RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2024 DU 02 SEPTEMBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00133 - N° Portalis DBVR-V-B7I-FJUB
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé - tribunal judiciaire de NANCY,
R.G.n° 23/00501, en date du 16 janvier 2024,
Jonction par ordonnance n°914/24 du 6 mai 2024, avec le dossier RG 24/00235
APPELANTS :
Monsieur [D] [I], appelant dans le dossier RG 24/00133 et intimé dans le dossier RG 24/00235, domicilié [Adresse 4]
Représenté par Me Yves SCHERER de la SCP YVES SCHERER, avocat au barreau de NANCY
Compagnie d'assurance MACSF, intimée dans le dossier RG 24/00133 et appelante dans le dossier RG 24/00235, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 7]
Représentée par Me Bertrand MARRION de la SCP DUBOIS MARRION MOUROT, avocat au barreau de NANCY
S.A.S. CLINIQUE [9], intimée dans le dossier RG 24/00133 et appelante dans le dossier RG 24/00235, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 5]
Représentée par Me Bertrand MARRION de la SCP DUBOIS MARRION MOUROT, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Monsieur [H] [U], intimé dans les dossiers RG 24/00133 et RG 24/00235
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 8] (54)
domicilié [Adresse 2]
Représenté par Me Claude BOURGAUX, avocat au barreau de NANCY
CPAM DE MEURTHE ET MOSELLE, intimée dans le dossier RG 24/00235, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié [Adresse 6]
Non représentée bien que la déclaration d'appel ainsi que l'avis de fixation en procédure à bref délai lui a été régulièrement signifié par acte de Me [T] [K], Commissaire de justice à [Localité 10], en date du 29 février 2024 remis à personne habilitée
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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HARMONIE MUTUELLE, intimée dans le dossier RG 24/00235, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 3]
Non représentée bien que la déclaration d'appel ainsi que l'avis de fixation en procédure à bref délai lui a été régulièrement signifié par acte de Me [P] [R], Commissaire de justice à [Localité 11], en date du 23 février 2024 remis à personne habilitée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, Président d'audience, chargé du rapport, et Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
selon ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 27 Mai 2024.
A l'issue des débats, le Président d'audience a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2024, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 02 Septembre 2024, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur WEISSMANN, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte signifié les 19, 20 et 25 octobre 2023, Monsieur [H] [U] a fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy la SAS Clinique [9], la MACSF, le docteur [D] [I], la CPAM de Meurthe et Moselle, ainsi que la SA Harmonie Mutuelle aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise.
Monsieur [U] exposait avoir subi le 15 février 2022, au sein de la clinique [9], une intervention chirurgicale réalisée par le docteur [D] [I], consistant en un changement de prothèse du genou gauche. Il ajoutait avoir ensuite séjourné du 18 au 28 février 2022 au service de soins de suite et de réadaptation Les Élieux, puis avoir été à nouveau opéré le 1er mars à la clinique [9] par le docteur [I] en raison d'une évolution septique. Il indiquait que des prélèvements réalisés le 1er mars avaient mis en évidence la présence d'un staphylocoque doré et qu'il avait à nouveau intégré l'établissement Les Élieux du 9 au 25 mars 2022.
Il exposait que selon une expertise réalisée le 16 juin 2022 par le docteur [Y], il avait contracté une infection nosocomiale lors de son hospitalisation à la Clinique [9] et de l'intervention du 15 février 2022.
