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11/12/2007 | FRANCE | N°651

France | France, Cour d'appel de nîmes, Ct0014, 11 décembre 2007, 651


ARRÊT No 651
R. G. : 05 / 01375
CB / CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 27 décembre 2004

X...
C /
Y...

COUR D'APPEL DE NIMES

CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B

ARRÊT DU 11 DECEMBRE 2007
APPELANT :
Monsieur Alain X... né le 28 Septembre 1947 à DRANCY (93700) ... 30000 NÎMES

représenté par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assisté de la SCP COSTE-BERGER-PONS, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ :
Monsieur Martin Y... né le 28 Octobre 1938 à CASAMACCIOLI (20224)... 30000 NÎMES

représe

nté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assisté de la SCP SARLIN CHABAUD MARCHAL, avocats au barreau de NÎMES

ORDONNANCE ...

ARRÊT No 651
R. G. : 05 / 01375
CB / CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NÎMES 27 décembre 2004

X...
C /
Y...

COUR D'APPEL DE NIMES

CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B

ARRÊT DU 11 DECEMBRE 2007
APPELANT :
Monsieur Alain X... né le 28 Septembre 1947 à DRANCY (93700) ... 30000 NÎMES

représenté par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assisté de la SCP COSTE-BERGER-PONS, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ :
Monsieur Martin Y... né le 28 Octobre 1938 à CASAMACCIOLI (20224)... 30000 NÎMES

représenté par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assisté de la SCP SARLIN CHABAUD MARCHAL, avocats au barreau de NÎMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Octobre 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, Mme Christiane BEROUJON, Conseillère, Mme Isabelle THERY, Conseillère,

GREFFIER :
Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
à l'audience publique du 30 Octobre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Décembre 2007. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 11 Décembre 2007, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.
****

Monsieur Martin Y... exploite une épicerie de quartier à NÎMES avec activité annexe de débit de tabacs.

Il bénéficie d'un plan de continuation arrêté par jugement du Tribunal de Commerce de NÎMES en date du 15 décembre 1998 faisant suite à un jugement déclaratif de redressement judiciaire simplifié du 18 mars 1998 consécutif à un dépôt de bilan en date du 5 mars 1988.
Le plan prévoit l'apurement sur 10 ans du passif constitué pour l'essentiel de créances sociales, fiscales et bancaires et représentant 653. 867,26 F échus et 477. 767,41 F à échoir (cf. état vérifié des créances, pièce 69).
Ayant découvert que sa comptabilité était viciée par des erreurs ayant pour effet de faire ressortir un bénéfice fictif Monsieur Y... a fait assigner son expert comptable, Monsieur Alain X..., devant la juridiction des référés du Tribunal de Grande Instance de NÎMES pour, sur le fondement des articles 145 et 809 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile, voir désigner un expert avec mission de :
"-se faire remettre toute la comptabilité tenue et contrôlée par Monsieur X...,-examiner ces documents, les décrire, et donner au Tribunal tout élément permettant d'apprécier la qualité, la fiabilité et la sincérité de cette comptabilité,-rechercher notamment si les recettes ont été enregistrées et déclarées conformément aux normes en vigueur, et selon les principes les plus favorables au contribuable et assuré social,-donner au tribunal tout élément d'appréciation quant à la responsabilité du professionnel du chiffre requis,-déterminer les incidences et chiffrer le préjudice subi ".

Monsieur Jean-Pierre Z... a été désigné avec la mission susdite par ordonnance du 11 octobre 2000. Il a déposé son rapport le 15 novembre 2001.

Par acte du 21 décembre 2001 Monsieur Y... a saisi le juge des référés d'une demande de provision sur dommages-intérêts. Le juge a partiellement fait droit et condamné Monsieur X... à payer à Monsieur Y... une indemnité provisionnelle de 18. 293 euros, après avoir constaté que les vérifications de l'expert judiciaire n'avaient porté que sur les années 1996,1997 et 1998.

Par acte du 8 mars 2004 Monsieur Y... a fait assigner Monsieur X... devant la juridiction du fond pour obtenir, sur la base du rapport Z..., la condamnation de l'expert comptable à lui payer la somme de 174. 059 euros (moins déduction de la provision reçue).
Il a été intégralement fait droit à sa demande par jugement réputé contradictoire du 27 décembre 2004 dont Monsieur X... a relevé appel selon déclaration du 31 janvier 2005.

SUR QUOI

Vu les conclusions signifiées le 25 mai 2005 par Monsieur X..., appelant, (11 pages + bordereau 4 pièces),
Vu les conclusions signifiées le 26 octobre 2006 par Monsieur Y..., intimé, (13 pages + bordereau 85 pièces),

I /-Sur la responsabilité professionnelle de Monsieur X...

