ARRÊT N° 323
RG : 07 / 00300
TRIBUNAL D'INSTANCE D'AVIGNON 12 décembre 2006
DIRECTION GENERALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS D'AVIGNON DIRECTION REGIONALE DES DOUANES
C /
SAS DHL EXPRESS et FREIGHT
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE Chambre 2 A
ARRÊT DU 10 JUIN 2008
APPELANTES :
LA RECETTE PRINCIPALE DE LA DIRECTION GENERALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS D'AVIGNON, 285 rue Gallias BP 990 84094 AVIGNON
représentée par Madame X... munie d'un pouvoir régulier
DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE PROVENCE, prise en la personne du Directeur Régional 6 Boulevard du Château Double 13100 AIX EN PROVENCE 02
représentée par Madame X... munie d'un pouvoir régulier
INTIMEE :
SAS DHL EXPRESS et FREIGHT anciennement DANZAS, poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social 241 la Belle Etoile ZI PARIS NORD II BP 56252 92957 ROISSY
représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assistée de la OFJI ALEXEN, avocats au barreau de LYON substituée par Me TRZASKA, avocat au barreau de PARIS
après que l'instruction eut été clôturée par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat en date du 18 Février 2008 révoquée sur le siège en raison d'une cause grave invoquée conjointement par les avoués des parties et clôturée à nouveau au jour de l'audience avant l'ouverture des débats,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Jean-Loup OTTAVY, Conseiller faisant fonction de Président, après rapport, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Loup OTTAVY, Conseiller faisant fonction de Président Monsieur Bernard NAMURA, Conseiller Mme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller
GREFFIER :
Madame Mireille DERNAT, Premier Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 19 Février 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Avril 2008 prorogé à celle de ce jour
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Jean-Loup OTTAVY, Conseiller faisant fonction de Président, le 10 juin 2008, par mise à disposition au greffe de la Cour.
La SA Malagutti-Vezinhet (Malagutti), qui importe notamment de l'ail, est autorisée depuis 1994 à stocker sa marchandise dans un entrepôt douanier privé, à charge pour elle de tenir une comptabilité-matières et d'adresses régulièrement en état du stock au Bureau des Douanes.
Le 22 avril 2002, un contrôle des douanes constatait que plus de 86 tonnes d'aulx étaient sorties de l'entrepôt, et que ce déficit de marchandises sous douane était assimilé à une importation sans déclaration de marchandise prohibée.
Le PDG de Malagutti SA indiquait à cette occasion que la comptabilité matières de l'entrepôt était tenue par la SA Danzas devenue depuis SAS DHL Express (DHL), commissaire en douane agrée, à laquelle il avait donné un mandat de représentation directe pour effectuer, en son nom et pour son compte, toutes déclarations en douane à l'importation comme à l'exportation.
Le 17 mars 2005, DHL recevait notification d'un avis de mise en recouvrement (AMR) pour les droits éludés par Malagutti, de 299. 714 euros.
DHL saisissait le Tribunal d'Instance d'AVIGNON, le 17 janvier 2006, pour faire constater l'irrégularité de l'AMR faute de communication préalable, et dans le délai, des éléments fondant la créance, la prescription de l'action, et le mal fondé de la demande, qui concernait la seule société Malagutti, de surcroît.
Par jugement du 12 décembre 2006, le Tribunal d'Instance d'AVIGNON a constaté l'irrégularité de l'AMR et la prescription de l'action et a condamné l'Administration des Douanes Françaises à payer 1. 000 euros à DHL, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La Recette Principale des Douanes d'Avignon, la Direction Régionale des Douanes de Provence ont relevé appel de ce jugement.
Par mémoire déposé le 19 février 2008, les appelantes qui seront plus avant désignées comme " La Douane " soutiennent que DHL avait été chargée de tenir la comptabilité-matières des marchandises placées dans l'entrepôt et qu'il lui incombait, à ce titre, de s'assurer de la réalité des entrées et des sorties des marchandises au sein de l'entrepôt douanier.
La Douane soutient que le commissaire en douane agréé est redevable des droits, et qu'il est codébiteur solidaire de la dette, avec Malagutti, qu'ainsi le procès-verbal du 27 mars 2002 a interrompu la prescription de l'action en recouvrement des droits de douane à l'égard de toutes les parties, DHL comprise.
