ARRÊT No 647R.G. : 06/00888 CJ/CM TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AVIGNON 15 décembre 2005 X... Y... C/X... MINISTÈRE PUBLIC COUR D'APPEL DE NIMES CHAMBRE CIVILE 1re Chambre AARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2006 APPELANTS :Monsieur Robert X... né le 16 Octobre 1946 à AVIGNON (84000) ... représenté par la SCP M. TARDIEU, avoués à la Cour assisté de Me George H. PONS, avocat au barreau d'AVIGNON Madame Mireille Y... épouse X... née le 12 Octobre 1946 à VEZENOBRES (30360) ... représentée par l SCP M TARDIEU, avoués à la Cour assistée de Me George H. PONS, avocat au barreau d'AVIGNON INTIMÉE :Mademoiselle Carole X... née le 17 Août 1983 à PAPEETE ... représentée par la SCP FONTAINE-MACALUSO JULLIEN, avoués à la Cour assistée de Me François LARROUS-CARRARS, avocat au barreau de MONTPELLIER (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006/004306 du 07/06/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NIMES) EN PRÉSENCE DU : MINISTÈRE PUBLIC Bld de la Libération 30000 NIMES représenté par M. SIE, Vice Procureu Placé, ORDONNANCE DE CLÈTURE rendue le 16 Octobre 2006 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :M. Pierre BOUYSSIC, Président, Mme Christine JEAN, Conseiller, M. Serge BERTHET, Conseiller, GREFFIER :Mme Véronique VILLALBA, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision MINISTÈRE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée. DÉBATS :à l'audience tenue en Chambre du Conseil le 17 Octobre 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 Décembre 2006. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel. ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Pierre BOUYSSIC, Président, publiquement, le 19 Décembre 2006, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE des FAITS, de la PROCÉDURE et des PRÉTENTIONS des PARTIES Mademoiselle Carole Hinerava Z... est née le 17 août 1983 à PAPEETE île de Tahiti, de père inconnu. Elle a été reconnue par sa mère, Madame Hélène Z..., qui a consenti une délégation de son autorité parentale y compris du droit de garde au profit des époux X... le 7 septembre 1983 devant le juge de première instance de PAPEETE. Sur la requête conjointe des époux X... et de Madame Z... présentée le 7 septembre 1983, l'autorité parentale avec droit de garde de l'enfant Carole Hinerava Z... a été confiée par décision du 11 avril 1984 à Monsieur et Madame Martial X..., à l'exception du droit de consentir à l'adoption. Par jugement du 20 novembre 1984, le Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON a prononcé l'adoption plénière de Carole Hinerava par Monsieur et Madame X....Suivant exploit du 28 juillet 2004, Mademoiselle Carole X... alors âgée de 21 ans, a formé tierce opposition à ce jugement d'adoption pour le voir rétracter et la situation remise en l'état antérieur au prononcé de l'adoption avec l'état civil de Carole Hinerava Z.... Elle demandait l'exécution provisoire et l'allocation d'une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.Aux termes d'un jugement du 15 décembre 2005, le Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON a déclaré Carole X... recevable en sa tierce opposition, rétracté le jugement d'adoption et :- dit n'y avoir lieu à adoption de Carole Hinerava Z... par les époux X... - Y..., les conditions légales n'étant pas remplies à la date de l'adoption,- dit en conséquence qu'il y a lieu à rétablissement de l'état civil antérieur de l'adoptée qui recouvrera l'identité de "Carole, Hinerava Z... née le 17 août 1983 à PAPEETE de Hélène Z... qui l'a reconnue et de père inconnu",- dit que cette décision sera transcrite sur les