La date du contrat par lequel Monsieur Y... a confié la gestion de sa comptabilité à Monsieur X... n'est pas précisée. Il ressort cependant des écritures de Monsieur Y... (page 11) que l'expert comptable était déjà en charge de cette mission en 1989.
Il est produit aux débats une annexe à la lettre de mission dont il ressort que Monsieur X... était chargé au titre de sa mission d'établissement des comptes : de l'élaboration d'un plan de comptes, de la détermination des systèmes et procédures comptables appropriées, de l'enregistrement des opérations de l'entreprise, de l'établissement des balances en capitaux et soldes, de l'enregistrement des écritures d'inventaire et de l'établissement et présentation comparée des documents comptables de fin d'exercice et au titre des autres travaux : d'une assistance en matière fiscale comprenant les tâches suivantes :-établissement de la déclaration des résultats de fin d'exercice,-établissement des déclarations de chiffre d'affaires,-établissement de déclarations diverses,-assistance en cas de vérification de l'entreprise par l'administration fiscale.

L'expert judiciaire Z... explique qu'il n'a pas disposé de l'ensemble des pièces justifiant chaque écriture de la comptabilité tenue par le cabinet X... et qu'il a donc été contraint de rapprocher les comptabilités établies au titre des exercices 1996 à 1998 par le cabinet X... d'une part et par le cabinet AUDIT FINANCE qui a retraité les pièces, établi de nouveaux bilans et déclarations fiscales, lesquelles ont été acceptés par l'administration fiscale puisque celle-ci a notifié des dégrèvements.

Par ce rapprochement l'expert judiciaire a pu limiter le nombre d'opérations à vérifier en éliminant les postes comptables pour lesquels les deux cabinets étaient en concordance.

Il déclare avoir obtenu l'approbation des parties pour le recours à cette méthode.
C'est ainsi qu'aux termes d'une comparaison minutieuse des comptes de résultat établis par les deux cabinets comptables pour les exercices 1996 à 1998 l'expert a pu mettre en évidence les nombreuses erreurs commises par Monsieur X... telles que : 1o)-comptabilisation incorrecte des ventes monopoles : le chiffre d'affaires retenu par le comptable correspondait au produit des ventes au lieu de se limiter au montant des commissions, 2o)-mauvaise imputation : les commissions sur timbres étaient passées en ventes taxables, 3o)-comptabilisation des prélèvements personnels pour consommation familiale en produits alors qu'ils auraient dû être enregistrés en déduction des comptes d'achats, 4o)-surestimation de ces prélèvements, 5o)-mauvaise application de la règle d'indépendance des exercices.

Ces erreurs se sont traduites par un bénéfice fictif de : 221. 425 F en 1996 ; 164. 033 F en 1997 ; 199. 761 F en 1998 et des charges induites notamment fiscales et sociales mais également bancaires qui n'avaient pas lieu d'être et sont à l'origine de la cessation des paiements.

C'est donc en faisant une exacte lecture des pièces et une juste application du droit que le Tribunal a retenu la responsabilité professionnelle de Monsieur X....
Celui-ci ne peut sérieusement prétendre s'en exonérer en faisant valoir que Monsieur Y... ne lui aurait pas transmis les éléments nécessaires à l'exécution de sa mission, alors qu'il ne justifie pas les avoir jamais réclamés et qu'il avait la faculté, si tel était le cas, de mettre fin au contrat.

II /-Sur le préjudice de Monsieur Y...

1o)-Préjudice matériel
Après examen des éléments qui lui étaient fournis à cette fin l'expert a confirmé son estimation initiale du préjudice subi par Monsieur Y... du fait des erreurs commises par Monsieur X... en distinguant :-leur incidence financière, frais financiers que Monsieur Y... n'aurait pas eu à supporter si ses bilans et déclarations fiscales avaient été correctement produits : 20. 000 F par an sur 10 ans : 200. 000 F,

-le coût du retraitement de la comptabilité générale : 20. 000 F par an sur 5 ans = 100. 000 F. Total : 300. 000 F

Monsieur Y... (d'ailleurs suivi sur ce point par Monsieur X...) conteste à juste titre cette évaluation forfaitaire de son préjudice, dont, au surplus il n'est pas possible d'admettre qu'il serait limité aux frais financiers générés par la souscription de prêts rendue nécessaire par l'état de la trésorerie ou au retraitement de la comptabilité affectée d'erreurs.
Il convient en conséquence d'examiner l'ensemble des chefs de préjudice découlant directement de ces erreurs.

* Préjudice lié aux charges fiscales et sociales indues

-Impôt sur le revenu Monsieur Y... a obtenu des dégrèvements de l'administration fiscale qui a accepté de revoir la base d'imposition au vu de la comptabilité du cabinet en remontant au delà de la période de prescription.

Monsieur Y... a ainsi pu obtenir un dégrèvement de : 77. 211 F au titre de l'IR 1994 85. 446 F au titre de l'IR 1995 74. 027 F au titre de l'IR 1996 43. 634 F au titre de l'IR 1997 48. 468 F au titre de l'IR 1998.

