ARRÊT N° 175
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON08 janvier 2007
SA BANQUE CHAIX
C/
SARL COMPAGNIE CHAIX II
CHAMBRE CIVILEChambre 2 A
APPELANTE :
SA BANQUE CHAIX poursuites et diligences de son Président-Directeur Général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège43 Cours Jean Jaurès84027 AVIGNON
représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Courassistée de la SCP LUSSAN BROUILLAUD LE CALVEZ, avocats au barreau de PARIS substituée par Me MASSIS, avocat
INTIMEE :
SARL COMPAGNIE CHAIX II poursuites et diligences de son Gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social1 A rue du Limas84000 AVIGNON
représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Courassistée de la SCP CABINET FRANCIS LEFEBVRE, avocats au barreau de NANTERRE substituée par Me RIGLET, avocat
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Février 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Bernard NAMURA, Conseiller, après rapport, a entendu les plaidoiries en application de l'article 786 du CPC, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Loup OTTAVY, Conseiller faisant fonction de PrésidentMonsieur Bernard NAMURA, ConseillerMme Anne-Marie HEBRARD, Conseiller
GREFFIER :
Madame Mireille DERNAT, Premier Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
à l'audience publique du 21 Février 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 03 Avril 2008
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Bernard NAMURA, Conseiller, en l'absence du Conseiller faisant fonction de Président légitimement empêché, le 03 Avril 2008, date indiquée à l'issue des débats, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, par mise à disposition au greffe de la Cour
- La SARL COMPAGNIE CHAIX II et la SA BANQUE CHAIX sont en l'état d'un bail commercial unique portant sur 42 locaux à usage de banque signé le 20 décembre 1973 auquel des locaux supplémentaires ont été ajoutés ou retranchés, le loyer initialement convenu étant globalement de 1.250.000 francs par an pour l'ensemble des 42 locaux figurant au bail initial.
Le bail a été renouvelé en 1983 et en 1992 pour 9 ans et un loyer unique de 5.520.000 francs, puis reconduit par tacite reconduction le 1er janvier 2001.
- Le bailleur (Compagnie CHAIX) a offert le 23 février 2004 le renouvellement pour une nouvelle période de neuf ans à compter du 1er septembre 2004 en sollicitant un loyer de renouvellement de 2.700.000 euros hors taxes et hors charges, le preneur (Banque CHAIX) acceptant le principe du renouvellement le 25 juin 2004 ; suite au désaccord sur le montant du loyer et après échange de mémoires et saisine du Juge des Loyers Commerciaux d'AVIGNON, la Banque CHAIX a soulevé l'incompétence de cette juridiction en arguant de questions préjudicielles relatives à la validité du congé, à l'existence de 45 baux distincts et à la date de renouvellement.
- Le Juge des Loyers Commerciaux a, par décision du 3 octobre 2005, dit que ces questions préjudicielles relevaient de la compétence du Tribunal de Grande Instance.
- Devant la juridiction de renvoi, la Compagnie CHAIX a conclu au visa des articles L. 145-1 et suivants du Code de Commerce, du décret du 30 septembre 1953 en demandant au Tribunal de Grande Instance de :
* juger que l'avenant de renouvellement du 7 avril 1992 s'analyse en un bail unique.
* juger que le congé délivré par la Compagnie CHAIX à la SA Banque CHAIX le 23 février 2004 portait sur un bail unique pour un renouvellement au 1er septembre 2004, que ce congé a été expressément accepté dans son principe par la SA Banque CHAIX dans son courrier du 25 juin 2004, que ce congé est régulier.
* fixer la date du renouvellement du bail au 1er septembre 2004.
* condamner la SA Banque CHAIX à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en sus des entiers dépens.
- La SA Banque CHAIX a conclu au visa des articles 1709 du Code Civil, L. 145-1, L. 145-3, L. 145-9, L. 145-16, L. 145-38, L. 145-48 du Code de Commerce et 29 du décret du 30 septembre 1953 pour demander au Tribunal de Grande Instance :
au préalable :
* de constater l'existence de 45 baux distincts conclus entre les parties.
* juger qu'un renouvellement de bail est un nouveau bail.
* juger nulle et de nul effet toute clause d'indivisibilité entre les différents locaux loués comme contraire aux dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux.
et en conséquence de :
* déclarer le Président du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON incompétent territorialement pour statuer sur la fixation des loyers des 28 sites non compris dans le ressort du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON et renvoyer devant les juges compétents.
* déclarer le Juge des Baux Commerciaux d'AVIGNON compétent pour statuer sur les 17 baux situés dans son ressort.
* déclarer nul et de nul effet le congé notifié par la Compagnie CHAIX.
* condamner la Compagnie CHAIX à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens.
