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09/06/2009 | FRANCE | N°730

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 09 juin 2009, 730


COUR D'APPEL DE NÃŽMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 09 JUIN 2009
ARRÊT No 730 R. G : 07 / 03740 RT / AG

CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AVIGNON Section : Encadrement 10 juillet 2007

X... C / SAS ETHICON

APPELANT :
Monsieur François X... né le 30 Avril 1955 à LE HAVRE ... 84240 LA TOUR D'AIGUES

comparant en personne et assisté de la SELARL IMBERT-GARGIUOLO FAGOT (AAIF), avocats au barreau d'AVIGNON
INTIMÉE :
SAS ETHICON prise en la personne de son représentant légal en exercice 1 rue Camille Desmoulins 92787 ISSY LES MOULINEAUX

reprÃ

©sentée par la SCP TREMBLAY AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de CHARTRES plaidant par Maître Marie-Sop...

COUR D'APPEL DE NÃŽMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 09 JUIN 2009
ARRÊT No 730 R. G : 07 / 03740 RT / AG

CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'AVIGNON Section : Encadrement 10 juillet 2007

X... C / SAS ETHICON

APPELANT :
Monsieur François X... né le 30 Avril 1955 à LE HAVRE ... 84240 LA TOUR D'AIGUES

comparant en personne et assisté de la SELARL IMBERT-GARGIUOLO FAGOT (AAIF), avocats au barreau d'AVIGNON
INTIMÉE :
SAS ETHICON prise en la personne de son représentant légal en exercice 1 rue Camille Desmoulins 92787 ISSY LES MOULINEAUX

représentée par la SCP TREMBLAY AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de CHARTRES plaidant par Maître Marie-Sophie LUCAS, avocat
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Régis TOURNIER, Président, et Madame Nathalie DOMINIQUE, Vice Présidente placée, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile sans opposition des parties. Ils en ont rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président Monsieur Christian LERNOULD, Conseiller Madame Nathalie DOMINIQUE, Vice Présidente placée

GREFFIER :
Madame Catherine ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors du prononcé,
DÉBATS :
à l'audience publique du 10 Mars 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 juin 2009
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 09 juin 2009,

********

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur François X... était embauché le 7 octobre 1991 par la société ETHNOR devenue ETHICON, en qualité de responsable de secteur, catégorie VRP exclusif, afin de commercialiser les produits de la gamme sutures, et son secteur comprenait l'Ain, l'Ardèche, la Drome, l'Isère, la Savoie et la Haute Savoie.

Un premier avenant intervenait le 25 janvier 1993. Un deuxième intervenait le 29 juin 1999, par lequel Monsieur X... était nommé charge d'affaires grand compte sur le secteur PACA. Un troisième était conclu le 3 avril 2002 par lequel il était affecté à la commercialisation des produits de la gamme cardiovaîions, sur un secteur de la moitié sud de la France et l'Alsace.
II percevait une rémunération fixe de 2. 976, 76 euros et une prime temporaire jusqu'au 30 juin 2002.

