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17/01/2008 | FRANCE | N°12

France | France, Cour d'appel de nîmes, Ct0004, 17 janvier 2008, 12


COUR D'APPEL DE NIMES
DEUXIEME CHAMBRE Section B - COMMERCIALE

ARRET DU 17 JANVIER 2008
RENVOI DE CASSATION
ARRET No 12
Magistrat Rédacteur : Mme BRISSY-PROUVOST/DR
R.G : 05/04443
TRIBUNAL DE COMMERCE D' ANTIBES, Jugement du19 mars 1999
Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONSASSURANCESC/SARL TRANSPORTS INTERNATIONAUX X... PAUL ET FILS SA MASSA PNEUS

APPELANTE :
Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES, nouvelle dénomination de la SA AXA GLOBAL RISKS, venant aux droits de la Compagnie UNI EUROPE, poursuites et diligences de ses représentants légaux en exe

rcice, domiciliés en cette qualité audit siège,4, rue Jules Lefèvre75009 PARIS

représe...

COUR D'APPEL DE NIMES
DEUXIEME CHAMBRE Section B - COMMERCIALE

ARRET DU 17 JANVIER 2008
RENVOI DE CASSATION
ARRET No 12
Magistrat Rédacteur : Mme BRISSY-PROUVOST/DR
R.G : 05/04443
TRIBUNAL DE COMMERCE D' ANTIBES, Jugement du19 mars 1999
Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONSASSURANCESC/SARL TRANSPORTS INTERNATIONAUX X... PAUL ET FILS SA MASSA PNEUS

APPELANTE :
Compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES, nouvelle dénomination de la SA AXA GLOBAL RISKS, venant aux droits de la Compagnie UNI EUROPE, poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,4, rue Jules Lefèvre75009 PARIS

représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assistée de Me Marie Christine MERGNY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :
SARL TRANSPORTS INTERNATIONAUX X... PAUL ET FILS, poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social,Le Val de GagnesBP7706800 GAGNES SUR MER

représentée par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assistée de Me Pascal KLEIN, avocat au barreau de NICE

SA MASSA PNEUS, poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés es qualités au siège social,9 Boulevard Vallombrosa 06400 CANNES

représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Courassistée de la SCP EGLIE-RICHTERS, MALAUSSENA, avocats au barreau de GRASSE

ORDONNANCE DE CLOTURE rendue le 26 Octobre 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Raymond ESPEL, Président,Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller,Madame Catherine BRISSY-PROUVOST, Conseiller,ont entendu les plaidoiries et en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

GREFFIER :
Mme Dominique RIVOALLAN, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DEBATS :
à l'audience publique du 22 Novembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2008,Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRET:
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Monsieur Raymond ESPEL, Président, publiquement, le 17 Janvier 2008, date indiquée à l'issue des débats, sur renvoi de la Cour de Cassation, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits constants
La sarl transports internationaux X... Paul et fils (domicile : 06 802 Cagnes sur mer), effectuant depuis de très nombreuses années des transports de France en Italie pour le compte de la sa Massa Pneus (domicile : 06400 Cannes), est assurée auprès de la compagnie Axa :- selon contrat du 29 novembre 1981 garantissant sa responsabilité civile contractuelle avec un plafond de garantie chiffrée à 76 224,51 F,- selon clause du 19 mai 83 garantissant les risques de vol en Italie avec une franchise de 10 % en cas de stationnement du véhicule pendant une durée supérieure à 90 minutes.

Par lettre de voiture internationale du 21 août 2007, la sarl X... s'est vu confier par la sa Massa Pneus le transport de 2149 pneus neufs au départ de Mandelieu (06) et à destination de Casal Nuovo di Napoli et Avellino ( Italie du Sud).
Le 26 août 2007, vers 11 heures, Bernard X..., chauffeur et associé de la sarl X..., a pris la route pour exécuter cette prestation, en la compagnie de son épouse et sa fille alors âgée de huit ans.
Le 27 août 2007, entre deux et trois heures du matin, alors qu'il se trouvait avec sa famille dans son véhicule stationné en Italie sur une aire d'autoroute, trois agresseurs ont dérobé le camion et ont déchargé les pneus dans un autre lieu.
Bernard X... a déposé plainte auprès des carabiniers de Caserta le 27 août 1997.
Le même jour, il a déclaré le sinistre auprès de la compagnie Axa qui, après avoir mandaté son expert, a refusé sa garantie en invoquant les dispositions de l'article 17. 2 de la convention CMR.
La procédure antérieure
Par actes des 4 et 9 mars 1998, la sa Massa Pneus, chiffrant son préjudice à la somme de 462 368 F, a assigné devant le tribunal de commerce d'Antibes la compagnie Axa Global Risks et la sarl X... aux fins d'entendre :
- dire que la sarl X... est responsable de la perte des marchandises et que la compagnie Axa Global Risks lui doit sa garantie,- condamner la compagnie Axa Global Risks à paiement de la somme de 462 368 francs outre celle de 50 000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,- condamner la sarl X... à paiement de la somme de 46 237 francs,- condamner la compagnie Axa et la sarl X... à paiement de la somme de 15 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que des dépens.

