ARRÊT No 449
R. G. : 06 / 01129
CONSEIL DE PRUD' HOMMES DE NIMES 14 février 2006 Section : Activités diverses
SA LES CLINIQUES CHIRURGICALES LES FRANCISCAINES
C /
X... X... D... Y... Z... E... B...
COUR D' APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 01 AVRIL 2008
APPELANTE :
SA LES CLINIQUES CHIRURGICALES LES FRANCISCAINES prise en la personne de son représentant légal en exercice 3 Rue Jean Bouin BP 1049 30014 NIMES CEDEX 1
représentée par la SELAFA J. BARTHELEMY ET ASSOCIES, avocats au barreau de NIMES substituée par Maître Dominique FABRE, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
Madame Edith X... ......
représentée par la SCP PELLEGRIN- SOULIER, avocats au barreau de NIMES, plaidant par Maître SOULIER, avocat au barreau de NIMES
Madame Mireille X... ......
représentée par la SCP PELLEGRIN SOULIER, avocats au barreau de NIMES, plaidant par Maître SOULIER, avocat au barreau de NIMES
Madame Françoise D... ......
représentée par la SCP PELLEGRIN SOULIER, avocats au barreau de NIMES, plaidant par Maître SOULIER, avocat au barreau de NIMES
Madame Jacqueline Y... ......
représentée par la SCP PELLEGRIN SOULIER avocats au barreau de NIMES, plaidant par Maître SOULIER, avocat au barreau de NIMES
Madame Yvette Z... .........
représentée par la SCP PELLEGRIN SOULIER, avocats au barreau de NIMES, plaidant par Maître SOULIER, avocat au barreau de NIMES
Madame Sylvana E... ......
représentée par la SCP PELLEGRIN SOULIER, avocats au barreau de NIMES, plaidant par Maître SOULIER, avocat au barreau de NIMES
Madame Chantal B... ......
représentée par la SCP PELLEGRIN SOULIER, avocats au barreau de NIMES, plaidant par Maître SOULIER, avocat au barreau de NIMES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président, Madame Brigitte OLIVE, Conseiller, Madame Françoise GAUDIN, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision,
DÉBATS :
à l' audience publique du 19 Septembre 2007, où l' affaire a été mise en délibéré au 28 novembre 2007 puis prorogée au 1er avril 2008,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 01 Avril 2008,
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La SA Clinique Chirurgicales Les Franciscaines, dite ci après la société les Franciscaines, a été créée à Nîmes en 1960 où elle exploite un établissement.
A compter du 1er janvier 1999 la société Polyclinique de la Maison de santé protestante, dite MSP, faisait apport à la société les Franciscaines de tous les éléments de la branche d' activité polyclinique autres qu' immobiliers. Et depuis fin 2002 la première détenait la totalité des actions de la seconde. Par la suite étaient mises en oeuvre des opérations de fusion entre les deux établissements.
Antérieurement le 30 Juin 1998 les organisations syndicales et la société Maison de Santé Protestante avaient conclu un accord d' établissement portant adaptation des dispositions de la nouvelle Convention Collective Nationale dite UHP. En effet en 1997 la MSP établissement à but non lucratif était soumis à une nouvelle convention collective relative aux activités à but lucratif.
Cet accord prévoyait notamment le maintien de rémunération des salariés par la mise en place d' une indemnité différentielle et dégressive.
Cependant cet accord contenant des dispositions salariales excédant les possibilités de l' entreprise la société MST dénonçait cet accord le 19 Octobre 2000. Et dans la perspective de la fusion projetée avec la société les Franciscaines un accord de substitution était alors conclu le 9 Octobre 2001 pour une durée déterminée, à savoir l' entrée en vigueur de la fusion. Dans cet accord était stipulé, entre autres dispositions, le maintien de la rémunération des salariés transférés pendant six mois à compter de la date de la fusion.
A la suite de propositions formulées le 2 octobre 2002, Mesdames Edith X..., Mireille X..., Françoise D... Jacqueline Y..., Yvette Z..., Sylvana E..., Chantal B... C..., embauchées respectivement les 2 juillet 1982, 2 avril 1980, 8 juillet 1982, 21 décembre 1987, 15 février 1977, 1er juin 1997, 21 juin 1979 toutes en qualité d' infirmière à l' établissement de la MST, refusaient le transfert.
Edith X..., Mireille X..., Françoise D... Jacqueline Y..., Yvette Z..., Sylvana E..., et Chantal B... C... écrivaient une première fois les 23 octobre 2002, 18, 19, 26 juin, et 7, 8, 11 juillet qu' elles refusaient le transfert au motif qu' elles ne retenaient pas la propositions de contrat de travail faite par les hôpitaux privées des Franciscaines entraînant une modification des éléments essentiels de leur contrat de travail.
Elles maintenaient leur position par lettres des 6, 23, 24, 25, 26 juillet et 4 août 2003 et n' obtempéraient pas malgré une lettre de mise en demeure de reprendre le travail adressée le 2 août 2003 par la société Les Franciscaines.
