ARRÊT No185
R. G. : 10/ 03619
IT/ CM
JUGE DE L'EXECUTION DE PRIVAS 25 juin 2010
X... Y...
C/
SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B
ARRÊT DU 15 MARS 2011
APPELANTS :
Monsieur Philippe X... né le 30 Décembre 1958 à AUBENAS (07200)... Villa Eole 07000 PRIVAS
représenté par la SCP POMIES-RICHAUD VAJOU, avoués à la Cour assisté de Me Serge ALMODOVAR, avocat au barreau de VALENCE
Madame Fatna Y... épouse X... née le 23 Juillet 1965 à VILLENEUVE DE BERG (07170)... Villa Eole 07000 PRIVAS
représentée par la SCP POMIES-RICHAUD VAJOU, avoués à la Cour assistée de Me Serge ALMODOVAR, avocat au barreau de VALENCE
INTIMÉE :
SA BPI BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domicilié en cette qualitéau siège social sis 4 Rue du Général Foy 75008 PARIS
représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assistée de Me CAQUELIN, avocat au barreau de PARIS, substitué par la SCP TOURNIER BARNIER, avocat au barreau de NÎMES
Statuant sur appel d'un jugement rendu par le Juge de l'Exécution
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Gérard DELTEL, Président, Mme Isabelle THERY, Conseiller, Mme Nicole BERTHET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 18 Janvier 2011, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Mars 2011. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Gérard DELTEL, Président, publiquement, le 15 Mars 2011, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
**** FAITS et PROCÉDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 16 juillet 2010 par M. Philippe X... et Madame Fatna Y... épouse X... à l'encontre du jugement prononcé le 25 juin 2010 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Privas qui a sursis à statuer sur la contestation relative à la saisie attribution effectuée entre les mains de la banque Marze et compagnie.
Vu l'ordonnance rendue par le délégué du premier président de la cour d'appel de Nîmes le 19 novembre 2010 qui autorise les époux X... à relever appel du jugement du 25 juin 2010,
Vu la déclaration d'appel du 22 novembre 2010 des époux X...,
Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 13 janvier 2011 par M. Philippe X... et Madame Fatna Y... épouse X..., appelants et le 14 janvier 2011 par la SA BPI banque patrimoine et immobilier, intimée, (ci-après désignée la banque) auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.
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En vertu d'un acte notarié établi le 11 mai 2005 par Maître Philippe Z..., notaire à Lyon, la SCI Villefranche Arnaud a vendu à M. Philippe X... et à son épouse Madame Fatna Y... en l'état futur d'achèvement le lot numéro 73 constitué d'un appartement de type 4 et le lot 91 constitué d'un garage dépendant d'un ensemble immobilier en copropriété dénommé « le quai des lilas » situé à Villefranche-sur-Saône moyennant le prix de 234. 600 € financé en totalité au moyen d'un emprunt contracté par acte notarié du même jour auprès de la banque patrimoine et immobilier remboursable en 27 ans, le paiement de la première échéance devant intervenir le 25 juin 2005.
Les emprunteurs ayant cessé de régler le prêt au mois de mars 2009, la banque a notifié aux époux X... la déchéance du terme et les a mis en demeure par courrier du 13 juillet 2009.
Suivant procès-verbal du 22 décembre 2009, la banque a dénoncé aux époux X... la saisie attribution pratiquée le 18 décembre 2009 entre les mains de la banque Marze et compagnie pour avoir paiement de la somme de 247. 896, 92 € sur le fondement de la copie exécutoire de l'acte notarié de prêt du 11 mai 2005.
Par acte du 25 janvier 2010, les époux X... ont fait assigner la banque patrimoine et immobilier devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Privas aux fins principalement d'obtenir la main levée de la saisie pratiquée.
Par jugement du 25 juin 2010, le juge de l'exécution a sursis à statuer sur la demande des parties jusqu'à ce qu'une juridiction pénale se soit prononcée sur les faits dénoncés, ordonné en conséquence la radiation de l'affaire du rang des affaires en cours, dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir à nouveau le juge de l'exécution en déposant des conclusions de reprise d'instance et réservé les dépens.
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Les époux X... ont été autorisés par ordonnance du délégué du premier président du 19 novembre 2010 à interjeter appel de ce jugement.