La Douane fait valoir que les documents qui étaient annexés à l'AMR (LO et LS) suffisaient à garantir les droits du débiteur, aux termes du Code des Douanes, que la notification préalable d'un procès-verbal n'était pas nécessaire.
Elle précise que son action est fondée sur les déclarations IM 7 (entrées en entrepôt) et non sur les IM 4, que de surcroît les IM 4 qui tendaient à régulariser les IM 7 ne concernaient pas l'intégralité des marchandises en cause.
Elle affirme avoir déduit les droits réglés du montant de sa réclamation, et s'en tenir aux droits qui n'ont pas été perçus au moment du dépôt des déclarations en douane.
Elle souligne que l'insuffisance de garantie alléguée par DHL est inopérante en l'espèce.
La Douane demande d'infirmer le jugement, de rejeter les demandes du commissaire en douane et de dire n'y avoir lieu à dépens.
Par conclusions déposées le 27 novembre 2007, DHL reconnaît qu'elle avait reçu mandat de souscrire les déclarations IM 7 (placement sous le régime de l'entrepôt) des marchandises de Malagutti, dans le cadre de la représentation directe qui lui avait été confiée, mais soutient que Malagutti souscrivait les déclarations IM 4 (déclaration d'importation) dont elle-même n'était pas informée.
DHL considère que l'AMR est irrégulier, car elle n'a pas reçu préalablement notification des procès-verbaux dressés, que les documents joints à l'AMR étaient insuffisants pour lui permettre d'assurer sa défense en connaissance de cause.
Elle se prévaut de la prescription de l'action engagée plus de trois ans après les faits générateurs de 2001 et jusqu'au 2 mars 2002, par l'AMR notifié le 17 mars 2005.
Elle fait valoir l'irrégularité de l'AMR faute de lui avoir notifié le montant de la dette douanière dans le délai, alors qu'elle était parfaitement en mesure de le faire.
Elle considère en outre que l'AMR litigieux n'est pas fondé, car :
- le déficit constaté a été régularisé par la mise en consommation des marchandises (IM 4) ou par leur mise sous transit (T 1) c'est-à-dire exportées,
- seule Malagutti, qui a souscrit les déclarations de mise en consommation, est redevable de la dette au sens de l'article 201 du CDC,
- la notion de représentation directe n'est pas applicable dans le cadre des dispositions des articles 203 et 204 du CDC, puisque elle-même n'a jamais participé à la soustraction des marchandises, et que le seul fait d'avoir effectué les déclarations IM 7 ne saurait la rendre redevable, alors que c'est Malagutti qui devait assumer les charges inhérentes au régime de l'entrepôt sous douane,
- les règles de la représentation directe n'étaient pas applicables en 1996, et excluent le recours formé contre elle-même,
- seule Malagutti a la qualité d'entrepositaire au douane et doit, en cette qualité, supporter seule les conséquences des déclarations qu'elle souscrit ou fait souscrire, d'autant qu'il n'est pas justifié de l'existence de l'autorisation de l'article 103 du CDC donnée par les Douanes au transfert des obligations de l'entreposeur à DHL, de sorte que la tenue de la comptabilité matières incombait à Malagutti, exclusivement,
- le mandat donné par Malagutti se limitait aux déclarations IM 7, alors que la créance réclamée, portant sur des taxes supplémentaires à la tonne, résulte manifestement d'anomalies affectant les déclarations IM 4,
- seul le cautionnement mis en place par Malagutti, bénéficiaire d'un entrepôt de type C, pouvait réglementairement être utilisé pour garantir les opérations.
DHL demande d'annuler l'AMR du 17 mars 2005 et condamner La Douane à lui payer 5. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il conviendra de se reporter aux 43 pages de conclusions déposées de part et d'autre pour un exposé plus complet des moyens et arguments des parties.
SUR CE
Malagutti a bénéficié d'une autorisation d'entrepôt douanier de type C, en mars 1994, et était astreinte de ce fait à diverses obligations dont la tenue d'une comptabilité matières et d'un état mensuel des stocks existants.
