ARRÊT No
R. G : 10/ 03695
IT/ CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 25 novembre 2009
X...
C/
SA GENERALI IARD SA DEUX ALPES LOISIRS CAISSE PRIMAIRE d'ASSURANCE MALADIE DU GARD
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B
ARRÊT DU 22 MARS 2011
APPELANT :
Monsieur Fayçal X...... né le 09 Février 1980 à EL HAJEB (MAROC)... 30129 MANDUEL
Rep/ assistant : la SCP FONTAINE MACALUSO-JULLIEN (avoués à la Cour) Rep/ assistant : Me Khadija AOUDIA (avocat au barreau de NÎMES)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 30189/ 2/ 2010/ 8977 du 10/ 11/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
INTIMÉES :
SA GENERALI IARD prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social 7 Boulevard Haussmann 75009 PARIS
Rep/ assistant : la SCP CURAT-JARRICOT (avoués à la Cour) Rep/ assistant : Me Laurent FAVET (Avocat)
SA DEUX ALPES LOISIRS prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social Immeuble le Meijotel 38860 MONT DE LANS
Rep/ assistant : la SCP CURAT-JARRICOT (avoués à la Cour) Rep/ assistant : Me Laurent FAVET (Avocat)
CAISSE PRIMAIRE d'ASSURANCE MALADIE DU GARD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social 14 rue du Cirque Romain 30921 NÎMES CEDEX
assignée à personne habilitée, n'ayant pas constitué avoué
Statuant sur appel d'une ordonnance de référé.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Isabelle THERY, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Gérard DELTEL, Président Mme Isabelle THERY, Conseiller Mme Nicole BERTHET, Conseiller
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 03 Février 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 Mars 2011. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé et signé par M. Gérard DELTEL, Président, publiquement, le 22 Mars 2011, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
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FAITS et PROCÉDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 22 juillet 2010 par M. Fayçal X... à l'encontre de l'ordonnance prononcée le 25 novembre 2009 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes.
Vu l'assignation délivrée à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard le 17 décembre 2010,
Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 15 novembre 2010 par M. X..., appelant et le 27 décembre 2010 par la SA Generali IARD et la SA deux Alpes loisirs, intimées, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.
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Le 5 août 2008 M. Fayçal X... a été blessé alors qu'il pratiquait un saut à l'élastique dans le cadre d'une activité organisée par la société deux Alpes loisirs sur la commune de Venosc (38520).
Par acte du 2 octobre 2009, il a fait assigner la société deux Alpes loisirs et son assureur devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes aux fins d'obtenir une mesure d'expertise médicale et la somme provisionnelle de 5000 €, outre une indemnité pour ses frais irrépétibles.
Par ordonnance du 25 novembre 2009, le juge des référés s'est déclaré incompétent au profit du juge des référés du tribunal de grande instance de Grenoble laissant les dépens de l'instance à la charge de M. X....
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M. X... a interjeté appel de cette ordonnance en vue de son infirmation demandant à la Cour de " constater la compétence du juge des référés de Nîmes " et d'ordonner une mesure d'expertise médicale selon la mission explicitée dans ses écritures. Il sollicite la somme de 3000 € à titre provisionnel.
Il fait essentiellement valoir que les dispositions des articles 42 et 46 du code de procédure civile sont relatives à la compétence territoriale lorsque le litige porte sur le fond et qu'en matière de référé il n'est pas interdit au demandeur de saisir en référé le président de la juridiction du lieu où doit être exécutée la mesure demandée conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation du 17 juin 1998.
Il considère qu'il justifie d'un intérêt légitime à l'obtention d'une mesure d'investigation avant tout procès au fond.
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La SA Generali IARD et la SA deux Alpes loisirs sollicitent la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation de l'appelant à leur payer la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elles concluent à titre subsidiaire à l'irrecevabilité de la demande d'expertise médicale à laquelle l'appelant a renoncé en première instance et à titre infiniment subsidiaire demandent qu'il leur soit donné acte de ce qu'elles ne s'opposent pas à l'instauration de la mesure d'expertise médicale aux frais avancés de M. X... sous les plus expresses protestations et réserves.
Elles s'opposent à la demande en paiement d'une provision.
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La caisse primaire d'assurance maladie du Gard, bien que régulièrement assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avoué.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour faire échec à l'action de la victime tendant à voir ordonner une mesure d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, les intimés opposent comme en première instance l'exception d'incompétence territoriale, moyen retenu par le premier juge pour écarter sa compétence et l'irrecevabilité de la demande d'expertise du fait de la renonciation à cette mesure en première instance.