registres de l'état civil en marge de la transcription du jugement du Tribunal de Grande Instance d'AVIGNON du 20 novembre 1984 tenant lieu d'acte de naissance de l'intéressée à PAPEETE,- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,- débouté Mademoiselle X... de sa demande en paiement formée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,- laissé les dépens à la charge de Monsieur Robert X... et de Madame Mireille Y..., son épouse, recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle Monsieur et Madame X... ont régulièrement relevé appel de cette décision.Pour l'exposé du détail des prétentions et moyens des parties devant la Cour, il est expressément fait référence à leurs conclusions récapitulatives déposées le 21 septembre 2006 pour Mademoiselle X... et le 26 septembre 2006 pour les époux X..., l'ordonnance de clôture du 22 septembre 2006 ayant été révoquée par le Conseiller de la Mise en Etat qui a ordonné la nouvelle clôture au 16 octobre 2006.Monsieur et Madame X... demandent à la Cour d'infirmer la décision déférée, de dire irrecevable, par application de l'article 353-2 du Code Civil, la tierce opposition de Mademoiselle X... et de débouter celle-ci de ses demandes.Ils soutiennent en substance que :- toute la procédure s'est déroulée sous le contrôle du juge et du service territorial des affaires sociales,- il n'y a pas eu volonté de frauder ni manoeuvre dès lors qu'à aucun moment ils n'ont tenté de cacher qu'ils connaissaient l'enfant dont ils souhaitaient l'adoption depuis sa naissance,- le Tribunal ne fait en aucun cas état d'une fraude de leur part, - l'irrégularité de procédure, à la supposer établie, n'est pas une cause de recevabilité de la tierce opposition,- l'enfant n'a pas été conçu en vue de l'adoption,- ils n'ont effectué aucun paiement,- l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 31 mai 1991 concerne l'accueil d'un enfant conçu en exécution d'un contrat tendant Ã
l'abandon à sa naissance par la mère, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,- Madame Z... Hélène indique elle-même que l'enfant n'a pas été conçu en vue de son adoption,- le jugement d'adoption vise expressément les pièces produites à l'appui de la requête qui faisaient référence au consentement de la mère, celle-ci n'ayant d'ailleurs pas fait état d'une absence de consentement,- le Conseil d'Etat a par avis du 4 février 1997 reconnu la compétence du service territorial des affaires sociales créé en Polynésie Française pour exercer les attributions confiées par le Code Civil au service de l'Aide Sociale à l'Enfance,
- le service territorial des affaires sociales accueille valablement l'enfant que les parents ne souhaitent pas élever, choisit une famille d'accueil qui peut légalement être le foyer des futurs adoptants, exige la renonciation des parents à l'exercice de l'autorité parentale et notifie alors l'accueil de l'enfant à l'autorité administrative chargée d'une mission de surveillance, cet accueil démarre alors un placement en vue de l'adoption,- après requête conjointe aux fins de délégation de l'autorité parentale signée par les parties et transmise par le service territorial l'accueil devient un placement en vue de l'adoption après expiration du délai de rétractation,- en l'espèce, une enquête sociale auprès de la mère de l'enfant et à AVIGNON, sur commission rogatoire, a été ordonnée par le Tribunal de Première Instance de PAPEETE, qui a ensuite délégué l'autorité parentale aux époux X... avec droit de garde,- la mère disposait d'un délai de deux mois après dépôt de la requête conjointe du 7 septembre 1983 pour se rétracter,- le délai de 6 mois à compter du placement a expiré le 8 mai 1984, - la requête en adoption a été déposée le 2 juillet 1984,- ils ont toujours dit la
vérité à leur fille adoptive et ne se sont jamais opposés à des relations avec sa mère biologique,- ils ont élevé Carole depuis sa naissance et souhaitent avoir des contacts avec leur petite fille à l'égard de laquelle le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER leur a accordé un droit de visite.Mademoiselle Carole X... conclut à la confirmation du jugement déféré et sollicite l'allocation d'une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.Elle fait valoir pour l'essentiel que :- elle a été remise directement aux époux X... sans être recueillie par le service de l'Aide Sociale à l'Enfance ou toute oeuvre d'adoption autorisée, alors qu'elle était âgée de moins de deux ans,- le placement sous la protection de l'Aide Sociale à l'Enfance du VAUCLUSE en qualité d'enfant surveillé n'est pas assimilable à une remise à l'Aide Sociale à l'Enfance impérativement exigée par l'article 348-5 du Code Civil,- il n'y a pas eu consentement de la mère biologique à l'adoption conforme à l'article 348-3 du Code Civil,- elle a été remise dès le mois d'août 1983 aux époux X...,- la fraude manifeste est caractérisée par le seul fait de la connaissance par les parents adoptifs des origines de l'enfant de moins de deux ans,- le Docteur A..., gynécologue au sein de la clinique PAOFAL, a transmis des informations sur plusieurs patientes susceptibles d'abandonner leur enfant,
- l'intervention de ce médecin en faveur d'un couple candidat à une adoption constitue une atteinte au principe de l'indisponibilité du corps humain et un détournement de l'institution de l'adoption,- les démarches entreprises par les époux X... s'inscrivent en fraude de la procédure légale prévue en cas d'adoption plénière,- elle vient de renouer avec sa mère naturelle et souhaite entreprendre une action en recherche de paternité à laquelle l'adoption plénière fait
obstacle.MOTIFSATTENDU que la qualité de Mademoiselle Carole X... à former tierce opposition au jugement qui a prononcé son adoption plénière comme le non écoulement du délai trentenaire sont établis et non contestés ;ATTENDU qu'en application de l'article 353-2 du Code Civil, la tierce opposition à l'encontre du jugement d'adoption n'est recevable qu'en cas de dol ou de fraude imputable aux adoptants ;ATTENDU que le dol ou la fraude s'entend de toute tromperie ou manoeuvre ou dissimulation ayant pour but de permettre l'adoption d'un enfant en éludant certaines prescriptions légales ; que celui qui forme tierce opposition doit rapporter la preuve du dol ou de la fraude imputable aux adoptants ;ATTENDU qu'en l'espèce il n'est ni établi ni même soutenu que l'enfant Carole a été conçu en vue de l'adoption ni qu'il y a eu entre la mère et les adoptants un contrat tendant à l'abandon de l'enfant à sa naissance ; qu'il n'est non plus démontré ni allégué qu'il y a eu des contacts préalables à l'adoption entre les époux X... et Mademoiselle Hèlène Z... ; que celle-ci n'a jamais sollicité l'annulation du jugement d'adoption ni exercé un quelconque recours ; qu'au contraire dans le courrier du 22 juin 2006, Mademoiselle Z... expose qu'elle était dans l'incapacité de subvenir aux besoins de son enfant alors qu'elle était déjà mère de deux jeunes enfants, que le Docteur A... lui a fait savoir que "si elle ne voulait pas garder l'enfant, elle pouvait le donner à adopter" et lui a parlé d'un couple pouvant adopter cet enfant ; qu'il n'y a eu aucun contact préalable ni accord conclu entre les époux X... et la mère de l'enfant, non plus qu'aucune contrainte ou manoeuvre, pour obtenir le consentement de celle-ci ou l'inciter à abandonner son enfant ;ATTENDU que si le Docteur A... a informé les époux X... de la prochaine naissance de cet enfant, ses courriers produits par l'intimée elle-même soulignent que la mère ne voulait pas le garder, qu'elle était "absolument décidée Ã
l'abandonner", que la procédure légale serait mise en oeuvre et qu'"il ne s'agissait pas du tout de trafic d'enfants" ; que ces précisions confirment que Monsieur et Madame X... souhaitaient procéder à une adoption conforme aux exigences légales et non détournée de sa finalité ni des règles légales ;
ATTENDU que sur requête conjointe des époux X... et de Mademoiselle Z... visant en pièce No 3 la renonciation de la mère à l'autorité parentale sur l'enfant Carole née le 17 août 1983 de père inconnu et son consentement à l'adoption, le Tribunal de Première Instance de PAPEETE a délégué l'autorité parentale aux époux X... avec droit de garde et placé l'enfant sous la protection de l'Aide Sociale à l'Enfance de VAUCLUSE en sa qualité d'enfant surveillé conformément à l'article 45 du Code de la Famille ; que cette décision a été prise après enquêtes sociales d'une part auprès de la mère par le Chef du Service Social en Polynésie Française sur les "conditions de remise et les motivations" avec avis sur l'opportunité de la mesure sollicitée et d'autre part à AVIGNON sur commission rogatoire aux fins de faire vérifier par le service social "les conditions d'accueil de l'enfant en leur foyer, les garanties offertes et l'opportunité de la mesure sollicitée" ; que les pièces de la procédure et le jugement mentionnent que la délégation de l'autorité parentale était sollicitée en vue de l'adoption de l'enfant ; qu'il n'y a donc eu aucune dissimulation ou manoeuvre ou tromperie quant à la sincérité du but de l'adoption, à la situation de l'enfant ou à celle de la mère ; que le jugement fait état d'une remise volontaire par la mère et des renseignements démontrant la conformité à l'intérêt de l'enfant ; que la procédure a été
préalablement communiquée au Ministère Public ; que cette délégation était en Polynésie Française le corollaire de l'accueil et du placement de l'enfant jusqu'au jugement prononçant l'adoption ; que le jugement de délégation ordonnait sa notification par les soins du Procureur de la République au Directeur de l'Aide Sociale à l'Enfance du département de Vaucluse "aux fins que la mineure soit placée sous la protection de ce service en sa qualité d'enfant surveillé conformément à l'article 45 du Code de la Famille" ; que ce placement ordonné par décision de justice après vérification par le service social de la situation de l'enfant, des conditions de la remise et du consentement de la mère répondait pour les époux X... comme pour l'autorité judiciaire aux conditions légales de la remise au service social de l'enfance d'autant que Madame Z... précise dans ses courriers s'être présentée au bureau du service social pour entamer une procédure d'adoption et ensuite devant le juge des enfants ; que l'enfant n'était plus avec sa mère à l'arrivée des époux X... ainsi qu'il ressort des lettres de Mademoiselle Hélène Z... ;ATTENDU que la requête en adoption a été présentée un an après le placement chez les époux X... ; que le délai de rétraction du consentement à l'adoption comme le délai de six mois de présence au foyer des adoptants ont été respectés ;ATTENDU qu'en application de l'article 353 alinéa premier du Code Civil, il appartient au Tribunal de Grande Instance saisi de la requête en adoption de vérifier que les conditions de la loi sont remplies et que l'adoption projetée est conforme à l'intérêt de l'enfant ; que la situation de l'enfant placé par décision de justice en vue de son adoption auprès des époux X... n'a pas été dissimulée au Tribunal ; qu'aucune manoeuvre pour obtenir le jugement d'adoption n'est caractérisée à leur encontre ;ATTENDU que le fait non dissimulé d'avoir connu, avant l'adoption, les origines de l'enfant pris en charge dans le cadre de la
délégation d'autorité parentale prononcée par le Tribunal de PAPEETE ne caractérise pas la fraude qui implique la volonté de transgresser la loi ; qu'en l'espèce les époux X... se sont conformés à la procédure appliquée en Polynésie Française, aux enquêtes sociales ordonnées après démarche de la mère auprès du service territorial social et au placement sous protection de l'Aide Sociale à l'Enfance du Vaucluse ; que le fait pour ce service et pour le Tribunal de n'avoir pas le cas échéant exigé une remise préalable effective de l'enfant à l'Aide Sociale à l'Enfance ou à son corollaire en Polynésie Française ne peut être imputé aux époux X... ;ATTENDU qu'en l'absence de dol ou de fraude imputable aux adoptants, la tierce opposition doit en application de l'article 353-2 du Code Civil, être déclarée irrecevable ;ATTENDU que le jugement déféré sera donc infirmé ;PAR CES MOTIFS LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi Statuant publiquement, contradictoirement, après débats en Chambre du Conseil, en matière civile et en dernier ressort Dit l'appel régulier et recevable en la forme Vu l'article 353-2 du Code Civil Dit la tierce opposition formée par Mademoiselle Carole X... à l'encontre du jugement de son adoption plénière par les époux X... irrecevable Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile Dit que l'intimée supportera les dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle et distraits au profit de la SCP TARDIEU, avoués, sur ses affirmations de droit Arrêt signé par M. BOUYSSIC, Président et par Mme VILLALBA, Greffier présent lors du prononcé.LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,