ARRÊT No200
R. G. : 07 / 03606
CJ / SD
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MENDE 13 février 2002
Y... X... X... X...
C /
COMMUNE DE SAINT PAUL LE FROID
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A
ARRÊT DU 01 AVRIL 2008
APPELANTS :
Madame Huguette Y... épouse X... née le 23 Février 1946 à SAINT VENERAND... 48600 ST PAUL LE FROID
représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assistée de Me Luc-Etienne GOUSSEAU, avocat au barreau de MENDE
Monsieur Laurent X... né le 26 Juillet 1969 à SAUGUES (43170)... 48170 CHATEAUNEUF DE RANDON
représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assisté de Me Luc-Etienne GOUSSEAU, avocat au barreau de MENDE
Monsieur Jacky X... né le 31 Janvier 1972 à SAUGUES (43170)... 48600 ST PAUL LE FROID
représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assisté de Me Luc-Etienne GOUSSEAU, avocat au barreau de MENDE
Mademoiselle Marie-France X... née le 28 Novembre 1973 à SAUGUES (43170)... 48600 ST BONNET DE MONTAUROUX
représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assistée de Me Luc-Etienne GOUSSEAU, avocat au barreau de MENDE
INTIMÉE :
LA COMMUNE DE SAINT PAUL LE FROID pris en la personne de son Maire en exercice Hôtel de ville Le Chayla d'Ance 48600 ST PAUL LE FROID
représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assistée de Me Philippe POUGET, avocat au barreau de MENDE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 11 Janvier 2008.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Pierre BOUYSSIC, Président, Mme Christine JEAN, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision,
DÉBATS :
à l'audience publique du 29 Janvier 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 01 Avril 2008, Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au Greffe de la Cour d'Appel,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 01 Avril 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au Greffe de la Cour. *
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EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mesdames Huguette X... et ses enfants Marie-France X..., Messieurs Jacky X... et Laurent X... sont propriétaires indivis de plusieurs parcelles sises à SAINT PAUL LE FROID (48) dont une comportant une maison d'habitation avec cour attenante cadastrée B no659 suivant l'acte passé le 9 juillet 1982 en l'étude de Maître B..., notaire à GRANDRIEU.
Reprochant à la Commune de SAINT PAUL LE FROID d'avoir exercé une emprise irrégulière depuis 1983 sur leur parcelle B 659 en classant voie communale no20 une partie de leur cour comme chemin d'accès à l'église, les consorts X... ont fait assigner cette Commune devant le Tribunal de Grande Instance de MENDE pour voir dire et juger qu'ils sont propriétaires à titre privatif de la totalité de la cour B no659, que la Commune s'est rendue coupable d'une emprise irrégulière et obtenir condamnation de cette dernière à payer la somme de 6. 097, 96 € à chacun d'eux à titre de dommages et intérêts. Ils demandaient l'établissement aux frais de la Commune d'un document modificatif du parcellaire cadastral et sa publication auprès de la Conservation des Hypothèques.
Par jugement du 13 février 2002, le Tribunal de Grande Instance de MENDE a statué comme suit :
" Dit que la voie no20 était bien un chemin communal ;
Déboute les demandeurs, Madame Y... Huguette veuve X..., Monsieur X... Laurent, Monsieur X... Jacky, et Mademoiselle X... Marie-France de l'ensemble de leurs demandes ;
Condamne les demandeurs Madame Y... Huguette veuve X..., Monsieur X... Laurent, Monsieur X... Jacky, et Mademoiselle X... Marie-France à payer à la Commune de SAINT PAUL LE FROID MILLE CINQ CENT VINGT QUATRE EUROS QUARANTE NEUF CENTIMES (1. 524, 49 €), à titre de dommages et intérêts ;
Condamne les demandeurs Madame Y... Huguette veuve X..., Monsieur X... Laurent, Monsieur X... Jacky, et Mademoiselle X... Marie-France à payer à la Commune de SAINT PAUL LE FROID MILLE CINQ CENT VINGT QUATRE EUROS QUARANTE NEUF CENTIMES (1. 524, 49 €) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne les demandeurs Madame Y... Huguette veuve X..., Monsieur X... Laurent, Monsieur X... Jacky, et Mademoiselle X... Marie-France aux dépens de la présente instance ".