Sur l'exception d'incompétence territoriale
Il est manifeste à la lecture des articles 42 et 46 du code de procédure civile relatifs à la compétence territoriale que le champ d'application des principes posés par ces articles est par nature général et concerne ainsi toutes les juridictions civiles judiciaires et toutes les actions.
À cet égard le code de procédure civile ne consacre pas de textes particuliers à la compétence territoriale du juge des référés. En principe ce dernier doit appartenir territorialement à la juridiction appelée à statuer sur le fond mais cette règle n'exclut pas la compétence du juge dans le ressort duquel les mesures doivent être exécutées.
Il est constant en l'espèce que l'accident dont a été victime M. X... s'est produit dans le ressort du tribunal de grande instance de Grenoble et que le lieu d'exécution de la prestation contractuelle se situe également dans ce ressort.
Si les règles édictées par les articles ci avant rappelés ont pour finalité de protéger le défendeur qui subit l'action et de lui permettre ainsi de limiter le trouble causé par le procès, force est de constater qu'en l'espèce la mesure sollicitée qui ne préjudicie pas aux droits tant de la société deux Alpes loisirs que de son assureur devra, si elle est ordonnée, s'exécuter dans l'intérêt de toutes les parties dans un ressort géographique proche du domicile de la victime voire dans le ressort du tribunal de grande instance dans lequel celle-ci réside.
La demande de provision ne constitue pas davantage un obstacle à la compétence territoriale dès lors que la compagnie d'assurances de la société deux Alpes loisirs a déjà versé à la victime une provision de 1000 € dans un cadre amiable, qu'il ressort du courrier du 28 décembre 2009 de son conseil que le principe de la responsabilité de la société deux Alpes loisirs n'est pas discuté ce que confirment les écritures des intimés sauf à ce qu'elles critiquent l'absence de fondement juridique de l'action et discutent en fait le bien-fondé de cette demande.
Il y a donc lieu d'admettre en l'état de ces éléments la compétence du président du tribunal du lieu où la mesure d'expertise médicale sera susceptible d'être exécutée, en l'occurrence Nîmes et d'écarter l'exception d'incompétence soulevée. L'ordonnance déférée doit être en conséquence infirmer dans toutes ses dispositions.
Sur le bien-fondé de la demande d'expertise médicale
Pour faire échec à cette demande, les intimés opposent le moyen tiré de la renonciation à la mesure d'expertise.
La seule production d'un courrier émanant du conseil de la compagnie d'assurance ne permet pas de considérer que M. X... a renoncé à cette demande au regard de l'effet dévolutif de l'appel dont la recevabilité n'est pas discutée et des écritures de l'appelant, ce qui rend sans portée ce moyen.
L'appelant justifie d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile dès lors qu'il est nécessaire de déterminer l'étendue du préjudice subi, le médecin désigné dans un cadre amiable considérant qu'il n'est pas possible de déterminer avec précision la nature exacte des lésions en l'absence du certificat initial de constatations de lésions et des comptes-rendus d'hospitalisation.
Il y a lieu en conséquence d'ordonner une mesure d'expertise selon les modalités spécifiées au dispositif de la présente décision.
Sur la demande de provision
Le juge des référés peut toujours allouer une provision lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
M. X... aurait présenté selon le rapport amiable du Dr Y... suite à sa chute un traumatisme du membre supérieur gauche et a développé un syndrome phobique mais le médecin indique qu'il n'est pas possible de déterminer avec précision la nature exacte des lésions faute de production du certificat de constatation de lésions et des comptes-rendus d'hospitalisation. Les radiographies présentées n'ont pas permis notamment de retrouver de lésions fracturaires ni au niveau du coude, ni au niveau de l'épaule.
Il n'est versé aucune pièce médicale nouvelle complémentaire depuis l'examen du Dr Y... intervenu le 10 novembre 2009 et de l'avis sapiteur du Dr Z..., psychiatre permettant de confirmer l'aggravation alléguée ou l'étendue du préjudice de sorte qu'en l'état de la provision amiable déjà versée et de l'absence de production de pièces médicales essentielles tel que le certificat initial de constatations des blessures, cette prétention ne peut qu'être écartée.
Sur les frais de l'instance
Les intimés qui succombent devront supporter les dépens de l'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance en toutes ses dispositions et statuant à nouveau
Rejette l'exception d'incompétence territoriale,
Ordonne une mesure d'expertise et désigne pour y procéder le docteur Bernard A..., expert inscrit sur la liste dressée près la cour d'appel de Nîmes en qualité d'expert avec la mission suivante :
" Entendre contradictoirement les parties, leurs conseils, convoqués et entendus (ceci dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel).
