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28/10/2008 | FRANCE | N°1486

France | France, Cour d'appel de nîmes, Ct0193, 28 octobre 2008, 1486


COUR D'APPEL DE NÃŽMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2008
ARRÊT N° 1486
RG : 08 / 00552 08 / 02217

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NÃŽMES 31 janvier 2008 Section : Industrie

SAS LAFARGE BETON SUD EST C / X...

APPELANTE :
SAS LAFARGE BETON SUD EST venant aux droits de la SA BETON CHANTIER PRET et prise en la personne de son représentant légal en exercice Quartier du Pontet 84430 MONDRAGON

représentée par Maître George H. PONS, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉ :
Monsieur Patrick X... ...34680 ST-GEORGES-D'ORQUES

reprÃ

©senté par Maître Hervé MOYNARD, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET D...

COUR D'APPEL DE NÃŽMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2008
ARRÊT N° 1486
RG : 08 / 00552 08 / 02217

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NÃŽMES 31 janvier 2008 Section : Industrie

SAS LAFARGE BETON SUD EST C / X...

APPELANTE :
SAS LAFARGE BETON SUD EST venant aux droits de la SA BETON CHANTIER PRET et prise en la personne de son représentant légal en exercice Quartier du Pontet 84430 MONDRAGON

représentée par Maître George H. PONS, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉ :
Monsieur Patrick X... ...34680 ST-GEORGES-D'ORQUES