Les consorts X... ont régulièrement relevé appel de cette décision.
Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour, il est expressément fait référence à leurs conclusions récapitulatives signifiées le 26 novembre 2007 pour la Commune de SAINT PAUL LE FROID et le 21 décembre 2007 pour les consorts X....
Ces derniers demandent à la Cour :
" d'infirmer le jugement du 13 février 2002 du Tribunal de Grande Instance de MENDE ;
de dire et juger qu'ils étaient propriétaires exclusifs à titre privatif, antérieurement à l'acte de classement en 1983, de la totalité du chemin litigieux dont l'assiette figure sur les parcelles no639 et 640 de l'ancien cadastre de la Commune de SAINT PAUL LE FROID,
de surseoir à statuer sur l'ensemble des autres chefs de demandes (caractère de l'emprise, réparation du préjudice, modification du relevé cadastral et sa publication) dans l'attente de la décision à venir de la juridiction administrative relativement à la régularité de la délibération de classement du 4 septembre 1983,
de condamner la Commune de SAINT PAUL LE FROID à leur verser une somme de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
condamner la Commune de SAINT PAUL LE FROID aux entiers dépens de première instance et d'appel ".
La Commune de SAINT PAUL LE FROID conclut à la confirmation du jugement déféré et au débouté des demandes des consorts X... en ces termes :
" Se saisissant de l'entier litige sauf à estimer devoir renvoyer l'examen du conflit négatif de compétence devant le Tribunal des Conflits conformément aux dispositions de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 ;
Au principal ;
Constater qu'elle était présumée propriétaire de la voie communale no20 antérieurement à l'acte de classement en 1983 par application des articles L 161-1 et suivants du Code Rural ;
Constater qu'elle est présumée propriétaire de la voie communale no20 par l'effet de la possession ;
Constater que les consorts X... ne rapportent pas la preuve qu'ils étaient propriétaires de la voie litigieuse, notamment par la production d'un titre, tant au jour du classement de la voie communale en 1983 qu'ils ne le font postérieurement ;
Constater que les consorts X... ne renversent pas la preuve de la présomption de propriété dont elle jouissait tant au jour du classement de 1983 que postérieurement ;
Dire et juger qu'elle était bien propriétaire du chemin querellé tant au jour du classement qu'à la date de l'assignation en revendication ;
Subsidiairement, ;
Constater qu'elle bénéficie d'une possession plus que trentenaire de l'assiette de la voie communale no20 ;
Dire et juger qu'elle est en conséquence propriétaire du chemin litigieux par effet de la possession trentenaire, conformément aux articles 712, 2228 et suivants et 2262 du Code Civil ;
Constater que cette propriété était acquise dès avant 1983 et que la possession s'est poursuivie après cette date ;
En conséquence ;
Confirmer purement et simplement le jugement dont appel ;
Débouter les consorts X... de l'intégralité de leurs demandes ;
Très subsidiairement ;
Constater que l'action en revendication des consorts X... est insusceptible de produire effet à l'égard d'un ouvrage public ;
Confirmer purement et simplement le jugement dont appel ;
Débouter les consorts X... de l'intégralité de leurs demandes ;
Y ajoutant ;
Les condamner in solidum à lui payer la somme de 5. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ".
Elle sollicite l'allocation d'une somme de 5. 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 11 janvier 2008.
