COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2008
ARRÊT N° 1460 CHAMBRE SOCIALE
RG : 08/00875
CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE CLERMONT L'HERAULT 03 juillet 2006
S/RENVOI CASSATION
X...C/COMMUNE DE GIGNAC, REGIE MUNICIPALE D'EAU ET D'ELECTRICITE
APPELANT :
Monsieur Didier X...né le 15 Septembre 1966 à MONTPELLIER (34000) ... 34150 GIGNAC
comparant en personne, assisté de Maître Erik ROUXEL, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉE :
COMMUNE DE GIGNAC REGIE MUNICIPALE D'EAU ET D'ELECTRICITE prise en la personne de son représentant légal en exercicePlace de l'ancienne Gendarmerie 34150 GIGNAC
représentée par Maître Philippe AUDOUIN, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président, Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller, Madame Brigitte OLIVE, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine ANGLADE, Adjoint Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors du prononcé,
DÉBATS :
à l'audience publique du 02 Juillet 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Septembre 2008 successivement prorogée au 21 octobre 2008
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER. Président, publiquement, le 21 octobre 2008,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Didier X... était engagé le 1er janvier 1995 au sein du service municipal d'eau et d'électricité de la commune de Gignac, en qualité de monteur électricien stagiaire.
Le 1er janvier 1996, il était titularisé en qualité de monteur électricien d'exploitation relevant du statut des exploitations électriques et minières.
Estimant être victime de harcèlement moral, il saisissait le Conseil de prud'hommes de Clermont l'Hérault d'une demande en dommages et intérêts et de publication de la décision.
Par jugement du 3 juillet 2006, cette juridiction se déclarait incompétente au profit de la juridiction administrative.
Sur appel de Monsieur Didier X..., la Cour d'appel de Montpellier, par arrêt du 18 octobre 2006, confirmait le jugement.
Sur pourvoi formé par Monsieur Didier X..., la Cour de cassation, par arrêt du 12 février 2008, cassait et annulait dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 18 octobre 2006, au visa de l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et l'article L. 511-1 alinéa 7 du Code du Travail, et renvoyait la cause et les parties devant la Cour d'appel de ce siège aux motifs que :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et l'article L. 511-I alinéa 7 du Code du travail ;
Attendu que pour déclarer la juridiction prud'homale incompétente au profit de la juridiction administrative, l'arrêt retient que le salarié employé d'un service public assuré par la personne publique qu'il l'a créé, a la qualité d'agent public ;
Attendu, cependant, que les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour se prononcer sur les litiges d'ordre individuel qui opposent les services publics à caractère industriel et commercial à leurs agents, à l'exception de l'agent chargé de la direction du service ainsi que du chef de la comptabilité lorsque ce dernier possède la qualité de comptable public ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants, alors qu'elle avait constaté que la Régie électrique de Gignac avait un caractère industriel et commercial, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ces dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2006 (...)
Actuellement, Monsieur Didier X... soutient que :
- en tout état de cause, la juridiction prud'homale est compétente comme l'a décidé la cour de cassation et selon la jurisprudence administrative,
- sur le harcèlement, il expose que le directeur de la Régie se livre à des comportements répréhensibles à son égard et le cantonne à des tâches qui ne sont pas liées à sa qualification, de plus il a fait l'objet de sanctions déguisées et de rétrogradation,
- cette situation étant confirmée par les témoignages de ses collègues de travail.
Il demande donc :
- la condamnation de l'employeur à lui payer de 15 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- d'ordonner la cessation du harcèlement sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- le paiement de la somme de 3 091 euros au titre de la perte de salaires inhérente à ses arrêts de travail pour maladie,
- d'ordonner la publication de la décision à intervenir sur les panneaux d'affichage de la commune de Gignac et dans le Midi Libre,
- la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Actuellement la commune de Gignac, intimée, expose que la convocation pour l'audience du 2 juillet 2008 a été expédiée le 4 juin 2008, en sorte que l'exercice de ses droits est compromis en l'absence d'un délai suffisant pour organiser sa défense, et ce d'autant plus qu'elle avait saisi l'autorité préfectorale afin que celle-ci envisage de présenter un déclinatoire de compétence.
MOTIFS
Attendu qu'il résulte des pièces produites, et notamment des mentions de son règlement intérieur du 7 avril 1999, que le service d'électricité de la commune de Gignac d'une part exploite la production d'électricité fournie par l'usine hydraulique installée sur le fleuve côtier l'Hérault d'une puissance de 1 700 Kilowatts, d'autre part la distribue chez les abonnés ; que ce service est dirigé par un directeur, qui nomme et révoque les agents et employés de la régie dans les conditions prévues par le statut du personnel des industries électriques et gazières, et ses recettes et dépenses d'exploitation font l'objet d'un budget distinct de celui de la commune ;
Attendu que selon les explications fournies à l'audience il s'agit depuis sa création d'un service industriel et commercial de la commune qui poursuit une activité depuis 1938 ;
Attendu qu'il est de jurisprudence constante qu'eu égard à son objet et aux conditions de son fonctionnement, un service de distribution de l'électricité présente le caractère d'un service public industriel et commercial et les litiges avec leurs agents relèvent de la compétence de l'ordre judiciaire ;
Attendu qu'actuellement la commune invoque les dispositions de Code général des collectivités territoriales comme constituant une exception législative à ce principe, ce service fonctionnant sous forme de régie non dotée de la personnalité morale ;
Attendu que, toutefois, ledit Code n'a pas apporté de dérogations à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, modifié par l'article 6 de la loi du 2 août 1949, mais maintenu par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;
Attendu qu'en effet cet article est ainsi libellé :
Les sociétés de distribution à économie mixte dans lesquelles l'Etat ou les collectivités publiques possèdent la majorité, les régies ou services analogues constitués par les collectivités locales sont maintenues dans leur situation actuelle, le statut de ces entreprises devant toujours conserver le caractère particulier qui leur a donné naissance d'après les lois et décrets en vigueur ou futurs.
Dans le cas où la distribution de l'électricité ou de gaz était exploitée antérieurement à la présente loi par les régies ou services analogues constitués par les collectivités locales ou par les sociétés où ces collectivités avaient la majorité des actions, ou bien dont elles partageaient les profits dans une proportion égale ou supérieure à celles qui découlent du décret du 28 décembre 1926 sur les sociétés d'économie mixte, ces services ou sociétés seront, dans le cadre des services de distribution constitués ou transformés en établissements publics communaux ou intercommunaux qui prendront avec la forme adéquate le nom de "Régie de ..." suivi du nom de la collectivité ;
Attendu que, dans ces conditions, l'emploi du mot régie désignant, en l'espèce, le service de la distribution d'électricité, n'a pas la portée que lui assigne la commune et s'agissant d'une régie autonome gérée dans les conditions de droit privé, le principe susvisé doit s'appliquer, peu important la dénomination du service ;
Attendu que, dès lors, la juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour se prononcer sur le litige d'ordre individuel qui oppose le service public à caractère industriel et commercial de la commune de Gignac à son agent Monsieur Didier X..., qui est monteur électricien d'exploitation et n'est pas chargé de la direction ;
Attendu qu'en l'état il ne sera statué que sur la compétence afin de permettre à la commune, et à son conseil, de disposer d'un temps supplémentaire ; qu'il convient donc de rouvrir les débats pour que les parties s'expliquent sur le fond du litige ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Vu l'arrêt de cassation du 12 février 2008,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit que le litige ressortit à la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire,
Sur le fond, ordonne la réouverture des débats,
Renvoie la cause et les parties à l'audience du mercredi 7 janvier 2009 à 14 heures,
Dit que le présent arrêt tiendra lieu de convocation à cette audience.
Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER, Président, et par Madame SIOURILAS, Greffier, présente lors du prononcé.