Par ordonnance réputée contradictoire du 16 janvier 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy a :
- ordonné une expertise médicale de Monsieur [H] [U] et désigné le docteur [W] [N], ayant notamment pour mission de :
* après avoir recueilli les dires et les doléances de la victime, examiner cette dernière, décrire les lésions que celle-ci impute aux faits à l'origine des dommages et notamment concernant l'infection nosocomiale,
* indiquer, après s'être fait communiquer le relevé des débours de l'organisme payeur et le dossier médical complet de la victime tel que défini par l'article 111-7 du code de la santé publique [l'article L.1111-7 en réalité] avec l'accord de celle-ci ou de ses ayants droit et notamment tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont la victime a été l'objet, leur évolution et les traitements appliqués, préciser si ces lésions et les soins subséquents sont bien en relation directe et certaine avec lesdits faits,
* en particulier, dire si les soins dispensés par le docteur [D] [I] au sein de la clinique [9] et du service de soins de suite et de réadaptation Les Élieux ont été adaptés, consciencieux et conformes aux connaissances médicales avérées ou si un manquement a été commis dans la prise en charge de Monsieur [U],
* préciser s'il s'agit d'une faute, d'un retard de diagnostic, d'une négligence, en indiquant à qui les différents faits sont imputables, s'ils étaient évitables et s'ils sont à l'origine d'une perte de chance d'éviter les séquelles,
- rappelé que cette ordonnance est exécutoire par provision même en cas d'appel,
- condamné Monsieur [U] aux dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a relevé que Monsieur [U] justifiait d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige au motif qu'il produisait un rapport d'expertise en date du 28 juin 2022 réalisé par le docteur [M] [Y] dans le cadre d'une assistance juridique aux termes duquel Monsieur [U] aurait été victime d'une infection nosocomiale apparue après la première intervention chirurgicale en date du 15 février 2022.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 19 janvier 2024 (n° RG 24/00133), Monsieur [I] et la MACSF, représentés par Maître Yves Scherer, ont relevé appel de cette ordonnance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 8 février 2024 (n° RG 24/00235), la Clinique [9] et la MACSF, représentés par Maître Bertrand Marrion, ont relevé appel de cette ordonnance.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 9 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [U] demande à la cour de :
- lui donner acte de ce que par ses assignations délivrées les 19, 20 et 25 octobre 2023, il a demandé que l'expert judiciaire prenne connaissance de l'ensemble du dossier médical se rapportant à l'hospitalisation et l'intervention subie par lui à la Clinique [9] le 15 février 2022, et se faire communiquer toutes pièces qui lui sembleraient utiles afin de donner son avis sur l'origine des séquelles corporelles résultant des infections contractées, et décrire tous les éléments de préjudice qui en sont la conséquence,
- confirmer l'ordonnance de référé rendue par Madame la présidente du tribunal judiciaire de Nancy le 16 janvier 2024,
- condamner Monsieur [I], la MACSF et la Clinique [9] à lui payer par application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité d'un montant de 1500 euros,
- condamner Monsieur [I], la MACSF et la Clinique [9] aux dépens de la procédure d'appel.
Par ordonnance du 6 mai 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures n° RG 24/00235 et n° RG 24/00133 sous le n° RG 24/00133.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du même jour, le 6 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 28 mai 2024.
La MACSF étant représentée tout à la fois par Maître Scherer et par Maître Marrion, le conseiller de la mise en état a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture par ordonnance du 24 mai 2024 afin que ces derniers indiquent quel est l'avocat représentant la MACSF.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 24 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [I] demande à la cour de :
- le dire et juger recevable, régulier et bien fondé en son appel,
- le déclarer recevable, régulier et bien fondé en ses demandes,
En conséquence et y faisant droit,
- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a donné pour mission à l'expert de : 'indiquer, après s'être fait communiquer le relevé des débours de l'organisme payeur et le dossier médical complet de la victime tel que défini par l'article 111-7 du code de la santé publique avec l'accord de celle-ci ou de ses ayants droit et notamment tous documents relatifs aux examens, soins, interventions dont la victime a été l'objet, leur évolution et les traitements appliqués.'
Statuant de nouveau et y ajoutant,
- donner mission à l'expert de : 'se faire communiquer le dossier médical complet de Monsieur [H] [U] et se faire communiquer par tout tiers détenteur l'ensemble des documents médicaux nécessaires ainsi que ceux détenus par tout médecin et établissement de soins concernant la prise en charge de Monsieur [H] [U].'