Par acte du 26 mai 1998, la sarl X... a assigné la compagnie Axa Global Risks en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre sur les demandes de la sa Massa Pneus et en paiement de la somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que des dépens.

Par jugement du 19 mars 1999, le tribunal de commerce d'Antibes,après avoir ordonné la jonction de ces deux procédures:

- a déclaré la sarl X... responsable de la perte de la marchandise qu'elle était chargée de transporter,- a condamné la sarl X... à payer à la sa Massa Pneus la somme de 462 328 francs en principal outre celle de 46 237 francs au titre de la franchise, (soit la somme totale de 508 565 francs, 77 530,23 E ),- a condamné la compagnie Axa Global Risks à relever et garantir la sarl X... de toutes condamnations prononcées à son encontre,- a débouté la compagnie Axa Global Risks de sa demande reconventionnelle,- a ordonné l'exécution provisoire,- a condamné la sarl X... et la compagnie Axa Global Risks à payer à la sa Massa Pneus la somme de 7 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,- a condamné la compagnie Axa Global Risks à payer à la sarl X... la somme de 5 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,- a condamné la compagnie Axa aux dépens.

Par arrêt du 6 mars 2003, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, au visa de l'article 17. 2 de la CMR, a écarté la responsabilité de la sarl X... en ces termes:
« aucune faute caractérisée n'a été commise parle transporteur, qui, tenu de s'arrêter en fonction de la distance très importante qu'il avait effectuée, et dans l'impossibilité de garer son camion dans une aire gardée, sauf à envisager un détour très conséquent, avait pris soin de se garer dans un lieu public, à proximité du bâtiment de la station-service et d'autres collègues, et qu'il ne peut être dès lors considéré qu'il n'a pas fait tout ce qui lui était possible, en l'état, pour assurer la conservation des marchandises qui lui étaient confiées ».
Dans ces conditions, cette juridiction :- a infirmé le jugement déféré,- a débouté la sa Massa Pneus et la sarl X... de toutes leurs demandes tant principales que récursives à l'égard de la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances , nouvelle dénomination de Axa Global Risks,- a condamné la sa Massa Pneus à payer à la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances la somme de 2000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,- a condamné la sa Massa Pneus aux dépens.

Par arrêt du 5 juillet 2005, la chambre commerciale de la Cour de Cassation, estimant
« qu'en se prononçant par de tels motifs, desquels il résulte que le chauffeur pouvait s'arrêter sur des aires gardées en respectant les règles de conduite, sauf seulement à perturber le fonctionnement de l'entreprise, cette circonstance étant impropre à elle seule à rendre l'événement inévitable, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision »
a cassé l'arrêt précité dans toutes ses dispositions et renvoyé la cause les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt devant la Cour d'appel de Nîmes.
Par acte du 28 octobre 2005, la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances a saisi la Cour de renvoi.
Par actes des 16 et 17 mai 2006, elle a assigné la sarl X... et la sa Massa Pneus.
Les prétentions et moyens des parties devant la Cour
Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 17 octobre 2007, auxquels il est fait expressément référence,
la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances conclut à l'infirmation du jugement de première instance et demande à la Cour :
à titre principal, de :
- dire que la sarl X... est exonérée de sa responsabilité en application de l'article 17 - 2 de la CMR,- en conséquence, débouter la sa Massa Pneus de l'ensemble de ses demandes et dire sans objet l'appel en garantie formé à son encontre par la sarl X...,