La société les Franciscaines les convoquait alors le 20 août 2003 à un entretien préalable fixé au 29 août 2003 et leur notifiait à chacune une lettre de licenciement pour faute grave en date du 12 septembre 2003 énonçant :
" Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d' une faute grave, ce dont nous avons fait part lors de notre entretien du 29 août 2003. En effet, le 1er août 2003, vous ne vous êtes plus présentée à votre poste de travail contrairement à ce qui vous était imparti en application de la Loi (article L 122- 12 du code du travail). Vous en aviez été avertie et nous attendions de votre part une réaction positive et de logique et ce d' autant que votre conseil n' a pas manqué de vous éclairer. C' est donc en parfaite connaissance de cause que vous avez arrêté votre décision. Nous le regrettons profondément et vous faisons également part de notre profonde déception devant une attitude opportuniste et égoïste qui contraste singulièrement avec la réalité du marché de l' emploi et le taux de chômage français et régional Lors de l' entretien préalable, nous avons à nouveau, en pure perte, voulu vous faire entendre raison. C' est à la limite de la faute volontaire et compte tenu de la gravité de votre faute, votre licenciement est immédiat, sans indemnité de préavis ni licenciement.
Contestant le bien fondée de cette mesure chaque salariée saisissait le Conseil des Prud' hommes de Nîmes qui, par le jugement déféré du 14 février 2006, joignait les instances, considérait qu' il n' existait pas une faute grave et accordait le bénéfice d' une indemnité conventionnelle de licenciement, le chef de demande relatif à l' indemnité de préavis étant rejeté au motif que les salariées ne s' étaient pas maintenues à la disposition de l' employeur pendant cette période.
La société SA Les Cliniques Chirurgicales Les Franciscaines a régulièrement relevé appel de cette décision et soutient que :
- malgré la stipulation d' une durée déterminée de l' accord du 9 octobre 2001 jusqu' à la date de la fusion, l' accord prévoyait la survie au- delà, ainsi l' article 1. 2 de son chapitre III, le maintien de l' ancienneté, le règlement des engagements financiers prévus au chapitre V, et le chapitre VII relatif à l' engagement syndical,
- la fusion a été effective entre les deux structures au 1er août 2003 et en application de l' article L 122- 12 du Code du travail la société Les Franciscaines reprenait le personnel présent à cette date,
- le texte de l' article L 122- 12 impose la poursuite des contrats de travail, et le salarié ne peut refuser son transfert sous peine de commettre une faute grave privative des indemnités de rupture,
- l' argumentation des salariés n' est pas fondée, car d' une part la modification résulte de l' accord collectif d' octobre 2001 et non d' une décision de l' employeur, d' autre part le statut collectif ne s' incorpore pas au contrat de travail, et la salariée ne peut se prévaloir d' aucun droit acquis, selon la jurisprudence, car le montant du salaire dépend exclusivement de la convention collective et de l' accord d' établissement.
Elle conclut donc à l' infirmation du jugement, au rejet des toutes les demandes et au paiement de la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile
Les intimées prétendent que :
- ce n' est que le 4 septembre 2003 qu' un procès- verbal d' assemblée générale entérinait la fusion absorption de la MST et de la société les Franciscaines, et c' est donc à compter de cette date que cette dernière devenait l' employeur, et tel que cela ressort des dispositions du Chapitre IV dudit traité.
- antérieurement au 4 septembre 2003 la société Les Franciscaines n' était donc pas l' employeur et ne pouvait lui reprocher une absence injustifiée au sein de ses services au 1er août 2003. et ne pouvait pas engager une procédure de licenciement avec convocation à un entretien préalable le 20 août 2003 en août 2003,
- en tout état de cause, le contrat de travail n' était pas transféré au sens des dispositions de l' article L 122- 12 du Code du travail de sorte que le licenciement notifié au motif d' une absence à son poste paraît dénué de tout caractère réel et sérieux.
- la lettre de licenciement n' est pas explicite et ne caractérise pas la faute grave commise par la salariée.
- elles n' ont jamais refusé de poursuivre son contrat de travail suivant les dispositions de l' article L 122- 12, elle a simplement indiqué qu' elle refusait une modification dudit contrat, mais pas le transfert de son contrat.
Les intimées demandent donc le paiement de :
- au titre du préavis en application de l' article 45 de la Convention Collective, soit 2 mois de préavis, en sus les congés payés y afférents,- au titre de l' indemnité de licenciement et selon les dispositions de l' article 47 de la Convention Collective, qui s' établit comme suit : • Un cinquième de mois de salaire par année d' ancienneté • portée à deux cinquième de mois de salaire pour les années d' ancienneté effectuées au- delà de 10 ans.
