ARRÊT No499
R. G. : 07 / 01068
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 08 décembre 2006
X...
C /
MINISTÈRE PUBLIC
COUR D'APPEL DE NIMES
CHAMBRE CIVILE 1ère Chambre A
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2007
APPELANT :
Monsieur Dominique X...... 84400 APT
comparant en personne,
INTIMÉ :
MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de M. le Procureur Général Cour d'Appel de Nîmes Bld de la Libération 30000 NÎMES
représentée par Madame LAFARIE, Substitut Général
Statuant en matière disciplinaire.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Pierre BOUYSSIC, Président, M. Serge BERTHET, Conseiller, Mme Isabelle MARTINEZ, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
MINISTÈRE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DÉBATS :
à l'audience tenue en Chambre du Conseil le 29 Mai 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Septembre 2007. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé en Chambre du Conseil et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, le 18 Septembre 2007, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour. *** FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE
Architecte inscrit en qualité d'expert judiciaire sur la liste de la cours d'appel de Nîmes depuis le 13 janvier 1987, M. X...s'est vu reprocher divers retards dans le dépôt de ses rapports, notamment par le Président par intérim du Tribunal de Grande Instance d'Avignon qui a dû le mettre en demeure de terminer notamment neuf missions par courrier du 27 mai 2005 resté sans effet au 6 octobre 2005, date à laquelle ce magistrat a signalé les carences précitées au premier président de la cour d'appel.
A la suite d'une enquête disciplinaire diligentée par le procureur général, et de l'émission le 2 juin 2006 par la commission de réinscription des experts d'un avis défavorable à la réinscription de cet expert, l'assemblée générale des magistrats du siège de la Cour siégeant en formation disciplinaire, après avoir entendu l'intéressé en ses explications et moyens de défense sur la prévention d'absence de dépôt de rapports malgré rappels et mises en demeure dans sept missions à lui confiées dont le détail lui a été donné dans sa convocation datée du 7 novembre 2006, et sur les réquisitions du ministère public, a pris le 8 décembre 2006 la décision de radier M. X...de la liste des experts judiciaires, considérant que :-l'intéressé n'a pas répondu aux mises en demeure et n'a pas pris attache avec le Tribunal de Grande Instance d'Avignon pour faire part de ses difficultés et de son impossibilité de faire face aux missions qui lui ont été confiées en plus grand nombre notamment au cours de l'année 2003,-les retards retenus ont porté sur sept missions ordonnées en 2003 tandis que les mies en demeure et rappels ont été systématiques au cours des années 2004 et 2005,-ces faits constituent des manquements graves d'autant plus que le cours de la justice en a été paralysé étant observé que par application de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, le délai raisonnable pour la résolution d'un litige doit comprendre le temps d'expertise.
Cette décision a été notifiée à M. X...par courrier recommandé du 30 janvier 2007 avec accusé de réception signé le 31 janvier 2007.
Il en a interjeté appel par courrier également recommandé du 23 février 2007 reçu au greffe de la cour le 27 février 2007.
Il a été convoqué le 2 avril 2007 par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 avril 2007 à l'audience en chambre du conseil de la première chambre de la Cour du 20 mai 2007 où il a comparu en personne et a pu développer oralement ses conclusions écrites.
MOYENS ET DEMANDES
Dans le dernier état de ses écritures datées du 28 mai 2007, auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé sur le détail de l'argumentation, M. X...qui considère qu'eu égard à la qualité incontestée de ses prestations judiciaires de plus en plus nombreuses en 2001,2002 et surtout 2003, le fait pour un expert de répondre tardivement aux injonctions d'un magistrat n'est pas constitutif d'une faute lourde dans le contexte, connu des magistrats, d'une pénurie d'experts dans sa spécialité qui l'a conduit, pour rendre service à ses mandants, à accepter de plus en plus de saisines jusqu'à en être lui-même victime, sollicite l'annulation de la décision de radiation ou à tout le moins son remplacement par une peine d'avertissement eu égard au principe de proportionnalité et aux exigences de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et ce d'autant plus que ses explications dossier par dossier font ressortir que les retards imputés trouvent aussi leurs causes dans la conduite des procès par les parties qui n'ont pas hésité à diligenter des appels en cause en cascade, à ne pas communiquer des pièces ou dans les nécessités de l'expertise nécessitant des investigations d'observation des ouvrages incriminés, qu'en outre, après la fin décembre 2005, il a pu se rétablir et déposer ses rapports dans les délais impartis, qu'encore il a été sanctionné de fait en ne recevant plus de mission du Tribunal de Grande Instance d'Avignon depuis le 12 décembre 2006, qu'enfin l'assemblée générale de la Cour statuant disciplinairement a ignoré tant la qualité de ses travaux non remis en cause par aucune parties (et même mis en exergue dans un jugement du 19 septembre 2006) que sa disponibilité qui se retourne contre lui et finalement le principe de proportionnalité précité.
Le ministère public est à la réformation de la décision entreprise pour se déclarer favorable à une suspension plutôt qu'une radiation.
DISCUSSION
Dans chaque dossier visé à la prévention et qu'il apparaît inutile à la Cour de reprendre un par un, M. X...a donné des explications plausibles dont il résulte essentiellement qu'il a effectivement été pris dans un engrenage d'encombrement dû à de trop nombreuses saisines auxquelles il n'a pas su résister, pour rendre service
aux magistrats mandants, se créant ainsi une situation aggravée parfois par l'attitude de parties plus enclines à voir perdurer le temps d'expertise qu'à y trouver un terme rapidement par l'emploi de moyens procéduraux tels que des appels en cause en cascade ou des communications tardives ou réticentes de pièces.
Un tel contexte ne permet pas d'éliminer purement et simplement un expert dont la qualité des investigations n'a jamais été mise en cause.
Cependant, il est du devoir d'un expert de faire part à ses juges mandants ou au juge contrôleur de ses difficultés et même, en cas d'impossibilité prévisible de respecter les délais impartis pour déposer son rapport, de refuser la mission, ce que M. X...n'a pas fait notamment au cours de l'année 2003, cédant selon lui à des sollicitations du service des expertises du Tribunal de Grande Instance d'Avignon sans pour autant les prouver bien qu'elles soient plausibles, et surtout montrant par son silence reconnu en réponse aux rappels et mises en demeure qui lui étaient adressés, qu'il entendait s'affranchir, sans motif légitime, du devoir de compte rendu incombant à chaque expert pour chacune de ses missions, le compte rendu annuel obligatoire (auquel a satisfait M. X...), de nature purement administrative, ne suffisant pas à remplir cette obligation particulière du mandataire.
En sanction de cette attitude pour le moins désinvolte, réformant la décision déférée et acceptant de fermer les yeux sur ce que M. X...a cru à tort pouvoir exprimer ainsi « considérant que la présente expérience concourt à faire de cet expert un expert qui saura dorénavant résister aux sollicitations de magistrats, même pressentes... », en ce qu'un tel « considérant » est à l'évidence irréfléchi et émis de mauvaise rancune, la Cour infligera à l'intéressé une peine de trois mois de radiation temporaire, faisant ainsi application du principe de proportionnalité réclamé par lui.
M. X...supportera les dépens de la procédure.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant après débats en Chambre du Conseil en matière disciplinaire en dernier ressort par arrêt contradictoire,
Déclarant M. X...recevable en son recours,
Infirme la décision déférée et statuant à nouveau,
Vu l'article 6-2 de la loi du 29 juin 1979 telle que modifiée et complétée par la loi du 11 février 2004, article 52
Le condamne à une radiation temporaire de trois mois sans privation du droit d'être inscrit sur la liste des experts judiciaires de la Cour d'Appel de Nîmes,
Dit qu'en cas de nouvelle inscription sur la dite liste après purge de la peine précitée, M. X...devra renouveler son serment d'expert, conformément à l'article 6 de la loi précitée,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe à M. X...par lettre recommandée avec accusé de réception, et au Ministère Public conformément à l'article 29 du décret du 23 décembre 2004,
Condamne M. X...aux dépens. Arrêt signé par M. BOUYSSIC, Président et par Mme VILLALBA, Greffier.