La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2008 | FRANCE | N°441

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre civile 2, 11 juin 2008, 441


R. G : 06 / 05216
JLR / DDP
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS 16 novembre 2006

X...
C /
Y...

COUR D'APPEL DE NIMES

CHAMBRE CIVILE Chambre 2 C

ARRÊT DU 11 JUIN 2008
APPELANT :
Monsieur Gérard X... né le 27 Janvier 1948 à LA TRONCHE (38700)... 07600 VALS LES BAINS

représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assisté de la SCP RIBEYRE-D'ABRIGEON VESSON, avocats au barreau de PRIVAS

INTIMEE :
Madame Cécile Y... épouse X... née le 14 Février 1950 à LYAS (07000)... 07000 PRIVAS

reprÃ

©sentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour assistée de Me Pascale CHABBERT-MASSON, avocat au barreau de NIMES

---------...

R. G : 06 / 05216
JLR / DDP
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PRIVAS 16 novembre 2006

X...
C /
Y...

COUR D'APPEL DE NIMES

CHAMBRE CIVILE Chambre 2 C

ARRÊT DU 11 JUIN 2008
APPELANT :
Monsieur Gérard X... né le 27 Janvier 1948 à LA TRONCHE (38700)... 07600 VALS LES BAINS

représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assisté de la SCP RIBEYRE-D'ABRIGEON VESSON, avocats au barreau de PRIVAS

INTIMEE :
Madame Cécile Y... épouse X... née le 14 Février 1950 à LYAS (07000)... 07000 PRIVAS

représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour assistée de Me Pascale CHABBERT-MASSON, avocat au barreau de NIMES

--------------

Après que l'instruction ait été clôturée par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat en date du 28 Mars 2008, révoquée sur le siège en raison d'une cause grave invoquée conjointement par les avoués des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Jean-Louis ROUDIL, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Louis ROUDIL, Président Mme Christine AUBRY, Conseiller Monsieur Alain FAVRE, Conseiller

GREFFIER :

Madame Nicole GUIRAUD, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

en Chambre du Conseil, sur rapport oral de M. ROUDIL, le 09 Avril 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Juin 2008
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Louis ROUDIL, Président, publiquement, le 11 Juin 2008, date indiquée à l'issue des débats,
Par jugement rendu le 16 novembre 2006 entre Madame Y... et Monsieur X... le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de PRIVAS a :
- prononcé le divorce entre ces époux sur le fondement de l'article 234 du Code Civil,
- condamné Monsieur X... à payer à Madame Y... une somme de 100. 000 Euros en capital à titre de prestation compensatoire,
- débouté Madame Y... de sa demande d'autorisation de continuer de faire usage du nom marital,
- condamné Monsieur X... aux entiers dépens.
Par déclaration au greffe du 27 décembre 2006, Monsieur X... a relevé appel de cette décision en cantonnant son recours aux conséquences du divorce et aux dispositions relatives aux dépens.
Il demande à la Cour :
- de l'infirmer de ces chefs,
- de dire satisfactoire son offre de verser à Madame Y... 50. 000 Euros à titre de prestation compensatoire à prélever sur sa part de communauté,
- de rejeter le surplus des demandes de celle-ci,
- de la condamner à lui payer 3. 000 Euros pour frais irrépétibles et à supporter les dépens d'appel.
A l'appui de son recours, Monsieur X... fait valoir :
- que le premier Juge a ignoré le fait qu'il était revenu du CAMEROUN et occupait désormais un poste au collège de VALS LES BAINS de sorte que ses revenus sont passés de 7. 146 Euros à 3. 168 Euros,
- qu'il sera en situation de retraite en 2008 avec un revenu mensuel de 2. 000 Euros,
- qu'il s'est endetté pour pouvoir acquérir un logement décent,
- que Madame Y... détient un bien de grande valeur à GRASSE qu'elle pourra négocier lors de l'extinction de l'usufruit qui le grève.
Madame Y... a formé un appel incident et demande :
- le rejet des prétentions de Monsieur X...,
- la fixation de la prestation compensatoire à un capital de 300. 000 Euros,
- la condamnation de Monsieur X... à lui payer 3. 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- sa condamnation à lui payer 1. 500 Euros pour frais irrépétibles ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Elle expose :
- qu'une expertise a été ordonnée et diligentée pour apprécier la situation patrimoniale de chacun des époux,

- que Monsieur X... a tenté de tromper la Cour en produisant une évaluation de retraite qui ne comporte aucun élément d'identification et ce alors qu'elle a pu vérifier auprès du service des pensions qu'il n'en avait demandé aucune,