à titre subsidiaire, au cas où la Cour retiendrait la responsabilité de la sarl X..., de :
- dire que sa garantie n'est pas due parce que la sarl X... n'a pas respecté les conditions de mise en oeuvre de la « garantie des risques de vol en Italie » énoncées par la clause du 19 mai 1983 ,- débouter la sa Massa Pneus et la sarl X... de leurs demandes,

à titre extrêmement subsidiaire, au cas où la Cour estimerait qu'elle doit sa garantie à la sarl X..., de :
- dire que sa garantie ne saurait excéder 90 % de la somme mise à la charge de la sarl X... dans la limite de l'engagement maximum de garantie de 76 200 14,51 €, soit la somme de 68 602,06 €,- en conséquence, infirmer le jugement pour le surplus,

condamner solidairement ou l'une à défaut de l'autre, la sa Massa Pneus et la sarl X... à paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
les condamner solidairement aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués Pomies- Richaud Vajou.
Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 16 mars 2007, auxquels il est fait expressément référence,
la sarl X... prie la juridiction d'appel
à titre principal et au visa de l'article 17 -2 de la CMR, de :
- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a retenu la responsabilité du transporteur alors que le caractère extrêmement violent de l'agression constitue une cause exonératoire de responsabilité du transporteur,- dire qu'elle doit être exonérée de sa responsabilité de transporteur,

subsidiairement, de :- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la garantie de l'assureur,- dire que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances lui devra sa garantie au cas où sa responsabilité serait retenue,- constater qu'elle a réglé à la sa Massa Pneus la somme de 481 606 francs, 73 420,36 € dans le cadre de l'exécution provisoire et sous réserve d'appel,- constater que sous les mêmes réserves, la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances lui a réglé la même somme au titre de sa garantie, en principal et accessoires,- débouter la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances de toutes ses demandes et en particulier celle en remboursement des sommes réglées au titre de l'exécution provisoire,- condamner la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,- condamner cette même partie à paiement des entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués Guizard-Servais.

Par conclusions et bordereau de pièces déposés à la mise en état le 29 août 2006 ,auxquels il est fait expressément référence,
la sa Massa Pneus prie la juridiction d'appel de:
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la sarl X... responsable de la disparition des marchandises qu'elle lui avait confiées et en ce qu'il a considéré que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances devait sa garantie,- dire en tout état de cause, que, s'agissant d'un vol caractérisé par suite d'agression à main armée, la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances doit sa garantie à la sarl X... en application de l'article 4 B des conditions générales,- en application de l'article 6-2 des conditions particulières garantissant les risques de vol en Italie,+ condamner in solidum la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances et la sarl X... à lui verser, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal du 9 mars 1998 au 1er juin 1999 puis à compter du 1er juin 2003, la somme de 68 602,06 €,

+ condamner la sarl X... à lui payer, avec intérêts au taux légal du 9 mars 1998 au 1er juin 1999 puis à compter du 1er juin 2003, la somme de 2746,19€,- condamner les parties succombantes à paiement de la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que des entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués Fontaine - Macaluso - Jullien.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 octobre 2007.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur les faits constants à l'origine du litige
Attendu qu' en l'état des pièces produites aux débats et plus particulièrement :
- de la plainte déposée le 27 août 1997 par Bernard X... auprès des carabiniers de Caserta ,- de l'attestation établie le 14 octobre 1997 à la demande de la compagnie Axa par le susnommé,- du rapport dressé à la demande de la compagnie Axa le 15 octobre 1997 par M. A..., membre d' "AM group / experts près les sociétés d'assurances" qui a entendu Bernard X... et a tenu pour véridique sa version des faits,- des renseignements fournis sur Internet par Mappy,

