ARRÊT N° 27
RG : 08 / 02796
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 13 décembre 2005
SA AXA FRANCE IARD
C /
X... Z... SA LES TOITS DU LUBERON SARL SOREIM
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE 1re Chambre A
ARRÊT DU 13 JANVIER 2009
APPELANTE :
S. A. AXA FRANCE IARD poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social 26 rue Drouot 75009 PARIS
représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assistée de la SCP DE ANGELIS-DEPOERS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART, avocats au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS :
Monsieur Didier X... né le 30 Janvier 1973 à APT (84)... 84400 APT
représenté par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assisté de Me Martine BAHEUX, avocat au barreau D'AVIGNON
Madame Carine Z... épouse X... née le 30 Juillet 1976 à CAVAILLON (84)... 84400 APT
représentée par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assistée de Me Martine BAHEUX, avocat au barreau D'AVIGNON
SA LES TOITS DU LUBERON poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social 20 Avenue Joseph Garnier 84360 LAURIS
représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour assistée de Me Louis-Alain LEMAIRE, avocat au barreau D'AVIGNON
SARL SOREIM représentée par son Gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social 19, rue de la République 84130 LE PONTET
représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assistée de Me Delphine MARCHAL, avocat au barreau D'AVIGNON
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 27 Octobre 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Dominique BRUZY, Président, Mme Christine JEAN, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 28 Octobre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Janvier 2009. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 13 Janvier 2009, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ des FAITS, de la PROCÉDURE et des PRÉTENTIONS des PARTIES
Le 5 décembre 2003, Monsieur Didier X... et Mademoiselle Carine Z... ont confié à la SA " LES TOITS DU LUBERON " la réalisation d'une villa sur la commune de VIENS (84). Les travaux de gros oeuvre ont été sous-traités à la SARL SOREIM. Ayant constaté des malfaçons dans la réalisation des fondations, Monsieur X... et Mademoiselle Z... ont fait établir un constat d'huissier et demandé l'arrêt des travaux au mois de mai 2004. Ils ont assigné en référé la SA " LES TOITS DU LUBERON " pour obtenir l'institution d'une expertise.
Par ordonnance de référé en date du 30 juillet 2004, Monsieur D... a été désigné en qualité d'expert. Les opérations d'expertise ont été déclarées communes à la SARL SOREIM en sa qualité de sous-traitant de la SA LES TOITS DU LUBERON appelée en cause par celle-ci.
L'expert a déposé son rapport définitif le 26 juillet 2005.
Par exploits délivrés le 2 septembre 2005, les époux X... ont fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance d'Avignon les sociétés LES TOITS DU LUBERON et SOREIM en remboursement de la somme de 15 953, 86 euros au titre des factures réglées, en paiement des sommes de 3 500 euros au titre du coût des travaux de démolition, 25 000 euros à titre de dommages-intérêts et 3 500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile. La SA " LES TOITS DU LUBERON " a appelé en garantie la Cie AXA, assureur de son sous-traitant.
Par jugement réputé contradictoire en date du 13 décembre 2005, le Tribunal de Grande Instance d'Avignon a :
"- prononcé la résolution du contrat de construction conclu entre Didier X..., Carine Z... et la SA LES TOITS DU LUBERON,
- condamné la SA LES TOITS DU LUBERON à payer à Didier X... et Carine Z... les sommes suivantes : * 15 953, 86 € en remboursement des acomptes versés en exécution de ce contrat, * 3 500 € représentant le coût des travaux de démolition de l'ouvrage défectueux, * 8 000 € à titre de dommages-intérêts, * 3 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- déclaré la SARL SOREIM entièrement responsable des désordres affectant la construction réalisée pour le compte de la SA LES TOITS DU LUBERON,
- condamné solidairement la SARL SOREIM et la compagnie AXA à garantir la SA LES TOITS DU LUBERON du paiement des sommes mises à sa charge ci-dessus, à l'exception du remboursement des acomptes versés en exécution du contrat, pour lequel sa garantie sera limitée à la somme de 2 393, 08 €,
- condamné solidairement la SARL SOREIM et la compagnie AXA à payer à la SA LES TOITS DU LUBERON la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné solidairement la SARL SOREIM et la compagnie AXA aux dépens, distraits au profit des avocats qui en ont fait la demande,
- rejeté le surplus des demandes. "
La Compagnie d'assurances AXA FRANCE IARD a régulièrement relevé appel de cette décision.
Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour, il est expressément fait référence à leurs conclusions récapitulatives signifiées le :-18 avril 2007 pour la Compagnie d'assurances AXA FRANCE IARD,-9 novembre 2007 pour les époux X...,-8 février 2008 pour la SA LES TOITS DU LUBERON,-3 mars 2008 pour la SARL SOREIM.
