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04/12/2007 | FRANCE | N°637

France | France, Cour d'appel de nîmes, Ct0014, 04 décembre 2007, 637


ARRÊT No637
R. G. : 05 / 00627
IT / CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 25 janvier 2005

S. A. GRAS SAVOYE DURBESSON
C /
Y... Y... Y...

COUR D'APPEL DE NIMES

CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B

ARRÊT DU 04 DECEMBRE 2007
APPELANTE :
S. A. GRAS SAVOYE DURBESSON poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social Z. I de Courtine 111, Rue des Rémouleurs-BP 970 84093 AVIGNON CEDEX 9

représentée par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assistée de Me Marcel PORCHER,

avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :
Monsieur André Y... né le 18 Septembre 1932 à CHALON SUR SAONE (71100) ...

ARRÊT No637
R. G. : 05 / 00627
IT / CM
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 25 janvier 2005

S. A. GRAS SAVOYE DURBESSON
C /
Y... Y... Y...

COUR D'APPEL DE NIMES

CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B

ARRÊT DU 04 DECEMBRE 2007
APPELANTE :
S. A. GRAS SAVOYE DURBESSON poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social Z. I de Courtine 111, Rue des Rémouleurs-BP 970 84093 AVIGNON CEDEX 9

représentée par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assistée de Me Marcel PORCHER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :
Monsieur André Y... né le 18 Septembre 1932 à CHALON SUR SAONE (71100) ...30130 ST ALEXANDRE

représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me Isabelle MONIN LAFIN, avocat au barreau de PARIS

Monsieur Emmanuel Y... né le 12 Décembre 1960 à ST REMY (71100) ... 84100 ORANGE

représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me Isabelle MONIN LAFIN, avocat au barreau de PARIS

Monsieur Franck Y... né le 18 Juin 1963 à ST REMY (71100) ...75018 PARIS

représenté par la SCP GUIZARD-SERVAIS, avoués à la Cour assisté de Me Isabelle MONIN LAFIN, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 28 Septembre 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, Mme Christiane BEROUJON, Conseillère, Mme Isabelle THERY, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

à l'audience publique du 23 Octobre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Décembre 2007. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 04 Décembre 2007, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.

****
FAITS et PROCÉDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 10 février 2005 par la société Gras Savoye Durbesson, à l'encontre du jugement prononcé le 25 janvier 2005 par le tribunal de grande instance d'Avignon.

Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 14 août 2007 par la société Gras Savoye Durbesson, appelant, et le 20 octobre 2005 par les consorts Y..., intimés, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé du litige et des prétentions respectives.

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 28 septembre 2007.
* * * * *

Par acte notarié du 12 mai 2000, Madame Paulette C... épouse Y... et son fils, M. Franck Y... ont acquis indivisément et chacun pour moitié un appartement situé à Paris moyennant le prix de 2. 480. 000 F (378. 073,56 €) et le versement d'une commission de 120. 000 F (18. 293,88 €), réglé au moyen d'un prêt de 2. 200. 000F, soit 1. 100. 000F chacun souscrit auprès de la caisse régionale de crédit agricole.
Madame Paulette Y... a souscrit pour garantir ce prêt le 19 mai 2000 une police " individuelle Accident " auprès de son agent d'assurance, la société Gras Savoye Durbesson.
Madame Y... est décédée le 22 novembre 2001 à la suite d'une maladie.

Par acte du 17 décembre 2002, ses ayants droits, André, Emmanuel et Franck Y... ont fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Avignon la SA Gras Savoye, courtier en assurance aux fins de voir consacrer les fautes contractuelles de celle-ci dans l'exécution de son mandat de courtier, en l'occurrence en ne faisant pas souscrire à Madame Y... un produit d'assurance adapté et conforme au risque présenté et identifié par cette dernière, et la condamner à les indemniser de leur préjudice correspondant au montant des sommes réclamées par la banque.

Par jugement du 25 janvier 2005, le tribunal a : – condamné, au visa de l'article 1147 du Code civil, la SA Gras Savoye Durbesson à réparer le préjudice subi par les consorts Y..., – condamné en conséquence la SA Gras Savoye Durbesson à payer aux consorts Y... les sommes de : * 149. 506,58 € avec intérêts de droit à compter du 17 juillet 2001, * 2. 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, – dit n'y avoir lieu application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de la SA Gras Savoye Durbesson, – ordonné l'exécution provisoire, – condamné la SA Gras Savoye Durbesson aux dépens.

* * * * *

La SA Gras Savoye Durbesson a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation demandant à la cour de débouter les consorts Y... de l'ensemble de leurs demandes, de les condamner solidairement à restituer la somme de 163. 510,93 € perçue au titre de l'exécution provisoire avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, outre la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle soutient essentiellement qu'elle n'a commis aucune faute soulignant que Madame Y... a reconnu lors de la signature de l'acte notarié le 12 mai 2000 ne pas remplir les conditions lui permettant de bénéficier de l'assurance décès invalidité, qu'elle a bien rempli son obligation de conseil au vu des diligences accomplies et que Madame Y... était parfaitement informée du contenu et de l'étendue de la garantie souscrite.

* * * * *

Les consorts Y... concluent à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelant à leur verser la somme de 10. 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Ils demandent encore qu'il soit donné acte à la société Gras Savoye Durbesson de ce qu'elle a versé en exécution du jugement déféré, aux ayants droits de Madame Paulette Y... la somme totale de 163. 510,93 € correspondant à la condamnation en principal pour un montant de 149. 506,58 € aux intérêts au taux légal ainsi que la somme de 2. 500 € allouée par le premier juge pour les frais irrépétibles.
Ils répliquent que le courtier n'a pas présenté un produit conforme au risque qui avait été identifié par les parties, qu'il a fait souscrire à Madame Y... une garantie inadaptée alors qu'elle était en mesure de bénéficier d'une assurance décès invalidité de par son âge et son état de santé. Ils affirment principalement l'existence d'un manquement à l'obligation de conseil et d'information tant sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil que sur celles du code de la consommation (article L. 111 – 1) dans la mesure où Madame Y... qui souscrivait cette garantie à titre personnel et non pas dans le cadre de l'exercice de sa profession n'avait pas exprimé de choix quant à la police souscrite, n'a pas souscrit la garantie « individuelle accident » en connaissance de cause et n'a pas été informée sur le contenu de cette garantie.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il appartient à la SA Gras Savoye Durbesson, débiteur de l'obligation contractuelle de renseignement et de conseil sur le fondement de l'article 1147 du code civil, de rapporter la preuve de l'exécution de ses obligations conformément à l'article 1315 du Code précité.
À cet égard, il est vainement invoqué par les intimés l'article L. 111 – 1 du code de la consommation qui s'applique exclusivement aux opérations de vente et de prestation de services.
Il doit être rappelé pour appréhender le litige : – que le courtier, en sa qualité d'intermédiaire, a le devoir de vérifier la conformité de l'étendue du risque couvert par la proposition d'assurance avec les instructions de son client, – qu'il est tenu en particulier d'une obligation de conseil consistant à orienter son choix au regard de la situation particulière du client considéré afin d'assurer dans les meilleures conditions la couverture du risque en cause, – que l'étendue de ses obligations s'apprécie par référence aux compétences du client.

Une fois le conseil correctement donné, il appartient à l'assuré de prendre ses propres décisions et d'assumer les choix qu'il a faits en connaissance de cause

Il convient, pour analyser les manquements allégués du courtier, d'examiner d'une part les diligences effectuées par celui-ci entre le 6 avril 2000, date de la signature de l'offre de prêt et le 19 mai 2000, date de la souscription de la garantie " individuelle accident " et d'autre part, le degré d'information de l'assurée pour effectuer son choix en connaissance de cause.
A la date de l'offre de prêt, Madame Y... savait nécessairement qu'elle ne pouvait bénéficier de la garantie invalidité décès proposée par l'établissement bancaire (le Crédit Agricole) à défaut de remplir les conditions puisqu'elle s'est adressée à son agent d'assurances en sa qualité de courtier pour rechercher une garantie couvrant le risque lié au prêt souscrit auprès de l'établissement bancaire.
Il est établi par le courrier de la SA Gras Savoye Durbesson du 11 avril 2000 que ce dernier s'est renseigné auprès de la compagnie AFI Europe sur les conditions de prise en charge du risque " lié au remboursement d'un emprunt immobilier de 1 100 000 F sur 10 ans en cas de décès, invalidité, maladie ou accident concernant Madame Y..., celle-ci étant née le 3 novembre 1936 ". Cet organisme répond le 20 avril 2000 que la tarification est calculée en fonction d'un taux d'intérêt de 6 % et qu'il n'existe pas de garanties complémentaires en raison de l'âge de la proposante. Il ressort du document annexé à cette télécopie que le montant annuel de l'assurance s'élèverait à 14. 861F, outre les frais de dossier.

Les parties s'opposent sur le fait de savoir si cette proposition a réellement été portée à la connaissance de Madame Y....
L'usage d'un écrit en la matière ne constitue pas une obligation générale dans la mesure où il peut se déduire de documents la preuve de l'information.
En l'espèce, Madame Y... a nécessairement été informée verbalement de cette proposition d'assurance puisque le courtier qui avait pourtant un intérêt financier à la souscription de cette garantie compte tenu de son mode de rémunération, a été contraint de poursuivre ses diligences en raison tenu du refus de la première proposition, refus qui s'induit des diligences postérieures et des termes du courrier du 9 mai 2000.
En effet, ce courrier adressé à la société de transport que dirigeait Madame Y... était libellé ainsi : « Madame, nous faisons suite à votre demande et vous prions de trouver en annexe comme convenu le projet sur la garantie Individuelle Accident, souscrit dans le cadre d'un contrat groupe, basé sur un capital décès de 1. 100. 000 F pour une prime de 1. 663 F annuelle. Nous restons à votre disposition pour de plus amples informations si vous souhaitez souscrire cette garantie...). Le projet annexé contenait la tarification et les conditions de garantie avec un détail du mode de calcul de la prime de 1. 663 F par an.

Il s'évince de ce courrier que Madame Y... a souhaité modifier la nature des garanties initialement recherchées en renonçant au risque maladie.
Elle a accepté par télécopie du 16 mai 2000 cette proposition puisqu'elle a apposé une mention manuscrite : « bon pour accord Madame Y... Paulette 1. 663 F par an pour 1. 100. 000 Prêt sur 10 ans » suivi de sa signature.
Il est constant au vu de l'acte notarié de prêt signé le 12 mai 2000 que Madame Y... a bien été informée : – en page 4 de l'acte de ce " qu'elle acceptait de signer le présent contrat sans connaître la décision de l'assureur et donc sans couverture d'assurance jusqu'à cette décision, – et en page 7 qu'elle a reconnu " ne pas remplir les conditions lui permettant de bénéficier de l'assurance décès invalidité visée dans les conditions générales au paragraphe « assurance décès invalidité » et que les modalités de cette assurance n'ont par conséquent, pas été déterminées au paragraphe « modalités financières », étant observé que son fils Franck bénéficiait de cette assurance pour 100 % du capital emprunté et qu'elle connaissait donc l'étendue de cette garantie et les raisons pour lesquelles elle ne pouvait y prétendre.

Dès lors, Madame Y... qui avait un niveau intellectuel suffisant pour lui permettre de diriger une entreprise de transport a pu faire un choix éclairé entre une police garantissant le risque invalidité décès dont le coût était de 14. 861 F par an c'est-à-dire très élevé du fait de son âge, qui nécessitait de surcroît un contrôle médical de l'assureur, et une police garantissant le seul risque accident pour un coût de 1. 663 F par an. La première police a été écartée en toute connaissance de cause au vu des documents ci-dessus analysés au profit de la seconde qui avait un coût bien moindre.

Cette connaissance résulte encore de l'acceptation le 19 mai 2000 par Madame Y... de la garantie et de sa signature le 29 mai 2000 d'un exemplaire des conditions particulières de la police « Individuelle Accident ».
À cet égard le testament olographe rédigé le 25 juin 2001 n'est pas probant pour démontrer une méconnaissance du contenu de la garantie alors que Madame Y... était malade lorsqu'elle l'a rédigé (maladie déclarée au mois de janvier 2001 selon le certificat médical du docteur E... du 29 juillet 2004), qu'elle est décédée quelques mois plus tard (le 22 novembre 2001) et qu'il convient de se placer au moment de la souscription du contrat pour apprécier l'information de l'assuré et les diligences du courtier.
Madame Y... avait bien un intérêt à souscrire cette deuxième police pour bénéficier d'une assurance dans l'hypothèse d'un accident qui ne pouvait être exclu alors qu'elle exerçait toujours son activité professionnelle.
Il résulte de cette analyse que la société Gras Savoye Durbesson a correctement rempli ses obligations de renseignement et de conseil au vu des diligences accomplies et que le choix effectué par l'assuré l'a été en toute connaissance de cause en fonction de sa situation personnelle.
Le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions et les consorts Y... seront déboutés en conséquence de l'ensemble de leurs demandes.
* * * * *

La société Gras Savoye Durbesson demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire avec les intérêts au taux légal. Cependant le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Gras Savoye Durbesson.

* * * * *

Les consorts Y... qui succombent devront supporter les dépens de l'instance et payer à la société Gras Savoye Durbesson une somme équitablement arbitrée à 1. 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré
et statuant à nouveau,
Déboute les consorts Y... de l'ensemble de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
Condamne in solidum les consorts Y... à payer à la SA Gras Savoye Durbesson la somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne in solidum les consorts Y... aux dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Perrichi, avoués à les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt signé par M. FILHOUSE, Président et par Madame BERTHIOT, greffier présent lors du prononcé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Ct0014
Numéro d'arrêt : 637
Date de la décision : 04/12/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Avignon, 25 janvier 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2007-12-04;637 ?
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