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30/05/2001 | FRANCE | N°1999/5353

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 30 mai 2001, 1999/5353


FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Monsieur Mohamed X... travaille sur l'exploitation agricole de Mme Marie-Christine Y... à Pujaut (30131) depuis 1982, en qualité d'ouvrier agricole. Il a saisi le Conseil de prud'hommes de Nîmes le 28 janvier 1997 de plusieurs demandes tendant à l'allocation de diverses sommes pour licenciement abusif et à titre de rappel de salaire. Par jugement prononcé le 9 décembre 1997, le Conseil de prud'hommes a : - Condamné Mme Y... à payer à Monsieur X... les sommes de : * 12.635,00 F (brut) au titre de l'indemnité de préavis (2 mois), * 7.404,00 F (brut

) à titre de rappel de salaire, du 12/12/1996 au 16/01/1997,...

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Monsieur Mohamed X... travaille sur l'exploitation agricole de Mme Marie-Christine Y... à Pujaut (30131) depuis 1982, en qualité d'ouvrier agricole. Il a saisi le Conseil de prud'hommes de Nîmes le 28 janvier 1997 de plusieurs demandes tendant à l'allocation de diverses sommes pour licenciement abusif et à titre de rappel de salaire. Par jugement prononcé le 9 décembre 1997, le Conseil de prud'hommes a : - Condamné Mme Y... à payer à Monsieur X... les sommes de : * 12.635,00 F (brut) au titre de l'indemnité de préavis (2 mois), * 7.404,00 F (brut) à titre de rappel de salaire, du 12/12/1996 au 16/01/1997, * 8.990,00 F au titre de l'indemnité de licenciement, - Condamné Mme Y... à remettre à M. X... les bulletins de salaire correspondant et un certificat de travail rectifié, - Déclaré qu'il était en partage de voix sur la demande concernant le rappel de la prime d'ancienneté et renvoyée l'affaire devant le juge départiteur, - Dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. X... était de 6.317,50 F, - Débouté les parties de leurs autres demandes, et réservé les dépens. Il n'a pas été relevé appel de ce jugement. Par jugement rendu après départage le 6 septembre 1999, le Conseil de prud'hommes de Nîmes a : - Débouté Monsieur Mohamed X... de sa demande au titre du rappel de prime d'ancienneté, comme étant non fondée, - Débouté les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - Condamné M. Mohamed X... aux dépens. Le 5 octobre 1999 M. Mohamed X... a relevé appel de la décision du Conseil de prud'hommes qui lui avait été notifiée le 15 septembre précédent. M. Mohamed X... sollicite en appel la réformation de cette décision, soutenant qu'il remplissait depuis le 1er février 1992 les deux conditions requises par l'article 30 de la convention collective applicable pour bénéficier de la prime d'ancienneté: avoir

une ancienneté de plus de 5 ans dans l'entreprise et être rémunéré au coefficient 125. Il réclame en conséquence la condamnation de son employeur, à titre de rappel sur son salaire, le paiement des primes d'ancienneté conventionnelles de 1992 à 1996, soit la somme de 15.309,91 F ; Mme Marie-Christine Y... demande la confirmation de la décision entreprise, déclarant que l'article 30 de la convention collective des exploitations agricoles du Gard exigeait, pour que le salarié bénéficie de la prime d'ancienneté prévue, qu'il ait 5 ans d'ancienneté dans son emploi au coefficient 125, ce qui n'était pas le cas de M. X..., promu à ce coefficient depuis seulement le 1er février 1992. Pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, reprises oralement par les parties. * * * * * * * * * * * SUR CE : SUR LA PRIME D'ANCIENNETE : Attendu que les parties s'accordent à reconnaître applicable à leur relation de travail la convention collective du 19 juillet 1978 concernant les exploitations de polyculture, d'élevage, de viticulture et de cultures spécialisées du département du Gard, modifiée par son avenant n° 1 du 27/09/1978, publiée au Journal Officiel du 20 décembre 1978 ; Attendu que l'article 30 de cette convention collective, invoqué par les parties, est ainsi rédigé : " Après 5 ans de présence ininterrompue chez le même employeur "pour tous les salariés au coefficient 125 et au dessus" (avenant 45 du 27/03/90 étendu par arrêté du 20/6/90), la rémunération mensuelle ne peut être inférieure à la rémunération découlant de leur qualification majorée de 3 %. Cette majoration est portée à 4 % après 6 ans de présence, 5 % après 7 ans, 6 % après 8 ans, 7 % après 9 ans, avec un plafond de 8 % après 10 ans." ; Attendu que le coefficient 125 est reconnu par l'article 16 de cette convention collective concernant la classification des emplois, aux

ouvriers spécialisé du niveau II, échelon 1 ; qu'il est constant que M. X..., qui travaillait dans l'entreprise depuis plusieurs années avec une qualification inférieure à celle-ci, a accédé à un emploi relevant de ce niveau de qualification à la suite de la décision de son employeur, à compter du 1er février 1992, sans percevoir de prime d'ancienneté ; Attendu que les parties, en désaccord sur l'interprétation des dispositions de l'article 30 de cette convention collective, n'ont pas saisi la commission paritaire départementale de conciliation instituée à l'article 7 de ladite convention collective, le salarié préférant saisir de sa demande directement le Conseil de prud'hommes, comme il en avait la possibilité ; Attendu qu'à défaut de dispositions particulières et d'interprétation de la clause litigieuse par les parties signataires elles-mêmes, il convient d'appliquer à celle-ci les règles d'interprétation des conventions résultant des articles 1156 à 1164 du Code civil ; Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1156 du Code civil, on doit rechercher la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes ; Attendu qu'en l'espèce la rédaction de l'article 30, ainsi que l'a relevé à juste titre le jugement entrepris, ne distingue pas dans la phrase écrite la condition d'ancienneté et la condition de qualification, lesquelles sont juxtaposées sans séparation, même par une virgule ; qu'ainsi l'intention des rédacteurs peut être interprétée comme d'exiger cumulativement l'ancienneté de cinq ans dans la qualification au coefficient 125 et non de remplir chacune de ces conditions de façon indépendante ; Attendu qu'en toute hypothèse, même si l'on retient la possibilité que l'intention des parties ait été mal exprimée littéralement, il demeure deux sens possibles et différents proposés par les parties :