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MOTIFS :
Sur la procédure
Attendu que les consorts X... ont saisi le Tribunal Administratif de MONTPELLIER d'une demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 4 septembre 1983 par laquelle le Conseil Municipal de SAINT PAUL LE FROID a classé en voie communale sous le no20 partie du terrain dont ils soutiennent être propriétaires ; que par arrêt du 11 septembre 2003, la Cour de ce siège a sursis à statuer sur l'appel des consorts X... contre le jugement du Tribunal de Grande Instance de MENDE dans l'attente de la décision sur le recours en annulation ; que par ordonnance du 28 juin 2004, Monsieur le Président de la 5ème Chambre du Tribunal Administratif de MONTPELLIER a rejeté la requête comme manifestement tardive ;
que les consorts X... ont relevé appel de cette ordonnance ; que par arrêt du 22 mars 2005, la Cour de ce siège a sursis à statuer dans l'attente de la résolution du litige pendant devant la Cour Administrative d'Appel de MARSEILLE ; que cette juridiction a, par arrêt du 25 juin 2007, sursis à statuer " jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si, antérieurement à la délibération du 4 septembre 1983, les consorts X... étaient propriétaires de l'assiette du chemin longeant la parcelle 659 sise sur le territoire de la Commune de SAINT PAUL LE FROID ". Elle a dit que les consorts X... devraient justifier dans le délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt de leur diligence à saisir de cette question la juridiction compétente ;
Attendu qu'il y a lieu de se prononcer sur cette question préjudicielle pour permettre la résolution du litige ;
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** AU FOND :
Attendu que l'acte du 13 juillet 1919 portant cession de droits successifs à Monsieur Louis C... ne contient aucune désignation cadastrale, et vise les droits mobiliers et immobiliers revenant à Thérèse C... dans les successions de ses parents et de celle de son frère Etienne C... ;
Attendu qu'aux termes de l'attestation immobilière du 9 juillet 1982 constituant le titre de propriété des époux X..., la propriété héritée de Monsieur René X... comprend la parcelle cadastrée section B no659 de 295m2 ; que l'acte notarié de cession de droits successifs au profit de Monsieur René X..., en date du 31 août 1973, mentionne également la parcelle B no659 de 295m2 ; que ces deux actes font référence aux plan et désignation du cadastre rénové ; que comme pertinemment relevé par le premier juge, ce plan fait clairement apparaître la voie au Sud de la parcelle B 659 accédant à l'église reliant celle-ci au cimetière et non comprise dans cette parcelle ;
Attendu que les titres des consorts X... ne font donc pas la preuve de la propriété du sol de cette voie mais contiennent au contraire des éléments de désignation de leur bien l'excluant ; qu'il est constant et non contesté que leurs auteurs ont donné le terrain pour l'édification de l'église et donc prévu l'accès ; qu'aucun élément objectif ne confirme les assertions des consorts X... selon lesquelles cet accès correspondait à la voie no32 ; que les expertises unilatérales produites par les appelants et soumises à la discussion contradictoire des parties ne font pas la preuve du droit de propriété des consorts X... sur la voie litigieuse ; que les rédacteurs font mention d'une erreur qui affecterait le plan cadastral rénové à l'encontre duquel aucune réclamation n'a été présentée par les consorts X... pendant 26 ans ; que le plan de l'ancien cadastre de 1837 produit par les consorts X... est antérieur à la construction de l'église en 1885 et ne comporte donc pas mention d'un chemin d'accès à celle-ci ; qu'en outre, la comparaison des mentions du cadastre ancien avec celles du cadastre rénové révèle que la surface de la parcelle B 659 anciennement cadastrée 639 P est supérieure sur le cadastre rénové à celle de l'ancien cadastre ;
qu'elle n'a donc pas été amputée par la création d'une voie nouvelle ; que l'antériorité de l'ancien plan cadastral par rapport à la construction de l'église et donc l'absence de mention sur ce plan du chemin d'accès à cet édifice privent de toute incidence ce plan sur la solution du litige ;