représenté par Maître Hervé MOYNARD, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président, Madame Brigitte OLIVE, Conseiller, Madame Françoise GAUDIN, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 10 Septembre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Octobre 2008 successivement prorogée au 28 octobre 2008,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 28 Octobre 2008,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Patrick X... a été embauché en qualité de commercial le 2 octobre 1995 par la société Lafarge Béton Sud Est, et se trouvait placé sous la responsabilité de son oncle Philippe X... qui occupait les fonctions de chef de centre.
Par lettre du 25 mai 2004 adressée au Directeur Général de la société Lafarge Béton Service, Monsieur Philippe X... écrivait :
« J'ai l'honneur et le devoir de vous informer qu'à ce jour j'ai constitué une quantité plus que suffisante de documents mettant personnellement en cause Monsieur Jack Z..., Président-Directeur Général de Béton Chantiers Prêt ès qualité.
Ces documents édifiants sont constitutifs des chefs d'abus de biens sociaux, de complicité d'abus de biens sociaux, de recel de détournement de fonds, de fraude fiscale et de faux en écritures comptables, le tout en vue d'enrichissement personnel caractérisé au détriment du personnel et des actionnaires du groupe Lafarge.
Patrick X... et moi-même nous tenons dès lors à votre entière disposition afin de communiquer et de commenter ces pièces dans l'attente des dispositions juridiques qui s'imposeraient. »
Le 29 juin 2004, le directeur général, afin de compléter ses investigations, demandait à Monsieur Patrick X... de lui remettre copie des pièces et documents dont il faisait état.
Ce dernier répondait le 10 juillet 2004 que les documents dont il disposait avaient été remis le 28 mai 2004 à son supérieur hiérarchique Monsieur Philippe X... .
A la suite de cette dénonciation Monsieur Philippe X..., après autorisation de l'inspecteur du travail en sa qualité de salarié protégé, était licencié le 23 juillet 2004.
Il saisissait le Conseil des prud'hommes de Montpellier pour contester son licenciement, et parallèlement la juridiction administrative pour contester la décision de l'inspecteur du travail et la décision implicite de rejet du ministre du travail.
Le 27 juillet 2004 Monsieur Patrick X... était désigné par le syndicat CFTC en qualité de délégué syndical. Mais par jugement du 21 septembre 2004 le Tribunal d'instance d'Orange annulait cette désignation, et le pourvoi était déclaré non admis par arrêt de la Cour de cassation.
Finalement Monsieur Patrick X... était licencié pour faute grave le 22 septembre 2004 et saisissait le Conseil des prud'hommes de Nîmes pour contester son licenciement.
Après une décision de radiation, prononcée le 9 juin 2005, et ré-enrolement, les parties étaient convoquées pour l'audience du 15 octobre 2007 devant la section industrie du Conseil des prud'hommes.
L'employeur demandait alors soit à titre principal le renvoi de l'affaire devant le Conseil des prud'hommes de Montpellier, soit à titre subsidiaire un sursis à statuer.
Par jugement du 31 janvier 2008, cette juridiction se déclarait compétente et renvoyait la cause et les parties devant le bureau de jugement à l'audience du 31 mars 2008.
L'employeur a relevé appel de cette décision et soutient que :
- le Conseil des prud'hommes a estimé qu'il devait statuer sur une exception d'incompétence, en sorte que le greffe a notifié la décision en indiquant comme voie de recours le contredit,
- les conclusions déposées le 15 octobre et visées par le greffe demandaient le renvoi de la procédure concernant Monsieur Patrick X... devant le Conseil des prud'hommes de Montpellier, cette demande étant fondée sur le respect de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme,
- le recours par contredit n'est ouvert que pour l'examen des questions d'incompétence d'une juridiction en raison du lieu ou de la matière, c'est donc bien l'appel qui doit être formé, d'ailleurs il n'a pas été demandé au Conseil de prud'hommes de se déclarer incompétent mais de renvoyer l'affaire devant une autre juridiction limitrophe,
- en l'espèce la section industrie du conseil des prud'hommes de Nîmes n'offre pas les garanties d'un procès équitable au sens de l'article 6 de la déclaration européenne des droits de l'homme, car Monsieur Philippe X... a fait l'objet d'une procédure de licenciement dans le cadre de la même affaire que celle qui a valu à Monsieur Patrick X... son licenciement pour faute grave,
- cette affaire ne peut être jugée par le conseil des prud'hommes de Nîmes section industrie, là où précisément Monsieur Philippe X... siège encore à l'heure actuelle comme conseiller prud'homme, en sorte qu'elle est donc bien fondée à contester l'impartialité des juges du Conseil des prud'hommes de Nîmes,
- à titre subsidiaire elle demande un sursis à statuer Messieurs Philippe et Patrick X... ayant déposé une plainte avec constitution de partie civile contre personnes dénommées entre les mains du juge d'instruction de Nîmes, et après consignation la procédure pénale est en cours,
- cette plainte est dirigée contre Monsieur Jack Z... et son épouse ainsi que Messieurs Pierre Yves Y... Directeur Général Délégué de Lafarge Béton, Bernard B... DRH, Madame Annick C... Direction juridique, Monsieur Georges E..., Monsieur Gérard F..., Monsieur Jean Paul G..., Monsieur Bertrand A... Président-Directeur Général du groupe, pour faux, usage de faux, abus de biens sociaux, complicité d'abus de biens sociaux,
- mais ces faits sont ceux qui ont été dénoncés par courrier du 25 mai 2004, consignés par Messieurs Patrick et Philippe X...,
- aussi il y a lieu, en tout état de cause, d'attendre la fin de la procédure pénale.
La société appelante demande donc l'annulation de cette décision, le renvoi de l'affaire à une autre juridiction ou à tout le moins un sursis à statuer, outre la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Quant à la décision du 31 mars 2008, elle doit suivre le même sort.
Monsieur Patrick X... invoque l'irrecevabilité de l'appel, seul le contredit devant être exercé. Il demande en outre la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Quant au recours sur la décision du 31 mars 2008, il prétend qu'il est aussi irrecevable.

MOTIFS

- Sur la recevabilité :