la chronologie des faits constants retenue par la Cour est la suivante :- le 21 août 1997, la sa Massa Pneus a confié à la sarl X... le transport de 2149 pneus neufs et non emballés au départ de Mandelieu et à destination de Casal Nuovo di Napoli et Avellino, sans préciser la date de livraison,- les pneus ont été chargés le même jour dans le véhicule de la sarl X... qui est resté en stationnement dans la cour de l'établissement,- la distance à parcourir, soit 966 km par autoroute, nécessitait, dans des conditions optimales, 8 heures 56 de trajet hors pause,- le 26 août 2007, vers 11 heures, Bernard X... , chauffeur et associé de la sarl X... , a pris la route en compagnie de son épouse et de sa fille alors âgée de huit ans,- vers 22 h 30, alors qu'il venait de parcourir 700 km et se trouvait en Italie sur l'autoroute A1 ,il a arrêté son véhicule sur le parking de l'aire de service de Mascherone (près d'Orvieto), à proximité d'une station-service éclairée et non loin d'autres camions,- le 27 août 2007 ,entre deux et trois heures du matin ,alors qu'il se trouvait sur la couchette inférieure de son camion fermé à clef, il a senti la cabine bouger, il s'est levé et a crié ,- la vitre latérale droite de son véhicule ayant été cassée, trois individus sont montés à bord, l'ont immobilisé lui et sa famille , ont conduit le véhicule dans un lieu proche de sa destination finale où ils ont dérobé la cargaison de pneus,- ils ont ensuite ramené le véhicule et ses occupants au bord de l'autoroute;

Sur la responsabilité de la sarl X... en sa qualité de transporteur routier international
Attendu que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurancesconsidère :

- qu'aucune faute ne peut être reprochée au chauffeur de la sarl X... + qui avait parcouru 700 km dans la journée et avait atteint son temps de conduite journalier,+ qui avait dépassé les derniers parkings gardés situés en Toscane et ne pouvait pas rejoindre les prochains parkings gardés proches de son lieu de destination sauf à compromettre la sécurité routière et enfreindre les dispositions suivantes du règlement CE N 3820 / 85 «Sous réserve de ne pas compromettre la sécurité routière, le conducteur est autorisé à dépasser les durées maximales de conduite... Dans la mesure nécessaire pour atteindre un point d'arrêt approprié permettant d'assurer la sécurité des personnes, du véhicule, ou de son chargement. »,+ qui a garé son camion dans une zone éclairée de l' aire de service de l'autoroute, à proximité d'un bâtiment et d'autres camions;

- que Bernard X... ne pouvait pas résister à une agression perpétrée par trois individus armés;
Attendu que la sarl X... , qui conclut dans le même sens, ajoute :
- que son chauffeur a garé son véhicule sur une aire prévue à cet effet, éclairée et fréquentée, sur laquelle il n'avait aucune raison de craindre de faire l'objet d'une attaque à main armée,- que le camion était bâché et que les clés du véhicule étaient cachées dans la chaussure du chauffeur,- que les parkings gardés se trouvaient à plusieurs centaines de kilomètres du lieu où il s'est arrêté,- qu'aucun système de sécurité n'aurait permis de résister à la violence de l'agression (vol à main armée et en réunion, prise d'otages);

Mais attendu qu'il n'est pas contesté que, s'agissant d'un transport international, la responsabilité du transporteur est régie par la CMR qui dispose en son article 17 :« 1- le transporteur est responsable de la perte totale (...) qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison (...)2-le transporteur est déchargé de cette responsabilité si la perte (...)a eu pour cause (...) des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier »; que l'élément à prendre en considération n'est pas l'événement inhabituel ou sortant de l'ordinaire mais la conduite observée avant et pendant ledit événement par le transporteur et plus particulièrement par le chauffeur, maître de l'action de transport confronté à l'événement;

