ARRÊT No119
R. G : 05 / 04568
PB / CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 12 octobre 2005
X... Y...
C /
SAFER LANGUEDOC ROUSSILLON
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A
ARRÊT DU 19 FEVRIER 2008
APPELANTS :
Monsieur René X... né le 14 Novembre 1928 à LA BRUGUIERE (30580) ...
représenté par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assisté de la SCP FONTAINE et ASSOCIES, avocats au barreau de NÎMES
Madame Germaine Y... épouse X... née le 14 Mai 1932 à MONTBRUN (48210) ...
représentée par la SCP FONTAINE- MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assistée de la SCP FONTAINE et ASSOCIES, avocats au barreau de NÎMES
INTIMÉE :
SAFER LANGUEDOC ROUSSILLON- SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL, poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés ès qualités au siège social Domaine de Maurin 34972 LATTES CEDEX
représentée par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour assistée de la SCP BRUN CHABADEL EXPERT, avocats au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 16 Novembre 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Pierre BOUYSSIC, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Pierre BOUYSSIC, Président M. Emmanuel DE MONREDON, Conseiller Mme Muriel POLLEZ, Conseillère
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 13 Décembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Février 2008. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 19 Février 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
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FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE
Par déclaration déposée le 9 novembre 2005 dont la régularité n'est pas mise en cause, les époux X... ont relevé appel d'un jugement prononcé le 12 octobre 2005 par le tribunal de grande instance de Nîmes qui a :- déclaré régulier l'exercice du droit de préemption par la SAFER LANGUEDOC ROUSSILLON sur les parcelles sises à Fontareches section B lieu- dit Hamilliac no 47 et 48 dépendant de leur communauté (alors qu'il était allégué par les appelants que les terres en cause avaient fait l'objet d'un projet de vente signé le 19 octobre 2001entre le seul M. X... et Mme A..., pour un prix de 12. 000 francs aux fins d'en faire bénéficier son fils, jeune entrepreneur de travaux publics en recherche d'entrepôt pour de la terre végétale, tandis que la SAFER a préempté pour revendre à un agriculteur à un prix supérieur de 19. 000 francs)- dit que le jugement constituera le titre de propriété de la SAFER,- débouté les parties du surplus de leurs demandes,- condamné les époux X... aux dépens.
Pour se décider ainsi le premier juge a estimé pouvoir faire application au cas d'espèce de la théorie du mandat apparent appliquée au notaire, considéré comme mandataire des deux époux, qui a signifié le projet de cession à la SAFER, et ce, au constat complémentaire de la régularité de la procédure de préemption suivie.
MOYENS ET DEMANDES
Dans le dernier état de leurs écritures signifiées le 12 avril 2006, auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, les époux X... font valoir les dispositions méconnues en première instance de l'article 1424 du code civil s'agissant de biens communs, alors qu'en l'espèce Mme X... est restée dans l'ignorance du projet de vente imaginé par son mari seul et n'a en tout cas pas donné mandat de représentation au notaire qui ne s'est comporté qu'en mandataire de M. X..., d'ailleurs au mépris des droits de M. B..., locataire agricole des terres en cause en cours de bail et préempteur prioritaire. Ils demandent donc à la Cour de dire nul et de nul effet l'engagement de vente de M. X..., de constater que le notaire n'a pas été mandaté par Mme X... pour vendre, de débouter la SAFER de ses demandes et de la condamner aux dépens et à leur payer une indemnité de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions en réplique déposées le 29 mars 2006, auxquelles il est également renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, la SAFER poursuit la confirmation du jugement entrepris sauf à y ajouter la condamnation des époux X... à lui payer une somme de 1. 000 € à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les dépens d'appel devant leur échoir avec distraction directe au profit de son avoué.
DISCUSSION
Il est patent que le notaire ne pouvait ignorer ni que les biens dont la vente était projetée par M. X..., étaient des biens communs dont la disposition était conditionnée à l'accord des deux époux, ni qu'il ne disposait d'aucun mandat de Mme X..., raison pour laquelle d'ailleurs sa notification à la SAFER ne mentionne que l'intention du seul M. X... de vendre.
Mais à la réception de cette notification, qui comporte de surcroît mention de l'existence d'un bail rural, la SAFER, qui pour prendre sa décision de préempter et lui donner une justification légale, n'a pu s'abstenir de faire vérifier la situation exacte des parcelles en cause et se rendre compte d'une part du droit prioritaire du preneur B... de faire échec à son propre droit de préemption, d'autre part de l'identité des vendeurs comme de l'acquéreur pressenti, ne peut aujourd'hui, pour obtenir gain de cause,
- se réfugier derrière la simple régularité de façade de la procédure qu'elle a suivie, alors que celle- ci pèche tant par le désintérêt porté aux intentions du preneur agricole, que par la désignation du vendeur réel qui n'est pas M. X... mais le couple X... soumis pour ce aux dispositions impératives de l'article 1424 du code civil,- négliger l'absence de consentement de Mme X... se révélant parfaitement à la lecture de la lettre d'information du notaire sur un simple projet d'aliénation du seul mari, projet dont au surplus elle n'apporte pas autrement la preuve que par l'aveu que lui en a fait M. X... lors de son refus ultérieur de signer seul l'acte de transfert acté le 25 juin 2003 rapportant en outre une motivation non seulement particulièrement franche et louable mais aussi juridique audit refus, et dont elle ne démontre pas non plus l'état d'avancement (s'agit- il d'un engagement ferme et irrévocable de M. X... ou d'une simple intention ?), alors que rien n'établit que celui- ci avait pu recevoir mandat préalable de son épouse pour une telle opération,- trouver dans la démarche du notaire matière à estimer que celui- ci aurait reçu mandat de celle qui n'est justement et curieusement pas citée dans son acte, ce qui fait échec à l'application de la théorie de l'apparence contre les appelants.
Le jugement déféré sera donc infirmé et la SAFER déboutée de ses demandes.
Elle sera en charge des dépens de première instance et d'appel et devra payer aux époux X... une indemnité de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement en dernier ressort par arrêt contradictoire
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Dit, en tout état de cause, nul et sans effet le prétendu engagement de vente de biens communs attribué à M. X...
Constate que le notaire VIDAL n'a jamais reçu mandat de vendre pour le compte de Mme X...,
Déboute la SAFER DU LANGUEDOC ROUSSILLON de ses prétentions,
Condamne la dite SAFER aux entiers dépens tant de première instance que d'appel,
La condamne en outre à payer aux époux X... pris comme une seule et même partie une indemnité de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Autorise la SCP FONTAINE, MACALUSO- JULLIEN à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision. S Arrêt signé par M. BOUYSSIC, Président et par Mme VILLALBA, Greffier.