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09/02/2010 | FRANCE | N°223

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 09 février 2010, 223


COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 09 FEVRIER 2010

ARRÊT N 223
R. G. : 08 / 03582
RT / AG

CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AVIGNON
05 novembre 2008
Section : Commerce

X...
SYNDICAT F APT-CGT
C /
LA POSTE
HALDE
SYNDICAT F APT-CGT

APPELANTS :

Monsieur Laurent X...
né le 18 Janvier 1972 à PERPIGNAN (66000)
...
84000 AVIGNON

représenté par la SCP BREUILLOT et VARO, avocats au barreau de CARPENTRAS
SYNDICAT F APT-CGT
Avenue du Compagnonage
84021 AVIGNON CEDEX

représ

enté par Madame Gisèle PAGES dûment munie d'un pouvoir régulier

INTIMÉES :

LA POSTE
prise en la personne de son représentant légal en exercice ...

COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 09 FEVRIER 2010

ARRÊT N 223
R. G. : 08 / 03582
RT / AG

CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AVIGNON
05 novembre 2008
Section : Commerce

X...
SYNDICAT F APT-CGT
C /
LA POSTE
HALDE
SYNDICAT F APT-CGT

APPELANTS :

Monsieur Laurent X...
né le 18 Janvier 1972 à PERPIGNAN (66000)
...
84000 AVIGNON

représenté par la SCP BREUILLOT et VARO, avocats au barreau de CARPENTRAS
SYNDICAT F APT-CGT
Avenue du Compagnonage
84021 AVIGNON CEDEX

représenté par Madame Gisèle PAGES dûment munie d'un pouvoir régulier

INTIMÉES :

LA POSTE
prise en la personne de son représentant légal en exercice
Plateforme Colis
Allée Guy Nalin
84300 CAVAILLON

représentée par la SCP REQUET CHABANEL, avocats au barreau de plaidant par Maître CARRON, avocat

HALDE
11 rue Saint Georges
75009 PARIS

représentée par la SCP PH. CANO et C. CANO, avocats au barreau d'AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président,
Madame Sylvie COLLIERE, Conseiller,
Madame Nathalie DOMINIQUE, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :
à l'audience publique du 01 Décembre 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Février 2010

ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 09 Février 2010,

********

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur Laurent X... était embauché le 1er novembre 1994 par l'établissement La Poste en qualité de manutentionnaire et affecté à la plateforme colis à Cavaillon.
A la suite d'un accident de trajet il était arrêt de travail à compter du 22 juillet 1999, puis reprenait son travail, sur poste aménagé et à mi-temps thérapeutique, le 31 octobre 2000. La COTOREP le classait le 2 novembre 2000 comme travailleur handicapé catégorie 1, et la CPAM lui attribuait un taux d'incapacité de 35 %. Il poursuivait ensuite son travail mais à temps complet toujours avec poste aménagé. Consécutivement à un nouvel examen médical au mois d'avril 2001, et après intervention d'une commission interne de reclassement, réadaptation et réorientation il était affecté à compter du 10 septembre 2001 au poste d'encodage surveillance de zone, tractoriste-cariste-alimentation des antennes selon décision de la direction des opérations colis.
Lors d'une visite du 21 mai 2002 le médecin de prévention indiquait sur la fiche de compatibilité que le port de chaussures de sécurité était contre indiqué.
A la suite d'une rechute de l'accident il se trouvait en arrêt de travail à compter du 22 septembre 2003.
Le médecin de prévention de la Poste, le 14 novembre 2005, lors d'une visite de pré-reprise, émettait l'avis suivant :
Incompatibilité définitive au poste de travail, contre-indication manutention répétitive et port de poids de 5 kgs, à la marche à 2 heures et à la conduite d'un véhicule automobile. A reclasser sur un poste administratif, travail débout en alternance avec contact possible public ou en équipe.
Par lettre du même jour 14 novembre 2005, ce même médecin écrivait à la direction des ressources humaines à Villeurbanne, lieu de l'implantation de ce service, avec copie au responsable des ressources humaines à Cavaillon, la lettre suivante :
Madame,
J'ai reçu ce jour Monsieur X... Laurent en visite de Pré-Reprise du travail.
Son état de Santé contre-indique de façon définitive la Reprise sur un poste de manutentionnaire ou une position de Cariste-Tractoriste en PFC.
Les métiers de la Distribution sont également contre-indiqués (Incompatibilité à la conduite prolongée, à la marche ou à la station debout prolongée).
Un reclassement ne peut être possible que sur un poste de type administratif, accueil, travail Ecran ou guichet.
Vous trouverez ci-joint sa fiche de Visite Médicale accompagnée de la fiche 980-3, renseignée pour l'aide au reclassement.
Cette lettre était reçue le 23 novembre 2005 par l'employeur. Le 28 décembre suivant Monsieur X... était convoqué à un entretien préalable fixé au 10 janvier 2006, et licencié le 27 janvier 2006, avec dispense d'effectuer le préavis, pour :
" Votre absence prolongée depuis le 22 septembre 2003, soit 832 jours, n'a pas permis d'organiser le service de manière pérenne. Nous nous sommes donc trouvés dans la nécessité de pourvoir à votre remplacement définitif. Aussi, je vous informe que j'ai décidé de prononcer votre licenciement pour désorganisation du service. "
Invoquant le caractère discriminatoire de cette rupture, Monsieur X... saisissait le Conseil des prud'hommes d'Avignon, et informait la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité, ci après HALDE.
Par délibération du 12 février 2007, la HALDE considérait que Monsieur X... avait été l'objet d'une discrimination en raison de son handicap et de son état de santé en application des articles L 1132-1 et L 5213-6 du Code du travail.
Par jugement du 5 novembre 2008 le Conseil des prud'hommes décidait que le licenciement n'était pas nul, en l'absence de démonstration d'une discrimination, mais sans cause réelle et sérieuse et condamnait l'établissement public La Poste au paiement de la somme de 30 000 euros, ainsi qu'à 500 euros à titre de dommages et intérêts pour les retenues sur salaire illégales et 1. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur X... a régulièrement relevé appel de cette décision.
En cours d'instance d'appel la HALDE, par nouvelle délibération du 16 février 2009, maintenait sa première décision réitérant sa position sur l'existence à l'égard de Monsieur X... d'une discrimination en raison de son handicap et de son état de santé.
L'appelant soutient, par des conclusions du 31 août 2009, que contrairement à ce qu'a décidé le jugement le licenciement est nul.
a) En effet d'abord l'employeur a dissimulé les véritables raisons du licenciement qui sont liées à son état de santé, car ce n'est qu'après une absence de plus de trois ans que l'employeur a pris conscience que le service, auquel il était affecté, était désorganisé de ce fait,
Ensuite les éléments qu'il fournit laissent présumer l'existence d'une discrimination :
* le premier est relatif à une déclaration de la DRH ayant déclaré le jour de l'entretien préalable que s'il insistait pour être reclassé, elle le ferait muter dans la région parisienne,
* le second concerne l'attestation destinée à l'ASSEDIC mentionnant que le motif du licenciement est l'inaptitude physique du salarié,
* le troisième est un courrier du 18 octobre 2007 qui fait état de « une recherche d'une solution de reclassement consécutive à l'inaptitude de Monsieur X... ».
Il prétend donc que l'employeur n'apportant pas la preuve contraire, comme la loi lui en fait obligation, la décision de rupture du contrat doit s'analyser en une mesure discriminatoire frappant de nullité le licenciement.
b) Egalement il expose que son employeur devait obligatoirement organiser une visite médicale devant le médecin du travail et non devant le médecin de prévention, car il ne relevait pas du régime de la fonction publique mais de celui du secteur privé soumis au Code du travail.
Or selon la jurisprudence le licenciement prononcé en raison de l'état de santé d'un salarié dont l'inaptitude n'a pas été constatée conformément aux exigences de l'article R. 241-51-1 du code du travail, à l'issue de deux examens médicaux espacés d'un délai minimum de deux semaines, est nul en application de l'article L. 122-45 du même code.
Il demande donc à titre principal :
- sa réintégration,
- le paiement des salaires du licenciement à la date de réintégration soit 56. 300, 76 euros bruts au 31 août 2009 et les congés payés y afférents, étant précisé qu'il n'a pas perçu d'indemnités de chômage,
-100. 000 euros de dommages intérêts en raison de la discrimination dont il a fait l'objet.
Subsidiairement il demande la confirmation du jugement, et le paiement de la somme de 130. 360 euros à titre de dommages intérêts.
Enfin il sollicite en tout état de cause une indemnisation de ses frais à hauteur de 3. 500 euros.

