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14/09/2001 | FRANCE | N°2001-0604

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 14 septembre 2001, 2001-0604


FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Mme Frédérique X... a été embauchée par la S.A. SOCIÉTÉ DES GRANDS VINS DE GIGONDAS, à Gigondas (84190) à compter du 1er mars 1994, en qualité de préparatrice de commandes, puis elle a été affectée à la gestion des stocks à compter du 1er septembre 1995. Elle relève de la convention collective des vins et spiritueux et bénéficie depuis janvier 1998 de la qualification d'agent technique, niveau III, position B, avec un salaire mensuel de 8.200 F pour 151,67 heures de travail. Le 4 août 2000 l'employeur lui décernait un avertissement pour

retards et absences répétées, puis le 16 août suivant il demandait à ...

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Mme Frédérique X... a été embauchée par la S.A. SOCIÉTÉ DES GRANDS VINS DE GIGONDAS, à Gigondas (84190) à compter du 1er mars 1994, en qualité de préparatrice de commandes, puis elle a été affectée à la gestion des stocks à compter du 1er septembre 1995. Elle relève de la convention collective des vins et spiritueux et bénéficie depuis janvier 1998 de la qualification d'agent technique, niveau III, position B, avec un salaire mensuel de 8.200 F pour 151,67 heures de travail. Le 4 août 2000 l'employeur lui décernait un avertissement pour retards et absences répétées, puis le 16 août suivant il demandait à la salariée de rester se reposer chez elle, dans l'attente d'une nouvelle organisation du travail. Mme X... a envoyé à son employeur, le 17 août 2000, un certificat médical attestant de sa grossesse et ce dernier lui a écrit de rester à son domicile pour se reposer pendant qu'il envisageait une nouvelle organisation, son salaire lui étant payé, jusqu'à nouvel ordre. Le 24 août 2000, par lettre recommandée avec accusé de réception, l'employeur a notifié à cette salariée son affectation au service de Vente Par Correspondance Auguste Chauvet, dans les locaux du Domaine de la Longue Toque. Mme X..., considérant que cette mutation était motivée par le fait que depuis le 3 août 2000 son employeur avait appris qu'elle était enceinte, ayant dû prendre alors un congé de maladie, a contesté cette décision puis saisi le Conseil de prud'hommes d'Orange, en référé, le 20 septembre 2000, réclamant sa réintégration dans son poste de travail antérieur, l'annulation de l'avertissement du 4 août 2000 et des dommages et intérêts. Par ordonnance de référé prononcée le 17 octobre 2000, cette juridiction a : - Dit n'y avoir lieu à référé sur l'annulation de l'avertissement du 4 août 2000, ainsi que sur les dommages et intérêts pour préjudice moral et physique, - Renvoyé le surplus des demandes à l'audience de départage du 14 novembre 2000.

Cette décision n'a pas été frappée d'appel. Par ordonnance de départage en référé rendue le 26 décembre 2000, le Conseil de prud'hommes d'Orange a : - Ordonné à la S.A. SOCIÉTÉ DES GRANDS VINS DE GIGONDAS de réintégrer Mme Frédérique X... dans le poste d'assistante de production qu'elle avait occupé jusqu'à sa mutation notifiée le 24 août 2000, dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'ordonnance, sous astreinte provisoire de 500,00 F par jour de retard durant 100 jours, se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte, - Condamné la S.A. SOCIÉTÉ DES GRANDS VINS DE GIGONDAS aux éventuels dépens de l'instance et à payer à Mme X... la somme de 2.000,00 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - Rappelé que l'ordonnance était exécutoire par provision. Le 11 janvier 2001 la S.A. SOCIÉTÉ DES GRANDS VINS DE GIGONDAS a relevé appel de la décision du Conseil de prud'hommes qui lui avait été notifiée le 4 janvier précédent. La S.A. SOCIÉTÉ DES GRANDS VINS DE GIGONDAS sollicite l'infirmation de cette ordonnance, soutenant qu'il n'y avait pas lieu à référé et subsidiairement que la décision ne soit pas assortie d'une astreinte. Elle demande en outre le paiement de la somme de 5.000,00 francs pour les frais de procédure prévus par l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Mme Frédérique X... demande la confirmation de la décision entreprise et la condamnation de l'appelante à lui payer une somme de 10.000,00 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, reprises oralement par les parties. * * * * * * * * * * * SUR CE : SUR LA DEMANDE DE RÉINTÉGRATION : Attendu que la S.A. SOCIÉTÉ DES GRANDS VINS DE GIGONDAS soutient que la demande de réintégration de la salariée dans son poste de travail, alors que le

