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20/06/2001 | FRANCE | N°JURITEXT000006938206

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 20 juin 2001, JURITEXT000006938206


FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme Christine X... a été embauchée par le G.I.E. Bédaricienne-Doras- Industries (B.D.I.) GESTION, à Villeneuve-les-Avignon (30400) en qualité de comptable, par contrat de travail à durée indéterminée conclu le 4 août 1995. Elle percevait en 1998 un salaire mensuel brut de 9.708 F par mois, outre un treizième mois et une prime de vacances. Elle a été licenciée par lettre remise en mains propres le 28 juillet 1998, son employeur, devenu la S.N.C. B.D.I. CONSEILS, lui reprochant une divergence de vue sur l'organisation du service comptable en

traînant l'impossibilité de poursuivre leur collaboration. Cette l...

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme Christine X... a été embauchée par le G.I.E. Bédaricienne-Doras- Industries (B.D.I.) GESTION, à Villeneuve-les-Avignon (30400) en qualité de comptable, par contrat de travail à durée indéterminée conclu le 4 août 1995. Elle percevait en 1998 un salaire mensuel brut de 9.708 F par mois, outre un treizième mois et une prime de vacances. Elle a été licenciée par lettre remise en mains propres le 28 juillet 1998, son employeur, devenu la S.N.C. B.D.I. CONSEILS, lui reprochant une divergence de vue sur l'organisation du service comptable entraînant l'impossibilité de poursuivre leur collaboration. Cette lettre indiquait que le licenciement prendrait effet le 31 août suivant et que la salariée était dispensée d'exécuter son préavis, à sa demande, qui ne lui serait pas payé. Les parties ont signé un accord transactionnel daté du 28 juillet 1998, aux termes duquel l'employeur s'engageait à verser à Mme X... une somme de 25.000,00 F en sus de son salaire d'un mois, de l'indemnité de congés payés, de son treizième mois au prorata temporis et de son indemnité de licenciement. Les chèques correspondant à ces montants ont été émis les 1er et 7 septembre 1998 et remis à Mme X.... Contestant cette transaction et les conditions de la rupture de son contrat de travail, Mme X... a saisi le Conseil de prud'hommes de Nîmes le 15 septembre 1998. Par jugement prononcé le 16 septembre 1999, cette juridiction l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et mis à sa charge les dépens de la procédure, rejetant aussi la demande de la S.N.C. B.D.I. CONSEILS fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Le 7 octobre 1999 Mme Christine X... a relevé appel de la décision du Conseil de prud'hommes qui lui avait été notifiée le 30 septembre précédent. Mme Christine X... demande que soit prononcée la nullité de la transaction et la nullité du licenciement intervenu alors qu'elle était encore au sein de la période de protection suivant son congé de maternité. Elle sollicite la condamnation de la S.N.C. B.D.I. CONSEILS à lui payer les sommes suivantes : - 44.111,25 F brut, déduction faite de la somme de 33.540,81 F déjà versée au titre de la transaction, correspondant à : une indemnité compensatrice de préavis (19.916,00 F), la prime d'ancienneté durant le préavis (424,00 F), une indemnité complémentaire de congés payés calculée sur ces sommes (2.607,00 F), [* le prorata temporis complémentaire du 13° mois (8.713,25 F), avec délivrance d'un bulletin de salaire et d'une attestation ASSEDIC rectifiée, - 131.943,50 F à titre de dommages et intérêts pour réparer son préjudice financier et moral causé par le licenciement nul et abusif, sur le fondement des dispositions de l'article L.122-30 du Code du travail, invoquant aussi le défaut de motivation de la lettre de licenciement, à titre subsidiaire, - 10.000,00 F pour les frais de procédure prévus par l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La S.A. B.D.I. CONSEILS, anciennement S.N.C. B.D.I. CONSEILS, demande la confirmation de la décision entreprise. Pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, reprises oralement par les parties.
SUR CE :
SUR LA TRANSACTION :
Attendu qu'en application des dispositions des articles L.122-14-7 du Code du travail et 2044 du Code civil, la transaction, consécutive à la rupture du contrat de travail, a pour objet de mettre fin, par des concessions réciproques, à toute contestation née ou à naître de cette rupture ;
Qu'il s'ensuit que la transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant de cette rupture ne peut être conclue qu'une fois la rupture devenue définitive, par la réception, par la salariée de la lettre de licenciement dans les conditions requises par l'article L.122-14-1 du Code du travail et ne peut porter sur la cause de la rupture laquelle conditionne l'existence de concessions réciproques ;
Attendu qu'en l'espèce l'accord transactionnel conclu le 28 juillet 1998 entre la S.N.C. B.D.I. CONSEILS et sa salariée, Mme Christine X..., licenciée par lettre en date du même jour, remise en mains propres, en violation des dispositions de l'article L.122-14-1 du Code du travail qui exigent l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception pour notifier le licenciement, ne répond donc pas aux exigences des textes susvisés et doit être annulé ;
SUR LES SOMMES RÉCLAMÉES PAR LA SALARIÉE :
