ARRÊT No 227
R. G. : 05 / 04136
PB / VV
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 13 septembre 2005
X...
C /
Y...
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A
ARRÊT DU 15 AVRIL 2008
APPELANT :
Monsieur Gilbert X...né le 04 Mars 1937 à SOLOGNA (ITALIE) Chez Mme Z......06700 ST LAURENT DU VAR
représenté par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assisté de Me Ari DOMANOWICZ, avocat au barreau de NICE
INTIMÉ :
Maître Michel Y...né le 04 Février 1956 à ALGER (ALGERIE) AVOCAT ... 84200 CARPENTRAS
représenté par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assisté de la SCP BERNARD HUGUES JEANNIN ARNAUD PETIT, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 25 Janvier 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Pierre BOUYSSIC, Président, Mme Christine JEAN, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 12 Février 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Avril 2008 Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 15 Avril 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
* * * FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE
Par déclaration déposée le 6 octobre 2005 dont la régularité n'est pas mise en cause, M. X... a relevé appel d'un jugement prononcé le 13 septembre 2005 par le tribunal de grande instance d'Avignon qui l'a débouté de son action en responsabilité contre son ancien avocat, Maître Y..., à qui il reprochait de l'avoir mal défendu dans le cadre d'une action conduite contre lui par le fisc en condamnation solidaire avec sa société mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, des suites d'un contrôle fiscal ayant abouti d'une part à un redressement conséquent à hauteur ramenée par la cour d'appel d'Aix en Provence à 295 925, 17 € selon arrêt infirmatif du 25 juin 2002, d'autre part à des poursuites pénales ayant trouvé leur épilogue dans un jugement correctionnel de condamnations pénale et fiscale du 24 septembre 1998 confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 24 février 2002, et qui l'a condamné à payer, outre les dépens, à Maître Y... une somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, avec exécution provisoire, et une indemnité de 2 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour se décider ainsi, le premier juge a relevé :- de première part, que la stratégie consistant à demander, dans des conclusions tardivement déposées devant la cour d'appel d'Aix dans l'instance en recouvrement solidaire, et ce afin de gagner du temps pour faire payer les impôts à une société débitrice de sa société, un report de la date de plaidoirie (ce qui a été refusé par la cour du fait de la tardiveté de la demande), ne pouvait être imputée à faute à Maître Y... dès lors qu'elle dénonçait le peu de foi que son client mettait dans son argumentation pour combattre la position du fisc relativement à la solidarité demandée, qu'en tout état de cause, même si les écritures tardives avaient été admises par la cour, rien ne démontre que celle- ci en aurait tiré les moyens utiles à débouter le fisc, que d'ailleurs M. X... avait, sur l'avis de son avocat aux conseils, renoncé à son pourvoi, admettant ainsi la pertinence de la condamnation prononcée contre lui, et que, si la faute de Maître Y... consistant à déposer tardivement ces écritures de renvoi était bien constituée, elle n'avait eu aucune influence sur le sort du procès en recouvrement solidaire d'impositions et pénalités,- de seconde part, que le fait que la réclamation de l'administration était supérieure à la somme effectivement retenue par la cour ne rendait pas la demande irrecevable, si bien qu'il ne pouvait être reproché à Maître Y... de n'avoir pas soulevé un tel moyen, et ce d'autant moins que le montant déclaré par le fisc au passif de la société débitrice principale des impositions et pénalités était lui- même supérieur au montant de solidarité retenu par la Cour,- de troisième part, que le jugement déféré à la cour, qui déboutait le fisc de sa demande de solidarité, n'avait aucune autorité de chose jugée à l'égard des poursuites pénales, si bien que l'absence de ce prétendu moyen dans l'argumentation de défense pénale établie par Maître Y... en faveur de son client ne pouvait lui être imputé à faute, et ce d'autant moins que les juridictions pénales connaissaient ce jugement de déboutement du fisc fondé sur une erreur d'appréciation que la cour a facilement rectifiée en quelques lignes de motivation dans son arrêt du 25 juin 2002, motivation elle- même reconnue pertinente par le condamné qui s'est désisté de son pourvoi,- de quatrième et dernière part, que l'action infondée de M. X... contre son avocat a surtout terni la réputation professionnelle de celui- ci, ce qui mérite réparation indépendamment de la prise en charge des frais irrépétibles.
