La Caisse d'allocations familiales (CAF) des Bouches-du-Rhône a notifié à Monsieur X..., le 6 décembre 1990, sa décision de mise à la retraite, à compter du 1er juin 1991, au motif qu'il avait atteint l'âge de 60 ans et qu'il pouvait bénéficier d'une retraite à taux plein Contestant cette décision, Monsieur X... a saisi la juridiction prud'homale. Parj jugement du 9 décembre 1993, rendu en formation de départage, le conseil de prud'hommes de Marseille a rejeté l'exception d'incompétence formulée par la CAF des BDR, dit que Monsieur X... n'a pas fait l'objet d'un licenciement, dit valable et conforme à la loi la décision de sa mise à la retraite, ses demandes mal fondées et l'en a débouté. Par arrêt du 15 septembre 1997, la cour d'appel d' AIX EN PROVENCE a confirmé en toutes ses dispositions ledit jugement . Par arrêt du 2 mai 2000, la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, 1 ' arrêt de la cour d' AIX EN PROVENCE . Devant la cour d'appel de Nîmes, désignée comme cour de renvoi, Monsieur X... conclut aux fins de voir dire que les dispositions de l'article L.122.14.12 du Code du travail n'ont été édictées que dans un souci de protection du salarié et que l'employeur est irrecevable à s'en prévaloir, que l'article 31 de la convention collective nationale de travail des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale relatif à la limite d'âge de ses personnels n'est point une clause couperet entachée de nullité, mais une clause de garantie d'emploi, après l'âge de 60 ans au sens de l'article L. 122.14. 13 alinéa 3 du Code du travail, qu'en l'espèce, la possibilité de cesser le contrat de travail à la susdite date de 60 ans, n'était ouverte qu'au profit du salarié qui ne l'a point évoquée en l'espèce, lequel pouvait donc invoquer, en application de l'article 31 de la convention collective, une période de garantie d'emploi jusqu'à l'âge de 65 ans-, qu'en conséquence, il convient de qualifier de licenciement abusif. sa mise
à la retraite anticipée, dire que le licenciement ne reposant sur aucune cause réelle et sérieuse, il est droit de réclamer tous dommages-intérêts en réparation de son préjudice, notamment en application de l'article L. 122.14.4 du Code du travail, condamner la CAF des BDR à lui remettre, sous astreinte définitive de 152.45 euros par Jour de retard, la lettre de licenciement et tous documents administratifs y afférents, lui verser: - 25 230.01 euros d'indemnité de préavis prévue par la convention collective susvisée avec intérêts de droit, à compter du 6 décembre 199 1, date de la conciliation par devant le conseil de prud'hommes, - 75 690.02 euros d'indemnité pour licenciement ne reposant sur aucune cause réelle ou sérieuse et en application de la convention collective susvisée, - 60 979.61 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de sa mise à la retraite anticipée et de sa perte de salaire et d'indemnité complémentaire, - 4 573.47 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La CAF des BDR conclut à la constatation qu'elle n'a pas soulevé la première l'argument lié à la nullité de la clause conventionnelle, que dans ces conditions, cette nullité permettait à la CAF de procéder à la mise à la retraite de Monsieur X... dans les conditions légales, qu'il remplissait bien lesdites conditions, à la confirmation de l'arrêt de la cour d'Aix en Provence en qu'il a débouté Monsieur X... de ses demandes, et à sa condamnation au paiement de 4 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Le directeur de la DRASS PACA et le préfet de région PACA régulièrement convoqués par lettres recommandées avec avis de réception signés du 3 décembre 2001 ne sont ni présents, ni représentés. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises. SUR CE: Attendu que l'article 3 de la