contrat de travail n'a pas été rompu ni même modifié, fondée sur les dispositions des articles L.122-25 et L.122-25-1 du Code du travail n'est pas prévue par ces textes, ce qui rendrait cette action irrecevable ; Qu'elle ajoute que seuls des dommages et intérêts, prévus par l'article L.122-30 du Code du travail pourraient être réclamés par Mme X... de ce chef, ce qui ne relève pas de la compétence du juge des référés du Conseil de prud'hommes ; Attendu que l'employeur fait aussi observer qu'il n'y a en l'espèce aucune urgence ni risque de dommage imminent pour la salariée, celle-ci se trouvant actuellement en congé parental pour une durée d'un an, ce qui laisse aux parties le loisir de saisir le juge du fond ; Mais attendu qu'il résulte des dispositions des articles L.122-25 et L.122-25-1 du Code du travail que l'employeur ne doit pas prendre en considération l'état de grossesse d'une femme pour prononcer une mutation d'emploi, sauf en cas d'affectation temporaire de la salariée exigé par son état de santé, ce qui n'est pas invoqué ici ; Attendu que l'irrespect de ces dispositions par l'employeur constitue une contravention de 5° classe prévue et réprimée par l'article R.152-3 du Code du travail ; Attendu que l'éventuelle commission par l'employeur de faits pénalement répréhensibles envers une salariée constitue un trouble manifestement illicite de nature à fonder la compétence du juge des référés et rend recevable la demande tendant à faire cesser ce trouble, en application des dispositions de l'article R.516-31 du Code du travail; que le fait que la salariée se trouve en congé de maternité ou en congé parental pendant la procédure judiciaire qu'elle a engagée est sans effet sur la compétence de la juridiction des référés dans cette hypothèse, l'urgence à statuer n'étant pas une condition de la compétence de celle-ci ; Attendu d'autre part que le trouble manifestement illicite résulte de la décision de muter la salariée dans un autre emploi, sans son accord,

et au motif tiré de son état de grossesse, qui constitue en soi l'infraction pénale, et non de l'occupation effective de cet emploi par la salariée, au demeurant nécessairement absente de son travail pendant son congé de maternité, à tout le moins ; Attendu qu'il est constant en l'espèce que la S.A. SOCIÉTÉ DES GRANDS VINS DE GIGONDAS a notifié à Mme X... par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 août 2000, son affectation à compter du 28 août 2000 dans un autre service de l'entreprise, la vente par correspondance, situé dans des locaux différents ; qu'elle devait exercer des fonctions différentes, qui requéraient, selon la lettre susvisée, une formation à l'utilisation d'un logiciel informatique de saisie des commandes; que selon un tableau comparatif produit par l'employeur, celle-ci passait d'un poste d'assistante de production à un emploi d'assistante commerciale, sans changement de ses conditions de rémunération et de classification professionnelle ; Attendu qu'il s'agit donc là d'une mutation d'emploi, telle que prohibée par l'article L.122-25 du Code du travail, lequel apporte une restriction légale dans le pouvoir de direction de l'employeur, qui lui est reconnu en cas de simple changement des conditions du travail hors de toute modification du contrat de travail ; Attendu en effet qu'il n'est pas contesté que l'employeur savait au moins depuis le 18 août 2000, date de réception du certificat médical envoyé par Mme X... par lettre recommandée avec accusé de réception, que celle-ci était enceinte ; Attendu que la mesure de mutation d'emploi prononcée était motivée, dans la lettre du 24 août 2000, par la mise en place d'une nouvelle organisation au sein de l'entreprise et par la survenance d'un surcroît d'activité ; Attendu cependant que l'employeur, même devant la Cour d'appel, ne produit ni même n'allègue aucun élément justifiant la réalité de la réorganisation ou d'un éventuel surcroît d'activité, contestés par Mme X..., pas plus qu'il n'expose en quoi