Au cours de la fin de l'année 2003 l'employeur décidait de supprimer en France la gamme de produits cardiaques Cardiovation pour la confier à l'équipe commerciale de la filiale belge. Il en avisait le Comité d'entreprise le 17 novembre 2003.
Un quatrième avenant était conclu le 21 novembre 2003, par lequel Monsieur X... devenait responsable de secteur VRP exclusif, pour les produits gynécologiques de la gamme Gynecare, avec un secteur comprenant les départements des Alpes Maritimes, Bouches du Rhône, Corse, Var, et Vaucluse. Son salaire s'élevait à 2. 800 euros avec une prime temporaire supplémentaire jusqu'au 31 mars 2004.
Cependant il se plaignait de ce changement, et d'avoir subi à cette occasion une rétrogradation avec une perte de salaires. A la suite de pourparlers une transaction était conclue le 26 novembre 2003, et il lui était offert une indemnisation de 15. 061 euros nets, destinée à compenser la baisse de sa rémunération contre une renonciation à discuter la validité de cet avenant.
Le 19 septembre 2005 Monsieur X... saisissait le Conseil de prud'hommes d'Avignon d'une demande de résiliation judiciaire. Finalement il était licencié le 3 janvier 2006 pour insuffisance professionnelle en raison de la baisse de ses résultats et d'un écroulement des ventes sur son secteur.
Par jugement du 10 juillet 2007, il était débouté de toutes ses demandes et a régulièrement relevé appel de cette décision.
l / Au principal et sur la demande de résiliation judiciaire du contrat qu'il convient d'examiner en premier il soutient que :
- l'avenant du 21 novembre 2003 et la transaction subséquente sont viciés par un dol, car la société a annoncé au Comité d'entreprise l'arrêt de l'activité commerciale des produits Cardiovation à compter du 31 décembre 2003,
- or d'une part cette activité s'est poursuivie en France par l'équipe belge qui s'est vue confier cette activité venant alors en France pour y procéder, alors que lui est rattaché à la division Cardiovation Europe et en déduit qu'il pouvait continuer à prendre en charge cette activité,
- d'autre part il a accepté une baisse de sa rémunération, ce qui lui a causé un préjudice.
Ainsi selon lui le comportement de l'employeur a été, à cette occasion, déloyal, et cette faute suffit à entraîner la résiliation du contrat aux torts de l'employeur.
2 / Subsidiairement, il prétend que le licenciement n'est pas fondé, en effet :
- le plan d'action qui lui a été défini par l'employeur visait 10 clients, alors que parmi ceux-ci il n'était pas possible de commercialiser le produit TVT / O de la gamme Gynecare, d'autres ont reçu une formation tardive de la société Ethicon, un autre avait interdit aux chirurgiens de la clinique d'utiliser ce produit et enfin un dernier avait écrit un article dans une revue professionnelle le déconseillant,
- ensuite le deuxième objectif fixé a été respecté, à savoir la vente de deux générateurs pour 20. 000 euros,
- en ce qui concerne le troisième objectif la vente du produit Prolift l'objectif fut atteint au mois de décembre,
- le quatrième était une étude de marché et de recueillir des données afin d'obtenir la certification pour pouvoir commercialiser le produit TVT / O dans le cadre d'une tarification à l'acte, mais des chirurgiens ont émis une méfiance qui s'est diffusée dans les rencontres scientifiques.
- les autres salariés n'ont pas respecté les objectifs définis et les résultats ne sont pas de son fait.
Il sollicite donc la résiliation du contrat et le paiement de :
-17. 400 euros au titre du manque à gagner pendant la période du 1er janvier 2004 au 3 mars 2006,-1. 428 euros de complément d'indemnité compensatrice de préavis, et les congés payés y afférents,-183. 600 euros de dommages intérêts pour le préjudice causé ou pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,-2. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

et la rectification du bulletin de paie délivré concomitamment au licenciement en intégrant le paiement des commissions dues.
La société, intimée, demande le rejet de toutes les demandes et exposant pour l'essentiel que :
- lors de l'embauche l'ancienneté de Monsieur X... au titre d'un précédent contrat n'a pas été reprise,
- il ne peut réclamer l'indemnisation du dernier avenant car la transaction a prévu une somme qui lui a été effectivement versée, et son salaire mensuel était de 3. 965, 51 euros, en effet le TVT / O a été un produit agréé en 2004,

- pour le surplus elle demande la confirmation du jugement et la somme de 2. 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS

Sur la résiliation judiciaire du contrat

Attendu qu'en application des articles 1134 du Code civil, L 120-4 et L 121-1, devenus L l222-1 et L l221-1 du Code du travail, les caractères tenant à l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi sont réciproques, et à ce titre les parties sont tenues de s'informer mutuellement et loyalement, sans réticence et sans réserve, des modalités de cette exécution, de même qu'elles sont tenues de sauvegarder les intérêts légitimes du cocontractant, sans pouvoir en aggraver les conditions d'exécution sauf clause contraire dérogatoire qui ne peut s'interpréter que restrictivement ;
Attendu que le procès verbal du Comité d'entreprise de la société ETHICON des 17 et 28 novembre 2003, en ce qui concernait l'activité cardiovation, celle-ci avait été déclarée par l'employeur suspendue mais cela n'aura pas d'impact sur l'emploi puisque les deux personnes en charge de cette activité vont se voir confier d'autres fonctions ;

Attendu que dans le quatrième avenant conclu le 21 novembre 2003, par lequel Monsieur X... devenait responsable de secteur VRP exclusif, pour les produits gynécologiques de la gamme Gynecare, figure un rappel ; que ce rappel énonce : Suite à l'arrêt de l'activité commerciale de cardiovation comme annoncé lors de la séance tenue par le Comité d'entreprise le 17 novembre 2003