Ils demandent à la Cour de recevoir leur appel et de le déclarer bien fondé, d'infirmer le jugement déféré, de juger que l'acte notarié servant de fondement à la voie d'exécution est un simple acte sous seing privé en l'absence de la procuration qu'ils ont donnée dans l'acte de prêt et de vente et d'ordonner en conséquence la main levée de la saisie attribution pratiquée entre les mains de la banque Marze. À titre subsidiaire, ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a accordé un sursis à statuer et en tout état de cause la condamnation de la banque à leur verser la somme de 1200 € pour leur frais irrépétibles
Ils expliquent qu'ils ont interjeté appel dans la mesure où la décision de sursis n'a pas été prise en considération du fait qu'il n'était pas justifié de l'absence de procuration alors que les pièces versées aux débats permettaient de retenir la demande principale de main levée.
Ils ne s'opposent pas à la demande de jonction et considèrent que leur contestation est recevable dès lors qu'elle ne porte pas sur les opérations de saisie mais tend à voir constater que la banque ne dispose pas d'un titre exécutoire au sens des dispositions légales.
Ils soutiennent en conséquence l'inapplicabilité des articles 45 de la loi du 9 juillet 1991 et 66 du décret du 31 juillet 1992.
Ils observent sur le fond que la procuration prétendument donnée ne figure pas dans l'acte de prêt, pas plus que celle de la banque, que l'acte de vente contrairement aux indications portées sur l'acte de prêt ne fait pas figurer en enliassement les deux procurations de sorte que les dispositions du décret du 26 novembre 1971 ne sont pas respectées et que l'acte étant disqualifié en un acte sous seing privé, ne peut fonder des mesures d'exécution.
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La SA banque patrimoine et immobilier demande à la Cour : – " avant dire droit " d'ordonner la jonction des deux procédures no10/ 3621 et 10/ 3619, de déclarer irrecevables les demandes des époux X... et recevable son appel incident en réformant le jugement déféré, – " in limine litis " de se déclarer incompétent au titre des demandes ressortant de la compétence exclusive du tribunal de grande instance territorialement compétent pour tout ce qui concerne une éventuelle action contractuelle ou quasi contractuelle relative à : l'appréciation de la validité de l'acte au sens des articles 1317 à 1319 du Code civil en l'absence de procédure d'inscription de faux principale ou incidente, un taux effectif global qui serait erroné, une éventuelle déchéance des intérêts contractuels, la prétendue méconnaissance de l'obligation de mise en garde du banquier, un prétendu vice du consentement émanant d'un tiers qui n'est pas partie à l'instance, un prétendu caractère frauduleux de l'acte authentique, les prétendues irrégularités qui vicieraient l'acte notarié résultant de fait de tiers qui ne sont pas parties de l'instance. – en tout état de cause de déclarer irrecevables les demandes sur le fondement des dispositions de l'article 66 du décret du 31 juillet 1992 à défaut de justification de l'envoi en lettre recommandée avec avis de réception à l'huissier instrumentaire et du délai d'un mois concernant la saisie.
Subsidiairement au fond, elle conclut au débouté des contestations des appelants fondées sur le décret 71 – 941 du 26 novembre 1971 et sur l'article 4 du code de procédure pénale alors que ce dernier s'applique uniquement aux instances en cours. Elle réclame la somme de 3500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait essentiellement valoir sur le fond que les appelants ne peuvent valablement invoquer les dispositions des articles 1 à 31 du décret du 26 novembre 1971 qui concernent exclusivement la minute de l'acte notarié, qu'en matière de prêt, aucun texte n'impose une procuration authentique et n'oblige à joindre la photocopie des annexes aux copies exécutoires délivrées par les notaires.
Elle observe également que les époux X... n'ont engagé aucune action tendant à remettre en cause la validité de l'acquisition financée au moyen du prêt qui leur a été accordé par la banque, qu'ils ne justifient pas qu'une plainte en faux ait été déposée à l'encontre des notaires au titre des procurations consenties les 22 février et 11 mai 2005.
Elle souligne enfin que les mesures d'exécution en vertu du titre exécutoire sont parfaitement légitimes alors que les appelants bénéficient de la situation puisqu'ils sont propriétaires des biens immobiliers, perçoivent des loyers, ont bénéficié de remboursement de la TVA et bénéficient d'avantages fiscaux.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La régularité et la recevabilité de l'appel n'étant pas discutées par l'intimée au regard de l'ordonnance de référé rendue le 19 novembre 2010, il sera déclaré recevable.