soit accorder la prime d'ancienneté à tous les salariés ayant plus de 5 ans d'ancienneté et bénéficiant d'un emploi

au coefficient 125, soit ne l'accorder qu'aux salariés qui occupent un tel emploi depuis plus de 5 ans ; Attendu que cette ambigu'té ne peut être interprétée par un usage local, qu'aucune partie n'invoque, et que la matière de ce contrat ne permet pas de privilégier un sens par rapport à l'autre, selon que les parties ont entendu favoriser les salariés d'une façon plus ou moins importante par l'attribution dans certaines conditions de la prime d'ancienneté ; Attendu qu'il résulte de l'article 1161 du Code civil qu'en un tel cas la clause litigieuse, comme toutes les autres, doit s'interpréter par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ; Attendu qu'il ressort de l'introduction contenue dans l'article 16 de la convention collective applicable relatif à la classification des emplois et coefficient de base de rémunération, que "c'est la qualification de l'emploi offert dans l'entreprise et non la qualification du titulaire de l'emploi qui sert de référence à la classification de l'ouvrier." ; Attendu en conséquence que l'article 30 de la convention collective exigeant comme condition du bénéfice de la prime d'ancienneté la classification au coefficient 125, se réfère donc, comme l'article 16 le stipule, à un emploi relevant de ce coefficient et occupé par le salarié ; Qu'il s'ensuit que, lorsqu'il exige également une ancienneté de 5 années, il se réfère aussi non pas à celle acquise par le salarié dans un autre emploi relevant d'une qualification inférieure mais à son ancienneté acquise dans l'emploi de référence, lui donnant seul droit au coefficient 125 de la classification conventionnelle, exigé par ailleurs ; Attendu enfin qu'en application des dispositions de l'article 1162 du Code civil, en cas de doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation ; qu'en l'occurrence c'est manifestement la partie employeur qui a contracté l'obligation de verser une prime d'ancienneté aux salariés

remplissant les conditions posées par l'article 30 ; que c'est donc l'interprétation restrictive de ces conditions, limitant l'obligation des employeurs aux salariés bénéficiant cumulativement des deux conditions de qualification et d'ancienneté dans cette qualification, qu'il convient de retenir ; Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris qui a débouté M. X... de sa demande en paiement d'un rappel de prime d'ancienneté depuis le 1er février 1992 jusqu'au 31 décembre 1996, étant relevé que nommé à un emploi relevant du coefficient 125, il a été licencié le 14 janvier 1997, avant d'avoir exercé ces fonctions durant 5 années ; Attendu par ailleurs que le fait que l'employeur ait décidé de verser à M. X..., à compter du 1er janvier 1994 une prime d'ancienneté au taux de 3 % ne constitue pas une reconnaissance par Mme Y... de ce qu'elle était tenue, antérieurement à cette date, de payer la prime d'ancienneté conventionnelle, d'autant plus que le salarié prétend qu'il était en droit de percevoir cette prime au taux maximum de 8 % depuis le 1er février 1992 et en aucun cas au taux de 3 %, applicable seulement la première année où un salarié a droit à cette prime ; SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS : Attendu cependant qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de M. X... des dépens de toute la procédure de première instance, qui avaient été réservés par le jugement du Conseil de prud'hommes du 9 décembre 1997, alors que le salarié a obtenu partiellement gain de cause envers son employeur lors de la première décision ; Attendu qu'il convient donc de dire que les dépens de première instance seront mis à la charge de Mme Marie-Christine Y... ; Attendu que chaque partie succombant partiellement en appel, les dépens et frais irrépétibles de l'appel seront compensés ; PAR CES MOTIFS : LA COUR, Statuant en matière prud'homale, publiquement, par arrêt contradictoire et en

dernier ressort, Reçoit l'appel en la forme, Confirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes prononcé le 6 septembre 1999, sauf en ce qui concerne les dépens, qui seront mis à la charge de Mme Marie-Christine Y..., Dit que chaque partie supportera la charge des dépens et frais irrépétibles engagés par elle en cause d'appel, Rejette toutes les autres demandes. Ainsi prononcé et jugé à N MES le 30 mai 2001. Arrêt signé par Madame FILHOUSE, Président et Madame Z..., greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 1999/5353
Date de la décision : 30/05/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire - Primes et gratifications - Cause de l'obligation

En application des dispositions de l'article 1162 du Code civil, en cas de doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation ; en l'occurrence c'est manifestement la partie employeur qui a contracté l'obligation de verser une prime d'ancienneté aux salariés remplissant les conditions posées par l'article 30 de la convention collective applicable, selon lequel "après cinq ans de présence ininterrompue chez le même employeur "pour tous les salariés au coefficient 125 et au dessus, "la rémunération mensuelle ne peut être inférieure à la rémunération découlant de leur qualification". C'est donc l'interprétation restrictive de ces conditions, limitant l'obligation des employeurs aux salariés bénéficiant cumulativement des deux conditions de qualification et d'ancienneté dans cette qualification, qu'il convient de retenir


Références :

Article 1162 du Code civil

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2001-05-30;1999.5353 ?
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