ces derniers événements étaient de nature à entraîner la mutation d'emploi prononcée ; Attendu qu'il convient donc de retenir, comme le soutient Mme X..., que cette mesure de mutation d'emploi était en réalité motivée par son état de grossesse, en violation des dispositions des articles L.122-25 et L.122-25-1 du Code du travail ; Attendu que le moyen tiré de ce que l'article L.122-30 du Code du travail ne prévoit pas la réintégration de la salariée comme sanction de la violation des textes susvisés s'avère inopérant, dès lors que la décision provisoire requise du juge des référés se limite à mettre fin à une situation de trouble causée par une décision manifestement illicite sans préjudicier aux droits des parties sur le fond du litige et que, au surplus, ordonner que la salariée, qui n'a pas été licenciée, soit mutée à nouveau dans son emploi initialement occupé ne constitue pas une mesure de réintégration ; Attendu enfin que l'employeur ne soutient pas qu'une mutation de Mme X... dans son emploi d'origine soit impossible, ni d'ailleurs ne conteste qu'il a affecté une autre salariée à l'accomplissement des tâches auparavant dévolues à Mme X..., comme celle-ci l'a invoqué ; Attendu qu'il convient donc de confirmer l'ordonnance déférée par substitution de motifs, en précisant toutefois qu'il est ordonné non une réintégration mais une mutation d'emploi de Mme X..., laquelle prendra effet lors de la reprise de son contrat de travail, actuellement suspendu depuis le 4 décembre 2000 ; Attendu par ailleurs que, compte-tenu de la situation actuelle des parties, il n'apparaît pas nécessaire d'assortir cette décision d'une astreinte ; SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :

Attendu qu'il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de Mme Frédérique X... les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens d'appel, mis à la charge de la S.A. SOCIÉTÉ DES GRANDS VINS DE GIGONDAS, comme ceux de première instance et le frais irrépétibles

alors exposés, tels qu'évalués par l'ordonnance déférée, confirmée de ce chef ; PAR CES MOTIFS : LA COUR, Statuant en matière prud'homale, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit l'appel en la forme, Réformant l'ordonnance du Conseil de prud'hommes d'Orange, statuant en départage et en référé, prononcée le 26 décembre 2000, Dit que la S.A. SOCIÉTÉ DES GRANDS VINS DE GIGONDAS devra muter Mme Frédérique X... dans l'emploi qu'elle occupait jusqu'au 28 août 2000, lors de la reprise du travail par celle-ci, sauf meilleur accord des parties, Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte, Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus, Condamne la S.A. SOCIÉTÉ DES GRANDS VINS DE GIGONDAS aux dépens d'appel, Rejette toutes les autres demandes. Ainsi prononcé et jugé à N MES le 14 septembre 2001. Arrêt signé par Madame FILHOUSE, Président et Madame PUEL, agent administratif faisant fonction de greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 2001-0604
Date de la décision : 14/09/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maternité - Congé de maternité.

Il résulte des dispositions des articles L. 122-25 et L. 122-25-1 du Code du travail que l'employeur ne doit pas prendre en considération l'état de grossesse pour prononcer une mutation d'emploi. Dès lors, constitue un trouble manifestement illicite la décision de l'employeur de muter une salariée dans un autre emploi, sans son accord et au motif tiré de son état de grossesse qui constitue en soi une infraction pénale réprimée par l'article R. 152-3 du Code du travail

PRUD'HOMMES - Référé - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses.

La décision provisoire requise par du juge des référés se limite à mettre fin à une situation de trouble causée par une décision manifestement illicite de l'employeur sans préjudicier aux droits des parties sur le fond du litige et qu'au surplus, ordonner que la salariée, qui n'a pas été licenciée, soit mutée à nouveau dans son emploi initialement occupé ne constitue pas une mesure de réintégration, mais une remise en état


Références :

Code du travail L122-25, L122-25-1 et R152-3

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2001-09-14;2001.0604 ?
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