Le syndicat FAPT-CGT, second appelant, demande :
- des dommages intérêts à hauteur de 144. 000 euros pour la violation par la Poste de ses obligations légales, réglementaires ou conventionnelles relativement à la situation des contractuels de droit privé travaillant pour La POSTE qui ne bénéficiaient pas des procédures de reclassement du Code du travail,
- la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la publication de la décision sous astreinte.

L'établissement La POSTE demande la confirmation du jugement exposant que :
- le licenciement est conforme à la jurisprudence et que les absences imposaient un remplacement de Monsieur X...,
- les missions du médecin du travail sont exercées au sein de la Poste par le médecin de prévention,
- sur l'intervention de la HALDE La Poste se fonde sur notre arrêt du 25 avril 2007 pour soutenir que cette « intervention » est contraire à l'article 6 de la CEDH, et que de même l'intervention du syndicat n'est pas recevable,
- subsidiairement si la réintégration devait être ordonnée une indemnisation entre la rupture du contrat et la date de réintégration ne peut être supérieure au montant des salaires déduction faite des revenus de remplacement, à savoir les indemnités journalières perçues à hauteur de 80 % de ses revenus à compter du 9 août 2006 jusqu'au 10 mai 2009 date de la consolidation par la CPAM,
- la demande de Monsieur X... est une indemnisation de 100 mois de salaire, ce qui est exorbitant, des dommages intérêts ne pouvant excéder 12 mois d'autant que Monsieur X... a retrouvé un emploi.
La HALDE a demandé devant la Cour son audition de plein droit en application de l'article 13 de la loi 2004-1486 du 30 décembre 2004.

MOTIFS

Sur l'intervention du syndicat
Attendu que selon l'article L441-11 devenu L2132-3 du Code du travail les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice, et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ;
Attendu que le syndicat FAPT-CGT allègue que l'établissement public La POSTE ne respecte pas les obligations légales, réglementaires ou conventionnelles en ce qui concerne les contractuels de droit privé qui ne bénéficiaient pas des procédures de reclassement instituées par le Code du travail ;
Attendu que cette prétention a pour objet de défendre un intérêt collectif de la catégorie des salariés relevant du droit privé depuis la loi 90-568 du 2 juillet 1990 ; que l'intervention est donc recevable et l'appel consécutif également ;

Sur la demande d'audition de la HALDE
Attendu que l'établissement public La POSTE se fonde sur les arrêts de la Cour, dont le premier du 25 avril 2007 a été publié sur le site Legifrance, pour soutenir que cette « intervention » est contraire à l'article 6 de la Convention EDH aux motifs que les dispositions dudit article 6 font obstacles à ce que la HALDE, puisse, à l'égard d'une même personne physique ou morale, et s'agissant des mêmes faits, exercer tout à la fois les pouvoirs de recommandations, après une enquête et obtention de communications de documents auprès de l'employeur, et de la faculté de demander son audition de plein droit en justice ;
Attendu qu'en effet, selon la POSTE, à propos des mêmes faits la HALDE dispose ainsi de la possibilité de rassembler des éléments au profit de la victime, de l'assister, par des moyens exorbitants du droit commun, d'orienter le choix de la procédure à diligenter et ceci sans justifier d'un intérêt distinct de l'intérêt général, dont la défense devant la juridiction incombe au seul Ministère Public, et dont l'intervention fonderait alors la proportionnalité de cette dérogation, ce qui constituerait une méconnaissance du principe de l'égalité des armes ;
Attendu, cependant, qu'en l'espèce le jugement dans ses motifs applique une jurisprudence classique et bien assise selon laquelle si l'article L. 1132-1 du Code du Travail fait interdiction de licencier un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, cet article ne s'oppose pas au licenciement motivé non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé (Cass. Soc 10 / 11 / 1998 n 4509 P Bull. Civ V n 485) ;
Attendu que, dès lors, n'est pas seulement en cause dans la présente affaire un litige purement individuel mais une difficulté tirée de l'application d'une jurisprudence, visée dans la lettre de licenciement, laquelle peut constituer une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre mais qui est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour la personne affectée d'un handicap, aspect qui doit être examiné aussi par référence au droit communautaire tiré des principes de la Directive 2000 / 78 / CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;
Attendu que, dans ces conditions, est recevable la demande d'audition de la HALDE, dont l'expertise est telle qu'elle peut apporter un approfondissement certain et indiscutable aux débats quant aux circonstances de fait et quant à la portée exacte en la cause de cette jurisprudence ;