Se faire communiquer tous les documents médicaux relatifs aux examens, soins et interventions, notamment le certificat médical initial, les comptes-rendus d'hospitalisation au centre hospitalier de Grenoble et à la polyclinique grand sud à Nîmes.
Recueillir au besoin, les déclarations de toutes personnes informées, en précisant alors leur nom, prénom et domicile, ainsi que leurs liens de parenté, d'alliance, de subordination, ou de communauté d'intérêts avec l'une ou l'autre des parties.
Examiner la victime et décrire les lésions imputables à l'accident dont elle a été victime le 5 août 2008 ; indiquer l'évolution des lésions préciser si celles-ci sont bien en relation directe et certaines avec ledit accident. Fixer la date de consolidation des blessures et si celle-ci n'est pas encore acquise, indiquer le délai à l'issu duquel un nouvel examen devra être réalisé et évaluer les seuls chefs de préjudice qui peuvent l'être en l'état
SUR LES PRÉJUDICES TEMPORAIRES (avant consolidation) :
Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire (gêne dans les actes de la vie courante), en indiquant s'il a été total ou partiel, déterminer également la durée de l'incapacité professionnelle en précisant également si elle a été totale ou si une reprise partielle est intervenue et dans ce cas, en préciser les conditions et la durée.
Dégager en les spécifiant les éléments propres à justifier une indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire résultant pour la victime de l'altération temporaire de son apparence physique subie jusqu'à sa consolidation ; qualifier l'importance du préjudice ainsi défini selon l'échelle à sept degrés.
Dégager en les spécifiant les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur en prenant en compte toutes les souffrances physiques et psychiques ainsi que les troubles associés que la victime a dû endurer du jour de l'accident à celui de sa consolidation ; qualifier l'importance de ce préjudice ainsi défini selon l'échelle à 7o
Rechercher si la victime était, du jour de l'accident à celui de sa consolidation, médicalement apte à exercer les activités d'agrément notamment sportives ou de loisirs qu'elle pratiquait avant l'accident.
SUR LES PREJUDICES PERMANENTS (après consolidation) :
Déterminer la différence entre la capacité antérieure dont le cas échéant, les anomalies devront être discutées et évaluées et la capacité actuelle et dire s'il résulte des lésions constatées à un déficit fonctionnel permanent en prenant notamment en compte la réduction définitive du potentiel psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte de l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable ainsi que les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite et enfin, les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours ; s'il existe un tel déficit, après en avoir précisé les éléments, en chiffrer le taux existant au jour de l'examen.
Dire si malgré le déficit fonctionnel permanent, la victime est au plan médical, physiquement et intellectuellement apte à reprendre dans les conditions antérieures ou autres, l'activité qu'elle exerçait à l'époque de l'accident tant sur le plan professionnel que dans la vie courante.
Dégager en les spécifiant les éléments propres à justifier une indemnisation au titre du préjudice esthétique permanent résultant pour la victime de l'altération de son apparence physique persistant après sa consolidation ; qualifier l'importance de ce préjudice ainsi défini selon l'échelle à sept degrés.
Rechercher si la victime est encore médicalement apte à exercer les activités d'agrément, notamment sportives ou de loisirs qu'elle pratiquait avant l'accident.
Dire si l'état de la victime est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration ; dans l'affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution ainsi que sur la nature des soins, traitements et interventions éventuellement nécessaires dont le coût prévisionnel sera alors chiffré et les délais dans lesquels il devra y être procédé Se faire communiquer le relevé de débours de l'organisme social de la victime et indiquer si les frais qui y sont inclus sont bien en relation directe, certaine et exclusive avec l'accident en cause.
Dit que l'expert désigné pourra en cas de besoin s'adjoindre le concours de tous spécialistes de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir simplement avisé les conseils des parties,
Dit que les frais d'expertise seront avancés directement par le Trésor Public,
Dit que l'expert procédera à sa mission dès réception de sa mission, qu'il adressera un pré rapport aux conseils des parties qui, dans les quatre semaines de la réception lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport définitif qui devra être déposé avant le 22 juillet 2011, sauf prorogation dûment autorisée,
Déclare le présent arrêt opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard,
Rejette la demande de provision,
Condamne les intimés aux dépens de première instance et d'appel dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit des avoués de la cause qui en ont fait la demande et recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Arrêt signé par Monsieur DELTEL, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé.