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08/12/2009 | FRANCE | N°751

France | France, Cour d'appel de nîmes, Ct0177, 08 décembre 2009, 751


ARRÊT No751

R. G. : 09 / 02007

IT / CM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
08 avril 2009

X...

C /

Association DISTRICT DE FOOTBALL RHÔNE DURANCE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre B

ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2009

APPELANTE :

Madame Stéphanie X...
née le 23 Juillet 1975 à AVIGNON (84000)
...
30390 DOMAZAN

représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de la SCP JUNQUA et ASSOCIES, avocats au barreau d'AVIGNON

INTIMÉE :
r>Association DISTRICT DE FOOTBALL RHÔNE DURANCE
prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité au siège social
Clos des Bastides
...

ARRÊT No751

R. G. : 09 / 02007

IT / CM

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON
08 avril 2009

X...

C /

Association DISTRICT DE FOOTBALL RHÔNE DURANCE

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE
1ère Chambre B

ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2009

APPELANTE :

Madame Stéphanie X...
née le 23 Juillet 1975 à AVIGNON (84000)
...
30390 DOMAZAN

représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour
assistée de la SCP JUNQUA et ASSOCIES, avocats au barreau d'AVIGNON

INTIMÉE :

Association DISTRICT DE FOOTBALL RHÔNE DURANCE
prise en la personne de son Président en exercice, domicilié en cette qualité au siège social
Clos des Bastides
Chemin de Bel Air BP 121
84144 MONTFAVET CEDEX

représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour
assistée de la SCP GONTARD-TOULOUSE-BARRAQUAND, avocats au barreau d'AVIGNON

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Gérard DELTEL, Président,
Mme Isabelle THERY, Conseiller,
Mme Nicole BERTHET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Dominique RIVOALLAN, Greffier, lors des débats, et Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors du prononcé,

DÉBATS :

à l'audience publique du 27 Octobre 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Décembre 2009.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Gérard DELTEL, Président, publiquement, le 08 Décembre 2009, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.

****

FAITS et PROCÉDURE – MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 23 avril 2009 par Madame Stéphanie X... à l'encontre de l'ordonnance prononcée le 8 avril 2009 par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Avignon.

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 13 octobre 2009 par Madame Stéphanie X..., appelante et le 22 octobre 2009 par l'association district de football Rhône Durance, intimée, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.

* * *
* *

Suivant ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de grande instance d'Avignon le 17 mars 2009, la SCP Dumas Fernandes Frassin, huissier de justice a été désignée aux fins de se rendre dans les locaux du district de football Rhône Durance, avec mission d'accéder au sein du système informatique à la boîte personnelle de Madame Stéphanie X..., d'en tirer un état et de l'annexer au procès-verbal.

Le 18 mars 2009, Maître Jean-Claude Y..., huissier de justice, s'est rendu en exécution de cette ordonnance sur le lieu de travail de Madame X... et a procédé à sa mission en présence de l'intéressée.

Madame Stéphanie X... a fait assigner devant le juge des référés le district de football Rhône Durance aux fins principalement de voir rétracter l'ordonnance du 17 mars 2009, de juger que tous les messages contenus à l'adresse E.... X... @ Hotmail. fr revêtent un caractère indubitablement privé et seront extraits du procès-verbal de constat de la SCP Dumas Fernandes et de faire interdiction sous astreinte au district
Rhône Durance de football d'utiliser tous les messages entrants et sortants de la boîte mail E.... X... @ Hotmail. fr sous astreinte.

Par ordonnance du 8 avril 2009, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé et a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête en date du 17 mars 2009, laissant les dépens à la charge Mlle Stéphanie X... et la condamnant à verser une indemnité de 500 € au district de football Rhône Durance.
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* *

Madame Stéphanie X... a régulièrement interjeté appel de cette ordonnance en vue de son infirmation demandant à la cour de rétracter l'ordonnance du 17 mars 2009, de faire interdiction au district Rhône Durance de football d'utiliser le constat de la SCP Dumas Fernandes Frassin dans toute procédure l'opposant à Mlle X... et de le condamner à lui payer la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle estime que le district Rhône Durance de football ne disposait pas de motif légitime de recours à l'article 145 du code de procédure civile et que la mesure de constat s'apparente à une saisie de documents.
Elle considère encore que le constat d'huissier du 18 mars 2009 constitue une atteinte au respect de la vie personnelle du salarié ainsi qu'au secret de ses correspondances.

Elle critique la décision déférée qui s'est fondée pour retenir un motif légitime, sur une attestation du directeur de l'association qui s'est lui-même forgé sa propre conviction.
Elle affirme que l'employeur n'ignorait pas que l'extraction de l'annuaire des commissions au moyen du logiciel Foot 2000 appartenant à la fédération française de football avait été réalisée par elle même à la demande de M. Z..., secrétaire général du district et que le district avait ainsi volontairement trompé la religion du premier juge.
Elle ajoute que la mesure aurait en tout état de cause due être limitée à la seule recherche de l'extraction de l'annuaire des commissions alors qu'elle a été étendue à toute sa correspondance privée.

* * *
* *

L'association district de football Rhône Durance conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise et à la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique en substance qu'elle pouvait raisonnablement croire que Madame X... agissait à l'encontre de son intérêt dans la mesure où la fédération française de football a fait suivre des renseignements au sujet de l'annuaire des commissions en effectuant un rappel utilisant comme numéro de transmission les coordonnées informatiques de Madame Stéphanie X....
Elle fait valoir que la transmission de renseignements confidentiels se révèle être en parfaite violation du contrat de travail et plus particulièrement de l'article 6.

Elle considère encore qu'il n'a pas été porté atteinte de façon disproportionnée au respect de la vie privée de Madame X....

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appréhension du litige nécessite de rappeler liminairement les principes de droit applicables.

La mesure sollicitée a été fondée sur l'article 145 du code de procédure civile qui dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il est clairement établi tant par les dispositions réglementaires que par la jurisprudence que le salarié, durant ses activités professionnelles, bénéficie du principe général du droit au respect de sa vie privée découlant des articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Il est admis d'autre part que les salariés peuvent durant leur temps de travail utiliser les outils informatiques mis à leur disposition pour des activités personnelles, notamment le courrier électronique.
Ce courrier électronique est assimilable à une correspondance privée, l'accès à son contenu étant protégé par un mot de passe personnel et confidentiel composé par l'usager lors de sa connexion à Internet ou à sa boîte aux lettres électronique. Étant le seul à y avoir accès, le titulaire de cette messagerie est responsable de son utilisation.

Si cette ouverture grâce à Internet représente une véritable révolution, elle ne permet plus de distinguer de façon claire les frontières entre vie privée et vie professionnelle ce qui nécessite de ce fait de trouver un équilibre entre la protection des intérêts de l'entreprise et la protection de la vie privée des salariés.

Ce droit au respect de la vie privée comporte des limites tenant notamment à la légitimité du motif, à la proportionnalité et à l'information préalable.
Ainsi l'article L. 120 – 2 du code du travail devenu l'article 1121 – 1 dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionné au but recherché... »

Ainsi que l'a exactement relevé le premier juge et au regard des principes rappelés ci-avant, le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors qu'il existe un motif légitime.

En l'espèce, il est constant à la lecture de la requête soumise le 17 mars 2009 au premier juge que le district de football Rhône Durance soupçonnait l'ancien directeur technique, M. A..., licencié quelques mois auparavant, au vu des informations qu'il diffusait par mail ou dans la presse, d'avoir bénéficié de renseignements figurant notamment dans l'annuaire des commissions, document considéré comme confidentiel à usage interne et pouvant être obtenu auprès de la fédération française de football.

Ces soupçons ont été résumés dans l'attestation émanant de M. D..., directeur administratif du district, qui indique en substance qu'il a reçu l'état informatique de l'annuaire des commissions alors qu'il avait été réclamé à la fédération de football un rapport d'activité et qu'il résultait des informations émanant du service informatique de la fédération française de football que Mlle Stéphanie X... avait demandé cet état informatique en date du 2 mars 2009 à 16 heures 45.

Madame X... oppose selon son premier moyen l'absence de motif légitime en se prévalant de l'attestation de Mlle B..., secrétaire administrative, établi le 2 avril 2009.
Néanmoins, cette attestation, au demeurant contredite tant par l'attestation de M. D... que celle de M. Z..., secrétaire général du district du 28 août 2009, n'est pas de nature à ôter le caractère légitime du motif invoqué au regard des informations objectives dont disposait le directeur administratif émanant de la fédération française de football.

Contrairement à ce que prétend Madame X..., il résulte de l'attestation de M. Blanc qu'il n'a formulé aucune demande pour obtenir un document concernant la composition des membres de la commission.

En l'état des éléments énoncés dans la requête, il existait bien un motif légitime d'ordonner la mesure sollicitée, étant souligné au regard des principes rappelés en préliminaire, que la justification de la mesure tient au devoir de l'employeur de protéger les intérêts de son entreprise et sa proportionnalité réside dans le fait que l'investigation ne portait que sur l'impression de la liste des courriers électroniques adressés ou envoyés depuis la messagerie personnelle de Madame Stéphanie X... et non leur contenu.

À cet égard Madame X... ne peut prétendre, en vertu de son second moyen que la mesure a été étendue à toute sa correspondance privée alors que la mission était précisément limitée à l'impression d'un état de la boîte personnelle de Madame Stéphanie X... sans référence à leur contenu et qu'il n'appartient pas à la Cour saisie de la seule question du bien fondé de l'ordonnance prescrivant la mesure d'analyser ses modalités d'exécution. Pour ces motifs il ne peut être fait droit à la demande tendant à l'interdiction d'utiliser le constat.

Dès lors que la mesure a été effectuée en présence de Madame X... qui a fourni le mot de passe et le login nécessaires pour accéder à sa messagerie et qui a pu assister à l'ensemble des opérations, l'exigence de loyauté a été respectée de sorte que le premier juge a pu considérer à bon droit qu'il n'y avait pas lieu à rétractation de l'ordonnance querellée.

Sur les frais de l'instance

L'équité commande de n'allouer aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame X... qui succombe devra supporter les dépens de l'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande de l'association District de Football Rhône Durance au titre des frais irrépétibles,

Condamne Madame Stéphanie X... aux dépens d'appel et autorise la SCP Fontaine Macaluso-Jullien avoués à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par M. DELTEL, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Ct0177
Numéro d'arrêt : 751
Date de la décision : 08/12/2009

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Restriction aux libertés fondamentales - / JDF

Le droit au respect de la vie privée comporte des limites tenant notamment à la légitimité du motif d'y porter atteinte, à la proportionnalité de l'atteinte et à l'information préalable. Il s'ensuit que le respect de la vie personnelle du salarié ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile dès lors qu'il existe un motif légitime. Un tel motif existe bien dès lors que la justification de la mesure d'instruction tient au devoir de l'employeur de protéger les intérêts de son entreprise, auxquels il a été porté atteinte par la divulgation de données confidentielles, et que sa proportionnalité réside dans le fait que l'investigation ne porte que sur l'impression de la liste des courriers électroniques adressés ou envoyés depuis la messagerie personnelle du salarié et non sur leur contenu


Références :

Article L. 1121-1 du code du travail

Article 145 du code de procédure civile

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Avignon, 08 avril 2009


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2009-12-08;751 ?
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