Sur les motifs de la rupture
Attendu que Monsieur X... prétend que le licenciement résulte d'une discrimination tandis que l'établissement public La POSTE soutient que seuls les termes de la lettre de licenciement doivent être examinés ; que les parties étant contraires sur les circonstances de fait il convient de rechercher, en réalité, la véritable cause du licenciement ;
Attendu que, d'abord, il résulte de la chronologie des événements que :
- Monsieur X... se trouvait en arrêt de travail à partir du 22 septembre 2003, et le médecin de prévention de La POSTE a organisé le 14 novembre 2005 une visite de pré-reprise, émettant à cette occasion des restrictions et des préconisations,
- par lettre du même jour le 14 novembre 2005 ce même médecin écrivait à l'employeur l'informant que l'état de santé de Monsieur X... contre indiquait de façon définitive la reprise sur un poste de manutentionnaire ou une position de cariste-tractoriste en PFC, et envisageait un reclassement possible sur d'autres postes,
- l'employeur connaissait l'existence de cette lettre depuis le 23 novembre 2005, convoquait le 28 décembre Monsieur X... à un entretien fixé au 10 janvier 2006, et le licenciait le 27 janvier 2006 ;
Attendu qu'ainsi le déroulement des événements, entre l'appréciation sur les capacités physiques du salarié et les choix professionnels en découlant, se situe dans une courte période et sont contemporains les uns des autres ;
Attendu qu'ensuite la visite de pré-reprise peut être demandée par le salarié lui-même, le médecin traitant ou le médecin-conseil de la caisse de sécurité sociale lorsqu'une modification de l'aptitude du salarié est prévisible ; que cette disposition est destinée à préparer le retour du salarié dans l'entreprise afin d'organiser progressivement soit des aménagements de son poste de travail, soit son reclassement ;
Attendu que le médecin, attaché à l'entreprise, s'étant prononcé sur l'aptitude du salarié à reprendre son emploi et l'employeur ayant eu connaissance de cette démarche, il est exclu que ce dernier ait pu penser que les absences de Monsieur X... allaient encore se prolonger ; qu'ainsi à la date de l'engagement de la procédure de licenciement, Monsieur X..., étant en voie de reprendre son travail, seules subsistaient l'élaboration des modalités concrètes de reprise du travail, dont un reclassement souhaité par le médecin notamment par la recherche de mesures pratiques destinées à aménager le poste de travail en fonction du handicap et de l'état de santé, par exemple en procédant à un aménagement ou à une adaptation des équipements, des rythmes de travail, de la répartition des tâches, de l'offre de moyens de formation ou d'encadrement ;
Attendu que, dès lors, les motifs de la lettre de licenciement ne peuvent être retenus ; qu'en effet d'une part la désorganisation alléguée était achevée, par le retour envisagé du salarié, à la date d'expédition de la lettre de rupture, d'autre part la nécessité d'un remplacement définitif, jamais survenu en 832 jours d'absence, ne pouvait se préciser qu'après étude de la prise en considération des préconisations médicales et des autres mesures possibles comme des transformations de postes ou des mutations ainsi que le précise l'article L241-10-1 devenu L4624-1 du Code du travail ;
Attendu qu'enfin à supposer même que l'employeur ait pu se considérer comme non lié par cette visite de pré-reprise, il n'en demeure pas moins que, à la simple réception de la lettre du 14 novembre 2005, il devait alors, par exécution de son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé des travailleurs dans l'entreprise, et pour assurer l'effectivité de celle-ci, solliciter le médecin du travail pour organiser une visite de reprise et recueillir ses propositions par écrit sur l'aptitude du salarié ;
Attendu qu'il convient de préciser, à cet égard, qu'aucun texte n'autorise La POSTE, établissement public à caractère industriel et commercial depuis la loi 90-568 du 2 juillet 1990, à appliquer aux agents contractuels de droit privé qu'elle emploie une organisation médicale dérogeant aux dispositions de l'article L. 241-1 alinéas 1 et 2 du Code du travail devenu L. 4621-1 ; qu'en effet le décret 97-451 du 6 mai 1997 d'une part portant mesures d'adaptation des dispositions du Code du travail relatives à l'hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail et à la médecine du travail, d'autre part prévoyant des réserves aux règles définies au titre III du livre II du code du travail et qui donnait compétence au médecin de la prévention d'assurer la surveillance médicale de tous les salariés de La POSTE, sans distinction entre fonctionnaires et agents de droit privé, a été annulé par arrêt du Conseil d'Etat du 13 novembre 1998 dans ses décisions numéros 188. 824 et 188. 826 ;
Attendu qu'en conséquence il s'agissait en l'espèce d'une méconnaissance par l'employeur des dispositions de l'article R 241-50 devenu R. 4624-19 prévoyant une surveillance médicale renforcée pour les travailleurs handicapés, et de celles de l'article R241-51 devenu R 4624-23 sur la visite de pré-reprise ;
Attendu que, sur le fondement de l'article L. 1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte en raison de son handicap ou de son état de santé ; que Monsieur X... soutient avoir été victime, à ces titres, de discrimination de la part de son employeur, celle-ci se matérialisant par la description des éléments de fait exposés précédemment ;
Attendu que la référence à une jurisprudence constante dans la lettre de licenciement caractérise en l'espèce une discrimination indirecte ; qu'en effet il est visé une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre mais qui est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour la personne affecté d'un handicap ;
Attendu qu'au vu de ces éléments, l'établissement La POSTE n'apporte aucune explication concrète et surtout n'apporte aucun élément venant démontrer que la précipitation des décisions successives prises, dans cette courte période, était guidée par des objectifs étrangers à toute discrimination et que les critères figurant dans la lettre de licenciement étaient objectivement justifiés par la poursuite d'un objectif légitime, les moyens mis en oeuvre à cette occasion étant appropriés et nécessaires ;
Attendu qu'il en résulte que Monsieur X... a donc bien fait l'objet d'une mesure discriminatoire lors de son licenciement qui est dès lors frappé de nullité ;
Sur les conséquences de la nullité
Attendu que le licenciement opéré en violation de l'article L. 1132-1 est nul et emporte pour le salarié un droit à réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent ; que cette réintégration sera ordonnée sous astreinte ;
Attendu qu'en outre le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ;
Attendu que Monsieur X... sollicite le paiement des salaires de la date du licenciement à la date de réintégration soit 56. 300, 76 euros bruts au 31 août 2009 et les congés payés y afférents, étant précisé que, selon lui, il n'a pas perçu d'indemnités de chômage ;
Attendu que, toutefois, il a perçu des indemnités journalières et l'ANPE l'a radié après lui avoir notifié une ouverture des droits aux indemnités de chômage ; que selon l'établissement La POSTE de la date de consolidation le 10 mai 2009 au 21 juin 2009 date de retour à l'emploi, il aurait été indemnisé ;
Attendu qu'en l'état des pièces Monsieur X... percevait un salaire brut de 1. 309, 32 euros et son dernier mois payé a été le mois d'avril 2006 ; que compte tenu des indemnités journalières perçues il lui est dû de mai 2006 à juin 2009 la somme de 10. 369, 81 euros correspondant à la privation de salaires et congés payés ;
Attendu que, compte tenu du préjudice subi, en raison de la discrimination, il convient de lui allouer en sus la somme de 25. 000 euros de dommages intérêts ;

