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19/10/2010 | FRANCE | N°542

France | France, Cour d'appel de nîmes, 1ère chambre a, 19 octobre 2010, 542


COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A

ARRÊT No542
R. G. : 09/ 03682
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 28 mai 2009

X...
C/
X...
APPELANT :
Monsieur Laurent X... né le 18 Avril 1967 à NÎMES (30)... 30540 MILHAUD

représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me Alexandre BERTEIGNE, avocat au barreau de NÎMES

INTIMÉ :
Monsieur Richard X... né le 08 Juin 1968 à NÎMES (30)...... 30701 UZES CEDEX

représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assisté de Me

Claude BEGUE, avocat au barreau de NÎMES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/ 008265 du 14/ 10/ 200...

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A

ARRÊT No542
R. G. : 09/ 03682
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 28 mai 2009

X...
C/
X...
APPELANT :
Monsieur Laurent X... né le 18 Avril 1967 à NÎMES (30)... 30540 MILHAUD

représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me Alexandre BERTEIGNE, avocat au barreau de NÎMES

INTIMÉ :
Monsieur Richard X... né le 08 Juin 1968 à NÎMES (30)...... 30701 UZES CEDEX

représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assisté de Me Claude BEGUE, avocat au barreau de NÎMES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/ 008265 du 14/ 10/ 2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 01 Octobre 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Dominique BRUZY, Président, Mme Christine JEAN, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller,

GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 05 Octobre 2010, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Octobre 2010 Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 19 Octobre 2010, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour * * *

Le 3 novembre 2000 vers 22h00, alertés par un voisin, les gendarmes de la brigade de GOUDARGUES se rendaient au domicile de la famille X... situé au lieu dit "... " à BELVEZET (30) où ils découvraient les cadavres de Monsieur Henri X... et de son épouse Sylvaine. Ils interpellaient leur fils Richard X... qui leur indiquait qu'au cours de la soirée, alors qu'il se trouvait dans sa chambre, il avait perçu le bruit de tuiles cassées, s'était senti agressé, et, ayant perçu la présence d'une personne sur le balcon, avait tiré un coup de feu à travers la porte de sa chambre à l'aide d'un fusil de chasse, que ses parents, alertés par la détonation s'étaient rendus sur le balcon, qu'à son tour, il était sorti de sa chambre et porteur d'un couteau avait frappé d'abord sa mère en lui portant trois coups au thorax puis en l'égorgeant, qu'ensuite, il avait frappé son père, qui avait tenté de l'assommer à l'aide de la crosse d'un fusil, en lui portant deux coups de couteau au niveau du c œ ur avant de " l'achever " en l'égorgeant. Il expliquait au juge d'instruction : « j'avais le couteau à la main, ma mère était devant moi, j'avais toute cette pression concentrée sur moi, il fallait que je me soulage, la mort était la seule solution ». Une première expertise psychiatrique de Richard X... était confiée au docteur C... qui diagnostiquait un trouble psychique ayant aboli son discernement et le contrôle de ses actes ; une deuxième expertise était confiée aux docteurs D... et E... qui décrivaient une psychose délirante chronique et concluaient que l'infraction était directement en relation avec cette pathologie psychiatrique, laquelle abolissait totalement son discernement et le contrôle de ses actes.

Par ordonnance du 5 juillet 2002, le juge d'instruction prononçait le non-lieu fondé sur les dispositions de l'article 122-1 du Code pénal.
Par arrêt du 14 novembre 2002, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de céans confirmait cette ordonnance pour le même motif.
Par jugement du 12 juillet 2004, le tribunal de grande instance de Nîmes jugeait Richard X... tenu d'indemniser, sur le fondement des articles 489-2 et 1382 du Code civil, les ayants droit d'Henri et Sylvaine X... et leur allouait des dommages et intérêts outre frais et dépens.
Par acte du 10 avril 2008, Monsieur Richard X... faisait assigner son frère Laurent devant le tribunal de grande de Nîmes aux fins de partage de la succession de leurs parents. Monsieur Laurent X... s'opposait à cette action ; il soulevait la nullité de l'assignation pour incapacité, et sur le fond, il invoquait l'indignité successorale sur le fondement de l'article 727 ancien du Code civil, subsidiairement les dispositions de l'article 911 du même Code.