MOYENS ET DEMANDES
Dans le dernier état de ses écritures signifiées le 22 janvier 2008, auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, M. X...reprend ses moyens développés en première instance pour demander à la cour de :- dire et juger que dans sa mission d'assistance et de représentation, Maître Y... a manqué à son obligation de conseil à son égard,- dire et juger que Maître Y... a fait preuve d'une inexécution contractuelle évidente au préjudice de son mandant en déposant le jour de la clôture et de l'audience de plaidoirie devant la cour d'Aix dans le procès en solidarité des conclusions prises au fond dans l'intérêt de ce dernier, étant précisé que cette tardiveté a conduit à un rejet des dites écritures et à un examen de l'affaire sur la seule foi des conclusions du fisc,- dire et juger que Maître Y... a fait preuve d'une inexécution contractuelle évidente au préjudice de son mandant en négligeant de soulever devant le tribunal correctionnel de DIGNE puis la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Aix le moyen tiré de la chose jugée attachée au jugement rendu par le tribunal de grande instance de DIGNE le 11 juin 1997 et qui aurait pu conduire à l'irrecevabilité pure et simple des demandes formulées devant les juridictions répressives, lesquelles sont entrées en voie de condamnation- dire et juger que Maître Y... a fait preuve d'une inexécution contractuelle évidente au préjudice de son mandant en négligeant de soulever le moyen tiré du principe selon lequel il ne pouvait être poursuivi pour un montant supérieur à la créance déclarée par l'administration fiscale au passif de la procédure collective de sa société, en conséquence, et sur le fondement de l'article 1147 du code civil, condamner Maître Y... à réparer le préjudice financier à hauteur du montant mis à sa charge par la cour d'Aix par arrêt du 25 juin 2002, soit 295. 925, 17 €, le préjudice moral évalué à 20. 000 €, débouter Maître Y... de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions et le condamner en sus à lui payer une indemnité de 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions en réplique déposées le 16 juin 2006, auxquelles il est également renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, Maître Y... poursuit la confirmation du jugement entrepris sauf à élever, sur son appel incident, le montant des dommages et intérêts à lui alloués pour procédure abusive à 10. 000 € et à y ajouter la condamnation de M. X... à lui payer une indemnité supplémentaire de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens d'appel devant échoir à l'appelant avec distraction directe au profit de l'avoué intimé.
DISCUSSION
Il doit être rappelé à M. X... et à son nouveau conseil que :- un jugement frappé d'appel n'a aucune autorité de chose jugée même s'il est exécutoire par provision- une action en recouvrement solidaire fondée sur des actes matériels n'a rien de commun avec une action en fraude fiscale supposant une intention malicieuse, si bien que, comme en l'espèce, l'une n'exclue pas l'autre même si les deux actions sont fondées sur les mêmes constatations comptables ou fiscales- si en première instance l'avocat est le représentant de son client devant les juges dans les matières où la représentation est obligatoire, il n'en est que l'assistant en cause d'appel, substitué dans la mission de représentation par l'avoué qui a la charge du dépôt des conclusions et des pièces.
Pour le surplus, sauf pour la cour à tirer des courriers adressés par M. X... à Maître Y... non pas une vraisemblance comme les premiers juges ont cru devoir y limiter leur analyse, mais la certitude absolue d'une stratégie dilatoire mais vaine devant la cour d'Aix en accord entre l'avocat et son client, le jugement déféré s'explique avec suffisamment de pertinence et d'exactitude pour que la cour le confirme en toutes ses dispositions par adoption de motifs, regrettant seulement que M. X... ait pu croire qu'il pourrait par son action infondée récupérer dans la caisse de son ancien avocat ce que le fisc lui a fait payer en juste réparation de ses agissements frauduleux, auxquels Maître Y... n'a pas contribué.
En attaquant ainsi son ancien avocat, sans d'ailleurs lui permettre de s'expliquer à l'amiable, M. X... lui a causé un préjudice moral indéniable caractérisé par des assertions publiques fondées sur des impossibilités juridiques qui ont considérablement porté atteinte à l'honorabilité et l'image d'avocat compétent de Maître Y..., dans les conditions exactement retenues en première instance ; cependant la réparation de ce préjudice spécifique a été sous- évaluée et il apparaît justifié à la cour d'élever cette réparation à la somme de 5 000 €.
M. X... qui succombe en son appel radicalement infondé en supportera les entiers dépens.
Il devra en outre payer à Maître Y... une indemnité supplémentaire de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf la réserve faite ci- dessus dans les motifs sur la certitude relative à la stratégie dilatoire devant la Cour d'Aix dans la procédure de recouvrement solidaire, et sauf en ce qui concerne le montant de la réparation allouée à Maître Y... pour procédure abusive,
Statuant à nouveau sur ce dernier point,
Condamne M. X... à payer à Maître Y... une somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts,
Y ajoutant,
Condamne M. X... aux dépens de son appel infondé,
Condamne M. X... à payer à Maître Y... une indemnité supplémentaire de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Autorise la SCP PERICCHI à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
Arrêt signé par M. BOUYSSIC, Président et par Mme VILLALBA, Greffier.