Sur les autres demandes
Attendu, sur les retenues sur salaire, invoquées par Monsieur X..., effectivement il résulte des pièces que pour les mois de mars, avril et mai 2006, son employeur a procédé à des retenues sur salaire hors des dispositions de l'article L. 144-2 du Code du travail ;
Attendu qu'en procédant à des retenues allant jusqu'à 2 / 3 de son salaire de base de tels agissements ont causé un préjudice et une somme de 1. 000 euros doit être allouée à titre de dommages et intérêts en réparation ;
Attendu qu'il convient d'allouer au syndicat FAPT-CGT les sommes de 4. 000 euros à titre de dommages intérêts, et celle de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'en revanche il convient de rejeter la demande de publication de la présente décision sous astreinte, cette modalité de réparation n'étant pas indispensable ;
Attendu qu'enfin il parait équitable que l'établissement La POSTE participe à concurrence de 1. 200 euros aux frais exposés par Monsieur X... en cause d'appel et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable la demande d'audition de la HALDE, et l'intervention du syndicat FAPT-CGT,
Dit que le licenciement résulte d'une mesure discriminatoire et se trouve frappé de nullité,
Ordonne la réintégration de Monsieur Laurent X... dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent dans le mois de la signification du présent arrêt sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 100 euros par jours de retard,
Dit que la Cour s'en réserve la liquidation en application de l'article 35 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991, et qu'une simple requête, accompagnée d'une copie du présent arrêt, pourra la saisir à cette fin,
Condamne l'établissement public La POSTE à payer à Monsieur Laurent X... les sommes de :
-10. 369, 81 euros en réparation du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa reprise du travail et dans la limite du montant des salaires et congés payés dont il a été privé,
-25. 000 euros de dommages intérêts en réparation de la mesure de discrimination,
-1. 000 euros de dommages et intérêts pour des retenues de salaires dans des proportions non conformes,
-1. 200 euros ses frais en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne l'établissement public La POSTE à payer au syndicat FAPT-CGT :
-4. 000 euros à titre de dommages intérêts,
-800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette la demande de publication de la présente décision sous astreinte.
Condamne l'établissement public La POSTE aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame SIOURILAS, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 223
Date de la décision : 09/02/2010
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Nullité - Cas - Discrimination - Discrimination fondée sur l'état de santé ou le handicap - Caractérisation - // JDF

