La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2001 | FRANCE | N°1999/4524

France | France, Cour d'appel de nîmes, Chambre sociale, 21 mars 2001, 1999/4524


FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Mme Isabelle X... a été embauchée à compter du 5 juillet 1994 par la S.A. SOL SUD AIX à Avignon (84000), en qualité de secrétaire commerciale, par contrat de travail à durée indéterminée. Elle bénéficiait du coefficient 500 de la convention collective du Bâtiment et des Travaux Publics. Après un congé de maternité, elle a demandé à travailler à temps partiel, ce qu'a accepté son employeur. Le 12 décembre 1995, un avenant à son contrat de travail a été conclu, fixant la durée de son travail à un mi-temps de 20 heures hebdomadaires a

u moins. Elle a été licenciée pour motif économique le 26 juin 1997, par la...

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Mme Isabelle X... a été embauchée à compter du 5 juillet 1994 par la S.A. SOL SUD AIX à Avignon (84000), en qualité de secrétaire commerciale, par contrat de travail à durée indéterminée. Elle bénéficiait du coefficient 500 de la convention collective du Bâtiment et des Travaux Publics. Après un congé de maternité, elle a demandé à travailler à temps partiel, ce qu'a accepté son employeur. Le 12 décembre 1995, un avenant à son contrat de travail a été conclu, fixant la durée de son travail à un mi-temps de 20 heures hebdomadaires au moins. Elle a été licenciée pour motif économique le 26 juin 1997, par la S.A.S. ROCLAND SUD, qui avait repris l'entreprise où elle travaillait, avec son contrat de travail, en décembre 1996, dans le cadre d'une fusion. Contestant cette décision, elle a saisi le Conseil de prud'hommes d'Avignon le 3 juillet 1997. Par jugement prononcé le 22 mars 1999, après départage, cette juridiction a : - Déclaré le licenciement de Mme Isabelle X... sans cause réelle et sérieuse, - Condamné en conséquence la S.A.S. ROCLAND SUD à lui payer la somme de 31.687,32 F à titre d'indemnité, - Débouté Mme X... de ses demandes fondées sur l'abus de droit, l'irrégularité de la procédure et la convention de conversion, - Condamné la S.A.S. ROCLAND SUD à payer à Mme X... la somme de 4.000,00 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Le 2 juin 1999 la S.A.S. ROCLAND SUD "SOLINDUS" a relevé appel de la décision du Conseil de prud'hommes qui lui avait été notifiée le 18 mai précédent. Elle demande à la cour de réformer partiellement le jugement entrepris et de débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes. La S.A.S. ROCLAND SUD "SOLINDUS" sollicite en outre le paiement de la somme de 10.000,00 francs pour les frais de procédure prévus par l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Mme Isabelle X... demande la confirmation de la décision entreprise,

en son principe et porte ses demandes aux montants suivants : - 120.000,00 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 100.000,00 F à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et rupture abusive, - 10.000,00 F au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, reprises oralement par les parties. * * * * * * * * * * * SUR CE : SUR LE LICENCIEMENT :

Attendu qu'en application des dispositions de l'article L.122-14-2 du Code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement ; Que lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit notamment énoncer les motifs économiques ou de changements technologiques invoqués par l'employeur ; Que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité du licenciement, doit former sa conviction à partir des faits articulés dans cette lettre de licenciement et vérifier leur pertinence au regard des dispositions de l'article L.321-1 du Code du travail, définissant le licenciement pour motif économique ; Attendu qu'en l'espèce la S.A.S. ROCLAND SUD a notifié à Mme Isabelle X... son licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 juin 1997, motivée comme suit : " En effet, vous nous avez confirmé votre impossibilité, pour des raisons personnelles d'accepter d'assumer votre poste à plein temps. Le fonctionnement de l'agence dans les meilleures conditions implique nécessairement une continuité que ne permettait pas la solution de mi-temps : La division de l'information générée par un mi-temps diminue l'efficacité de l'organisation du travail d'une structure légère comme la nôtre, qui repose sur un binôme Directeur

