ARRET No R.G : 05/01033 YR/SD TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE D'AVIGNON 22 février 2005 SA EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES (SEPR) C/ X... X... CPAM VAUCLUSE (84) X... FIVA COUR D'APPEL DE NIMES CHAMBRE SOCIALE ARRET DU 09 FEVRIER 2006
APPELANTE : SA EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES (SEPR) 18 Avenue d'Alsace 92096 LA DEFENSE CEDEX représentée par la SCP REED SMITH RAMBAUD CHAROT, avocats au barreau de PARIS plaidant par Me ALBERTINI Marie INTIMES : Madame Françoise Y... veuve X... 342 Avenue des Vertes Rives 84140 MONTFAVET Monsieur Laurent X... Z... des Teinturiers 84000 AVIGNON Madame Audrey X... épouse A... 32 Traverse de l'Ecole 84500 SAINT SATURNIN LES AVIGNON représentés par Me Louis-Alain LEMAIRE, avocat au barreau d'AVIGNON CPAM VAUCLUSE (84) 7 Z... François 1er 84043 AVIGNON CEDEX 9 représenté par M. Serge B... (Membre de l'entrep.) muni d'un pouvoir FIVA 64 Z... de France 94682 VINCENNES CEDEX non comparant COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS : Monsieur Yves ROLLAND, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du NCPC, sans opposition des parties. Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : Monsieur Régis TOURNIER, Président Madame Elisabeth FILHOUSE, Conseiller Monsieur Yves ROLLAND, Conseiller GREFFIER :
Madame Annie C..., Greffier, lors des débats, et lors du prononcé, DEBATS : à l'audience publique du 06 Décembre 2005, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Février 2006, les parties ayant été régulièrement convoquées par lettre recommandée avec avis de réception, ARRET : Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président,
publiquement, le 09 Février 2006, date indiquée à l'issue des débats, * * *EXPOSE DU LITIGE
Régis X... a travaillé pour la Société EUROPEENNE DES PRODUITS REFRACTAIRES (SEPR) de 1968 à mars 2000.
Souffrant depuis janvier 1999 d'un "Adénocarcinome bronchique", il demandait le 20 octobre 1999 que cette affection soit reconnue comme maladie professionnelle au vu d'un certificat médical établi par le docteur D... indiquant qu'il avait été "exposé à l'amiante de 1971 à 1987 comme ouvrier de fours à la société SEPR au Pontet" et qu'en conséquence il présentait "les éléments requis d'une maladie professionnelle numéro 30 bis".
Le 28 avril 2000, la caisse notifiait à Régis X... et à la SEPR une décision de refus de prise en charge, dans l'attente de "l'avis du médecin agréé en pneumoconiose".
L'intéressé décédait le 05 mai 2000 et le 28 août 2000 le médecin- conseil de la caisse donnait un avis favorable à la prise en charge. Cette décision était notifiée le 05 septembre 2000 à la SEPR, la notification indiquant qu'elle "annulait et remplaçait la précédente notification de refus".
Le 25 septembre 2000, la caisse faisait procéder à une enquête à la suite du décès de Régis X... et le 03 novembre 2000 attribuait à sa veuve une rente d'ayant droit.
Françoise Y... veuve X... et ses deux enfants majeurs Laurent et Audrey X... engageaient alors une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et saisissait le TASS le 11 septembre 2001 après une vaine tentative de conciliation.
Entre temps, la société SEPR avait contestée devant la Commission de Recours Amiable de la CPAM de Vaucluse l'origine professionnelle de
la maladie de Régis X... constatée le 20 octobre 1999.
Ce recours était rejeté le 25 septembre 2001 et la SEPR saisissait le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Vaucluse d'une demande d'annulation de cette décision.
Par jugement rendu le 22 février 2005, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Vaucluse joignait les deux procédures, déclarait l'action des consorts X... recevable en la forme et fondée, retenait l'existence d'une faute inexcusable de la société SEPR, constatait que Régis X... avait été atteint de la maladie inscrite au tableau numéro 30 bis des maladies professionnelles, fixait au maximum la rente allouée à la veuve et fixait l'indemnisation des autres chefs de préjudice de la façon suivante :
- 30.000 euros au titre de l'action successorale en réparation du préjudice moral subi par Régis X... avant son décès - 40.000 euros en réparation du préjudice moral de la veuve - 20.000 euros en réparation du préjudice moral de chacun des enfants majeurs - 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
à charge pour la CPAM du Vaucluse de faire l'avance des sommes dues et de les récupérer ensuite auprès de l'employeur,
la décision étant assortie de l'exécution provisoire.
Par lettre recommandée du 04 mars 2005, la société SEPR interjetait appel de cette décision.
Elle conclut à son infirmation et, - à titre principal, à l'absence de lien de causalité entre la maladie dont est mort Régis X... et son activité au sein de la société SEPR, à l'absence de faute inexcusable qui lui soit imputable, et, en conséquence, au débouté de toutes les demandes, fin et conclusions des consorts X..., - à titre subsidiaire, à l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle et à l'organisation d'une mesure
d'expertise aux fins de déterminer le quantum du préjudice physique et moral subi par Régis X... - en tout état de cause, à l'imputation de l'ensemble des majorations et indemnités qui pourraient être attribuées aux consorts X... au compte spécial par application des dispositions de l'arrêté du 16 octobre 1995.
Françoise Y... veuve X..., Laurent X... et Audrey X... concluent à la confirmation du jugement critiqué en ce qu'il a retenu la maladie professionnelle et la faute inexcusable de l'employeur, à sa réformation en ce qui concerne l'évaluation des préjudices qu'ils demandent de fixer : - à 500.000 euros au titre de l'action successorale en réparation du préjudice subi par Régis X... de son vivant du fait des souffrances physiques et morales dues à sa maladie - à 150.000 euros en réparation du préjudice moral de Madame veuve X... - à 100.000 euros en réparation des préjudices moraux de chacun des deux enfants majeurs - au maximum la majoration de la rente
et de condamner l'appelante à 2.700 euros par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La CPAM de Vaucluse conclut à la confirmation de la décision entreprise, au rejet de l'appel et soutient qu'elle a respecté le contradictoire.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère expressément au jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale et aux conclusions déposées, développées oralement à l'audience. MOTIFS DE LA DECISION. Sur le caractère professionnelle de la maladie.
Le tableau numéro 30 bis afférent au "cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante" liste parmi les travaux susceptibles de provoquer cette maladie, notamment : - les "travaux d'isolation utilisant des matériaux contenant de l'amiante"
- les "travaux de pose et de dépose de matériaux isolant à base d'amiante" - les "travaux d'entretien et de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante".
L'enquête réalisée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, les déclarations de l'employeur et les attestations de ses collègues de travail établissent que Régis X... : - a été employé à l'Atelier d'Essai Industriels (AEI) en qualité d'ouvrier d'essai de septembre 1971 à février 1974, de "chef d'équipe de 1980 à 1982" puis de "technicien procédés" de 1982 à 1993, soit au total pendant plus de 16 ans ; - dans cet atelier l'amiante était utilisé pour la protection des installations métalliques devant le four, pour l'étanchéité des caissons de re-cuisson, les joints et le calorifugeage des tuyauteries de refroidissement des fours ainsi que pour les protections collectives (panneaux, rideaux...) et individuelles du personnel ( vêtements, cagoule et gants de protection ...).
Il résulte de ces éléments de fait que l'exposition à des risques listés dans le tableau numéro 30 bis a bien été effective pendant une durée supérieure à 10 ans, ce qui faisait présumer la maladie professionnelle.
S'il évoque le tabagisme du salarié, l'employeur s'abstient de démontrer que l'affection mortelle dont était atteint Régis X... avait une origine étrangère à ces constatations.
Il y a lieu en conséquence de rejeter la contestation présentée sur ce point.
Sur l'opposabilité de la procédure à la société SEPR.
Il ressort des pièces communiquées et des débats que la société SEPR, destinataire de la déclaration initiale de maladie professionnelle et d'un courrier du 21 avril 2000 l'invitant à consulter le dossier avant décision sur la prise en charge, n'a pas été invité à examiner
les "éléments nouveaux" ayant amené la caisse à modifier sur refus initial de prise en charge, alors que "ces éléments nouveaux" étaient susceptibles de lui faire grief.
Il s'ensuit que la caisse n'a pas respectée les dispositions des articles R.441-11 et suivant du code de la sécurité sociale et que la décision de prise en charge est inopposable à l'employeur.
Sur la faute inexcusable.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers lui d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits utilisés dans l'entreprise.
Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en réserver.
Dès lors que la société SEPR - ne participe pas au processus de fabrication ou de transformation de l'amiante, - n'utilisait l'amiante que pour protéger ses salariés de la chaleur intense inhérente à son activité et uniquement jusqu'à la fin des années 80, elle pouvait penser que les mesures prises en 1954 pour éviter le danger de silicose étaient suffisantes puisque "les travaux nécessitant le port habituel de vêtements contenant de l'amiante, la conduite d'un four, les travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante" ne figurent au tableau no30 que depuis 1996, soit postérieurement à l'abandon de l'utilisation de ces produits dans l'usine.
Par ailleurs il n'est pas allégué que Régis X... ait été chargé de travaux de calorifugeage au sens du tableau no30 dans sa rédaction de 1951.
L'employeur pouvait donc ne pas avoir conscience du danger lié à l'utilisation de l'amiante pendant la période où Régis X... a été exposé aux risques à l'origine de sa maladie professionnelle.
Il y a donc lieu de rejeter la demande visant à retenir la faute inexcusable de l'employeur.
Il y a lieu de laisser à la charge de chacune des partie les frais et honoraires non compris dans les dépens qu'elles ont du engager. PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant en matière de sécurité sociale publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Dit l'appel recevable ;
Réforme partiellement le jugement rendu le 22 février 2005 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Vaucluse ;
Statuant à nouveau sur le tout ;
Confirme la prise en charge de l'affection dont était atteint Régis X... au titre de la maladie inscrite au tableau numéro 30 bis des maladies professionnelles ;
Dit la décision de prise en charge inopposable à l'employeur faute pour la CPAM d'avoir respecté les dispositions des articles R.441-11 et suivant du code de la sécurité sociale ;
Rejette la demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur;
Rejette les demandes d'indemnisation présentées sur ce fondement;
Rejette la demande des intimés sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt signé par Monsieur TOURNIER, Président et par Madame C..., Greffier présent lors du prononcé. LE GREFFIER, LE PRESIDENT,