Attendu que, selon la décision critiquée, le Conseil des prud'hommes a considéré qu'il était saisi d'une exception d'incompétence ;
Attendu que, cependant, il est établi par les pièces du dossier de la procédure que, par conclusions, la société a demandé le renvoi de l'instance devant un autre Conseil des prud'hommes, notamment celui de Montpellier, en invoquant l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'en l'espèce l'employeur indiquait que, selon lui, le Conseil des prud'hommes de Nîmes n'offrait pas les garanties d'un procès équitable car celui qui doit siéger comme conseiller prud'hommes dans la section industrie est Monsieur Philippe X..., oncle de Patrick ;
Attendu qu'il n'a pas été demandé au Conseil de prud'hommes de se déclarer incompétent en raison du lieu ou de la matière mais de renvoyer l'affaire devant une autre juridiction limitrophe pour défaut d'impartialité de l'ensemble de la juridiction prud'homale ;
Attendu que cette demande, formalisée dans des écritures, ne discutait ni de la compétence matérielle ni de la compétence territoriale, et, dans ces conditions, l'appel formé à son encontre est immédiatement recevable en ce qu'il invoque un excès de pouvoir ;
- Sur le bien-fondé :
Attendu que la demande de l'employeur s'analysait comme caractérisant l'exercice d'une cause de suspicion légitime fondée sur des liens familiaux entre le plaideur et son juge ; qu'il devait alors être fait application, d'office, des dispositions des articles 357 et suivants du Code de procédure civile ;
Attendu qu'ainsi en l'absence de saisine du président de la juridiction, ont été méconnues les attributions d'une part de ce dernier pour décider si l'affaire devait être ou non renvoyée devant une autre juridiction, d'autre part de la juridiction supérieure statuant au vu des motifs du président, dont la décision de transmission ne s'analyse pas seulement en une mesure d'administration judiciaire ;
Attendu que, dès lors, la décision critiquée porte atteinte, par excès de pouvoir, aux modalités, d'ordre public, de fonctionnement de la juridiction et s'arroge les attributions spécifiques du président de la juridiction prud'homale ;
Attendu qu'en conséquence cette décision doit être purement et simplement annulée, toute décision qui en est la suite ou la conséquence ou le complément devant être elle aussi annulée ;
Attendu qu'il sera ordonné la poursuite de l'instance devant le Conseil des prud'hommes selon les dispositions des articles 356 et suivants du Code de procédure civile ;
Attendu qu'en ce qui concerne la procédure répertoriée sous le numéro RG 08 / 02217 il s'agit d'une décision du 31 mars 2008 constituant un refus de la même formation du Conseil des prud'hommes, estimant que l'appel, à l'encontre de la décision du 31 janvier 2008, ne pouvait être qualifié de suspensif ;
Attendu que cette seconde décision fait suite à la précédente dans le cadre de la même instance opposant la société Lafarge Béton à Monsieur Patrick X... ; que sur l'appel de l'employeur il sera prononcé une jonction dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;
Attendu que cette décision étant postérieure, elle doit être déclarée nulle et de nul effet ;
Attendu qu'il paraît équitable que chacune des parties supporte ses frais exposés non compris dans les dépens ;
Vu l'article 696 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
Ordonne la jonction des procédures répertoriées sous les numéros RG 08 / 00552 et RG 08 / 02217 qui se poursuivront sous le numéro le plus ancien,
Déclare recevables les appels nullité,
Annule la décision déférée du 31 janvier 2008 en ce qu'elle s'arroge les attributions du président du Conseil des prud'hommes dont la décision de transmission ne s'analyse pas seulement en une mesure d'administration judiciaire, et en ce qu'elle met en échec un examen de la juridiction supérieure statuant au vu des motifs du président,
Déclare nulle et de nul effet la décision déférée du 31 mars 2008 en ce qu'elle est la suite de la précédente,
Dit que l'instance se poursuivra, en l'état des conclusions déposées le 15 octobre, devant le Conseil des prud'hommes de Nîmes pour qu'il soit fait application des dispositions des articles 358 et suivants du Code de procédure civile et renvoie la cause et les parties devant cette juridiction,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dit que chaque partie supportera ses propres dépens exposés.
Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER, Président, et par Madame SIOURILAS, Greffier, présente lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Ct0193
Numéro d'arrêt : 1486
Date de la décision : 28/10/2008

Analyses

PRUD'HOMMES - Appel - Recevabilité

SUSPICION LEGITIME - Procédure - Requête - Rejet d'une requête de renvoi pour cause de suspicion légitime

1) Est recevable l'appel de l'employeur en ce qu'il invoque un excès de pouvoir, dès lors qu'il n'a pas été demandé au Conseil de prud'hommes de se déclarer incompétent en raison du lieu ou de la matière mais de renvoyer l'affaire devant une juridiction limitrophe pour défaut d'impartialité de l'ensemble de la juridiction prud'homale. 2) Dès lors que la demande de l'employeur s'analysait comme caractérisant l'exercice d'une cause de suspicion légitime fondée sur des liens familiaux entre le plaideur et son juge, et qu'il devait alors être fait application, d'office, des dispositions de l'article 357 et suivants du Code de procédure civile, la décision de la juridiction prud'homale, ainsi que toute décision qui en est la suite ou le complément, doit être annulée en ce qu'elle s'arroge les attributions du président du Conseil de prud'hommes dont la décision de transmission ne s'analyse pas seulement en une mesure d'administration judiciaire, et en ce qu'elle met en échec un examen de la juridiction supérieure statuant au vu des motifs du président.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Nîmes, 31 janvier 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2008-10-28;1486 ?
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