d'agence-Secrétaire, avec une multitude de contacts, et des chantiers très fréquents et de courte durée." ; Attendu qu'il convient de constater que l'employeur n'invoque dans cette lettre de licenciement ni difficultés économiques de l'entreprise, ni mutation technologique mais uniquement une réorganisation, sans alléguer de ce qu'elle celle-ci était nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, éventuellement menacée ; Attendu en outre que la S.A.S. ROCLAND SUD ne produit aucun élément relatif à son activité économique et commerciale, de nature permettre de verifier que sa compétitivité se trouvait menacée lorsqu'elle a choisi de licencier Mme X... ; qu'au demeurant, dans l'attestation rédigée par Monsieur Fabrice Y..., le directeur d'agence ayant procédé au licenciement de Mme X..., le 11 février 1998, celui-ci a déclaré que sa décision était motivée, outre le refus d'accepter le changement d'horaire, surtout par les prétentions salariales démesurées de Mme X... ; Attendu qu'il apparaît que la décision de licencier la salariée, qui travaillait à mi-temps depuis le 8 janvier 1996, date de reprise de son travail après un congé de maternité, et qui ne souhaitait pas travailler à temps complet, est fondée sur simple volonté de gérer différemment l'organisation administrative de l'agence dans le but d'améliorer sa productivité et de faire des économies de salaire, émanant de l'employeur; Attendu en conséquence que les motifs invoqués par l'employeur ne constituent nullement un motif économique de licenciement d'une salariée, conformément aux dispositions légales susvisées ; Attendu par ailleurs que la salariée était en droit de refuser la modification de son contrat de travail consistant à travailler à temps complet, pendant une durée de trois ans suivant la naissance de son enfant, en application des dispositions de l'article L.122-28-1 du Code du travail ; qu'elle n'a donc commis aucune faute en n'acceptant pas la proposition de son

employeur de travailler à temps complet, faite le 13 mai 1997 ; Attendu au surplus que l'employeur n'invoque aucune recherche d'un reclassement de cette salariée, ni dans l'entreprise, ni dans le groupe auquel elle appartient ; Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris, ayant déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme Isabelle X... ; Attendu que lors de son licenciement la salariée, âgée de 33 ans, avait plus de deux années d'ancienneté dans l'entreprise, laquelle employait habituellement plus de dix salariés ; qu'il convient donc d'indemniser Mme X... pour son préjudice causé par ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse par application des dispositions de l'article 122-14-4 du Code du travail ; Attendu que l'évaluation de son préjudice doit prendre en compte, notamment, le montant de son salaire lors de la rupture du contrat de travail, soit un montant moyen brut de 4.438,00 F pour 100 heures de travail mensuel, ainsi que son préjudice causé par la privation d'emploi, justifié par son inscription à l'A.N.P.E. de Bagnols-sur-Cèze le 10 septembre 1997 et les avis de paiement d'indemnités de chômage par l'ASSEDIC, du 1er octobre 1997 au 31 mars 1998 ; Attendu que compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de condamner la S.A.S. ROCLAND SUD à payer à Mme Isabelle X..., à titre de dommages et intérêts, la somme de 35.000,00 F, toutes causes confondues ; Attendu que l'indemnisation des irrégularités formelles de la procédure de licenciement, la S.A.S. ROCLAND SUD n'ayant pas proposé à la salariée licenciée pour motif économique de convention de conversion ni mentionné dans la lettre de licenciement qu'elle pourrait bénéficier d'une priorité de réembauchage pendant une durée d'un an, comme elle y était légalement tenue en application des dispositions de l'article L.122-14-1 et de l'article L.122-14-2 du Code du travail, ne peuvent être sanctionnées que lorsque le licenciement repose sur une cause

réelle et sérieuse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris ayant débouté Mme X... de ces demandes ; SUR LE REMBOURSEMENT DES INDEMNITÉS DE CHÈMAGE : Attendu qu'en application des dispositions de l'article L.122-14-4 du Code du travail, lorsqu'un licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, comme en l'espèce, l'employeur doit être condamné d'office par le tribunal à rembourser aux organismes ayant indemnisé le salarié pendant sa période de chômage, l'ensemble des indemnités versées, dans la limite du maximum de six mois ; Que bien que la juridiction de première instance n'ait pas prononcé cette condamnation, il convient de le faire en appel, la Cour ayant retenu le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement du salarié ; SUR LA VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE L.122-28-1 DU CODE DU TRAVAIL : Attendu que Mme X... réclame également des dommages et intérêts en réparation de son préjudice, causé par la demande abusive de l'employeur tendant à la faire travailler à temps plein, malgré son droit reconnu par l'article L.122-28-1 du Code du travail de travailler à temps partiel jusqu'à ce que son enfant ait atteint l'âge de trois ans ; Attendu que la violation de ces dispositions légales protectrice de la maternité des salariées est avérée en l'espèce, l'employeur motivant expressément sa décision de licencier Mme Isabelle X... par le refus légitimement exprimé par celle-ci de travailler à temps complet du fait-même de sa situation parentale ; Attendu en effet que l'invocation de la nécessité pour l'entreprise d'adopter une meilleure organisation de son secrétariat, qu'elle soit fondée ou non, n'autorisait nullement l'employeur à méconnaître les dispositions d'ordre public de l'article L.122-28-1 du Code du travail et à priver de son emploi une salariée bénéficiant d'un travail à temps partiel durant les trois premières années de la naissance de son enfant, uniquement parce qu'il jugeait préférable

