ARRÊT No
R. G. : 04 / 01413
JGF / CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 04 mars 2004
X... Y...
C /
Z... A...
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B
ARRÊT DU 08 JANVIER 2008
APPELANTS :
Monsieur Rémy X... né le 29 Mai 1950 à ST JEAN DE VEDAS (34430)... 30310 VERGEZE
représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assisté de la SCP DELRAN, avocats au barreau de NÎMES
Monsieur Eric Y... né le 17 Juin 1953 à CORBEIL ESSONNES (91100)...... 30000 NÎMES
représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assisté de la SCP DELRAN, avocats au barreau de NÎMES
INTIMÉS :
Monsieur Martial Z... né le 24 Août 1936 à BEZIERS (34500)...... 30000 NÎMES
représenté par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assisté de la SCP ALLE et ASSOCIÉS, avocats au barreau de NÎMES
Madame Nadine A... épouse Z... née le 12 Mai 1940 à NÎMES (30000)...... 30000 NÎMES
représentée par la SCP POMIES-RICHAUD-VAJOU, avoués à la Cour assistée de la SCP ALLE et ASSOCIÉS, avocats au barreau de NÎMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 19 Octobre 2007
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, Mme Christiane BEROUJON, Conseillère, Mme Isabelle THERY, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 13 Novembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 08 Janvier 2008. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 08 Janvier 2008, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
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EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 8 mars 2004 par Rémy X... et Éric Y... à l'encontre du jugement prononcé le 4 mars 2004 par le Tribunal de Grande Instance de Nîmes.
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 18 octobre 2007 par les appelants, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les conclusions déposées au greffe de la mise en état le 19 octobre 2007 par Martial Z... et son épouse, née Nadine A..., intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 19 octobre 2007.
Vu la note en délibéré déposée le 21 novembre 2007 à la demande du Président par Rémy X... et Éric Y....
Vu la note en délibéré déposée le 23 novembre 2007 à la demande du Président par Martial Z... et son épouse, née Nadine A....
* * *
Suivant statuts du 26 septembre 1986 Martial Z..., Rémy X... et Éric Y... ont constitué une société civile professionnelle de médecins. Par suite de la décision de retrait forcé de Martial Z... prise par décision de l'assemblée générale du 6 janvier 1997, et de la décision de retrait volontaire de Rémy X... en date du 15 septembre 1997, la dissolution de la société était décidée par délibération de l'assemblée générale du 9 septembre 1999 et sa radiation du registre du commerce et des sociétés était publiée le 18 janvier 2000.
À la suite de la plainte en date du 20 février 1996, déposée par Rémy X... et Éric Y... entre les mains du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Nîmes, une information était ouverte du chef d'abus de confiance à l'encontre de Martial Z... et de son épouse, née Nadine A..., lesquels étaient renvoyés devant le tribunal correctionnel de Nîmes qui, par jugement du 28 juin 2002 a :-sur l'action publique, renvoyé Martial Z... des fins de la poursuite et retenu Nadine A... dans les liens de la prévention ;-sur les intérêts civils, condamné Nadine A... à indemniser Rémy X... et Éric Y....
Parallèlement, Rémy X... et Éric Y..., sur autorisation obtenue par ordonnance sur requête du juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Nîmes en date du 7 novembre 1996, ont pratiqué le 14 novembre 1996 la saisie conservatoire des honoraires rétrocédés à Martial Z... au sein de la société civile professionnelle.
Selon les indications du jugement entrepris, Rémy X... et Éric Y... ont alors, par exploit du 2 décembre 1996, fait assigner Martial Z... et son épouse, née Nadine A... devant le Tribunal de Grande Instance de Nîmes aux fins d'obtention d'un titre exécutoire et, par ordonnance du 25 juin 1997, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans la procédure pénale ;
Après reprise d'instance à l'initiative des époux Z..., le tribunal, par son jugement du 4 mars 2004, a :-déclaré Rémy X... et Éric Y... irrecevables en leur action pour défaut de qualité à agir ;-débouté Martial Z... et son épouse, née Nadine A... de leurs demandes reconventionnelles.
Rémy X... et Éric Y... ont relevé appel de ce jugement pour voir :-recevoir leur action ;-condamner solidairement Martial Z... et son épouse, née Nadine A..., à leur payer 145. 439,81 euros, sauf à déduire à l'égard de la seule Nadine A... le montant de la condamnation prononcée sur intérêts civils par le tribunal correctionnel à hauteur de 47. 439,88 euros ;-condamner Martial Z... à leur payer :
o125. 416,56 euros au titre des prélèvements indûment effectués au-delà de la répartition égalitaire des bénéfices entre associés, avec intérêts de droit à compter de chaque prélèvement, o15. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Martial Z... et son épouse, née Nadine A... concluent à titre principal à la confirmation du jugement, sauf à y ajouter sur leur appel incident, en condamnant solidairement Rémy X... et Éric Y... à payer :-30. 000 euros de dommages et intérêts à Martial Z...,-10. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile aux époux Z....