Attendu qu'en application de l'article L 161-3 du Code Rural, tout chemin affecté à l'usage du public est présumé jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la Commune sur le territoire de laquelle il est situé ; qu'en l'espèce, il ressort des nombreuses attestations de personnes habitant le village depuis plus de trente ans, que depuis toujours elles ont emprunté la voie passant devant la maison de Madame X... pour se rendre à l'église ; que les titres produits par les époux X... ne mentionnent pas cette voie comme incluse dans leur propriété alors qu'ils font référence au plan cadastral sur lequel elle apparaît nettement ; que les témoignages produits par la Commune sont précis, circonstanciés et font la preuve de l'utilisation par le public depuis 1907 et sans interruption de cette voie située au droit de la maison X... ; que notamment Madame D... née en 1907, Monsieur E... né en 1915, Madame F... née en 1918, Monsieur E... Edouard né en 1923 attestent avoir toujours emprunté ce chemin et vu les gens y passer pour aller à l'église et au cimetière ; que de nombreux témoins, Monsieur et Madame G... nés en 1959 et 1962, Madame H..., Mesdames I... nées en 1924 et 1927, Madame J... née en 1959, précisent que cette voie était le seul accès à l'église et de l'église au cimetière, que depuis leur plus jeune age, ils n'en ont jamais emprunté d'autre ; que le seul cliché photographique aérien de 1948 est insuffisant à contredire ces témoignages concordants ;
Attendu que les photographies anciennes produites par la Commune, certaines des photographies produites par les appelants eux-mêmes ainsi que les constatations des Services de Gendarmerie à la suite de l'obstruction du chemin par Madame X... démontrent que ce passage a été entretenu et revêtu d'un enrobé par la Commune ; qu'un mur de soutènement a été réalisé par la Commune au droit de la parcelle 651, en bordure d'une partie du chemin, dans les années soixante, que cette voie était depuis plus de cinquante ans empruntée par les voitures et les camions, ce qui avec les attestations ci-dessus examinées et contrairement aux affirmations des appelants, loin de résulter d'une simple tolérance, caractérise une affectation continue à l'usage du public depuis plus de trente ans et ce dès avant 1983 ainsi qu'une possession trentenaire continue, non interrompue, publique, paisible (les obstructions et contestations datant de 1998), non équivoque et à titre de propriétaire par la Commune ;
Attendu que les consorts X... ne rapportent pas la preuve de leur propriété ;
Attendu que l'ensemble de ces constatations justifient de dire que l'assiette du chemin litigieux longeant la parcelle B 659 appartenait antérieurement à la délibération du 4 septembre 1983 et appartient à la Commune de SAINT PAUL LE FROID ;
Attendu que l'obstruction de l'accès à la voie communale par les consorts X... constatée par procès-verbal de gendarmerie et maintenue pendant plusieurs mois a occasionné à la Commune garante de l'intérêt général un préjudice dont la réparation incombe aux consorts X... et a exactement été appréciée par le Tribunal ;
Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé sauf à dire aux lieu et place de sa première disposition que la Commune de SAINT PAUL LE FROID était et est propriétaire de l'assiette du chemin litigieux dans les termes ci-dessus pour répondre à la question préjudicielle posée par la juridiction administrative ;
Attendu que l'équité ne justifie pas de faire application de l'article 700 en cause d'appel ;
Attendu que les consorts X... succombent et supporteront les dépens d'appel ;
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Dit l'appel régulier et recevable en la forme ;
Confirme le jugement déféré sauf à dire en substitution à sa première disposition que la Commune de SAINT PAUL LE FROID était propriétaire de l'assiette du chemin longeant la parcelle B 659 accédant à l'église antérieurement à la délibération de 1983 et qu'elle en est toujours propriétaire ;
Y ajoutant ;
Déboute les consorts X... de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel ;
Condamne les consorts X... aux dépens qui seront distraits au profit de la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués sur ses affirmations de droit ;
Arrêt signé par M. BOUYSSIC, Président et par Mme VILLALBA, Greffier.