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20/11/2007 | FRANCE | N°603

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre civile 1, 20 novembre 2007, 603


ARRÊT No
R. G : 04 / 01751
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS 10 février 2004

Y...
C /
X...
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2007
APPELANTE :
Madame Akila Y... épouse X... née le 01 Janvier 1927 à KHERBA (ALGÉRIE)... 84200 CARPENTRAS

représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assistée de la SCP SARLIN CHABAUD MARCHAL, avocats au barreau de NÎMES

INTIME :
Monsieur Hocine X... né le 02 Mars 1948 à SETIF (ALGÉRIE)... 84200 CARPENTRAS

représenté

par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assisté de la SCP PENARD OOSTERLYNCK, avocats au barreau de CARPENTRAS

ORDONNAN...

ARRÊT No
R. G : 04 / 01751
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS 10 février 2004

Y...
C /
X...
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre B

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2007
APPELANTE :
Madame Akila Y... épouse X... née le 01 Janvier 1927 à KHERBA (ALGÉRIE)... 84200 CARPENTRAS

représentée par la SCP CURAT-JARRICOT, avoués à la Cour assistée de la SCP SARLIN CHABAUD MARCHAL, avocats au barreau de NÎMES

INTIME :
Monsieur Hocine X... né le 02 Mars 1948 à SETIF (ALGÉRIE)... 84200 CARPENTRAS

représenté par la SCP P. PERICCHI, avoués à la Cour assisté de la SCP PENARD OOSTERLYNCK, avocats au barreau de CARPENTRAS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 14 Septembre 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président Mme Christiane BEROUJON, Conseillère Mme Isabelle THERY, Conseillère

GREFFIER :

Mme Sylvie BERTHIOT, Greffier, lors des débats, et Madame Armande PUEL, Adjoint administratif principal faisant fonction de Greffier, lors du prononcé.

DÉBATS :

à l'audience publique du 11 Octobre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Novembre 2007. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 20 Novembre 2007, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour.

****

EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 11 mars 2004 par Akila Y... veuve X... à l'encontre du jugement prononcé le 10 février 2004 par le Tribunal de Grande Instance de Carpentras.
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 10 octobre 2006 par l'appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les conclusions déposées au greffe de la mise en état le 20 août 2007 par Hocine X..., intimé, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 14 septembre 2007.

* * *

Invoquant la réalisation de divers travaux de construction ou de rénovation d'immeubles au profit de sa mère, Hocine X... assignait Akila Y... veuve X... en référé pour obtenir une mesure d'expertise au visa de l'article 145 du nouveau code de procédure civile, et, par arrêt infirmatif du 1er février 2001, la Cour de céans ordonnait cette expertise à l'effet de déterminer le coût des travaux exécutés et la plus-value éventuelle apportée aux immeubles de sa mère.
Au vu du rapport d'expertise clos le 30 octobre 2001, Hocine X..., par exploit du 18 février 2002, a fait assigner Akila Y... veuve X... pour défendre à son action « de in rem verso » devant le Tribunal de Grande Instance de Carpentras qui, par jugement du 10 février 2004, a condamné Akila Y... à payer à Hocine X... la somme de 935. 777,80 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance.
Akila Y... veuve X... a relevé appel de ce jugement pour voir déclarer l'action irrecevable, ou subsidiairement ordonner une nouvelle expertise, et voir condamner Hocine X... à lui payer 3. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Hocine X... conclut à la confirmation du jugement sauf à y ajouter sur son appel incident en condamnant Akila Y... veuve X... à lui payer : 5. 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,8. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer au jugement déféré et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur l'appel principal :
Attendu qu'Akila Y... prétend que l'action pour enrichissement sans cause ne serait pas recevable : 1-en raison du principe de subsidiarité dès lors qu'il appartenait à son fils d'engager « en qualité de professionnel une procédure de paiement de facture dans les délais prévus par la loi » ; 2-pour défaut de démonstration de l'appauvrissement du demandeur dont le patrimoine s'est accru depuis les travaux invoqués ; 3-pour défaut de démonstration de l'absence de cause des travaux dont il est demandé l'indemnisation, la défenderesse soutenant que Hocine X... aurait exécuté les travaux « sur son initiative … alors qu'il gérait le patrimoine du clan familial au décès de son frère aîné jusqu'en 1997, époque à laquelle sa mère reprend la gestion du patrimoine familial » ;

Attendu qu'aucun de ces moyens ne constitue une fin de non-recevoir, car ils concernent tous les conditions de fond de l'action « de in rem verso », et seront donc analysés ensemble, en considération du résultat des opérations d'expertise, dans le cadre de l'examen des prétentions de Hocine X... sur le fond ;

Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise que Hocine X... a bien réalisé des travaux de construction ou de réhabilitation d'immeubles à usage d'habitation dépendant du seul patrimoine d'Akila Y... veuve X..., ces travaux concernant 14 propriétés de rapport situées à Sarrians, Orange et Carpentras ;
Attendu qu'en effet, si Akila Y... veuve X... critique les évaluations de l'expert, elle admet la réalité des travaux effectués par son fils, même si elle oppose que Hocine X... n'aurait pas été le seul à y avoir participé ;
Attendu que ces constructions et travaux de réhabilitation ou de conservation ont incontestablement participé à l'accroissement du patrimoine immobilier d'Akila Y... veuve X... qui s'est donc enrichie de la valeur apportée ou conservée à ce patrimoine au jour de la demande, enrichissement confirmé par les évaluations faites par l'administration fiscale de ce patrimoine immobilier dans le cadre du redressement qui a été notifié à Akila Y... veuve X... le 25 septembre 1992 ;
Attendu que corrélativement, si les factures établies en 1997 pour les besoins du procès par Hocine X... ne correspondent à aucun engagement contractuel d'Akila Y... veuve X..., il n'en demeure pas moins que le demandeur a effectivement apporté son industrie et engagé son entreprise artisanale pour la réalisation de ces travaux et s'est donc appauvri à concurrence du coût des travaux réalisés grâce à cet industrie ;
Attendu qu'il importe peu en effet que l'intéressé ne soit pas par ailleurs dans le besoin et qu'il ait pu constituer son propre patrimoine grâce à des avances faites par sa mère et constatées par des reconnaissances de dettes au profit de cette dernière ;
Attendu qu'aucune relation contractuelle n'a jamais été conclue entre Akila Y... et son fils Hocine X..., de sorte que de la même manière que la cause contractuelle de l'enrichissement et de l'appauvrissement a été écartée, Akila Y... veuve X... ne peut soutenir que son fils aurait disposé d'une action en « paiement de factures » pour obtenir le règlement de sommes lui revenant en contrepartie de l'exécution des travaux litigieux ;
Attendu que plus particulièrement, s'il est invoqué l'existence d'un « clan familial », il ne ressort pas des pièces produites l'existence d'un pacte de famille en vertu duquel Hocine X... aurait souscrit l'obligation de développer le patrimoine de sa mère pour le profit dudit clan ; qu'en effet si ses différents frères ont participé à l'exécution des travaux litigieux, Hocine X... justifie que ceux-ci étaient déclarés comme salariés de son entreprise, de sorte qu'il ne peut être considéré que les dits travaux s'inscriraient dans le cadre d'une convention familiale verbale ;
Attendu que pas davantage il ne ressort des éléments soumis à l'examen de la Cour que Hocine X... aurait géré le « patrimoine du clan familial » durant la période concernée par les travaux litigieux ; qu'en effet, d'une part, il n'existe aucune trace de la constitution d'un patrimoine commun aux différents membres de la famille et, d'autre part, les nombreuses souches des chèques émis par Akila Y... veuve X... dans la période considérée montrent que celle-ci n'a jamais cessé de gérer son patrimoine personnel, de sorte que les interventions de Hocine X... au profit de sa mère ne peuvent pas s'analyser comme ayant été accomplies dans le cadre d'une gestion d'affaires comme le suggère la défenderesse ;
Et attendu que dans la mesure où les rapports familiaux ne permettaient pas à Hocine X... d'exiger la contrepartie immédiate des prestations accomplies au profit de sa mère, alors qu'il est admis que cette dernière a bien ponctuellement apporté des contreparties financières partielles, il se déduit de ces circonstances l'absence d'intention libérale ;
Attendu que cette absence d'intention libérale est d'ailleurs confirmée par le fait qu'Akila Y... veuve X... soutient que c'est le « clan familial » qui aurait bénéficié de l'avantage de ces travaux, alors qu'en réalité aucun des immeubles n'appartient de manière indivise aux membres de ce clan ;
Attendu qu'ainsi, Hocine X... n'ayant disposé d'aucune autre action pour obtenir la compensation de son appauvrissement corrélatif à l'enrichissement de sa mère, l'action « de in rem verso » est justifiée dans son principe ;
Attendu qu'après une visite contradictoire des lieux et la confrontation des pièces produites par les parties, l'expert a pu évaluer les dépenses engagées par Hocine X... à un montant total de 1. 089. 800 francs pour les travaux de construction, et à un montant total de 1. 516. 000 francs pour les travaux de réhabilitation, soit une dépense globale de 2. 605. 800 francs, ou 397. 251 euros ;
Attendu que l'expert a ensuite réactualisé le coût de ces dépenses au jour de ses opérations, respectivement à 3. 642. 300 francs pour les travaux de construction et à 2. 496. 000 francs pour les travaux de réhabilitation, soit une dépense globale de 6. 138. 300 francs, ou 935. 777,80 euros ;
Attendu que pour contester cette évaluation Akila Y... veuve X... produit outre quelques attestations de membres de la famille, un examen critique du rapport d'expertise établi le 22 mars 2005 sous la signature de Philippe A...et Alain B...;

Mais attendu qu'outre la circonstance que cet examen non contradictoire a été établi trois ans et demi après l'expertise judiciaire et ne concerne que quatre immeubles sur les quatorze concernées par le litige, il convient de relever que l'expert a fait l'inventaire des travaux réalisés par Hocine X... lors des visites contradictoires des immeubles litigieux dont il donne une description précise et détaillée qui n'apparaît pas avoir été contestée dans le temps des opérations de l'expert ;

Attendu qu'il n'y a donc pas lieu de s'arrêter à la remise en cause des constatations contradictoires de l'expert, la demande de nouvelle expertise n'apparaissant pas légitime en l'état de ces productions tardives ;
Attendu qu'enfin l'expert a recensé les règlements qu'Akila Y... a prétendu avoir effectués, l'intéressée produisant les souches de ses carnets de chèques à l'appui de ses dires, mais n'a pas été en mesure d'imputer ces règlements aux paiement des travaux litigieux, le technicien relevant que Hocine X... contestait la réalité de ces paiements, à l'exception d'un chèque de 250. 000 francs et d'un autre paiement de 70. 000 francs ;
Attendu que néanmoins, Akila Y... veuve X... soutient exactement que l'appauvrissement constaté doit être apprécié à la date à laquelle la dépense a été exposée, quand bien même l'enrichissement doit s'apprécier à la date de la demande en justice, le demandeur ne pouvant prétendre qu'à la plus petite de ces évaluations ;
Attendu qu'ainsi, le tribunal a retenu à tort la somme de 935. 777,80 euros pour déterminer l'indemnité revenant à Hocine X..., alors qu'il ne pouvait prétendre qu'à une somme égale au montant de ses prestations au jour où elles ont été réalisées, soit 397. 251 €, sous déduction des compensations qu'il a pu percevoir ;
Et attendu que si Hocine X... indique actuellement que les sommes qu'il a reconnu avoir perçues pour un montant total de 320. 000 francs, soit 48. 783,69 euros, concernaient d'autres travaux contrairement à ce qui résultait des opérations d'expertise, il ne justifie pas de la cause de ces paiements de sorte qu'il convient de considérer que ces règlements sont bien venus compenser pour partie son appauvrissement ;
Attendu qu'il convient donc de réformer le jugement en fixant l'indemnité revenant à Hocine X... à la somme de : 397. 251 €-48. 783,69 € = 348. 467,31 € ;

Attendu que pour compenser le préjudice complémentaire afférent à la longueur de la procédure, il convient par ailleurs de fixer le point de départ des intérêts moratoires à la date de l'introduction de l'instance au fond ;
Sur l'appel incident :
Attendu que les contestations d'Akila Y... veuve X... étant partiellement justifiées le jugement déféré a débouté à juste titre Hocine X... de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Sur les frais de l'instance :
Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge d'Akila Y... veuve X... qui succombe sur le principal, tout en la dispensant de l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que cependant Hocine X... succombant en son recours, alors que celui de sa mère est partiellement justifié, il convient de compenser les dépens et frais irrépétibles de l'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit les appels en la forme.
Au fond,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Hocine X... de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et en ce qu'il a statué sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
Mais le réformant pour le surplus,
Condamne Akila Y... veuve X... à payer à Hocine X..., en compensation de son appauvrissement, une indemnité de 348. 467,31 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2002.
Et y ajoutant,
Dit que chaque partie supportera les dépens d'appel qui auront été exposés de son chef, sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La minute du présent arrêt a été signée par Monsieur FILHOUSE, président, et par Madame Armande PUEL, adjoint administratif principal faisant fonction de greffier, lors du prononcé.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 603
Date de la décision : 20/11/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Carpentras, 10 février 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2007-11-20;603 ?
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