Par jugement du 28 mai 2009, le tribunal a :

- dit n'y avoir lieu de déclarer nulle l'assignation délivrée par Monsieur Richard X... dans le cadre de la présente instance-ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur Henri X... et de Madame Sylvaine X..., son épouse

-commis pour y procéder Monsieur le Président de la Chambre des Notaires du ressort du Tribunal, avec faculté de délégation
-désigné un juge commissaire
-ordonné une expertise aux frais avancés de Monsieur Richard X... et commis pour y procéder Monsieur Michel B... à l'effet de décrire et évaluer les biens meubles et immeubles dépendant de la succession, dire si un partage en nature est possible et, dans l'affirmative, proposer des lots aux fins d'un tirage au sort, dans la négative, proposer une mise à prix des biens immobiliers en vue de la licitation
-rejeté le surplus des demandes
-dit que les dépens de l'instance seraient employés en frais privilégiés de partage.
***
Monsieur Laurent X... a relevé appel de ce jugement. Cet appel a été enrôlé sous le no 09/ 03862. Par conclusions du 20 août 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens, il demande à la cour de :
Vu notamment l'art 414-1 et suivants du code civil Statuant à nouveau,

Dire et juger recevable et régulier l'appel interjeté par M. Laurent X...
Constatant l'insanité d'esprit de Richard X...
Dire et juger irrecevable et nulle de plein droit l'assignation diligentée
Subsidiairement
Si par extraordinaire le tribunal devait juger recevable l'assignation introductive d'instance
Vu notamment les articles 727 et suivants du code civil
Vu La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et :
L'article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme (ci après « La Convention ») consacre le droit à un procès équitable : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