Il ne fournit aucun élément qui permettrait de déterminer le montant des dégrèvements auxquels il aurait pu-le cas échéant-prétendre au titre d'années antérieures et ne peut donc solliciter à ce titre une somme forfaitaire de 15. 245 euros.
-Cotisations URSSAF La même analyse mérite de prévaloir, l'URSSAF s'étant alignée sur l'administration fiscale,

-Cotisations à ORGANIC Il y a lieu d'observer, à la suite de l'expert, que Monsieur Y... ne produit aucune pièce justifiant le refus par L'ORGANIC de procéder à un nouveau calcul de l'assiette de ses cotisations et qu'il bénéficiera en tout état de cause d'une retraite complémentaire proportionnelle à leur montant, si bien qu'il ne peut alléguer aucun préjudice.

* Préjudice résultant de la souscription d'un emprunt destiné à restructurer le passif
Le prêt a été souscrit par les époux Y... le 28 octobre 1992 auprès de la SOFICIM pour un montant de 600. 000 F remboursable en 96 mensualités avec pour objet de financer le remboursement de deux autres prêts et un besoin de trésorerie.

Le tableau d'amortissement versé aux débats justifie la demande de Monsieur Y... à hauteur de 11. 868 euros représentant le montant des intérêts perçus par l'établissement financier, sans qu'il y ait lieu de s'arrêter au moyen soulevé par l'appelant sur la domiciliation du prêt, Monsieur Y... exerçant son activité commerciale en nom personnel.

* Préjudice résultant du paiement d'agios et frais bancaires entre 1994 et 1999
Ils sont justifiés à hauteur de 14. 562 euros.
* Perte du crédit TVA
Monsieur Y... allègue une perte de crédit TVA d'un montant de 11. 505,30 euros mais ne fournit aucun justificatif probant à l'appui de sa demande. Il y a lieu de l'en débouter.
* Frais de saisie immobilière
La SOFICIM a diligenté cette mesure d'exécution pour obtenir le remboursement de son crédit précité. Monsieur Y... justifie avoir réglé deux états de frais sur saisie représentant un montant total de 7. 112,77 euros.
Il est parfaitement fondé à en réclamer le paiement à titre de dommages-intérêts.
* Honoraires de Maître A..., représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan
Ils sont justifiés à hauteur de 5. 270 euros. Cette somme sera allouée à Monsieur Y... à titre de dommages-intérêts.
* Honoraires d'avocats
Monsieur Y... réclame une somme de 7. 500 euros au titre des honoraires d'avocat exposés lors de la procédure en résolution du plan de redressement à laquelle il a dû faire face à défaut de pouvoir honorer les premières échéances.
Mais il ne fournit aucun justificatif au soutien de sa demande et il en sera débouté.
* Honoraires de la Société EGIDE
Monsieur Y... a eu recours aux services de cette société pour l'assister dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire et plus spécialement établir un plan de continuation.
Il a payé à ce titre une somme de 2. 939 euros dont il peut réclamer le paiement à titre de dommages-intérêts.

* Coût de la comptabilité

Monsieur Y... n'a fait retraiter sa comptabilité par le Cabinet AUDIT FINANCE CONSEIL (pour un montant d'honoraires non justifié) que pour les exercices 1996,1997 et 1998. Il a réglé au cabinet X... au titre de ces années des honoraires de 9. 848 euros.
C'est cette somme qui, à défaut d'autres justificatifs, lui sera allouée à titre de dommages-intérêts.

2o)-Préjudice moral

Monsieur Y... est né en 1938. Pour éviter une liquidation judiciaire, il a dû accepter les termes d'un plan de redressement par continuation dont l'exécution a été partiellement éprouvante et qui le place dans l'impossibilité de vendre son fonds de commerce avant 2008. Il a dû faire face à une multitude de procédures à l'issue incertaine et déployer beaucoup d'énergie pour négocier avec ses créanciers. Pour éviter la vente aux enchères de l'appartement qui servait de logement familial, les époux Y... ont procédé à la vente de cet appartement et vivent dans une partie de l'immeuble dans lequel est exploité le fonds d'épicerie, immeuble dont ils sont propriétaires et qu'ils ont dû aménager à cette fin avec des moyens financiers limités.
Il y a lieu d'allouer à Monsieur Y... une somme de 15. 000 euros en réparation de son préjudice moral.

C'est donc la somme de 81. 844,77 euros, arrondie à 81. 845 euros, qu'il y a lieu, par réformation du jugement, d'allouer à Monsieur Y... en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels de son expert comptable.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
Condamne Monsieur X... à payer à Monsieur Y... la somme de 81. 845 euros à titre de dommages-intérêts,
Dit que la provision déjà versée s'imputera sur cette somme,
Condamne Monsieur X... à payer à Monsieur Y... la somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, laquelle viendra s'ajouter à celle de 800 euros obtenue par lui en première instance,

Le condamne encore aux entiers dépens incluant le coût de l'expertise judiciaire Z... et pour ceux d'appel admet la SCP CURAT-JARRICOT, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Arrêt signé par M. FILHOUSE, Président et par Mme BERTHIOT, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Ct0014
Numéro d'arrêt : 651
Date de la décision : 11/12/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nîmes, 27 décembre 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2007-12-11;651 ?
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