Le 17 janvier 2002, Malagutti a donné un mandat de représentation en douane à Danzas devenue DHL, commissaire en douane agréé, pour " procéder en son nom et pour son compte, à toute déclaration en douane à l'importation, comme à l'exportation, dans le cadre de la représentation directe... ". Le mandat conférait au commissaire en douane le pouvoir de signer auprès des douanes tous actes nécessaires au dédouanement des marchandises confiées.
Aux termes des explications fournies par DHL, le dédouanement s'opérait par mise en consommation ou exportation. Ainsi le mandat emportait l'obligation de remplir aussi les imprimés IM 4.
La mission du commissaire en douane agréé étant d'accomplir les formalités douanières pour en décharger son mandant, DHL ne démontre pas que les opérations confiées se limitaient aux déclarations IM 7, c'est-à-dire à la seule mise en entrepôt.
En outre le PDG de Malagutti a affirmé que c'était DHL qui tenait la comptabilité-matières, laquelle n'a pas été retrouvée au siège social de l'entrepositaire.
Cette affirmation est corroborée par le contenu de la mission donnée à DHL : le dédouanement des marchandises confiées.
Il incombait de surcroît au commissaire en douane de recueillir toutes les informations nécessaires afin d'effectuer les déclarations douanières conformes, dans le cadre de ses obligations générales.
Au demeurant il n'est pas discuté que DHL accomplissait les formalités premières au nom et pour le compte de Malagutti. Ainsi aux termes des articles 395 et 396 CDN : les signataires de déclaration sont responsables des omissions, inexactitudes et autres irrégularités relevées dans les déclarations et les commissaires en douane agréés sont responsables des opérations en douane effectuées par leur soin.
C'est en vain que DHL conteste sa responsabilité à l'égard de l'Administration des Douanes, alors qu'il lui incombe de contrôler la régularité des opérations qui lui sont confiées, et qu'il répond de plein droit de l'infraction commise vis-à-vis de la douane jusqu'à la clôture des opérations, même sans faute personnelle de sa part, et quand bien même le mandant se serait adressé directement à la douane pour tenter une régularisation.
Ainsi c'est à bon droit que DHL a été destinataire de l'AMR litigieux du 17 mars 2005, lequel était afférent au dédouanement de 86 tonnes d'aulx en provenance de CHINE, ARGENTINE et IRAN, sorties de l'entrepôt initial, sans autorisation, en 2001 et 2002, mais dont la prescription a été interrompue, à son égard également, et pour le recouvrement des droits de douane, par le procès-verbal dressé le 27 mars 2002, à l'encontre de Malagutti.
Il n'y a donc pas lieu à prescription et le jugement est infirmé.
Sur la régularité de l'AMR du 17 mars 2005, la notification d'une infraction comportant des droits et taxes éludés donne lieu à l'émission d'un AMR qui mentionne le fait générateur de la créance, sa nature, son montant et les éléments de la liquidation, alors que l'article 345 du Code des Douanes n'impose pas d'y joindre le procès-verbal initial de constat, et qui constitue le moyen de communication garantissant une information adéquate du redevable, lui permettant d'assurer, en toute connaissance de cause, la défense de ses droits.
Tel est le cas en l'espèce et DHL ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'a pas été en mesure de connaître les faits qui lui étaient reprochés, spécialement si on se reporte au courrier de son conseil du 3 mai 2005, qui conteste en 11 pages l'AMR litigieux, auprès du Receveur des Douanes d'Avignon.
D'autre part aucune notification, préalable à l'AMR, par procès-verbal, notamment, n'est nécessaire.
Il n'y a donc pas lieu à nullité de l'AMR de ce chef.
Rien ne permet de contredire l'affirmation de La Douane relative à la taxation de 1. 200 euros par tonne afférente à l'AMR. Rien ne démontre que ces droits auraient déjà été payés.
L'incidence de la garantie financière, jugée insuffisante par DHL, sur le montant des droits dus par le commissaire au douane n'est pas démontrée.
Ainsi il convient de valider l'AMR du 17 mars 2005 et de débouter DHL de ses autres demandes.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré.
Statuant à nouveau :
Valide l'Avis de Mise en Recouvrement N° 270557 émis le 17 mars 2005 par le Receveur des Douanes d'Avignon.
Rejette les autres demandes.
Dit n'y avoir lieu à dépens.
Arrêt signé par Monsieur OTTAVY, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame DERNAT, Premier Greffier.