Par ailleurs, l'article 13 de la Convention prévoit également le droit à un recours effectif :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
Enfin, l'article 14 de la Convention prévoit une interdiction de la discrimination :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
Vu le parricide commis le 3 novembre 2000 par Richard X...
Dire et juger que les dispositions du code civil régissant l'indignité successorale portent atteinte de manière grave au principe du procès équitable et au droit à un recours effectif au juge ainsi qu'au principe de non discrimination entre les personnes
En conséquence, dire et juger qu'il appartient au juge civil de manière prétorienne d'apprécier la gravité de la faute commise par Richard X... afin de dire et juger qu'il doit être déclaré indigne de recueillir la succession de ses parents
Dire et juger y avoir lieu à appliquer la sanction de l'indignité successorale à l'encontre de Richard X..., en conséquence le priver de tous droits dans la succession
Subsidiairement,
Vu la mort violente intervenue par la main de Richard X...
Dire et juger que Richard X... s'est approprié la succession de ses parents par dol et violence
En conséquence, exclure le demandeur de tous droits dans la succession accaparée et captée par violence,
Le condamner à rapporter tous biens ou valeurs obtenue indûment par voie de donation et de captation, notamment au visa de l'art 911 du code civil
CONDAMNER Monsieur Richard X... à porter et payer à Monsieur Laurent X... la somme de 2000, 00 € au titre de l'Article 700 du NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits comme en matière d'appel au profit de la SCP GUIZARD SERVAIS, Avoués.
Par conclusions du 13 septembre 2010 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et de ses moyens, Monsieur Richard X... demande à la cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions par adoption de ses motifs, le jugement rendu le 28 mai 2009 par le tribunal de grande instance de Nîmes ;
Dire n'y avoir lieu de déclarer nulle l'assignation délivrée par Monsieur Richard X... ;
Rejeter la demande d'indignité successorale fondée tant sur l'article 726 que sur l'article 727 du code civil modifiés ;
Rejeter la demande d'indignité successorale fondée sur l'article 727 ancien du code civil.
A toutes fins, dire et juger que la forclusion était encourue par application de l'article 727-1 du code civil ;
Dire n'y avoir lieu à saisine de la Cour de cassation sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Laurent X....
Ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession des époux Henri et Sylvaine X...
Désigner le Président de la chambre des notaires pour y procéder sous le contrôle d'un magistrat du siège pour faire rapport en cas de difficulté
Ordonner une mesure d'expertise avec la mission fixée par le tribunal.
Débouter Monsieur Laurent X... de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
Condamner Monsieur Laurent X... aux entiers dépens d'appel lesquels distraits au profit de la SCP POMIES-RICHAUD VAJOU, avoué, et qui seront recouvrés comme il est prescrit en matière d'Aide Juridictionnelle.
***
Par écrit distinct et motivé déposé au greffe le 20 août 2010 et enrôlé sous le no 10/ 04141, Monsieur Laurent X... demande à la cour de :
Tenant les dispositions de la Loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République, promulguée le 15 décembre 2009, et entrée en vigueur le 1er mars 2010,
Tenant les Décrets no 2010-148 et no 2010-149 du 16 février 2010,
Tenant l'Ordonnance no 58 · 1067 et notamment les dispositions de l'article 23-5,
Tenant les dispositions de l'article 61-1 de la Constitution,
Tenant les dispositions du Décret 2010-148 du 16 février 2010,
Tenant les dispositions de l'article 126-2 du Code de Procédure civile,
Tenant les dispositions des articles 502 et suivants du Code de Procédure civile,
Tenant l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et du Citoyen,
Vu la Loi organique no 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61 · 1 de la Constitution,
Vu les articles 726 et 727 ancien et nouveau du Code civil,
Vu le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité,
Vu l'absence de question prioritaire de constitutionnalité sur les dispositions législatives sus-visées,
SURSEOIR A STATUER dans la présente instance,
TRANSMETTRE au Ministère Public les présentes conclusions d'inconstitutionnalité,
RENVOYER la question prioritaire de constitutionnalité devant la Cour de cassation.
Que la Cour et le Conseil Constitutionnel se réservent la faculté d'appliquer la décision d'inconstitutionnalité à intervenir pour la présente instance en cours.
La question prioritaire de constitutionnalité étant la suivante :
L'exigence d'une condamnation sur le plan pénal comme condition nécessaire afin de prononcer une indignité successorale est-elle constitutive d'une violation d'un droit constitutionnellement garanti tel que :- l'égalité de chaque citoyen devant la Loi-le principe de non-discrimination-le droit d'un recours effectif au juge

Suivant mémoire communiqué le 13 septembre 2010, Monsieur Richard X... soutient qu'aucun des droits fondamentaux protégés par la constitution n'est violé en l'espèce ; il fait valoir que dans les textes auquel renvoie le préambule de la constitution ne figure pas la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il expose notamment que pour ce qui est tout particulièrement du principe d'égalité, le Conseil constitutionnel a déjà jugé dans de nombreuses espèces que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'à des situations différentes puissent être appliquées des règles différentes, ni à ce que la loi établisse des règles non identiques à l'égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, ni encore à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. En conséquence, il considère n'y avoir lieu à saisine de la Cour de cassation.
L'affaire a été communiquée au ministère public qui a présenté les observations suivantes :
‘ Attendu que la rupture alléguée d'égalité par l'inégalité entre le bénéficiaire d'un non-lieu pour homicide et le condamné définitif du même chef ne relève pas d'une discrimination prohibée par le bloc de constitutionnalité ; que les exceptions aux principes successoraux sont d'interprétation stricte ; que le moyen n'est pas sérieux ; Attendu que le droit au recours effectif à un juge ne relève pas du contrôle de constitutionnalité mais du contrôle de conventionnalité (CEDH) que la Cour d'appel de Nîmes doit donc elle-même examiner ce moyen sans pouvoir saisir le Conseil constitutionnel ; Par ces motifs, plaise à la Cour rejeter la question prioritaire de constitutionnalité.'

Les articles 726, 727, 727-1 du Code civil n'ont pas été antérieurement déférés au Conseil constitutionnel et il n'apparaît pas qu'une question prioritaire de constitutionnalité concernant ces textes soit actuellement pendante devant la Cour de cassation.
***
Les instances ont été jointes par ordonnance du 2 septembre 2010 sous le no 09/ 3682 et la mise en état a été clôturée par ordonnance du 1er octobre 2010.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la recevabilité de l'action :
Attendu que la circonstance qu'une personne, tel Richard X..., soit hospitalisée même contre sa volonté dans un établissement spécialisé dans le traitement des affections psychiatriques ne fait pas en soi présumer son incapacité juridique, laquelle n'a pas à ce jour été constatée par une décision de placement sous un régime de protection d'incapable majeur concernant le demandeur ; que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande d'annulation de l'assignation pour incapacité.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
Vu les articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,
Attendu que l'article 727 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001, applicable en l'espèce en raison de la date des faits, disposait que :
Sont indignes de succéder et, comme tels, exclus de la succession : 1 o Celui qui sera condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt ; 2o Celui qui a porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse ; 3o L'héritier majeur qui, instruit du meurtre du défunt, ne l'aura pas dénoncé à la justice.

Attendu que les articles 726 et 727 du Code civil, issus de la loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001, partiellement applicables en l'espèce en fonction des règles d'application de la loi dans le temps, disposent que :
Art. 726 Sont indignes de succéder et, comme tels, exclus de la succession :
1 o Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ; 2o Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.

Art. 727 Peuvent être déclarés indignes de succéder :
1 o Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ; 2o Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner ; 3o Celui qui est condamné pour témoignage mensonger porté contre le défunt dans une procédure criminelle ; 4o Celui qui est condamné pour s'être volontairement abstenu d'empêcher soit un crime soit un délit contre l'intégrité corporelle du défunt d'où il est résulté la mort, alors qu'il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers ; 5o Celui qui est condamné pour dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque, pour les faits dénoncés, une peine criminelle était encourue ; Peuvent également être déclarés indignes de succéder ceux qui ont commis les actes mentionnés aux 1o et 2o et à l'égard desquels, en raison de leur décès, l'action publique n'a pas pu être exercée ou s'est éteinte.

Attendu que le principe de l'égalité de tous devant la loi, garanti par la Constitution par renvoi de son préambule à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, n'est pas exclusif du traitement dans des termes différents de situations objectivement différentes ; qu'en maintenant des droits égaux entre les héritiers lorsque l'un d'entre eux, ayant donné la mort au défunt, n'est pas accessible à une sanction pénale, la loi ne crée pas une discrimination contraire aux droits fondamentaux garantis par la Constitution ; qu'en ne privant de droits dans la succession que celui qui a donné volontairement et consciemment la mort, ou à présent celui qui a de la même façon commis des violences d'une gravité telle qu'elle a entraîné la mort, le législateur a entendu attacher tant la sanction civile que la sanction pénale à l'intention homicide ; que quelle que soit la souffrance qui en résulte pour les ayants droits du défunt, comme pour la victime directe de tout acte de violence resté pénalement impuni en raison d'une pathologie psychiatrique faisant obstacle aux poursuites devant une juridiction répressive, il ne peut être soutenu que le choix du législateur contreviendrait aux garanties constitutionnelles ; que le moyen n'apparaît donc pas sérieux au sens de l'article 23-2 (3o) de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ; qu'il n'y a pas lieu à question prioritaire de constitutionnalité de ce chef.
Attendu qu'il appartient au constituant seul de donner valeur constitutionnelle aux engagements internationaux de la France ; que tel n'est pas le cas du grief de privation du droit au procès équitable et de l'accès effectif au juge au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ni du grief de discrimination au regard de l'article 14 de cette Convention qui ne relèvent pas du contrôle de constitutionnalité mais du contrôle de conventionnalité ; qu'il n'y a pas lieu à question prioritaire de constitutionnalité de ce chef.
Attendu que Monsieur Laurent X... n'est pas privé de l'accès au juge ; que si la décision rendue par les premiers juges blesse le souvenir révérencieux de ses parents cruellement privés de la vie, sa cause a été entendue par un tribunal indépendant et impartial, dont la décision est fondée sur des dispositions législatives légalement faites dont le juge n'est pas l'esclave mais dont il a pour mission de faire application ; qu'il n'est privé de recours ni contre le jugement qu'il discute ni contre le présent arrêt, ne se plaignant en fait que de la substance de la loi et non de l'impossibilité d'en obtenir la juste application ; et attendu que les dispositions qui heurtent sa conscience s'appliquent à tous justiciables sans distinction d'origine, de race, de croyance ou d'opinions, de sorte qu'elles ne présentent pas un caractère discriminatoire qui justifierait que le juge refuse d'en faire application.

Sur le fond

Attendu que l'indignité successorale suppose l'intention coupable que la loi exige en posant comme condition à son prononcé que l'auteur du geste homicide ait été condamné à une peine criminelle ou correctionnelle ; qu'en l'état du non-lieu dont a bénéficié Richard X..., les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions de l'article 727 ancien et des articles 726 et 727 nouveaux du Code civil.
Attendu que l'appel de Monsieur Laurent X... ne peut davantage prospérer sur le fondement des dispositions de l'article 911 du Code civil qui ne concernent que les libéralités ni sur le fondement du dol ou de la violence, s'agissant de causes de nullité des conventions et la sanction des faits de violence étant, en matière successorale, enfermée dans les limites des dispositions légales spéciales portées aux articles 726 et 727 du Code civil.
Attendu que le jugement entrepris, fondé sur des motifs pertinents, doit être confirmé ; que les dépens doivent être pris en frais privilégiés de partage.

Par ces motifs, la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile, en dernier ressort,

En la forme, reçoit Monsieur Laurent X... en son appel et en son mémoire aux fins de question prioritaire de constitutionnalité ;
Dit n'y avoir lieu à question prioritaire de constitutionnalité ;
Rappelle que le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre le présent arrêt statuant au fond.
Dit n'y avoir lieu à refus d'application des articles 727 ancien, 726 et 727 nouveaux du Code civil comme contrevenant aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Confirme le jugement déféré.
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage avec application des règles de l'Aide juridictionnelle et alloue à la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU et à la SCP GUIZARD-SERVAIS le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Arrêt qui a été signé par Monsieur BRUZY, président, et par Madame VILLALBA, greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : 1ère chambre a
Numéro d'arrêt : 542
Date de la décision : 19/10/2010

Analyses

SUCCESSION

1) Le principe de l'égalité de tous devant la loi, garanti par la Constitution par renvoi de son préambule à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, n'est pas exclusif du traitement dans des termes différents de situations objectivement différentes. En maintenant des droits égaux entre les héritiers lorsque l'un d'entre eux, ayant donné la mort au défunt, n'est pas accessible à une sanction pénale, la loi ne crée pas une discrimination contraire aux droits fondamentaux garantis par la Constitution. En ne privant de droits dans la succession que celui qui a donné volontairement et consciemment la mort, le législateur a entendu attacher tant la sanction civile que la sanction pénale à l'intention homicide. En l'espèce, quelque soit la souffrance qui en résulte pour lui en tant qu'ayant droit du défunt, le demandeur ne peut soutenir que les dispositions régissant l'indignité successorale contreviennent aux garanties constitutionnelles. Dès lors, le moyen n'apparaissant pas sérieux au sens de l'article 23-2 (3º) de l'ordonnance du 7 novembre 1958, il n'y a pas lieu à question prioritaire de constitutionnalité de ce chef. 2) En l'état du non-lieu dont a bénéficié le défendeur, les premiers juges ont fait une exacte application des dispositions de l'article 727 ancien et des articles 726 et 727 nouveaux du code civil, puisque l'indignité successorale suppose l'intention coupable que la loi exige en posant comme condition à son prononcé que l'auteur du geste homicide ait été condamné à une peine criminelle ou correctionnelle.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nîmes, 28 mai 2009


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2010-10-19;542 ?
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