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05/09/2001 | FRANCE | N°2000/0073

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 05 septembre 2001, 2000/0073


FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Mme Marie-Ligne X... a été embauchée le 22 octobre 1996 par Me Jean-François Aubert, mandataire judiciaire à Avignon (84000), en qualité de secrétaire à temps complet. Par avenant en date du 20 avril 1998, son horaire était réduit à 4 heures par jour. Le 3 octobre 1998, après une mise à pied conservatoire prononcée le 23 septembre précédent et un entretien préalable fixé au 1er octobre 1998, elle a été licenciée pour faute, l'employeur lui reprochant d'avoir utilisé son fichier informatique à des fins personnelles. La salariée a reçu

cette lettre le 7 octobre 1998. Contestant cette décision la salariée a ...

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Mme Marie-Ligne X... a été embauchée le 22 octobre 1996 par Me Jean-François Aubert, mandataire judiciaire à Avignon (84000), en qualité de secrétaire à temps complet. Par avenant en date du 20 avril 1998, son horaire était réduit à 4 heures par jour. Le 3 octobre 1998, après une mise à pied conservatoire prononcée le 23 septembre précédent et un entretien préalable fixé au 1er octobre 1998, elle a été licenciée pour faute, l'employeur lui reprochant d'avoir utilisé son fichier informatique à des fins personnelles. La salariée a reçu cette lettre le 7 octobre 1998. Contestant cette décision la salariée a saisi le Conseil de prud'hommes d'Avignon le 6 novembre 1998. Par jugement prononcé le 29 juin 1999, cette juridiction a : - Condamné Me Jean-François Aubert à payer à Mme Marie-Ligne X... les sommes suivantes : 50.000,00 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, SUR CE : SUR LE LICENCIEMENT : Attendu qu'en application des dispositions de l'article L.122-14-2 du Code du

travail, l'employeur est tenu d'énoncer les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement ; Que le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité du licenciement doit former sa conviction à partir des griefs articulés dans cette lettre de licenciement ; Qu'il incombe à l'employeur qui excipe de la faute grave commise par une salariée de rapporter la preuve de celle-ci ; Que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables à la salariée qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis ; Attendu qu'en l'espèce Mme Marie-Line X... a été licenciée par Me Aubert, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 octobre 1998, motivée comme suit : " j'ai eu malheureusement à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute dans l'exercice de vos fonctions, en effet, alors que j'utilisais dans la journée du Lundi 28 septembre votre ordinateur, je me suis aperçu avec stupeur que vous aviez consulté par le biais du réseau informatique de l'Etude le dossier d'un de nos administrés, la société S.H.P. ainsi que de son dirigeant Monsieur Y.... Sachant qu'il n'entre pas dans le cadre de vos attributions d'avoir accès à ce type d'informations, qu'il s'agissait donc d'une démarche volontaire de votre part, sachant d'autre part que j'ai été amené à prendre certaines décisions dans la gestion du dossier de cet administré, décisions strictement confidentielles dans le cadre de la procédure judiciaire, et connaissant enfin et surtout les liens d'amitié existant entre vous et Monsieur Y..., vous comprenez bien que votre comportement et votre démarche sont de nature à compromettre irrémédiablement la confiance que je suis en droit d'attendre dans le cadre de nos relations de travail. Cette perte de confiance ne me permet plus d'envisager avec sérénité une quelconque