- que la consultation du fichier FICOBA démontre que Monsieur X... disposait de 13 comptes alors qu'il n'en a révélé que 4 à l'expert,
- qu'il s'est toujours refusé à communiquer l'état réel de ses comptes,
- qu'elle a élevé seule les deux enfants du couple alors que Monsieur X... avait choisi de vivre et travailler en AFRIQUE entre 1985 et 2004,
- qu'à 58 ans elle n'a ni ressources ni droits à la retraite supérieurs à 125, 24 Euros par mois,
- que les avoirs que Monsieur X... a pu constituer en AFRIQUE et rapatrier peuvent être évalués à 2. 500 Euros par mois ce qui correspond à une épargne totale de 570. 000 Euros.

MOTIFS DE LA DECISION :

1) La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et rien au dossier ne conduit la Cour à le faire d'office.
L'appel, régulier en la forme, sera déclaré recevable avec, à sa suite, l'appel incident de Madame Y....
2) La cause du divorce est acquise, l'appel principal étant cantonné à ses conséquences et son prononcé n'a pas été remis en cause par voie d'appel incident de la part de Madame Y....
3) Le litige se trouve circonscrit à la question de la prestation compensatoire.
4) Sur la prestation compensatoire :
La prestation compensatoire que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre est destinée à compenser autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux.
Elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Aux termes des articles 274 et 275 du Code Civil, la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant et les modalités d'attribution sont fixés par le juge.

L'attribution ou l'affectation de biens en capital peut se faire notamment par l'abandon de biens en nature, meubles ou immeubles, en propriété, en usufruit, pour l'usage ou l'habitation, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier.

L'article 272 du Code Civil, prévoit que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération notamment :
* l'âge et l'état de santé des époux, * la durée du mariage, * le temps déjà consacré ou qu'il leur faudra consacrer à l'éducation des enfants, * leur qualification et leur situation professionnelle au regard du marché du travail, * leur disponibilité pour de nouveaux emplois, * leurs droits existants et prévisibles, * leur situation respective en matière de pension de retraite, * leur patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.

Le mariage célébré le 30 Octobre 1971 aura duré 35 ans.
Les époux étaient soumis au régime de la communauté légale réduite aux acquêts.
Trois enfants sont issus de cette union dont Madame Y... a assumé à titre principal l'éducation et l'entretien, Monsieur X... travaillant en AFRIQUE.
Madame Y... est âgée de 58 ans.
Elle n'a pas de ressources personnelles autres que 754 Euros d'ARE (mars 2008) et n'a pas constitué de droits à la retraite susceptibles de lui procurer plus de 125, 24 Euros par mois quand elle aura atteint l'âge requis.
Son patrimoine propre est composé de la nue-propriété d'un studio sis à GRASSE qu'elle a acquis le 3 mai 2002 pour le prix de 15. 245 Euros mais dont la valeur en pleine propriété ou les revenus n'ont pas à être pris en compte car la réunion de l'usufruit à la nue-propriété ne se produira qu'au décès de l'usufruitier ce qui assimile la situation à une vocation successorale qui ne représente pas un droit actuel et prévisible au sens de l'article 277 du Code Civil.
Monsieur X... est enseignant, âgé de 60 ans, et il peut prétendre actuellement à une retraite d'un montant brut mensuel de 2. 910 Euros.
Il a travaillé en AFRIQUE de 1985 à 2004 et percevait alors des revenus qui avaient atteint 7. 146 Euros par mois pour la période la plus récente.
Après son retour en FRANCE il a repris un poste au traitement de 40. 213 Euros retenus pour l'IRR en 2006 soit 3. 351 Euros en moyenne mensuelle.
Le patrimoine propre de Monsieur X... est composé d'une maison qu'il a acquise à PONT DE BRIDON le 4 octobre 2005 au prix de 60. 000 Euros, celui-ci précisant qu'il a acquis ce bien à crédit (57. 000 Euros et PEL pour 30. 000 Euros) et réalisé des travaux pour 15. 000 Euros.
Le patrimoine commun est constitué d'une villa sise à PRIVAS évaluée 210. 000 Euros en 2004 et de valeurs en compte que Monsieur X... énonce dans son attestation sur l'honneur (CCP 50 Euros, CEL 300 Euros, livret A 15 Euros, contrat GMO 18. 000 Euros, PEA 25. 000 Euros, CODEVI 237 Euros, GROUPAMA 700 Euros et 15. 500 Euros utilisés pour les travaux de l'immeuble propre acquis en 2005) et qui représentent un total de 59. 302 Euros.
Madame Y... conteste toutefois la sincérité de ces affirmations en soutenant qu'elles ne peuvent correspondre aux sommes réellement épargnées par Monsieur X... pendant la durée de son long séjour en AFRIQUE et qu'il a dissimulées en les rapatriant de manière occulte grâce à des amis.
Elle en veut pour preuve le fait que celui-ci ne produise aucune pièce probante et qu'il n'a révélé à l'expert l'existence que de quelques comptes bancaires alors qu'il a disposé, en réalité, de 13 comptes.
A ces affirmations, Monsieur X... n'oppose que des protestations de bonne foi.
L'examen des pièces et du rapport d'expertise conduit à relever :
- que pendant son séjour en AFRIQUE, Monsieur X... a perçu (selon le rapport) :
88. 489 F. + 218. 865 F. + 245. 889 F. + 349. 247 F. + 294. 261 + 361. 313 F. + 347. 251 F. + 188. 022 F. + 440. 264 F. + 504. 211 F. + 550. 881 F. + 596. 163 F. + 533. 916 F. + 377. 136 F. + 165. 204 F. + 411. 253 F. Soit au total (1985-1998 inclus) 5. 672. 365 F. ou 864. 746 Euros puis 76. 880 Euros + 82. 793 Euros + 83. 817 Euros + 58. 380 Euros + 30. 992 Euros + 74. 961 Euros + 57. 194 Euros soit au total (1999 à 2004 inclus) 465. 017 Euros ce qui représente un total général de 1. 329. 763 Euros,