La Compagnie AXA FRANCE IARD, n'ayant pas constitué avocat en première instance, demande la réformation du jugement déféré et sa mise hors de cause. Elle entend voir dire et juger qu'en l'absence de réception de l'ouvrage litigieux, les garanties souscrites au titre de la responsabilité décennale ne peuvent trouver application et que les dommages allégués ne rentrent pas dans le champ d'application des garanties souscrites au titre de la responsabilité civile pour préjudices causés à autrui. Elle sollicite l'allocation d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Les époux X... demandent la confirmation du jugement déféré et l'allocation d'une somme de 13 000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires en raison du nouveau prêt qu'ils ont dû contracter après revente de leur terrain pour solder le capital restant dû sur l'emprunt initial. Ils demandent l'allocation d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SA LES TOITS DU LUBERON conclut à la confirmation du jugement déféré et demande l'allocation d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La SARL SOREIM forme appel incident et demande la réformation de la décision entreprise pour voir mettre à la charge de la SA LES TOITS DU LUBERON une part de responsabilité en se prévalant de manquements au devoir d'information et à l'obligation de surveillance de cette société. Elle sollicite la limitation à la somme de 3 500 euros au titre des travaux de démolition du montant des condamnations susceptibles d'être mises à sa charge. Elle conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la Compagnie AXA à la relever et garantir des condamnations prononcées contre elle. Elle sollicite l'allocation d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 23 mai 2008.
Par arrêt du 19 juin 2008, la Cour de ce siège a prononcé, à la demande conjointe des parties, le retrait du rôle de l'affaire ; après réinscription, l'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 octobre 2008.
MOTIFS
-Sur la résolution du contrat de construction et la réparation du préjudice subi par le maître de l'ouvrage :
ATTENDU que le prononcé de la résolution du contrat de construction par le Tribunal à raison de la défaillance de la SA LES TOITS DU LUBERON dans l'exécution de ses engagements contractuels est pertinemment motivé et n'est pas contesté ; que les conséquences de l'anéantissement des obligations des parties ont été exactement définies par le jugement déféré qui a, à bon droit, mis à la charge des constructeurs le remboursement des acomptes perçus, soit 15 953, 86 euros ; que le coût de la démolition de l'ouvrage défectueux estimé par l'expert à 3 500 euros, non contesté, a également, à juste titre, été alloué par le tribunal à Monsieur Didier X... et Carine Z... devenue son épouse ;
ATTENDU que le tribunal a encore pertinemment relevé que le délai contractuel de livraison expirait le 13 avril 2005, de sorte que les conditions difficiles d'hébergement de la famille X... depuis février 2004 ne peuvent être imputées au constructeur ; qu'en revanche, le terrain a été, du fait des travaux réalisés, inutilisable à compter de l'arrêt du chantier au mois de mai 2004 ; que les époux X... avaient contracté un emprunt pour financer la construction dont ils ont dû poursuivre le remboursement en devant se loger ailleurs alors que leur villa devait être terminée depuis plusieurs mois ;
ATTENDU toutefois que la revente du terrain n'a pas pour cause les malfaçons, puisqu'après démolition des fondations défectueuses dont le coût a été mis à la charge du constructeur, la villa pouvait être réalisée, le remboursement des acomptes versés ayant été ordonné par le jugement déféré assorti de l'exécution provisoire ;
ATTENDU que la destination du prêt de 13 000 euros souscrit 20 mois après la décision entreprise n'est pas établie ;
ATTENDU que le jugement querellé sera donc également confirmé du chef du quantum des dommages-intérêts alloués aux époux X... (8 000 €) qui a été exactement apprécié ;
- Sur la garantie du sous-traitant et de son assureur :
ATTENDU qu'il ressort du rapport d'expertise que les travaux de fondation de la villa de Monsieur X... et de Mademoiselle Z... n'ont pas été réalisés selon les règles de l'art et les normes parasismiques ; que l'expert a constaté les malfaçons suivantes :
- mauvais ancrages d'acier et enrobage insuffisant,- absence de linteaux sur refend et de joint de dilatation,- absence de chaînages verticaux,- diamètre des aciers en attente en 8 mm au lieu de 10 mm,- largeur des semelles de 30 cm au lieu de 40 cm,- mauvaise position des armatures des longrines,- discontinuité dans les aciers à deux endroits,
- armatures des longrines non conformes (4 ou 5 filantes au lieu de 6, espacement des cadres de 30 cm au lieu de 25 cm),- liaison des armatures verticales et horizontales imparfaites ou inexistantes ;
ATTENDU que ces malfaçons compromettent la solidité de l'immeuble dans l'état d'avancement constaté du chantier ; que comme relevé par l'expert, les armatures préconisées sont essentielles pour prévenir les risques de fissuration et d'effondrement, le terrain des époux X... étant situé dans une zone de séismicité de niveau Ib et de plus sur un terrain rocheux ;