Subsidiairement, tout en maintenant la demande de dommages et intérêts et celle formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ils concluent :-à l'irrecevabilité de l'action fondée sur la théorie de l'enrichissement sans cause, faute de démonstration de l'enrichissement de Martial Z... qui se présente lui-même victime des détournements de son épouse ;-à l'irrecevabilité de la mise en cause de Martial Z... en sa seule qualité d'époux commun en bien, alors que les demandeurs disposent déjà d'un titre exécutoire contre Nadine A... épouse Z... ;-au débouté de Rémy X... et Éric Y... de leur demande à concurrence de 145. 439,81 euros en ce qu'il s'agit en réalité des détournements retenus par le tribunal correctionnel à hauteur de 47. 939,88 euros ;-au débouté de la demande de remboursement de la somme de 122. 416,56 euros relative à des prélèvements, correspondant à un travail supplémentaire du docteur Z..., qui étaient connus des associés qui les ont acceptés par approbation des comptes annuels.
Les parties ont été autorisées à déposer en cours de délibéré une note sur la question de savoir si la situation avait été à ce jour régularisée en ce qui concerne le moyen d'irrecevabilité tiré du défaut de qualité pour exercer les droits de la société civile professionnelle.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Attendu que Rémy X... et Éric Y... critiquent la décision des premiers juges en prétendant exercer l'action au titre d'un droit propre qu'ils tireraient de leur qualité d'anciens associés de la société civile professionnelle dissoute, dès lors que, d'une part, le préjudice subi par cette dernière a diminué le droit de chacun dans les bénéfices de la société, que d'autre part, les associés sont devenus copropriétaires indivis de l'actif de la société dissoute et qu'enfin, ils disposent de l'action de in rem verso à l'encontre de Martial Z... ;
Attendu qu'il convient donc d'examiner successivement l'exercice des droits de la société dissoute, et celui des droits personnels de Rémy X... et d'Éric Y..., ce qui nécessite la détermination préalable de ces droits ;
1. la détermination de l'objet des actions :
Rémy X... et Éric Y... exercent, d'une part, une action en responsabilité du fait personnel des époux Z... et, d'autre part, une action en remboursement de sommes que Martial Z... aurait indûment prélevées au mépris de la règle de répartition égalitaire des bénéfices prévue aux statuts ;
a. l'action en responsabilité :
Attendu que cette action qui tend à la réparation des conséquences des détournements dont Nadine A... a été reconnue coupable, peut concerner tant la compensation d'un préjudice de la société civile professionnelle que celle d'un préjudice subi personnellement par Rémy X... ou par Éric Y..., étant observé que ces derniers ne différencient pas dans leurs écritures l'un de l'autre, de sorte qu'il est nécessaire d'examiner la demande, non seulement en ce qu'elle relèverait de l'exercice des droits appartenant à la société, mais également en ce qu'il s'agirait de compenser le préjudice personnel des associés ;
b. le paiement de l'indu :
Attendu qu'il ressort de l'expertise diligentée dans le cadre de l'information pénale :-d'une part que les associés effectuaient, sur les recettes de la société, des prélèvements, qui apparaissaient dans la comptabilité par inscription au débit des comptes des associés,-d'autre part que les prélèvements effectués par Martial Z... étaient plus importants que ceux de ses associés ;
Attendu que Rémy X... et Éric Y... en déduisent que ces prélèvements effectués au-delà des montants qu'ils ont eux-mêmes prélevés et qui devaient s'analyser en des avances en compte courant, étaient indus en ce qu'ils portaient atteinte au principe de répartition égalitaire des bénéfices ;
Attendu que dans l'hypothèse soutenue où ces prélèvements qui, sans constituer une modalité de partage des bénéfices, procédaient d'une pratique admise dans la société (les comptes ayant été approuvés par les associés), correspondaient à des paiements d'avances en compte courant d'associé, l'action en répétition de l'indu appartiendrait à la société civile professionnelle et non aux associés pris individuellement ;
2. l'exercice des droits de la société :
Attendu que la recevabilité d'une action s'apprécie à la date de l'acte introductif d'action, de sorte que c'est à tort que Rémy X... et Éric Y... soutiennent que la dissolution et la radiation de la société civile professionnelle leur aurait conféré qualité pour agir, puisque leur action a été introduite avant ces événements ;
Attendu que par la note en délibéré qu'ils ont été autorisés à produire, ils soutiennent que la cause de l'irrecevabilité a disparu avec la fin de la personnalité morale de la société civile professionnelle ;
Mais attendu que la personnalité morale d'une société survit pour les besoins de sa liquidation jusqu'à la prescription de toutes les actions lui appartenant, même après la clôture des opérations de liquidation et malgré la radiation de la société du registre du commerce et des sociétés ;
Attendu que dans l'hypothèse où il subsisterait une indivision entre les associés, celle-ci ne pourrait concerner que l'actif net de la société à l'issue des opérations de liquidation ;
Attendu qu'en l'espèce la société civile professionnelle n'a jamais estimé, au besoin après désignation d'un mandataire ad hoc, devoir intervenir au procès pour réclamer réparation du préjudice que les appelants prétendent qu'elle aurait subi du fait des agissements reprochés à Martial Z... et à son épouse, née Nadine A..., de sorte que la cause de l'irrecevabilité n'a pas disparue et le jugement déféré, qui a fait une exacte application de la règle de droit, doit être confirmé en ce qu'il a accueilli la fin de non-recevoir ;
3. l'exercice des droits propres de Rémy X... et Éric Y... :
Attendu que Rémy X... et Éric Y... invoquent deux fondements juridiques à savoir, d'une part, la responsabilité encourue du fait des détournements reprochés, et, d'autre part, à l'encontre de Martial Z... uniquement, l'enrichissement sans cause ;
a. l'action en responsabilité du fait des détournements :
Attendu que Martial Z... et son épouse, née Nadine A... opposent à juste titre à cette action l'autorité qui s'attache à la chose jugée par le tribunal correctionnel de Nîmes en date du 28 juin 2002 ;
Attendu qu'en effet, alors que Rémy X... et Éric Y... ont porté leur action en dommages et intérêts contre les époux Z... devant la juridiction répressive, Martial Z... n'a pas été reconnu responsable des détournements invoqués et Nadine A... a été condamnée seule à réparer l'entier préjudice des demandeurs ;
Et attendu qu'il n'est pas justifié par les demandeurs d'un préjudice en relation de cause à effet avec un fait générateur distinct des détournements soumis à l'appréciation de la juridiction pénale, de sorte que les époux Z... sont fondés en leur fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ;
b. l'action de in rem verso :
Attendu que le principe de subsidiarité de l'action de in rem verso n'est pas une condition de recevabilité, mais une condition de fond ;
Mais attendu que non seulement les affirmations des appelants ne sauraient faire à elles seules la démonstration que le patrimoine de Martial Z... se serait enrichi des détournements commis par son épouse, mais encore, dans la mesure où il n'est pas soutenu que Nadine A... serait insolvable, l'action menée avec succès contre cette dernière, pour obtenir réparation des préjudices subis, rend infondée l'action de in rem verso ;
Attendu qu'il s'ensuit que Rémy X... et Éric Y... seront déboutés de leurs prétentions dirigées contre Martial Z... sur ce fondement ;
Sur la demande reconventionnelle :
Attendu qu'à l'appui de sa demande de dommages et intérêts, Martial Z... invoque la légèreté blâmable selon laquelle l'instance a été, selon lui, initiée ;
Attendu qu'en fait, en prétendant malicieusement s'approprier l'action qui appartenait à la personne morale, et en cherchant à obtenir une double réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subis du fait des détournements dont la seule Nadine A... épouse Z... a été reconnue coupable, Rémy X... et Éric Y... ont commis un abus du droit d'agir en justice, ou à tout le moins se sont effectivement comportés avec une légèreté blâmable à l'égard de leur associé ;
Attendu qu'au vu des éléments soumis à l'appréciation de la Cour Martial Z... n'est en mesure de justifier que d'un préjudice moral qui sera compensé par l'allocation d'une indemnité de 5. 000 euros ;
Sur les frais de l'instance :
Attendu que Rémy X... et Éric Y... qui succombent devront supporter les dépens de l'instance et payer aux époux Z... une somme équitablement arbitrée à 3. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit les appels en la forme.
Au fond,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Rémy X... et Éric Y... irrecevables à exercer l'action appartenant à la société civile professionnelle Z... – X... – Y..., pour défaut de qualité à agir.
Et y ajoutant,
Déclare Rémy X... et Éric Y..., en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal correctionnel de Nîmes en date du 28 juin 2002, irrecevables en leur action en réparation de leurs préjudices personnels consécutifs aux détournements reprochés.
Déboute Rémy X... et Éric Y... de leur action de in rem verso dirigée contre Martial Z....
Condamne Rémy X... et Éric Y... à payer à Martial Z... 5. 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Dit que Rémy X... et Éric Y... supporteront les dépens de première instance et d'appel et payeront à Martial Z... et à son épouse, née Nadine A..., une somme de 3. 000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Dit que la SCP d'avoués POMIES-RICHAUD / VAJOU pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
La minute du présent arrêt a été signée par Monsieur FILHOUSE, président, et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors de son prononcé.