Sur la demande de jonction
Si les deux instances soumises à la Cour ont pour objet de voir ordonner la main levée des saisies attributions pratiquées en vertu d'un même titre, force est de constater que Madame Fatna Y... épouse X... n'est pas partie dans le cadre de l'instance enregistrée sous le no 10/ 03621 et que s'agissant de tiers saisis différents, les actes de procédure qui ont donné lieu à deux instances nécessitent une analyse distincte en fonction des dates des procès verbaux et peuvent ainsi donner lieu à des décisions non identiques.
Il n'y a donc pas lieu dans ces conditions d'ordonner la jonction des deux procédures.
Sur la fin de non recevoir tirée du non-respect du délai prévu pour la contestation et de la non-dénonciation de la contestation de la saisie attribution à l'huissier saisissant
La recevabilité de la contestation des époux X... est soumise en vertu des articles 45 de la loi du 9 juillet 1991 et 66 du décret no92 – 755 du 31 juillet 1992 à la signification dans le délai d'un mois suivant la dénonciation aux débiteurs de la saisie attribution d'une assignation au créancier saisissant et à la dénonce le même jour à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie par lettre recommandée avec avis de réception.
La sanction de l'inobservation des délais prévus par ces textes est l'irrecevabilité de la contestation sans qu'il soit nécessaire de faire la preuve d'un grief.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants et à ce qu'a retenu le premier juge, il n'y a pas lieu de distinguer sauf à ajouter au texte entre les contestations relatives à la saisie proprement dite et celles non exclusivement liées à celle-ci et portant en particulier sur le titre exécutoire dès lors que les contestations exprimées ont pour seul but de voir ordonner la main levée de la saisie attribution.
Le bien-fondé de cette saisie nécessite à tout le moins pour le créancier en vertu de l'article 42 de la loi précitée de démontrer l'existence d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible de sorte que l'examen de la régularité de la procédure de saisie suppose de se prononcer sur les contestations éventuelles portant sur ce titre.
Il doit être relevé à cet égard que l'article 45 précité emploie l'adverbe " toute " (contestation) qui traduit ainsi la volonté du législateur d'inclure l'ensemble des contestations pour les soumettre au juge de l'exécution quel que soit leur fondement dès lors que cette contestation a trait à la saisie.
Le troisième alinéa de l'article 45 prévoit d'ailleurs en cas de non-respect du délai prescrit la possibilité pour le débiteur d'agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent ce qui conforte si nécessaire cette analyse.
En l'espèce, la saisie attribution a été diligentée auprès de la banque Marze et compagnie suivant procès-verbal de saisie attribution du 18 décembre 2009 et régulièrement dénoncée le 22 décembre 2009 en l'étude d'huissier pour les deux débiteurs avec lettre adressée à ceux-ci (qui figure dans leur dossier) conformément aux dispositions de l'article 658 du code de procédure civile. Il doit être observé à la lecture de cette dénonce que la date d'expiration du délai pour contester la saisie est clairement mentionnée, soit le 22 janvier 2010.
Il est constant à l'examen des pièces de première instance communiquées par les appelants que l'assignation a été délivrée le 25 janvier 2010 et signifiée au créancier le 26 janvier 2010, soit plus d'un mois après la dénonce de sorte que la contestation n'est pas recevable et rend fondée la fin de non recevoir soulevée.
L'action des époux X... doit être déclarée irrecevable sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le deuxième moyen tiré de l'absence de dénonciation le même jour à l'huissier de justice instrumentaire, étant relevé au demeurant que les débiteurs reconnaissent aux termes de leurs écritures que la dénonce à l'huissier saisissant n'a pas été réalisée à la suite d'une erreur de l'huissier de justice qui a délivré l'assignation.
L'irrecevabilité de l'action ne permet pas à la Cour d'examiner les autres moyens développés à l'appui de la contestation et justifie d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Sur les frais de l'instance
L'équité commande de n'allouer aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La prétention de la banque à ce titre sera écartée.
Les époux X... qui succombent devront supporter les dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par les époux X...,
Rejette la demande de jonction de l'instance enregistrée sous le no10/ 03619 avec celle enregistrée sous le no10/ 03621,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les contestations formées par les époux X... par acte du 25 janvier 2010 à l'encontre de la saisie attribution pratiquée le 18 décembre 2009 auprès de la banque Marze et compagnie,
Rejette la demande de la SA banque patrimoine et immobilier au titre des frais irrépétibles,
Condamne M. Philippe X... et Madame Fatna Y... épouse X... aux dépens de première instance et d'appel dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Curat Jarricot, avoué qui en a fait la demande.
Arrêt signé par Monsieur DELTEL, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé