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02/10/2002 | FRANCE | N°02/691

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 02 octobre 2002, 02/691


Employé depuis janvier 1981 en qualité de mai tre de chais à la cave Saint-Pierre exploitée par la SA SEFIVIN, Monsieur X... a été victime le 1er octobre 1996 d'un accident du travail qu'il impute à la faute inexcusable de l'employeur. Pour contrôler le niveau d'une cuve cylindrique, il a posé contre celle-ci une échelle en aluminium et lorsqu'il s'est trouvé à une hauteur de cinq mètres et qu'il s'apprêtait à lire le niveau, l'échelle a glissé côté gauche et il a chuté. Monsieur BOUACHON, président directeur général de la SA SEFIVIN, a été relaxé des poursuites péna

les engagées contre lui. Monsieur X... a saisi le tribunal des affaires de...

Employé depuis janvier 1981 en qualité de mai tre de chais à la cave Saint-Pierre exploitée par la SA SEFIVIN, Monsieur X... a été victime le 1er octobre 1996 d'un accident du travail qu'il impute à la faute inexcusable de l'employeur. Pour contrôler le niveau d'une cuve cylindrique, il a posé contre celle-ci une échelle en aluminium et lorsqu'il s'est trouvé à une hauteur de cinq mètres et qu'il s'apprêtait à lire le niveau, l'échelle a glissé côté gauche et il a chuté. Monsieur BOUACHON, président directeur général de la SA SEFIVIN, a été relaxé des poursuites pénales engagées contre lui. Monsieur X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vaucluse qui, par jugement du 29 novembre 2001, a dit que la société SEFIVIN avait commis une faute inexcusable, a ordonné une expertise médicale pour déterminer le préjudice corporel à caractère personnel, a fixé à 50 % la majoration de la rente accident du travail et a déclaré ce jugement commun et opposable à la Caisse Régionale d'Assurance Maladie. La SA SEFIVIN a relevé appel de ce jugement. Elle demande à la Cour de le réformer et de débouter Monsieur X... de toutes ses demandes. Se prévalant notamment d'un rapport non contradictoire de Monsieur Y..., expert près la Cour d'appel, elle prétend avoir pris les mesures adaptées au danger dont elle avait conscience et, subsidiairement, elle invoque la faute de la victime, cause exclusive de l'accident. Elle souligne que Monsieur X... était un cadre expérimenté, exerçant les fonctions de maître de chais et ayant une ancienneté importante, et que la présence ou non de crochets en haut de l'échelle et l'usure ou non de ses patins n'ont aucun lien de causalité avec l'accident. Monsieur X... conclut à la confirmation du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale, sauf à majorer la rente de 9,5 %, et il demande la condamnation de la SA SEFIVIN à lui payer la somme de 1220 Euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

ainsi qu'aux entiers dépens. Il se fonde notamment sur les dispositions de la loi du 10 juillet 2000 dissociant les fautes civile et pénale en matière d'accident du travail et sur la définition de la faute inexcusable par l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 11 avril 2002, et soutient que la faute inexcusable était caractérisée même avec la définition qui en était donnée antérieurement par la Cour de cassation ; que l'échelle dont il disposait pour lire le niveau n'était pas munie de crochets de fixation et avait des patins usés qu'il n'a lui-même commis aucune faute et peut donc prétendre à un taux de majoration de rente de 100 % ; que son tronc cérébral a été atteint du fait de sa chute et qu'il est encore victime de troubles cognitifs graves. La Caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse demande acte de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour quant à la reconnaissance de la faute inexcusable et quant au montant de l'indemnisation à accorder à la victime. Le Directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Provence Alpes Côte dAzur a été régulièrement avisé de la date de l'audience par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 21 mars 2002. SUR QUOI Attendu que les termes du jugement du tribunal correctionnel d'Avignon du 19 janvier 2000 ne permettent pas de déterminer si la relaxe a été prononcée parce que l'employeur n'aurait pas commis une faute ou parce que la faute éventuellement commise ne serait pas imputable à la personne physique poursuivie ; Attendu qu'il y a donc place pour l'application de l'article 4-1 du Code de procédure pénale, introduit par la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, qui dispose que: "L'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 123-1 du Code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1383 du Code civil si l'existence de la faute civile prévue

par cet article est établie ou en application de l'article 452-1 du Code de la sécurité sociale si l'existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie". Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celuici d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; Attendu que du procès-verbal de la brigade territoriale de gendarmerie de SORGUES, il ressort que l'échelle utilisée par Monsieur X... pour lire le niveau de la cuve était dépourvue de crochets àsa partie supérieure alors que les cuves sont munies d'une barre fixe destinée à les recevoir, et que les patins de cette échelle étaient usés; que les gendarmes ont annexé au procèsverbal une photographie montrant la barre présente au sommet de la cuve 24 concernée par l'accident, et une autre montrant l'échelle portant à son sommet deux crochets de sécurité installés après l'accident ; Attendu que l'employeur admet qu'il avait conscience du danger, lequel en outre était signalé par un rapport de la Caisse Régionale dAssurance Maladie du 23 mai 1996 qui mentionnait un risque de chute lors des interventions pour la lecture des niveaux et comportait des recommandations dont l'échéance était certes postérieure à l'accident ; Attendu que l'usure des patins n'est pas la cause de l'accident puisque faute d'être maintenue, l'échelle, appuyée sur une surface cylindrique a glissé par le haut; qu'elle est cependant l'indice d'un manque de rigueur dans la prévention des risques d'accident ; Attendu que le rapport établi postérieurement au jugement de première instance, à la demande de l'employeur, par Monsieur Y..., expert

près la Cour, de céans, relève qu'au sommet de la cuve se trouve un étrier dans lequel il est possible d'engager l'échelle qui dépasse alors de 40 cm environ, de sorte qu'elle ne peut glisser par le haut ni à gauche ni à droite, et que la position de cet étrier à droite de la jauge en facilite la lecture, tandis que lors de l'accident Monsieur X... avait positionné son échelle à gauche de la jauge ; Attendu cependant, l'objectivité de cet expert étant d'autant moins discutable que son propos est illustré par des clichés concordants avec ceux pris par les gendarmes : - que d'une part l'échelle qui lui a été présentée n'est pas celle de l'accident, et si Monsieur Z..., chef de cave, atteste qu'elle est identique, il demeure que l'expert n'a pas pu le constater personnellement et asseoir sa conviction sur cette constatation personnelle - que d'autre part, si le bon sens paraît commander la mise en place de l'échelle dans l'étrier, il reste alors une marge de mobilité et- donc une stabilité imparfaite de l'appareillage, et surtout, faute d'avoir opéré contradictoirement, l'expert n'a pas pu apprécier la pertinence des observations qu'aurait pu lui soumettre Monsieur X... s'il avait participé à ses opérations ; Attendu que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat à l'égard de son salarié X... et ne fait pas la démonstration qu'il avait pris les mesures nécessaires pour le préserver du danger dont il avait connaissance ; que la faute inexcusable est caractérisée ; Attendu que l'employeur ne fait pas la démonstration d'une faute du salarié ; que de ce seul chef, le jugement de première instance qui relève un manque de clairvoyance non à l'origine de l'accident, n'a pas justifié la limitation de la majoration de la rente et doit être réformé ; Attendu qu'il convient d'allouer à Monsieur X..., au titre des frais hors dépens qu'il a dû exposer pour défendre sur l'appel de l'employeur, la somme de 800,00 euros ; Attendu que la demande de

Monsieur X... tendant à la condamnation de l'employeur aux dépens est sans objet au regard des dispositions de l'article R. 144-6 premier alinéa du Code de la sécurité sociale PAR CES MOTIFS, la Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de sécurité sociale, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la majoration de la rente d'accident du travail revenant à Monsieur X... et fixe cette majoration à 100 %. Condamne la S.A. SEFIVIN à payer à Monsieur X... la somme de 800,00 euros par application de rarticle 700 du nouveau Code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel. Arrêt qui a été signé par Madame CUTTAT, président, et par Monsieur A..., adjoint administratif, faisant fonction de greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02/691
Date de la décision : 02/10/2002
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Conditions - Conscience du danger

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers son salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation de sécurité a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur a conscience du danger, et qu'il ne fait pas la démonstration d'une faute du salarié.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2002-10-02;02.691 ?
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