collaboration......j'ai donc le regret de vous informer que j'ai en conséquence décidé de vous licencier pour faute. Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien au sein de l'Etude s'avère impossible ; votre licenciement prendra effet à la fin de votre période de préavis d'une durée d'un mois que je vous dispense d'exécuter et pour lequel une indemnité compensatrice vous sera versée." ; Attendu qu'en n'invoquant pas clairement la faute grave, ni la rupture immédiate des relations de travail qu'elle entraîne et en accordant à la salariée la rémunération de son préavis d'un mois, même s'il la dispensait d'avoir à l'exécuter, comme en fixant comme date d'effet du licenciement la fin de la période de préavis et en lui payant en outre le salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire antérieure, l'employeur a nécessairement admis que la faute qu'il lui reprochait n'était pas d'une gravité telle qu'elle interdisait son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis; qu'il ne peut donc se prévaloir de la qualification de faute grave dans le cadre du présent litige, dont les limites sont fixées par la lettre de licenciement ; Attendu qu'en l'absence de faute grave, il convient de rechercher si les griefs allégués par l'employeur constituent une cause réelle et sérieuse, justifiant la mesure de licenciement de la salariée ; Attendu que le contrat de travail à durée indéterminée conclu le 23 octobre 1996 entre les parties, sous forme d'une lettre d'embauche acceptée par Mme Marie-Line Z... épouse X..., stipulait que celle-ci était engagée en qualité de secrétaire à l'étude de Me Aubert, mandataire judiciaire, et serait tenue d'observer toutes les instructions et consignes particulières de travail qui lui seraient données, ainsi que la plus entière discrétion sur tout ce qui concerne les affaires traitées par l'étude ; Attendu que, comme le relève Mme X..., il ne résulte pas de ce contrat de travail ni d'aucune instruction

particulière donnée par Me Aubert qu'elle n'avait accès qu'à certains dossiers de l'étude et pas à d'autres ni qu'elle était tenue de ne pas consulter des informations figurant sur des dossiers de l'étude, dès lors qu'elle respectait ensuite son obligation contractuelle de discrétion, ce qui n'est pas contesté en l'espèce ; Attendu que par ailleurs il est constant que tous les ordinateurs de l'étude, dont celui confié à Mme X..., étaient sur le même réseau et qu'aucun système de contrôle informatique d'accès n'était utilisé pour limiter les accès du personnel à tout ou partie des informations figurant dans les fichiers informatiques des dossiers, organisation administrative et technique qui relève du pouvoir de direction de l'employeur, libre de la mettre en oeuvre ou non selon qu'il l'estime nécessaire ou pas ; Attendu que la salariée ne conteste avoir consulté, par simple curiosité personnelle, le dossier de la société SHP et de son dirigeant, M. Y..., qui était son ancien employeur et avec lequel elle avait des relations amicales, mais allègue sa bonne foi, faisant observer que ce sont deux autres secrétaires, Mmes A... et B..., qui ont attiré son attention sur ce dossier qu'elles traitaient, incidemment, lui communiquant aussi le nom des fichiers concernés dans leurs répertoires de travail ; Qu'elle précise, d'autre part, c'est elle-même qui, en toute loyauté, avait informé Me Aubert de ses liens d'amitié avec Monsieur Y... en janvier 1998, sans que son employeur lui donne des instructions nouvelles à la suite de cette information et ajoute qu'elle n'a jamais communiqué d'information à Monsieur Y..., ce qui n'est pas contesté au demeurant ; Attendu que de tels faits, s'ils justifiaient une observation à la salariée et le cas échéant qu'il lui soit donné des instructions précises lui interdisant dorénavant d'accéder à certaines informations, ne constituent pas, en l'absence d'instructions préalables et à défaut de mise en oeuvre par l'employeur d'un système