Convention collective nationale de travail des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale dispose que l'âge limite d'activité des membres du personnel de direction est fixé à 65 ans, et que le contrat prend fin de plein droit, sans que la rupture puisse être imputée à l'une ou l'autre des parties au 65ème anniversaire de l'agent de direction; que ce texte ajoute que "Toutefois, les intéressés pourront faire valoir leurs droits à la retraite à compter de leur soixantième anniversaire, dans ce cas, ils doivent faire part de leur décision 6 mois avant la date prévue de cessation d'activité", Attendu que les dispositions de l'article L. 122.14.12 du Code du travail qui, en son alinéa 2, qui indiquent que : "Sont nulles et de nul effet toute disposition d'une convention ... prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d'un salarié en raison de son âge ou du fait qu'il serait en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse", n'ont été édictées que dans un souci de protection du salarié, l'employeur étant irrecevable à s'en prévaloir, peu important que les conditions de mise à la retraite de l'article L. 122. 14.12 du Code du travail aient été remplies; Attendu qu'il est sans incidence, qu'au titre d'un moyen à l'appui de ses prétentions, le salarié ait, dans un premier temps, revendiqué la nullité de la clause conventionnelle, étant observé que toute demande, et en conséquence tout moyen nouveau est, devant la juridiction prud'homale, recevable en tout état dc cause, même en appel-, que le salarié était donc en droit de soulever le moyen le plus adapté à 'l'appui de ses prétentions, même s'il s'agissait, eu égard à l'évolution du litige, de revenir sur un moyen développé auparavant; Attendu qu'il s'ensuit, qu'en lui notifiant la, fin de la relation salariale en ces termes: " Comme suite à la décision du conseil d'administration régulièrement prononcée dans sa séance du 25 juin 1990, je vous confirme la date de votre mis.- à la retraite
fixé-. au 1" juin 1991...", l'employeur a rompu le contrat de travail, alors qu'il n'était pas en droit de mettre le salarié dans une position de retraite anticipée; que dès lors la rupture doit être analysée en un licenciement, lequel ne répondant pas à l'exigence des dispositions de l'article L. L. 122.14.2 du Code du travail au titre de l'énoncé de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse; Attendu que l'employeur doit en conséquence délivrer une lettre de licenciement sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte; Attendu que Monsieur X... peut prétendre aux indemnités de rupture; Attendu que ce dernier sollicite une indemnité compensatrice de préavis équivalent à 6 mois de salaire tel que prévu par l'article 27 de la convention collective applicable; qu'il convient de faire droit à ce chef de demande avec les intérêts au taux légal tel qu'indiqué au dispositif, Attendu que la convention collective prévoit en son article 28, outre cette indemnité correspondante au délai congé, une indemnité égale à un mois de traitement par année d'ancienneté avec un maximum de 18 mois de salaire; qu'employé à la CAF depuis 1948, Monsieur X... peut prétendre à l'indemnité maximum telle qu'il la réclame, Attendu qu'au titre de la perte de salaire, alors qu'il bénéficiait d'une garantie d'emploi dont il a été privé, Monsieur X... peut prétendre à la réparation de son préjudice distinct né de la rupture prématurée du contrat de travail-, que toutefois, à défaut d'éléments de nature à démontrer la perte àhauteur de la somme réclamée, la cour arbitre à 26 000 euros l'indemnité due à ce titre, Attendu qu'il convient par ailleurs de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de Monsieur X..., pour les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés tel que précisé au dispositif, PAR CES MOTIFS:
LA COUR, STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET RÉPUTÉ
CONTRADICTOIRE, CHAMBRES RÉUNIES SUR RENVOI DE CASSATION, VU l'arrêt de la Cour de cassation du 2 mai 2000, RECOIT l'appel en la forme, INFIRME le jugement déféré, dans toutes ses dispositions, CONDAMNE la Caisse d'allocation familiales des Bouches du Rhône, en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur X...: - 25 230.01 euros d'indemnité compensatrice de préavis avec les intérêts au taux légal àcompter du 6 décembre 1991, -75 690.02 euros d'indemnité pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, -26 000 euros d'indemnité en réparation de la perte de la garantie d'emploi jusqu'à 65 ans, -800 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, REJETTE toute autre demande, CONDANINE la Caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône, en la personne de son représentant légal, aux dépens. Arrêt signé par Madame Y..., présidente, et Madame Z..., greffière.