Attendu en l'espèce que la perte des marchandises confiées par la sa Massa Pneus à la sarl X..., transporteur public de marchandises, dans le cadre d'un contrat de transport à titre onéreux, n'est pas contestée ; que la sarl X... en est donc responsable ;
Attendu que le caractère irrésistible du vol en réunion et à main armée n' est pas contestable ;
Attendu en revanche que la sarl X..., qui effectuait très souvent et depuis de nombreuses années des transports entre le sud de la France et l'Italie, n' ignorait pas la fréquence des agressions et vols commis dans ce pays au préjudice des transporteurs, et que, d'ailleurs, le 19 mai 1983, elle a souscrit auprès de la compagnie Axa une garantie vol Italie; qu'il appartenait à ce transporteur routier international, qui devait assurer la livraison aux abords de Naples ,de pneus neufs et non emballés, c'est-à-dire de marchandises convoitées et relativement faciles à décharger, de prendre toutes les précautions nécessaires pour écarter les conséquences dommageables d'un événement de ce type notamment en donnant à son chauffeur des instructions précises concernant des arrêts dans des endroits protégés ; qu'en l'état du défaut de fourniture de la liste des parkings gardés des régions suivantes traversées et /ou situées non loin du parcours suivi par le transporteur: Marches - Ombrie - Latium -Abruzzes - Molise, il ne peut être valablement soutenu que le chauffeur se trouvait dans l'impossibilité de stationner son véhicule dans une aire gardée, sauf à effectuer un détour très important ;qu'à supposer exacte l'information selon laquelle le dernier parking gardé se trouvait en Toscane et le prochain parking gardé se situait non loin du lieu de destination, il appartenait au transporteur d'organiser le trajet de façon à ce que le véhicule stationne sur l'un d'eux; que Bernard X... ,associé de la sarl familiale de transports, a quitté Mandelieu à 11 heures et a arrêté son véhicule à 23 h 30 , soit 12 h 30 après son départ ; qu' en l'absence d'explications sur le déroulement de sa journée (absence du disque chronotachygraphe), l'argument selon lequel il devait impérativement s'arrêter à Mascherone pour respecter le temps de conduite réglementaire de neuf heures, ne saurait être retenu ; qu' au surplus, la Cour observe que le camion chargé de pneus est resté dans la cour des établissements Derepas pendant plusieurs jours;

Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, la sarl X... ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une cause exonératoire de sa responsabilité de transporteur;
Attendu en définitive que le jugement rendu en première instance sera confirmé en ce qu'il a déclaré la sarl X... responsable du vol des marchandises transportées pour le compte de la sa Massa Pneus ;
Sur la garantie du sinistre par la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances
Attendu que les stipulations contractuelles invoquées par les parties sont les suivantes :
1 conditions générales
- article 1 : objet du contrat
« Ce contrat a pour objet de garantir, dans les limites fixées aux conditions particulières, les pertes (...) affectant les marchandises confiées à l'assuré à titre onéreux ; cette garantie s'exerce dans le cadre des responsabilités nées du contrat de transport (...) Lorsque l'assuré agit en qualité de : transporteur public de marchandises (...) »
- article 4: événements assurés
« Les événements ci-après peuvent être garantis :(...) B- vol caractérisé(...)- par suite d'agressions à main armée(...) dispositions communes aux paragraphes B et Cla garantie vol est subordonnée au respect des dispositions des clauses VOL annexées au contrat.»

2 clause du 19 mai 1983 (Italie )
- article 5 - règles de prévention
« Quand un vol de marchandises est commis alors que le véhicule routier est laissé en stationnement, la garantie des risques de vol est acquise à l'assuré, sous réserve des dispositions prévues à l'article 6, si les trois conditions suivantes sont respectées simultanément : 1) le véhicule routier est équipé d'un dispositif antivol agréé par l'assureur et installé par un professionnel, conformément aux instructions du fabricant,2) pendant l'absence du chauffeur, si brève soit-elle et quel que soit le lieu du stationnement, le dispositif antivol est dûment mis en oeuvre, les portes et portières du véhicule routier sont fermées à clé, les glaces entièrement levées, les bâches mises en place et soigneusement fixées,tous autres accès étant dûment verrouillés, 3) le véhicule fait l'objet :- d'un gardiennage permanent,- ou est remisé dans un endroit clos, surveillé ou fermé à clef»

- article 6 - règles relatives au stationnement - modalités de règlement des sinistres
« (...) 2. stationnement supérieure à 90 minutes Quand l'assuré apporte la preuve que les règles de prévention fixées à l'article 5 ont été respectées, la garantie des assureurs est acquise à 90 % du montant déterminé par l'application des conditions générales et particulières du contrat d'assurance » ;

Attendu que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurancessoutient que le chauffeur endormi dans le véhicule ou allongé sur sa couchette avant l'agression, n'a pas procédé à une surveillance "active et permanente" de son véhicule ; qu'elle en conclut que sa garantie " vol Italie " n'est pas due au motif que la sarl X... n'a pas respecté la condition de gardiennage permanent conditionnant la mise en oeuvre de la dite de garantie ;