Attendu que la S.A. B.D.I. CONSEILS ne conteste pas particulièrement devoir les sommes réclamées par Mme X... après annulation de l'accord transactionnel du 28 juillet 1998, pour ce qui concerne des rappels de salaire depuis avril 1998, du salaire du 1er au 15 août 1998, de l'indemnité compensatrice de congés payés, du prorata du treizième mois et de la prime d'ancienneté, ni en leur principe ni en leur montant ;
Attendu que l'employeur ne conteste pas non plus que la durée du préavis de Mme X..., compte-tenu de son ancienneté, devait être fixée à deux mois et débuter seulement le 15 août 1998, à l'issue de la période de protection légale de la salariée, mais soutient que celle-ci avait été dispensée d'effectuer son préavis, à sa demande, et qu'en conséquence il n'est pas tenu de payer la rémunération afférente à cette période ;
Mais attendu, d'une part, que Mme X... conteste formellement avoir demandé à être dispensée d'effectuer son préavis et qu'il résulte d'autre part des dispositions d'ordre public de l'article L.122-8 du Code du travail que la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le délai-congé ne doit entraîner jusqu'à l'expiration de ce délai aucune diminution des salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés que la salariée aurait reçu si elle avait travaillé ;
Attendu en outre que la lettre de licenciement rédigée par l'employeur et mentionnant le prétendu souhait de la salariée d'être dispensé de son préavis n'a pas été avalisée par Mme X..., celle-ci se contentant de mentionner :"Remis en mains propres le 28 juillet 1998", et de signer, ce qui ne saurait être considéré comme une manifestation de la volonté de la salariée de refuser d'offrir sa prestation de travail correspondant à la période de préavis ;
Qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de condamner la S.A. B.D.I. CONSEILS au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire, dont elle ne conteste pas particulièrement le montant réclamé par Mme X... ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de condamner la S.A. B.D.I. CONSEILS à payer à Mme Christine X... la somme totale brute de 44.111,25 F, sauf à déduire celle de 33.540,81 F déjà versée par l'employeur après la rupture du contrat de travail de ces chefs, ainsi qu'à lui remettre un bulletin de salaire et une attestation destinée à l'ASSEDIC rectifiés en conséquence ;
SUR LE LICENCIEMENT :
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L.122-25-2 du Code du travail que l'employeur ne peut résilier le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, ni pendant les périodes de suspension de son contrat de travail entraînées par sa situation, ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l'expiration de ces périodes, sauf en cas de faute grave de l'intéressée ou de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement de maintenir le contrat de travail ;
Attendu que Mme Christine X... soutient que son congé de maternité a pris fin le 14 juillet 1998 et qu'elle ne pouvait donc être valablement licenciée le 28 juillet 1998 pour une cause réelle et sérieuse, comme l'a fait son employeur ; que la S.A. B.D.I. CONSEILS ne conteste pas ces faits et n'invoque pas de faute grave ni d'impossibilité de maintenir le contrat de travail mais prétend que la date d'effet du licenciement étant fixée au 31 août 1998, soit postérieurement à la fin de la période de quatre semaines invoquée par la salariée, il était valable ;
Mais attendu que la notification du licenciement ayant été faite, même irrégulièrement, le 28 juillet 1998 par l'employeur, durant la période de protection suivant la suspension du contrat de travail prévue à l'article L.122-26 du Code du travail, le licenciement est nul, quand bien même la date d'effet de la rupture était fixée postérieurement à la fin de la période de protection légale de la salariée ;
Attendu qu'en l'absence de toute procédure de licenciement valable, après annulation de celle diligentée le 28 juillet 1998, et faute de proposition de réintégration de la salariée par l'employeur, il convient de constater que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur et s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu au surplus que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, ne comporte l'imputation d'aucun grief précis à Mme Christine X..., l'employeur se contentant d'évoquer une divergence de vue, qui n'est pas en soi une faute de la salariée, et s'avère en conséquence dépourvue motif, en violation des dispositions de l'article L.122-14-2 du Code du travail ;
Attendu que la S.A. B.D.I. CONSEILS employait, lors de ce licenciement, plus de 10 salariés, ainsi qu'elle l'a indiqué dans l'attestation destinée à l'ASSEDIC en date du 31 août 1998 et que Mme Christine X... avait plus de deux années d'ancienneté ; qu'il s'ensuit que la salariée doit être indemnisée pour son préjudice causé par le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à hauteur d'une somme égale au moins à ses six derniers mois de salaires, en application des dispositions de l'article L.122-14-4 du Code du travail, soit la somme de 65.971,75 F brut ;
Attendu qu'à l'appui de sa demande de dommages et intérêts d'un montant supérieur à ce minimum légal, Mme Christine X... justifie avoir été inscrite comme demandeur d'emploi à l'ASSEDIC Gard/Lozère à compter du 16 septembre 1998 et indemnisée par cet organisme jusqu'au 31 décembre 1999, tout en effectuant durant cette période des missions d'intérim pour le compte de l'agence d'Avignon de la société ADECCO pendant 10 mois et un contrat de travail à durée déterminée au profit de l'entreprise MARIANI du 6 septembre au 17 décembre 1999, avant de retrouver un emploi dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à la S.A. ANGLEDIS, depuis le 3 juillet 2000, avec un salaire brut de 10.000,00 F par mois ;