d'avoir une secrétaire à temps complet plutôt que deux secrétaires à temps partiel ; Attendu qu'il convient donc de réformer de ce chef le jugement entrepris et de condamner la S.A.S. ROCLAND SUD à payer à Mme Isabelle X... une somme de 5.000,00 F à titre de dommages et intérêts de ce chef, conformément aux dispositions de l'article L.122-30 du Code du travail ; Attendu que d'autre part Mme Isabelle X... reproche à son employeur de n'avoir pas respecté les dispositions de l'article R.516-45 du Code du travail en faisant parvenir au Conseil de prud'hommes d'Avignon, dans un délai de 8 jours, les éléments justifiant le licenciement pour motif économique ; Mais attendu qu'elle n'établit pas avoir subi, du fait de ce manquement, un préjudice personnel ; qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris l'ayant débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ; SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS : Attendu qu'il y a lieu de d'allouer à Mme Isabelle X... la somme de 3.000,00 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile que devra lui payer la S.A.S. ROCLAND SUD "SOLINDUS", condamnée aux entiers dépens d'appel, en sus des sommes déjà mises à sa charge de ces chefs par le jugement déféré, confirmé sur ce point ; PAR CES MOTIFS : LA COUR, Statuant en matière prud'homale, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit les appels en la forme, Réformant le jugement du Conseil de prud'hommes d'Avignon prononcé le 22 mars 1999, Condamne la S.A.S. ROCLAND SUD à payer à Mme Isabelle X... les sommes de : - 35.000,00 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 5.000,00 F à titre de dommages et intérêts au titre de l'article L.122-30 du Code du travail, Ordonne le remboursement par la S.A.S. ROCLAND SUD aux organismes ayant versé des indemnités de chômage à Mme Isabelle X..., des sommes payées à compter de la date du licenciement

jusqu'au jour du présent arrêt, à hauteur de six mois d'indemnisation au maximum ; Dit qu'une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée par le secrétariat Greffe à l'UNEDIC, Condamne la S.A.S. ROCLAND SUD "SOLINDUS" aux dépens d'appel et à payer à Mme Isabelle X... la somme de 3.000,00 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Confirme le jugement entrepris pour le surplus, Rejette toutes les autres demandes. Ainsi prononcé et jugé à N MES le 21 mars 2001. Arrêt signé par Madame FILHOUSE, Président et Madame Z..., greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 1999/4524
Date de la décision : 21/03/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement économique - Définition - Modification du contrat de travail - Origines économiques admises - Nécessité - /JFD.

Ne peut pas être considérée comme un licenciement pour motif économique valable, la décision de licencier la salariée, qui travaillait à mi-temps depuis la date de reprise de son travail après un congé de maternité et qui ne souhaitait pas travailler à temps complet, fondée sur la simple volonté de gérer différemment l'organisation administrative de l'agence dans le but d'améliorer sa productivité et de faire des économies de salaire, émanant de l'employeur, sans justifier que cette réorganisation était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise

CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Maternité - Licenciement - Nullité - Protection - Etendue - /.

L'invocation de la nécessité pour l'entreprise d'adopter une meilleure organisation de son secrétariat, qu'elle soit fondée ou non, n'autorisait nullement l'employeur à méconnaître les dispositions d'ordre public de l'article L. 122-28-1 du Code du travail et à priver de son emploi une salariée bénéficiant d'un travail à temps partiel durant les trois premières années de la naissance de son enfant, uniquement parce qu'il jugeait préférable d'avoir une secrétaire à temps complet plutôt que deux secrétaires à temps partiel. Dès lors la salariée a subi un préjudice, qu'il convient de réparer par l'octroi d'une indemnisation.


Références :

Article L 122-28-1 du Code du travail

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2001-03-21;1999.4524 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award