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13/01/2009 | FRANCE | N°20

France | France, Cour d'appel de nîmes, Ct0007, 13 janvier 2009, 20


ARRÊT N° 20
RG : 07 / 01825
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES 09 février 2003 S / RENVOI CASSATION

X...
C /
SCP B... GERARD-A... BRUNO
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE 1re Chambre A SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT DU 13 JANVIER 2009
APPELANT :
Monsieur Bernard X... né le 09 Mai 1946 à DIE (26)... 65710 CAMPAN

représenté par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour assisté de Me Pierre RECHE, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :
SCP B... Gérard-A... Bruno successeurs de la SCP Bernard C...- Gérard B...- Bruno A...

notaires associés, société titulaire d'un office notarial prise en la personne de ses représentants légaux en e...

ARRÊT N° 20
RG : 07 / 01825
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NIMES 09 février 2003 S / RENVOI CASSATION

X...
C /
SCP B... GERARD-A... BRUNO
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE 1re Chambre A SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT DU 13 JANVIER 2009
APPELANT :
Monsieur Bernard X... né le 09 Mai 1946 à DIE (26)... 65710 CAMPAN

représenté par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour assisté de Me Pierre RECHE, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :
SCP B... Gérard-A... Bruno successeurs de la SCP Bernard C...- Gérard B...- Bruno A... notaires associés, société titulaire d'un office notarial prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social situé 1 Bd Amiral Courbet 30000 NIMES

représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assistée de la SCP COULOMB-CHIARINI, avocats au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 10 Octobre 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Dominique BRUZY, Président, Mme Christine JEAN, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller,

GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 04 Novembre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Janvier 2009 Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Dominique BRUZY, Président, publiquement, le 13 Janvier 2009, date indiquée à l'issue des débats, sur renvoi de la Cour de Cassation, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant acte du 4 novembre 1999 établi par Me C..., notaire associé de la SCP C...- B...- A..., M. X..., notaire, a cédé son étude sise à Anduze à M. D... moyennant le prix de 457 347, 05 € dont 389 137, 48 € correspondant au droit de présentation de la clientèle et 68 209, 56 € correspondant au prix de cession des éléments corporels et du bénéfice des contrats. La cession a été régularisée et enregistrée le 8 juin 2000. Le 23 août 2000, un redressement fiscal était notifié à M. X... au titre de la TVA qu'il aurait dû payer sur les éléments corporels évalués dans l'acte de cession. Par la suite, un reliquat de taxe professionnelle pour l'année 2000 d'un montant de 4 251, 80 € lui était réclamé.
Par exploit du 9 octobre 2002, M. X... a fait assigner la SCP de notaires B...- A..., successeur de la SCP C...- B...- A..., devant le Tribunal de Grande Instance de Nîmes pour l'entendre déclarer responsable du préjudice subi et obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 11 648, 12 € en conséquence du manquement du notaire à son devoir de conseil.
Par jugement du 9 février 2004, le Tribunal de Grande Instance de Nîmes a dit qu'aucune faute n'était démontrée à l'encontre de la SCP de notaires dans l'exercice de son devoir de conseil pour l'établissement de l'acte de cession d'un office notarial en date du 4 novembre 1999 et a rejeté les demandes de M. X... dans leur ensemble. Ce dernier était condamné aux dépens.
Saisie de l'appel relevé par M. X..., la Cour d'Appel de Nîmes a, par arrêt du 13 décembre 2005, confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions et condamné M. X... à payer à l'intimée la somme de 1 500 € au titre de l'articles 700 du nouveau code de procédure civile.
Sur le pourvoi formé par M. X..., la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt du 13 décembre 2005.
Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour de ce siège autrement composée désignée Cour de renvoi, il est fait expressément référence à leurs conclusions récapitulatives signifiées le 8 octobre 2008 pour M. X... et le 7 mai 2008 pour la SCP B...- A....
M. X... demande l'infirmation de la décision entreprise pour voir dire et juger que la SCP B...- A... a failli à son devoir de conseil dans le cadre de l'acte de cession de l'étude au profit de M. D... et obtenir condamnation de cette SCP à lui payer la somme de 11 845, 71 € au titre de la TVA, pénalités et intérêts de retard compris, et celle de 2 959, 34 € au titre de la quote-part de taxe professionnelle du deuxième semestre 2000. Il sollicite l'allocation d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'intimée aux dépens.
La SCP B...- A... conclut à la confirmation du jugement entrepris et au débouté de toutes les demandes de M. X.... Elle demande condamnation de ce dernier à lui payer une somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 10 octobre 2008.
MOTIFS
Attendu que l'appelant fait valoir que le devoir de conseil incombant à tout notaire présente un caractère absolu et que le notaire ne peut être déchargé de cette obligation en l'état des compétences de son client ; qu'il affirme que le notaire doit préciser à ses clients les conséquences fiscales de la vente et les interroger sur la répartition de ces frais ;
Attendu que la SCP intimée soutient au contraire que le devoir de conseil du notaire ne peut recevoir application que dans les cas où le conseil est possible et susceptible d'être suivi d'effet lorsque les parties sont elles-mêmes dans une situation permettant d'une part de recevoir le conseil et d'autre part de l'appliquer ; qu'elle poursuit en affirmant que le règlement de l'impôt réglementaire ne constitue en aucun cas un préjudice indemnisable dès lors que l'application de cet impôt découle d'un acte qui a été établi en parfaite connaissance et en parfait accord des parties ;
Attendu que le notaire est professionnellement tenu d'informer et d'éclairer les parties sur les incidences fiscales des actes qu'il établit ; qu'il ne peut être déchargé de son devoir de conseil envers son client par les compétences personnelles de celui-ci ; que la preuve du conseil donné incombe au notaire ;
Attendu qu'en l'espèce, la SCP B...- A... ne conteste pas l'absence de conseil aux parties quant aux conséquences fiscales de l'acte de cession établi le 4 novembre 1999 ; que contrairement aux motifs développés par le Tribunal, ni la qualité de notaire des deux contractants ni les compétences attachées à leur profession ne dispensaient le notaire rédacteur de son devoir de conseil ; que si le prix de cession est librement fixé par les parties, le notaire doit toutefois informer ses clients des conséquences fiscales de la vente et les interroger sur la répartition de ces frais ce qui n'a pas été faite en l'espèce ; que l'acte en cause ne porte aucune mention concernant la répartition de la charge des taxes ni aucune indication des positions des parties sur ce point puisqu'elles n'ont été ni informées ni consultées par le notaire rédacteur ; que l'administration fiscale déduit du silence de l'acte que seul le cédant est redevable ; que l'affirmation de la SCP appelante selon laquelle le cessionnaire n'aurait en l'espèce jamais accepté de prendre à sa charge le montant de TVA n'est corroborée par aucune pièce ; qu'à tout le moins, existait la possibilité d'un choix des parties sur ce point que le notaire devait leur présenter et mentionner à l'acte si le cessionnaire s'engageait à supporter tout ou partie de la TVA ;