ATTENDU que contrairement à ses assertions, la SA LES TOITS DU LUBERON chargée de l'intégralité du gros oeuvre est entièrement responsable des malfaçons ; que les plans techniques et un résumé des règles parasismiques PS- MI89 étaient annexés au contrat de sous-traitance signé par la SARL SOREIM ; que les malfaçons ci-dessus relevées n'ont aucun lien avec la réalisation d'une plate-forme sur deux niveaux par le maître de l'ouvrage ; qu'elles concernent essentiellement le manque d'armatures affectant toutes les longrines contraire aux normes techniques et aux règles de l'art ; qu'en outre, les plans d'exécution et les plans de coupe remis à la SARL SOREIM faisaient apparaître les deux nivaux de plate-forme ; que le moyen invoqué par la SARL SOREIM concernant une absence d'information de la dénivellation de la plate-forme est inopérant ; que la SARL SOREIM ne peut non plus imputer ses propres manquements aux règles de l'art à une absence de surveillance de la SA LES TOITS DU LUBERON ; qu'il lui appartenait en sa qualité de professionnel de la construction de réaliser les armatures nécessaires en fonction des normes parasismiques et des règles de l'art ; qu'elle a donc failli à son obligation de résultat ;
ATTENDU que l'expert a mis en exergue l'importance des malfaçons qui fait obstacle à des travaux de reprise puisque toutes les longrines manquent d'armature ;
ATTENDU que le coût de démolition, soit 3 500 euros, a, à juste titre, été mis à la charge de la SARL SOREIM qui a, à bon droit, été condamnée par le tribunal à relever et garantir son cocontractant en conséquence de sa responsabilité dans les désordres ; que l'indemnisation de la SA LES TOITS DU LUBERON par son sous-traitant à hauteur de 15 % des frais engagés pour la mise en place et l'ouverture du chantier sera également confirmée ;
ATTENDU que la SARL SOREIM a souscrit auprès de la Compagnie AXA FRANCE IARD une police d'assurance " multirisques artisans du bâtiment " qui garantit la responsabilité du sous-traitant pour les dommages de nature décennale en ces termes :
" Lorsque l'assuré est sous-traitant, le paiement des travaux de réparation des dommages tels que définis aux articles 1792 et 1792-2 du Code civil et apparus après la réception au sens de l'article 1792-6 du même code, dès lors que sa responsabilité est engagée du fait des travaux de construction qu'il a réalisés. Cette garantie est accordée pour une durée ferme de dix ans à compter de la réception (garantie gérée selon le régime de la capitalisation). "
ATTENDU qu'en l'espèce les travaux ont été arrêtés au niveau des fondations ; qu'il n'y a donc eu aucune réception ; qu'il ne peut y avoir lieu à réception judiciaire, l'ouvrage n'étant pas en état d'être reçu ; que les malfaçons constatées relèvent de la responsabilité contractuelle en application de l'article 1147 du Code civil non couverte par la police souscrite ;
ATTENDU que l'assurance responsabilité civile pour préjudices causés à autrui couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité incombant à l'assuré en raison des préjudices causés à autrui " ne consistant pas en dommages construction, dommages matériels intermédiaires, dommages matériels ou dommages immatériels visés aux articles 5, 7, 8, 9, 10 et 11 " du contrat ;
ATTENDU qu'en l'espèce les dommages sont consécutifs aux malfaçons affectant les fondations de l'ouvrage ; qu'ils n'entrent pas dans la catégorie des dommages couverts par cette police ;
ATTENDU que dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 8 février 2008, la SA LES TOITS DU LUBERON ne reprend pas le moyen concernant l'absence de cause du contrat conclu avec la SARL SOREIM ;
ATTENDU que la Compagnie AXA FRANCE IARD doit être mise hors de cause, les garanties souscrites ne couvrant pas les dommages construction survenus avant réception ; que le jugement déféré sera réformé de ce seul chef ;
ATTENDU qu'en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, une somme supplémentaire sera allouée à Monsieur et Madame X... ; qu'il n'y a pas lieu à application de ce texte en cause d'appel au profit de la SA LES TOITS DU LUBERON ni de la Société AXA Assurances ;
ATTENDU que la Compagnie AXA FRANCE IARD qui, assignée à personne devant le tribunal, a fait choix de ne pas constituer avocat, conservera la charge de ses propres dépens ;
ATTENDU que les autres dépens seront supportés par la SARL SOREIM qui succombe dans son appel incident ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Dit l'appel régulier et recevable en la forme,
Confirme le jugement déféré à l'exception de la condamnation de la Compagnie AXA FRANCE IARD,
Statuant à nouveau de ce chef,
Prononce la mise hors de cause de cette société,
Condamne la SA LES TOITS DU LUBERON à payer à Monsieur et Madame X... la somme supplémentaire de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne la SARL SOREIM à relever et garantir la SA LES TOITS DU LUBERON de cette condamnation,
Déboute la SA LES TOITS DU LUBERON de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,
Dit que la Compagnie AXA FRANCE IARD conservera la charge de ses propres dépens,
Condamne la SARL SOREIM aux autres dépens qui seront distraits au profit de la SCP PERICCHI et de la SCP TARDIEU, avoués, sur leurs affirmations de droit.
Arrêt signé par M. BRUZY, Président, et par Mme VILLALBA, Greffier.