Pour le surplus,
- confirmer l'ordonnance déférée,
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 24 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la Clinique [9] et la MACSF demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance de référé du 16 janvier 2024 du président du tribunal judiciaire de Nancy en ce qu'elle conditionne la transmission par la Clinique [9] du dossier médical qu'elle détient de Monsieur [U], à l'expert judiciaire, à l'accord du patient,
Statuant à nouveau,
- dire que la Clinique [9] pourra produire spontanément, dans le cadre de l'expertise judiciaire à intervenir, toutes pièces qu'elle détient dans le cadre du dossier médical de Monsieur [U], qu'elle estime utiles au bon déroulement des opérations d'expertise et nécessaires à sa défense, sans qu'il soit nécessaire de recueillir au préalable l'accord du patient ou de ses ayants droit,
- condamner tout autre que la Clinique [9] et la MACSF aux dépens d'appel.
Bien que la déclaration d'appel de la Clinique [9] et de la MACSF et les conclusions de ces dernières lui aient été régulièrement signifiées le 23 février 2024 par remise de l'acte à personne, la SA Harmonie mutuelle n'a pas constitué avocat.
Bien que la déclaration d'appel de la Clinique [9] et de la MACSF et les conclusions de ces dernières lui aient été régulièrement signifiées le 29 février 2024 par remise de l'acte à personne, la CPAM de Meurthe-et-Moselle n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 27 mai 2024.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 28 mai 2024 et le délibéré au 2 septembre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LES DEMANDES PRINCIPALES
À titre liminaire, il est précisé qu'aucune des parties ne s'oppose à la mesure d'expertise.
Les appelants font valoir à bon droit qu'en soumettant la production de pièces médicales par Monsieur [I] et la Clinique [9] -dont les responsabilités sont susceptibles d'être ultérieurement recherchées- à l'accord préalable de Monsieur [U] alors que ces pièces peuvent s'avérer utiles voire essentielles à la réalisation de la mesure d'instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, l'ordonnance entreprise porte atteinte aux droits de la défense.
Cette atteinte est excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce que l'une des parties au litige se trouverait empêchée par l'autre de produire spontanément les pièces qu'elle estime utiles au bon déroulement des opérations d'expertise et nécessaires à sa défense.
Elle l'est d'autant plus en l'espèce que Monsieur [U] ne sollicitait nullement que la production de pièces médicales par les autres parties soit conditionnée par son accord préalable. Ainsi, les actes d'assignation délivrés à sa requête demandaient que l'expert puisse prendre connaissance de l'ensemble du dossier médical se rapportant à l'hospitalisation et l'intervention subie par lui à la Clinique [9] le 15 février 2022, et se faire communiquer toutes les pièces qui lui sembleraient utiles afin de donner son avis sur l'origine des séquelles corporelles résultant des infections contractées par lui et décrire tous les éléments de préjudice qui en sont la conséquence.
Compte tenu de ce qui précède, l'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle subordonne la communication à l'expert judiciaire du dossier médical de Monsieur [U] à l'accord de ce dernier ou de ses ayants droit.
Statuant à nouveau, le chef de mission litigieux sera ainsi rédigé : 'Indiquer, après s'être fait communiquer le relevé des débours de l'organisme payeur et le dossier médical complet de Monsieur [H] [U] et notamment tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont Monsieur [U] a été l'objet, leur évolution et les traitements appliqués, préciser si ces lésions et les soins subséquents sont bien en relation directe et certaine avec lesdits faits ;'
Enfin, il n'appartient pas à la cour de statuer sur les demandes tendant à ce qu'il soit 'dit que', 'constaté que' ou 'donné acte que' qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Compte tenu de l'objet du présent litige, chaque partie conservera la charge de ses dépens relatifs à la procédure d'appel et Monsieur [U] sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nancy le 16 janvier 2024 en ce qu'elle a subordonné la communication à l'expert judiciaire du dossier médical complet de Monsieur [H] [U] à l'accord du patient ou de ses ayants droit ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Dit que le chef de mission litigieux est ainsi rédigé : 'Indiquer, après s'être fait communiquer le relevé des débours de l'organisme payeur et le dossier médical complet de Monsieur [H] [U] et notamment tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont Monsieur [U] a été l'objet, leur évolution et les traitements appliqués, préciser si ces lésions et les soins subséquents sont bien en relation directe et certaine avec lesdits faits ;'
Déboute Monsieur [H] [U] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens relatifs à la procédure d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur WEISSMANN, Président de Chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : R. WEISSMANN.-
Minute en sept pages.