Attendu que le préjudice résultant du manquement du notaire à son obligation de conseil s'analyse en une perte de chance pour M. X... de ne pas supporter la charge de la TVA ou de la répartir entre lui-même et l'acquéreur et d'éviter ainsi de supporter en totalité cette taxe par l'effet du silence de l'acte ; que ce dommage est certain et actuel ; que sa réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut donc consister que dans une fraction du préjudice subi correspondant à la perte de chance de l'éviter que la Cour fixe, au vu des éléments de la cause, à la moitié ;
Attendu que la TVA acquittée par M. X... s'est élevée à 11 178, 17 € ; que les pénalités et intérêts de retard ont été respectivement de 167, 54 € et 500 € ; que la première de ces sommes correspond, selon l'avis de mise en recouvrement, aux pénalités arrêtées au mois d'août 2000, c'est-à-dire à la date de la notification du redressement et n'est donc pas imputable à un retard de paiement de M X... mais résulte de la non-déclaration consécutive au manquement du notaire à son devoir de conseil ; que la seconde somme correspond aux intérêts de retard dus pour non-paiement après le rejet de la réclamation de M. X... et ne peut donc être imputée au notaire ;
Attendu qu'en définitive, le préjudice résultant directement du manquement au devoir de conseil s'évalue à la moitié des sommes réclamées par le fisc, exclusion faite de celle de 500 €, soit 5 672, 85 € (11 178, 17 € + 167, 54 €) X 50 %, somme arrondie à 5 673 € ;
Attendu qu'à la fin de l'année 2000, M. X... a dû acquitter, après dégrèvement, la somme de 2 959, 34 € au titre de la régularisation de la taxe professionnelle afférente à cette année ; que la SCP B...-A... se prévaut de la mention portée en page trois de l'acte de cession au chapitre « recouvrements-compte de charges » selon laquelle « M. X... réserve tous droits sur les déboursés, honoraires et émoluments qui lui seront rendus au moment de la prestation de serment. Le recouvrement sera effectué par M. D... et les fonds seront remis à M. X... tous les trimestres. Il sera fait entre les parties un compte de prorata de charges de l'office » ; qu'elle affirme que la charge de la taxe professionnelle a donc été évoquée et tranchée ; que toutefois, cette disposition n'inclut pas les impôts ni les taxes au sujet desquels l'acte est silencieux ; que la taxe professionnelle devait également faire l'objet d'une information par le notaire pour permettre aux parties de la répartir entre elles dans l'acte pour l'année 2000 ; que la moitié de la somme réclamée, soit 1 479, 67 €, arrondie à 1 480 €, doit être mise à la charge du notaire défaillant dans l'exécution de son devoir de conseil qui aurait permis de façon certaine une répartition au moins égale entre les parties tenant la date de l'acte, les délais nécessaires à son enregistrement et l'exercice d'activité ;
Attendu que le jugement déféré sera donc infirmé et la SCP intimée condamnée en application de l'article 1382 du Code Civil au paiement des sommes ci-dessus fixées au profit de M. X... ;
Attendu que sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, une somme de 1 500 € sera allouée à M. X... ;
Attendu que la SCP B...- A... succombe sur l'essentiel de ses prétentions et supportera les dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, sur renvoi de Cassation et en dernier ressort,
Vu l'arrêt de la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation en date du 3 avril 2007,
Vidant le renvoi,
Dit l'appel régulier et recevable en la forme,
Infirme le jugement déféré,
Dit que la SCP B...- A... a manqué à son devoir de conseil lors de la rédaction de l'acte de cession du 4 novembre 1999,
La condamne en conséquence à payer à M. X... la somme de 7 153 euros au titre des dommages-intérêts.
La condamne en outre à payer à M. X... la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne la SCP B...- A... aux entiers dépens, comprenant ceux de l'arrêt cassé, avec distraction au profit de le SCP TARDIEU, avoué, sur ses affirmations de droit. Arrêt signé par M. BRUZY, Président et par Mme VILLALBA, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Ct0007
Numéro d'arrêt : 20
Date de la décision : 13/01/2009

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation d'éclairer les parties - /JDF

Ni la qualité de notaire des deux contractants, ni les compétences attachées à leur profession ne dispensent le notaire rédacteur de son devoir de conseil. Si le prix de cession est librement fixé par les parties, le notaire doit toutefois informer ses clients des conséquences fiscales de la vente et les interroger sur la répartition de ces frais. Tel n'a pas été le cas en l'espèce. Dès lors, le préjudice résultant du manquement du notaire à son obligation de conseil s'analyse en une perte de chance pour le cédant de ne pas supporter la charge des taxes ou de la répartir entre lui-même et l'acquéreur et d'éviter ainsi de la supporter en totalité par l'effet du silence de l'acte. Le dommage est certain et actuel. Sa réparation doit être mesurée à hauteur de la moitié du préjudice


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nîmes, 09 février 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2009-01-13;20 ?
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