- Par jugement prononcé le 8 janvier 2007 auquel il est référé pour l'exposé des motifs, le Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON :
* a dit que les parties ont convenu d'un bail unique s'appliquant à 45 locaux distincts, renouvelé par avenant du 7 août 1992, et que le congé délivré par la Compagnie CHAIX le 23 février 2004 était régulier, et le point de départ du nouveau bail fixé au 1er septembre 2004.
* a condamné la Banque CHAIX à payer à la Compagnie CHAIX 3.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en plus des entiers dépens.
* a ordonné l'exécution provisoire.
- La SA Banque CHAIX a régulièrement interjeté appel. Au cours de la mise en état clôturée par ordonnance du 20 février 2008, les parties ont conclu à plusieurs reprises et aux termes de leurs plus récentes conclusions, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, formulent les demandes récapitulées ci-après.
- La SA Banque CHAIX appelante demande à la Cour :
à titre préalable,
* d'infirmer la décision du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON du 8 janvier 2007 et,
* de constater l'existence de quarante-cinq baux distincts conclus entre la Compagnie CHAIX et la Banque CHAIX.
* de juger qu'un renouvellement de bail est un nouveau bail.
* de dire et juger nulle et de nul effet toute clause d'indivisibilité entre les différents locaux loués comme contraire aux dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux.
en conséquence de :
* déclarer le Président du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON incompétent territorialement pour statuer sur la fixation des loyers des vingt-huit sites non compris dans le ressort du Président du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON et renvoyer devant le Juge des Baux Commerciaux d'ORANGE, de CARPENTRAS, de MARSEILLE, de TARASCON, d'AIX EN PROVENCE, de NIMES et de VALENCE selon le tableau inséré dans ses conclusions.
* déclarer compétent le Juge des Baux Commerciaux d'AVIGNON sur les dix-sept baux situés dans son ressort territorial pour statuer sur la valeur du bail.
* déclarer nul et de nul effet le congé notifié par la Compagnie CHAIX.
* condamner la Compagnie CHAIX à verser à la Banque CHAIX la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
- Pour sa part, la Compagnie CHAIX sollicite la confirmation du jugement déféré dans toutes ses dispositions.
- A titre subsidiaire, l'intimée demande qu'il soit jugé que l'avenant de renouvellement du 7 avril 1992 est un bail unique portant sur 42 locaux. Elle demande en conséquence à la Cour de dire que le congé délivré par la Compagnie CHAIX à la Banque CHAIX par exploit d'huissier du 23 février 2004 portait sur un bail unique pour un renouvellement au 1er septembre 2004, que ce congé a été expressément accepté dans son principe par la Banque CHAIX, dans son courrier en date du 25 juin 2004, que ce congé est régulier, et qu'il convient de fixer la date du renouvellement du bail au 1er septembre 2004.
- A titre infiniment subsidiaire, s'il était jugé que la conclusion d'un bail unique porterait atteinte au statut des baux commerciaux, de dire que le juge saisi d'un litige portant sur la fixation du loyer ne peut scinder un bail en 45 baux distincts, que le congé délivré par la Compagnie CHAIX portait sur un bail unique pour un renouvellement au 1er septembre 2004, que ce congé a été expressément accepté dans son principe par la Banque CHAIX le 25 juin 2004, que ce congé est régulier et qu'il y a lieu de fixer la date du renouvellement du bail au 1er septembre 2004.
- En tout état de cause de condamner la Banque CHAIX à payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en plus des entiers dépens.
