, soit pendant quatre ans, et n'ont donc pas pu disposer librement de leurs terres de sorte que leur préjudice peut être évalué en l'état de ces éléments à la somme de 4000 €.

Sur les frais de l'instance Le GFA Domaine de Grailhe qui succombe devra supporter les dépens de l'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile et devra payer à chacun des intimés une somme équitablement arbitrée à 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné le GFA domaine de Grailhe à payer à la commune de Campestre et Luc la somme de 8'000 € à titre de dommages et intérêts, Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant, Déboute la commune de Campestre et Luc de sa demande de dommages et intérêts, Déclare la demande de dommages et intérêts formulée par les consorts X... recevable, Condamne le GFA Domaine de Grailhe à payer à Madame Jeanne Z... veuve X... et à Madame Monique X... épouse B... la somme de 4000 € à titre de dommages et intérêts, Le condamne aux dépens d'appel dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande et le condamne à payer à la commune de Campestre et Luc, la commune de Sauclières et les consorts X..., chacun, la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Arrêt signé par Mme THERY, Conseiller, par suite d'un empêchement du Président et par Mme BERTHIOT, Greffier.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 09/03695
Date de la décision : 27/09/2011
Type d'affaire : Civile

Analyses

1) En application de l'article L161-3 du code rural, tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé. En l'espèce, les communes intimées peuvent bénéficier de la présomption de l'article susvisé, dès lors que le titre de propriété produit par l'appelant ne fait mention d'aucun chemin puisqu'il a été acquis, à la lecture du paragraphe "désignation du bien vendu", une propriété consistant en "maisonnages, bâtiments ruraux, terres en nature de pâtures, terres", et que l'affectation à l'usage du public est établie par la destination du chemin qui a une vocation touristique au regard de son implantation et une fonction de communication depuis des temps immémoriaux puisqu'il permet de faire le lien entre deux causses, et deux départements, l'Aveyron et le Gard. Par conséquent, l'appelant est condamné à supprimer l'ensemble des obstacles placés sur le chemin et des clôtures implantées sur l'assiette du chemin rural. 2) Selon l'article L162-1 du code rural, les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Il s'agit de voies privées servant à la communication, au service et à l'exploitation d'un ou plusieurs fonds et à l'usage exclusif de leurs titulaires qui en assument en commun l'entretien et en ont en commun l'usage. Ainsi, la qualification de chemin d'exploitation nécessite de démontrer l'unicité d'accès, l'exclusivité quant à son usage et la pluralité de fonds desservis. En l'espèce, étant exclusivement affecté à la communication entre les fonds appartenant aux parties, le chemin litigieux a pour finalité de permettre aux intimées d'accéder à leur parcelle et de la desservir, de sorte qu'il s'agit bien d'un chemin d'exploitation. Par conséquent, l'appelant est condamné à rétablir la libre circulation sur ce chemin au profit des intimées. 3) Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, s'agissant des demandes de dommages et intérêts formées en cause d'appel, les parties sont autorisées à expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et à ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément. En l'espèce, la demande de dommages et intérêts formées par les défenderesses à l'encontre du demandeur doit d'analyser en cause d'appel comme une prétention nouvelle qui constitue le complément de la demande initiale tendant à voir supprimer les obstacles obstruant le chemin litigieux puisque les dommages-intérêts sont réclamés sur le fondement du trouble de jouissance subi du fait de l'impossibilité d'emprunter ce chemin, de sorte que cette prétention est recevable au regard des dispositions de l'article susvisé


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nîmes, 03 août 2009


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2011-09-27;09.03695 ?
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