de contrôle d'accès sur le réseau informatique, une cause réelle et sérieuse de licenciement ; Attendu, au surplus, qu'il apparaît que Me Aubert, qui ne conteste pas que c'est sur l'initiative de Mme Maryse A... et Mme Béatrice B..., secrétaires de son étude chargées de traiter, en toute confidentialité, le dossier de la société SHP et de M. Y..., que Mme X... y a accédé, s'est abstenu de prendre des sanctions envers celles-ci, alors même que, selon la thèse qu'il développe, elles auraient manqué à leur obligation de discrétion puisque ayant directement donné accès à une personne non autorisée à ces informations ; Que nonobstant le caractère discrétionnaire du pouvoir de sanction de l'employeur, cette attitude confirme la thèse de Mme X... selon laquelle l'ensemble des secrétaires avaient toutes accès à l'ensemble des dossiers et ne voyaient donc pas malice à faciliter à l'une d'entre elles l'accès aux informations qu'elles traitaient personnellement, étant entendu que leur seule obligation contractuelle était celle de conserver la confidentialité des informations vis à vis des personnes étrangères à l'étude ; Attendu qu'à la date de présentation de la lettre de licenciement, le 7 octobre 1998, Mme X..., embauchée le 22 octobre 1996, avait moins de deux années d'ancienneté et ne peut donc bénéficier des dispositions de l'article L.122-14-4 du Code du travail ; qu'en outre Me Aubert a déclaré dans l'attestation ASSEDIC du 21 octobre 1998, sans que cela soit particulièrement contesté par Mme X..., qu'il employait moins de 10 salariés dans son entreprise ; Que Mme X... doit donc être indemnisée en fonction de son préjudice justifié, conformément aux dispositions de l'article L.122-14-5 du Code du travail ; Attendu que Mme X... percevait un salaire mensuel de 3.559,63 F brut pour 86,67 heures de travail par mois chez Me Aubert depuis le 1er mai 1998 ; qu'elle soutient être demeurée sans emploi après son licenciement, jusqu'en février 2000 mais ne justifie pas avoir été inscrite à

l'A.N.P.E. ni du montant des indemnités ASSEDIC qu'elle a dû percevoir à cette période ; Attendu qu'il convient en conséquence, au vu de l'ensemble des éléments de l'espèce, de condamner Me Aubert à payer à Mme X..., en réparation de son préjudice causé par ce licenciement abusif, toutes causes confondues, une somme de 20.000,00 F à titre de dommages et intérêts et de rejeter le surplus des demandes de celle-ci de ce chef ; SUR L'INDEMNITÉ DE LICENCIEMENT : Attendu qu'au jour où son licenciement lui a été notifié, le 7 octobre 1998, Mme Marie-Line X... avait moins de deux années d'ancienneté interrompue au service de son employeur, Me Aubert, qui l'avait engagée le 26 octobre 1996 ; Qu'il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à solliciter le versement de l'indemnité de licenciement prévue par l'article L.122-9 du Code du travail et qu'il convient donc, réformant de ce chef le jugement entrepris, de la débouter de cette demande ; SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS : Attendu qu'il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de Me Jean-François Aubert les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens d'appel, mis à la charge de Mme X... ; PAR CES MOTIFS : LA COUR, Statuant en matière prud'homale, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit l'appel en la forme, Réformant le jugement du Conseil de prud'hommes d'Avignon prononcé le 29 juin 1999, Condamne Me Jean-François Aubert à payer à Mme Marie-Line X... la somme de 20.000,00 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, toutes causes confondues, en application des dispositions de l'article L.122-14-5 du Code du travail, Déboute Mme Marie-Line X... du surplus de ses demandes de ce chef ainsi que de sa demande de paiement d'une indemnité de licenciement, Confirme le jugement entrepris pour le surplus, Condamne Mme Marie-Line X... aux dépens d'appel, Rejette toutes les autres demandes. Ainsi prononcé et jugé à N MES le 5

septembre 2001. Arrêt signé par Madame FILHOUSE, Président et Madame C..., agent administratif faisant fonction de greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 2000/0073
Date de la décision : 05/09/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Défaut - Applications diverses

Ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement le fait de reprocher à une secrétaire d'avoir consulté des informations professionnelles relatives à un administré d'un cabinet de mandataire judiciaire, au moyen de données informatiques, auxquelles elle avait accès, alors même que ni le contrat de travail ni aucune instruction particulière l'empêchait d'avoir accès à certains dossiers de l'étude ni de consulter des informations y figurant, dès lors qu'elle respectait ensuite son obligation contractuelle de discrétion


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2001-09-05;2000.0073 ?
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