- que l'expert signale que Monsieur X... bénéficiait du statut fiscal d'expatrié (revenus nets d'impôt),
- que Madame Y... a communiqué les références de 8 comptes que l'expert n'a pas cités ni, a fortiori, examinés,
- que Monsieur X... ne fournit aucune explication ni justification relative au sort des sommes qu'il a perçues à titre de salaires ce qui revient à inviter la Cour à admettre que celles-ci auraient été intégralement consommées à l'exception de celles employées pour l'acquisition du bien commun et d'un reliquat, épargné, de 59. 302 Euros.
L'absence de toute indication et justification de sa part sur son mode de vie et le niveau de ses dépenses réelles pendant son long séjour en AFRIQUE laisse donc suffisamment présumer qu'il s'est constitué une épargne actuellement dissimulée et hors d'atteinte de Madame Y....
Tous les éléments (différence importante de revenus, droits à la retraite complets pour Monsieur X... et quasi inexistants pour Madame Y..., différence importante des patrimoines propres juridiquement ou de facto) caractérisent une disparité de condition de vie au préjudice de Madame Y... conséquence de la rupture du lien matrimonial que le partage de la communauté ne fera pas disparaître.
Madame Y... est donc en droit de prétendre à une prestation compensatoire qui sera liquidée à une somme de 160. 000 Euros en capital.
Ce capital est fixé à ce montant en considération du fait que le produit de son placement cumulé avec celui d'un capital égal à la moitié des droits de l'intéressée dans la communauté, supposé correspondre à 3, 5 % nets de ces capitaux, représenterait une somme mensuelle de 859, 39 Euros.
La décision entreprise sera en conséquence émendée en ce sens.
Monsieur X... sera condamné à payer en sus à Madame Y... :
-1. 500 Euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, l'abus étant concrétisé par sa réticence et finalement son abstention dans la production des documents justificatifs qu'il lui appartenait de communiquer pour permettre l'instauration d'un débat sincère et loyal sur la situation respective des parties,
-1. 500 Euros pour frais irrépétibles.
Il supportera enfin la totalité des dépens, tant de première instance que d'appel, eu égard à sa principale succombance sur les points réellement en litige.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, après débats hors la présence du public, en matière civile et en dernier ressort,

Reçoit en la forme l'appel principal et l'appel incident ;

Emendant la décision entreprise,
Condamne Monsieur X... à payer à Madame Y... une somme de 160. 000 Euros en capital à titre de prestation compensatoire ;
La confirme en ses autres dispositions contestées ;
Y ajoutant, condamne Monsieur X... à payer à Madame Y... :
* 1. 500 Euros à titre de dommages et intérêts, * 1. 500 Euros pour frais irrépétibles ;

Rejette les autres demandes plus amples ou contraires des parties ;
Condamne Monsieur X... aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Arrêt signé par M. ROUDIL, Président et par Madame GUIRAUD, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 441
Date de la décision : 11/06/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Privas, 16 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2008-06-11;441 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award