Attendu que Monsieur X... exprimait alors un mécontentement au sujet de la décision d'arrêt de l'activité cardiovation, gamme pour laquelle :
- il s'était investi depuis un an,
- les fruits de son travail permettaient d'espérer dans les prochains mois des perspectives de vente réelles,
- un arrêt était prématuré ;
Attendu qu'ainsi les parties envisageaient donc une transaction de ce chef et concluaient un accord le 26 novembre 2003 ;
Attendu qu'ultérieurement alléguant que cette activité n'avait pas été en réalité interrompue Monsieur X... saisissait la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat ;
Attendu que selon l'attestation de Gérard B... professeur chef de service de chirurgie cardiaque au Centre Hospitalo Universitaire de Rangueil à Toulouse, ce témoin déclare qu'il a bien reçu le directeur régional des gammes Ethicon qui lui a présenté Madame C..., dans le cadre de la promotion des produits de la gamme cardiovation, comme étant celle qui était responsable de l'activité cardiovation en France et en Belgique ;
Attendu qu'il est par ailleurs établi, par les pièces produites, que cette activité s'est poursuivie en 2004, 2005 et 2006 et que la même Madame C... a demandé à Monsieur X... de lui transmettre les renseignements que certains clients auraient pu demander à ce dernier ;
Attendu qu'il est donc certain que Monsieur X... a accepté de conclure une transaction en l'état d'une fausse information qui lui a été fournie par son cocontractant, et qui était déterminante puisque l'arrêt de l'activité de Cardiovation le privait du bénéfice de sa prospection, et de ses futures commissions alors qu'il était VRP ;
Attendu que cette privation s'est d'ailleurs réalisée puisque Monsieur X... a eu ensuite des rémunérations annuelles inférieures à celles qu'il percevait auparavant avant 2004 ;
Attendu que la privation volontaire d'une rémunération future, alors que ce représentant avait commencé son travail et à acquérir une expérience dans cette gamme lui permettant d'envisager un développement de la clientèle, constitue dans les circonstances de l'espèce un manquement grave de l'employeur ;
Attendu que dès lors d'une part cette transaction doit être annulée pour vice de consentement, d'autre part le contrat de travail doit être résilié pour manquement grave par l'employeur à l'obligation de loyauté à l'égard de son salarié ;

Sur les conséquences de la résiliation

Attendu que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; qu'il en est de même lorsque l'employeur invoque au soutien du licenciement des fautes que le salarié aurait commises pendant la poursuite du contrat de travail et après la demande de résiliation ;
Attendu que même si la demande de résiliation est fondée le juge doit fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement ;
Attendu que les indemnités consécutives à la rupture du contrat de travail doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir et non sur celle de la rémunération qu'il a effectivement perçue du fait des manquements de l'employeur à ses obligations ; qu'ainsi il convient d'allouer à Monsieur X... la somme de 1. 428 euros de complément de préavis et les congés payés y afférents ;
Attendu qu'en l'état de l'ancienneté de presque quinze ans de Monsieur X... dans l'entreprise, de sa rémunération moyenne au moment de la transaction, de son âge pour être né le 30 avril 1955, d'une période de chômage, et de l'évolution de sa situation professionnelle prévisible il convient de lui allouer la somme 68. 000 euros en réparation de l'ensemble de ses divers préjudices en application de l'article L122-14-4 devenu L1235-2, tenant compte de la somme perçue lors de la transaction ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la régularisation du dernier bulletin de paie comme il n'est demandé, aucun justificatif n'étant présenté à cet égard autorisant une intégration de commissions postérieures au licenciement ;
Attendu que, conformément à l'article L 122-14-4 devenu L 1235-2 du Code du Travail, le remboursement par l'employeur fautif des indemnités de chômage payées au salarié licencié doit être ordonné dans la limite maximale prévue par la loi ;
Attendu qu'il parait équitable que la société intimée participe à concurrence de 1. 200 euros aux frais exposés par Monsieur X... tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,
Annule la transaction,
Prononce la résiliation du contrat du travail pour prendre effet au 3 janvier 2006,
Condamne la société SAS ETHICON à payer à Monsieur François X... les sommes de :
-1. 428 euros de complément de préavis et les congés payés y afférents,
-68. 000 euros de dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-1. 200 euros pour ses frais en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette les autres demandes,
Condamne la société ETHICON à rembourser les indemnités de chômage en application de l'article L 122-14-4 devenu L1235-2 du Code du travail dans la limite de six mois,
Dit qu'une copie du présent arrêt sera expédiée par le greffe à l'ASSEDIC devenu Pôle Emploi agence Alpes Provence 2 Place du Général Ferrie 13 008 Marseille
Condamne la société ETHICON aux entiers dépens de première instance et d'appel. Arrêt signé par Monsieur TOURMER, Président et par Madame SIOURILAS, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 730
Date de la décision : 09/06/2009
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi - Manquement - Cas -

En application des articles 1134 du Code civil, L1222-1 et L1221-1 du Code du travail, les caractères tenant à l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi sont réciproques, et à ce titre, les parties sont tenues de s'informer mutuellement et loyalement, sans réticence et sans réserve, des modalités de cette exécution, de même qu'elles sont tenues de sauvegarder les intérêts légitimes du cocontractant, sans pouvoir en aggraver les conditions d'exécution sauf clause contraire dérogatoire qui ne peut s'interpréter que restrictivement. Doit être annulée la transaction conclue en l'état d'une fausse information fournie par l'employeur au salairé dès lors que cette information était détermi- nante. Constitue une telle information celle étant de nature à priver volontai- rement le salarié d'une rémunération future. Le fait pour l'employeur de donner une telle information au salarié constitue un manquement grave à son obligation de loyauté justifiant la résiliation du contrat de travail.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Avignon, 10 juillet 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2009-06-09;730 ?
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