Attendu que la sarl X... et la sa Massa Pneus répondent en ce qui concerne la clause syndicale Italie
que ladite clause , relative au vol de marchandises et objets transportés dans un véhicule alors en stationnement en l'absence du chauffeur n'a pas vocation à s'appliquer dans la mesure où- la marchandise a été dérobée dans un deuxième temps (après le camion),- le chauffeur se trouvait dans le véhicule;

qu'à la supposer applicable, cette clause de gardiennage permanent a été respectée car le chauffeur, qui était réveillé lors de l'agression, se trouvait dans le véhicule avec sa famille, les portes et les portières du véhicule étaient fermées à clef, les vitres étaient entièrement levées, les bâches étaient mises en place et soigneusement fixées, tous les autres accès étaient dûment verrouillés, les clés de contact étaient cachées dans les chaussures du chauffeur;
qu'enfin, la compagnie Axa ne saurait valablement étendre les obligations de son assurée à une surveillance "active et permanente" du véhicule alors que le contrat ne prévoit de gardiennage permanent qu'en l'absence du chauffeur et que le mot gardiennage ne signifie pas gardiennage avec armes ou par des vigiles professionnels,
Attendu par ailleurs que la sarl X... et la sa Massa Pneus considèrent qu'il existe un paradoxe entre les termes de l'article 1 des conditions générales, de l'article 17 -2 de la CMR , de l'article 4 B des conditions générales et que, s'agissant d'un contrat d'adhésion dont les clauses ambiguës doivent s'interpréter en faveur de l'assuré ,il convient de considérer que l'article 4 B des conditions générales déroge à l'article premier et constitue une assurance de choses chaque fois que le vol est perpétré par suite d'une agression à main armée ;
Mais attendu d'une façon générale que les conditions particulières des contrats d'assurance restreignent les conditions générales ;que la mise en oeuvre de l'article 4 B des conditions générales est subordonnée au respect de la clause (c'est-à-dire de la condition particulière) du 19 mai 1983 " vol Italie ";que de la combinaison des articles 1 et 4 B des conditions générales avec l'article 5- 3) de la clause syndicale Italie, il ressort que la responsabilité du transporteur est garantie par l'assureur en cas de vol de marchandises transportées, commis en Italie ,par suite d'agression à main armée si notamment le véhicule fait l'objet d'un gardiennage permanent ou est remisé dans un endroit clos, surveillé ou fermé à clef ;

Attendu que la Cour ayant déjà retenu :- la perte des marchandises confiées par la sa Massa Pneus à la sarl X..., transporteur public de marchandises, dans le cadre d'un contrat de transport à titre onéreux,- le caractère irrésistible de l'agression à main armée dont a été victime le chauffeur de la sarl X...,- l'absence de remisage du véhicule dans un endroit clos, surveillé ou fermé à clef,

il y a donc lieu de déterminer si le camion a ou non fait l'objet d'un gardiennage permanent ;
Attendu à titre préliminaire, qu'il convient d'observer :- que selon les dispositions contractuelles, le remisage du véhicule dans un endroit clos, non surveillé mais fermé à clef est assimilé à une prévention identique au gardiennage permanent,- qu'à la différence de certaines compagnies d'assurances, la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances n'impose pas à ses assurés circulant en Italie de donner des consignes précises à leur chauffeur et ne leur fait pas obligation de stationner dans des parkings gardés ;

Attendu que dans son contrat, la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances n'a pas estimé utile de préciser la définition de l'expression "gardiennage permanent ";que s'agissant d'un contrat d'adhésion, cette clause doit être interprétée strictement de sorte que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances ne saurait valablement soutenir qu'il s'agit d'une surveillance "permanente et active" du véhicule;que la Cour considère que cette expression correspond à la présence continue d'un gardien ;que Bernard X... se trouvait à l'intérieur de son véhicule au moment de l'agression ;qu' il n'est pas discuté qu'il était éveillé lorsque les agresseurs, particulièrement déterminés, ont fracturé la vitre du véhicule ;que le gardiennage était donc assuré ;qu'il a vainement crié mais que les trois agresseurs ont ligoté les occupants et ont mis le camion en route ;que force est de constater que, devant une telle détermination, seul un gardiennage par des vigiles professionnels eût été efficace ;qu'en réalité, une telle hypothèse n'a visiblement pas été envisagée par les rédacteurs de cette clause syndicale Italie ;que cette situation ne saurait préjudicier à la sarl X... ;

Attendu en conséquence que le moyen tiré du non-respect des règles de prévention relatives au gardiennage permanent du véhicule stationné n'est pas fondé;
Attendu en définitive que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu l'obligation de la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances à garantir son assuré ;
Sur le compte des parties
Attendu que la Cour observe :
- que le tribunal de commerce d'Antibes a d'une part, condamné avec exécution provisoire la sarl X... à verser à la sa Massa Pneus la somme totale de 508 565 francs, 77 530,23 €, d'autre part, condamné la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances à relever et garantir la sarl X...,- qu 'en exécution de cette décision, la sarl X... a versé à la sa Massa Pneus la somme de 481 606 francs, 73 420,36 € et que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances a versé à la sarl X... la même somme,- que , dans ses conclusions devant la Cour, la sa Massa Pneus réclame paiement d'une somme totale de 68 602,06 €+ 2746,19 €=71 348,25 €, avec intérêts au taux légal du 9 mars 1998 au 1er juin 1999 puis à compter du 1er juin 2003 jusqu'à parfait paiement, respectivement répartie entre la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances et la sarl X...,- que dans ses conclusions devant la Cour, la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances (à titre extrêmement subsidiaire au cas où la Cour estimerait sa garantie acquise à la sarl X...) offre de régler la somme de 68 602,06 €,- que la sarl X... ne formule aucune observation sur la demande de la sa Massa Pneus , conclut au débouté de la demande de la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances en "remboursement des sommes payées au titre de l'exécution provisoire" (alors que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances n'a formulé aucune demande à ce titre),- que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances et la sarl X... ne formulent aucune demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire et ne fournissent aucune explication sur la date à laquelle elles ont réglé la somme de 73420,36€ et son éventuelle restitution suite à l'arrêt rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence,- que la sa Massa Pneus a exercé l'action directe à rencontre de la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances mais qu'elle limite sa demande au plafond de la garantie octroyée par la compagnie à son assurée sous déduction de la franchise;

Attendu qu' au vu de l'ensemble de ces éléments et sauf à statuer ultra petita, il convient de faire droit à la demande telle que formulée dans ses conclusions par la sa Massa Pneus ;
Attendu qu'en l'état de l'appel en garantie diligente par la sarl X... à l'encontre de la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances , celle-ci sera condamnée à relever et garantir son assurée de sa condamnation à paiement de la somme de 68 602,06 € avec intérêts au taux légal du 9 mars 1998 au 1er juin 1999 puis à compter du 1er juin 2003 jusqu'à parfait paiement;
Attendu en définitive que le jugement déféré sera infirmé sur le montant des sommes allouées à la sa Massa Pneus ;
Sur les dépens ainsi que les frais irrépétibles
Attendu que les dépens seront supportés par la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances qui, par sa résistance injustifiée, a engagé les parties dans de multiples procédures ;
qu'il s'avère équitable de la condamner à paiement de la somme de 4000 € à chacune des intimées ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire .publiquement ,en matière commerciale et en dernier ressort
Vu l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 5 juillet 2005,
Vidant le renvoi,
- confirme le jugement rendu le 19 mars 1999 par le tribunal de commerce d'Antibes sauf sur le montant des sommes allouées à la sa Massa Pneus,
statuant à nouveau sur ce point,
- condamne in solidum la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances et la sarl X... à verser à la sa Massa Pneus la somme de 68 602,06 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 mars 1998 jusqu'au 1er juin 1999 puis avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2003 jusqu'à parfait paiement,
- condamne la sarl X... à verser à la sa Massa Pneus la somme de 2746,19 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 mars 1998 jusqu'au 1er juin 1999 puis avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2003 jusqu'à parfait paiement,
- dit que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances devra relever et garantir la sarl X... de la condamnation à paiement à la sarl X... de la somme de 68 602,06 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 mars 1998 jusqu'au 1er juin 1999 puis avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2003 jusqu'à parfait paiement,
- rejette le surplus des demandes,
- condamne la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances à verser à la sarl X... et à la sa Massa Pneus la somme de 4000 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamne la compagnie Axa Corporate Solutions Assurances aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avoués Guizard- Servais et de la SCP d'avoués Fontaine - Macaluso -Jullien.
Arrêt signé par M. Espel, président, et par Mme Rivoallan, greffier, présente lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Ct0004
Numéro d'arrêt : 12
Date de la décision : 17/01/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce d'Antibes, 19 mars 1999


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2008-01-17;12 ?
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