- au titre de l' indemnité pour licenciement abusif, et sur le fondement des dispositions de l' article L 122- 44- 4 du Code du Travail, compte tenu de l' ancienneté et du préjudice subi, car elle se trouve dans une situation précaire, la salariée est fondée à solliciter réparation à hauteur de 24 mois de salaire brut.- 2. 000 euros au titre de l' article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la fixation des rémunérations
Attendu qu' il est constant que lors de l' embauche la lettre de l' employeur mentionnait uniquement une référence à la convention collective alors applicable et à un coefficient conventionnel fixant le salaire mensuel ;
Attendu qu' ultérieurement toutes les modalités de fixation du salaire, au sein de la MSP, ont pour seul fondement d' une part l' accord d' établissement d' adaptation conclu le 29 juin 1998 à la suite du changement de la convention collective nationale applicable, et qui était moins favorable aux salariés que la précédente, d' autre part l' accord de substitution à la suite de la dénonciation ;
Attendu qu' en effet par le premier accord précité les partenaires sociaux décidaient de se référer à la convention collective UHP, application entraînant la mise en oeuvre d' un nouveau système de classification pour l' ensemble des personnels de la MSP ; que chaque salarié se voyait ainsi notifier personnellement son emploi, sa filière, son niveau, son échelon ainsi que le coefficient résultant de son application et a bénéficié d' un délai d' un mois à compter du 1er juillet 1998 pour faire valoir toute contestation ou réclamation sur son nouveau classement ;
Attendu que par le second les mêmes partenaires organisaient l' octroi d' une indemnité différentielle mais dégressive et temporaire ;
Attendu qu' enfin il n' a jamais existé au sein de l' établissement un usage insérant des clauses contractuelles portant fixation individuelle de salaire pour les infirmières soignantes, seuls les classifications et les coefficients des accords collectifs s' appliquant ;
Attendu que dès lors les intimées ne peuvent réclamer à leur profit des clauses particulières plus favorables que celles des accords collectifs ;
Sur la date de l' application des effets de l' article L 122- 12
Attendu que d' une part à compter du 1er janvier 1999 la société Polyclinique de la Maison de santé protestante, dite MSP, avait fait apport à la société les Franciscaines de tous les éléments de la branche d' activité polyclinique autres qu' immobiliers ; qu' en outre depuis le 20 décembre 2002 la première détenait la totalité des actions de la seconde en sorte qu' il s' agissait de relations entre une société mère et une société filiale ;
Attendu qu' ainsi le président du directoire de la société Les Franciscaines à laquelle appartient la MSP, employeur des intimées, n' est pas une personne étrangère à l' entreprise et les salariées ne peuvent invoquer l' absence d' effets à leur égard avant le 1er août 2003 des lettres pour préparer la fusion absorption et le transfert définitif ;
Attendu que d' autre part il résulte des stipulations du traité définitif de fusion absorption d' une filiale à 100 %, dernier acte du processus, que selon l' article V du chapitre II la société Les Franciscaines a été reconnue comme jouissant rétroactivement de tous les biens apportés à compter du 1er janvier 2003 et que toutes les opérations, tant passives qu' actives devaient être considérées comme l' ayant été par la société absorbante à compter de cette date ;
Attendu qu' ainsi les parties au contrat de fusion ont décidé de fixer le transfert au 1er janvier 2003 et ce rétroactivement compte tenu de la réalisation des conditions suspensives ;
Attendu que dès lors les salariées intimées ne peuvent prétendre qu' antérieurement au 4 septembre 2003 la société Les Franciscaines n' était donc pas leur employeur, ne pouvait leur reprocher une absence injustifiée au 1er août 2003, et ne pouvait engager une procédure de licenciement en les convoquant à un entretien préalable le 20 août 2003 ;
Sur les conséquences de l' article L 122- 12
Attendu qu' en application de l' article L. 122- 12 du Code du travail en cas de modification dans la situation juridique de l' employeur, c' est par le seul effet de la loi que les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l' entreprise et cette transmission s' impose au salarié comme à l' employeur qui ne peuvent y déroger ;
Attendu que cette interprétation, à la lumière de la directive 77 / 187 / CEE du 14 février 1977, modifiée par la directive 98 / 50 du 21 juin 1998, est admise par la jurisprudence européenne selon laquelle un Etat membre peut refuser l' option au choix du salarié entre le cédant et le cessionnaire ;
Attendu qu' en l' espèce il est établi que malgré plusieurs lettres de la société Les Franciscaines les salariées ont refusé le transfert au motif que ce dernier portait atteinte à leur contrat et surtout mettait en cause le montant de la rémunération ;
Attendu, cependant, que les éléments de rémunération du personnel étant déterminés par les seuls accords collectifs qui ne s' incorporent pas au contrat de travail, les salariées ne peuvent alléguer une modification contractuelle ; qu' en outre les refus réitérés et successifs, malgré les explications de l' employeur sur les conséquences d' une telle décision, caractérisent le refus individuel de chaque salariée de poursuivre son contrat de travail avec le nouvel employeur lors du transfert effectif de l' entité économique ;
Attendu que dès lors ce refus était gravement fautif et s' agissant d' un acte réfléchi et délibéré de chaque salariée qui a manifesté à cette occasion une volonté claire et non équivoque, ce refus ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement comme le retient le jugement qui sera infirmé de ce chef ;
Attendu qu' il parait équitable que chacune des parties supporte ses frais exposés non compris dans les dépens ;
Vu l' article 696 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Rejette les demandes,
Dit n' y avoir lieu à application de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Condamne les intimées qui succombent aux dépens. de première instance et d' appel.
Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER Président et par Madame SIOURILAS, Greffier.