Dès lors que d'une part, la désorganisation alléguée de l'entreprise était achevée, par le retour envisagé du salarié, à la date d'expédition de la lettre de rupture, et que d'autre part, la nécessité d'un remplacement définitif, jamais survenu en 832 jours d'absence, ne pouvait se préciser qu'après étude de la prise en considération des préconisations médicales et des autres mesures possibles comme des transformations de portes ou des mutations en application de l'article L. 4624-1 du code du travail, les motifs de la lettre de li- cenciement ne peuvent être retenus. L'employeur ayant méconnu les obligations lui incombant en application des dispositions de l'article R. 4624-19 prévoyant une surveillance médicale ren- forcée pour les travailleurs handicapés et celles de l'article R. 4624-23 sur la visite de pré-reprise, et ne démontrant ni que la précipitation des décisions prises dans la courte période, se situant entre l'appréciation sur la capacité physique du salarié et les choix professionnels en découlant, était guidée par des objectifs étrangers à toute discrimination, ni que les critères figurant dans la lettre de licenciement étaient objectivement justifiés par la poursuite d'un objectif légitime et que les moyens mis en oeuvre à cette occasion étaient appropriés et nécessaires, par conséquent, le salarié ayant bien fait l'objet d'une discrimination indirecte en raison de son handicap au sens de l'article L. 1132-1, son licenciement est nul


Références :

Article L. 1132-1 du code du travail

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Avignon, 05 novembre 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2010-02-09;223 ?
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