SUR CE
- Attendu que, reprenant en substance l'argumentaire de première instance, l'appelante soutient d'abord que l'interprétation du bail unique devrait permettre de constater l'existence de 45 baux distincts, mais il s'avère, à l'examen de l'historique des relations contractuelles, que depuis 1973 le bail unique portant alors sur 42 locaux situés dans différentes localités où étaient exploitées les activités bancaires liées à l'enseigne commerciale "Banque CHAIX" a été normalement et sans difficulté exécuté comme tel, y compris lors de la signature par les parties des renouvellements successifs des 24 janvier 1983 et 7 août 1992 ;
- Attendu en outre que plusieurs avenants contractuels à l'acte unique originel ont ajouté ou retranché différents locaux de l'assiette du bail commercial unique ; que de même le loyer annuel global n'a jamais fait l'objet que d'un seul avis d'échéance, payable sans fractionnement et à l'unique échéance du 30 juin, et avec une seule facturation comportant l'application de la clause d'indexation au loyer global ; qu'hormis le fait que les actes de renouvellement de 1983 et de 1992 n'aient visé qu'un bail unique et un loyer annuel unique, les loyers affectés aux locaux ne l'ont jamais été qu'en tant que base de calcul du loyer unique ;
- Et attendu que force est de constater que les parties ont elles-mêmes procédé à une exécution de toutes les clauses du bail unique de manière indivisible et pour l'ensemble des locaux pendant près de trente années ; que d'autre part et étant rappelé que le Juge des Loyers Commerciaux ne peut réduire l'assiette d'un bail, il est constant qu'il n'a été argué pour la première fois de l'existence de 45 baux distincts qu'à l'occasion de la procédure de fixation judiciaire du loyer ;
- Attendu qu'à défaut de contradiction entre l'instrumentum et le negotium, il n'y a pas lieu, sous prétexte d'interprétation, de modifier les dispositions contractuelles liant sans ambiguïté les parties ;
- Mais attendu que l'appelante n'apparaît pas davantage fondée à soutenir que la signature d'un bail portant sur 45 locaux distincts serait en contradiction avec les dispositions d'ordre public du Décret du 30 septembre 1953 et donc au statut des baux commerciaux ;
- Attendu qu'il ne peut être soutenu que l'unicité de bail porterait atteinte au statut parce que le bail concernerait plusieurs immeubles ; qu'un fonds de commerce peut être exploité dans plusieurs locaux différents et des agences ou des succursales n'ont pas nécessairement de fonds de commerce propre, et dans le cas de l'établissement bancaire "Banque CHAIX", l'existence d'une clientèle plus spécialement attachée à chaque agence locale ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'un fonds de commerce général lié au nom commercial de la SA Banque CHAIX ainsi que le premier juge l'a dit ;
- Attendu qu'en fait si la clientèle diffère nécessairement selon les agences de la Banque CHAIX, elle ne constitue pas pour autant une clientèle propre déterminant autant de fonds de commerce différents ; qu'en l'occurrence, les clients des agences bancaires CHAIX s'y rendent pour y trouver des produits bancaires et financiers communs à toutes les agences et définis par la Banque CHAIX, et ces agences utilisent de surcroît les mêmes supports de clientèle sous l'enseigne Banque CHAIX, également arrêtés par la SA Banque CHAIX ; que la simple fixation des découverts autorisés s'avère inopérante au regard de la fixation par la Banque CHAIX des conditions tarifaires, ladite banque disposant seule des "ratios prudentiels" pour la totalité des agences et ayant seule l'agrément de la COB ;
- Attendu que le bail liant les parties ne fait pas obstacle au droit au renouvellement reconnu par le statut des baux commerciaux, et aucune disposition d'ordre public invoquée par l'appelante concernant la despécialisation, la cessibilité ou la révision triennale légale du loyer ne s'oppose au renouvellement du bail et à la fixation du loyer, pas plus qu'elle n'imposerait, en toute hypothèse, une démultiplication du bail comme sollicité ; qu'enfin l'unicité de bail confère normalement compétence territoriale au Juge des Loyers d'AVIGNON dans le ressort duquel les deux parties au contrat du 20 décembre 1973 ont toutes deux fait élection de domicile pour l'exécution du bail comme de ses suites ;
- Attendu qu'il résulte par ailleurs des pièces communiquées que la SA Banque CHAIX, preneur, a expressément notifié le 25 juin 2004 son accord sur le principe du renouvellement "de ce bail", suite au congé avec offre de renouvellement du bail signifié le 23 février 2004 par la SARL Compagnie CHAIX ; que le bailleur lui ayant précisé le 14 juin 2004 qu'il solliciterait un loyer de renouvellement annuel hors charges et hors taxes de 2.700.000 euros à compter du 1er septembre 2004, la SA Banque CHAIX n'a manifesté de désaccord que sur le prix du bail en considérant en fonction des éléments à sa disposition que "le bail" ne saurait excéder la somme de 900.000 euros hors taxes et hors charges ; que force est de constater que la régularité du congé ne peut être sérieusement discutée parce qu'il serait contraire au terme d'usage de l'une des villes, les locaux loués se situant dans différentes localités et le congé étant conforme aux usages de la ville où est situé le propre siège social du preneur (AVIGNON) ;
- Attendu que pour ces motifs et ceux non contraires du premier juge, la décision dont appel recevra en conséquence confirmation à tous égards ;
- Attendu que l'appelante succombant supportera comme de droit les dépens d'appel en sus de ceux de première instance déjà imputés ; qu'en outre, et conformément aux dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'appelante devra compenser les frais irrépétibles supplémentaires nécessairement exposés par l'intimée en cause d'appel à hauteur d'une somme arbitrée à 4.000 euros ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
- Déclare l'appel recevable mais non fondé.
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement dont appel.
- Condamne la SA Banque CHAIX, appelante :
* au paiement d'une somme de 4.000 euros à l'intimée en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
* aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués.
- Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.
Arrêt signé par Monsieur NAMURA, Conseiller, par suite d'un empêchement du Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame DERNAT, Premier Greffier.