Attendu que le licenciement sans cause réelle et sérieuse a donc entraîné une diminution importante et durable des revenus de Mme X... et qu'il convient d'indemniser ce préjudice avec celui issu des conditions dans lequel ce licenciement est intervenu, à savoir pendant la protection d'une femme venant d'accoucher dont l'indemnisation est prévue à l'article L.122-30 du Code du travail, toutes causes confondues, par l'allocation d'une somme de 75.000,00 F, à titre de dommages et intérêts ;
Attendu qu'il convient de condamner la S.A. B.D.I. CONSEILS au paiement de cette somme, sauf à déduire, comme elle le demande, celle de 25.000,00 F déjà versée au titre de la transaction annulée ;
SUR LE REMBOURSEMENT DES INDEMNITÉS DE CHOMAGE :
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L.122-14-4 du Code du travail, lorsqu'un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, comme en l'espèce, l'employeur doit être condamné d'office par le tribunal à rembourser aux organismes ayant indemnisé la salariée pendant sa période de chômage, l'ensemble des indemnités versées, dans la limite du maximum de six mois ;
Qu'il convient de le faire en appel, la Cour ayant retenu le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement du salarié ;
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :
Attendu qu'il y a lieu de d'allouer à Mme Christine X... la somme de 5.000,00 F au titre des frais de procédure civile que devra lui payer la S.A. B.D.I. CONSEILS, condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant en matière prud'homale, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit l'appel en la forme,
Infirmant le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes prononcé le 16 septembre 1999,
Annule l'accord transactionnel en date du 28 juillet 1998,
Annule le licenciement notifié à Mme Christine X... par la S.N.C. B.D.I. CONSEILS le 28 juillet 1998,
Condamne la S.A. B.D.I. CONSEILS, anciennement S.N.C. B.D.I. CONSEILS, à payer à Mme Christine X... les sommes suivantes : - 4.979,00 F brut à titre de rappel de salaire du 1er au 15 août 1998, - 1.000,00 F brut à titre de rappel de salaire depuis avril 1998, - 19.916,00 F brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 424,00 F brut à titre de prime d'ancienneté sur la période de préavis, - 6.472,00 F brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, - 2.607,00 F brut à titre d'indemnité complémentaire de congés payés, - 8.713,25 F brut à titre de prime de treizième mois, au prorata temporis,
Dit que la S.A. B.D.I. CONSEILS pourra déduire du montant de cette condamnation la somme de 33.540,81 F brut qu'elle a déjà versée à Mme X... de ces chefs, et qu'elle devra remettre à celle-ci un bulletin de salaire et une attestation destinée à l'ASSEDIC rectifiés en conséquence des présentes condamnations,
Condamne la S.A. B.D.I. CONSEILS à payer à Mme Christine X... la somme de 75.000,00 F à titre de dommages et intérêts pour réparer son préjudice causé par le licenciement annulé et dépourvu de cause réelle et sérieuse, sauf à déduire la somme de 25.000,00 F déjà versée au titre de la transaction annulée,
Ordonne le remboursement par la S.A. B.D.I. CONSEILS aux organismes ayant versé des indemnités de chômage à Mme Christine X..., des sommes payées à compter du 31 août 1998, date du licenciement jusqu'au jour du présent arrêt, à hauteur de six mois d'indemnisation au maximum,
Dit qu'une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée par le secrétariat Greffe à l'UNEDIC,
Condamne la S.A. B.D.I. CONSEILS aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme Christine X... la somme de 5.000,00 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes.
Ainsi prononcé et jugé à NIMES le 20 juin 2001.
Arrêt signé par Madame FILHOUSE, Président et Madame GONZALES, greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006938206
Date de la décision : 20/06/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

En vertu des dispositions de l'article L. 122-25-2 du Code du travail, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, ni pendant les périodes de suspension de son contrat de travail entraînées pas sa situation, ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l'expiration de ces périodes, sauf en cas de faute grave de l'intéressée ou de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement de maintenir le contrat de travail. Dès lors la notification de licenciement ayant été faite durant la période de protection suivant la suspension du contrat de travail prévue à l'article L. 122-26 du Code du travail, le licenciement est nul, quand bien même la date d'effet de la rupture était fixée postérieurement à la fin de la période de protection légale de la salariée. En l'absence de toute autre procédure de licenciement valable et faute de proposition de réintégration de la salariée par l'employeur, il convient de constater que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur et s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2001-06-20;juritext000006938206 ?
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