La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/08/2024 | FRANCE | N°23/01661

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 29 août 2024, 23/01661


ARRÊT N° /2024

SS



DU 29 AOUT 2024



N° RG 23/01661 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FG4I







Pole social du TJ de NANCY

19/00475

30 juin 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANTS :



Monsieur [U] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté pa

r Me Julia GUILLAUME, avocat au barreau de NANCY



Madame [R] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Julia GUILLAUME, avocat au barreau de NANCY



Monsieur [W] [Z] agissant par ses représentants légaux Monsieur [U] [Z] et Madame [R] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julia GUILLAUME, avocat au ...

ARRÊT N° /2024

SS

DU 29 AOUT 2024

N° RG 23/01661 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FG4I

Pole social du TJ de NANCY

19/00475

30 juin 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTS :

Monsieur [U] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julia GUILLAUME, avocat au barreau de NANCY

Madame [R] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Julia GUILLAUME, avocat au barreau de NANCY

Monsieur [W] [Z] agissant par ses représentants légaux Monsieur [U] [Z] et Madame [R] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julia GUILLAUME, avocat au barreau de NANCY

Monsieur [A] [Z] agissant par ses représentants légaux Monsieur [U] [Z] et Madame [R] [Z].

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julia GUILLAUME, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉES :

CPAM DE MEURTHE ET MOSELLE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Madame [C] [O], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation

S.A.R.L. [8] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandra DUQUESNE-THEOBALD de la SELAFA ACD, avocat au barreau de METZ substitué par Me DUYGULU, avocate au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Mme BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Madame PAPEGAY (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 26 Juin 2024 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 29 Août 2024 ;

Le 29 Août 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [U] [Z] a été embauché à compter du 22 juin 2015 par la société [8], en qualité de désamianteur.

Le 17 juillet 2017, il a été victime d'un accident du travail décrit comme suit : « le salarié réalisait une dépose de bitume amianté sur une toiture plate. Il a perdu l'équilibre et s'est retenu à un skydome mais ce dernier a cédé sous son poids. La victime a fait une chute de 3 mètres (de la toiture à la dalle inférieure du dernier pallier de la cage d'escalier) ».

Le certificat médical initial du 22 juillet 2017 du docteur [V] du centre hospitalier de [Localité 7] fait mention d'une « fracture tassement D6-D7 ».

Cet accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par décision de la CPAM de Meurthe et Moselle (ci-après dénommée la caisse) du 16 août 2017.

L'état de santé de [U] [Z] a été déclaré consolidé le 30 novembre 2017.

Par décision du 20 juillet 2018, la caisse a pris en charge sa rechute déclarée selon certificat médical du 21 juin 2018.

L'état de santé de monsieur [Z] suite à sa rechute a été déclaré consolidé au 14 septembre 2018.

En octobre 2018, monsieur [U] [Z] a démissionné de son poste de travail auprès de la SAS [8].

Par décision du 17 avril 2019, la caisse a fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 5 % au 15 septembre 2018 pour un « syndrome douloureux interscapulaire persistant et limitant la mobilisation des membres supérieurs », porté à 10 % par la commission médicale de recours amiable de la caisse.

Le 2 août 2019, monsieur [U] [Z] a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle la mise en 'uvre de la procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Un procès-verbal de carence a été établi le 1er octobre 2019.

Le 31 octobre 2019, monsieur [U] [Z] a saisi le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Nancy d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Le 11 novembre 2019, madame [R] [Y], sa conjointe, et [W] et [A] [Z], ses enfants mineurs, ont saisi le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Nancy d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, en qualité de victime.

Par jugement RG 19/475 du 27 janvier 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nancy a :

- ordonné la jonction des procédures,

- déclaré la demande de monsieur [U] [Z] bien-fondée

- dit que l'accident du travail dont a été victime monsieur [U] [Z] le 17 juillet 2017 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la SARL [8]

- fixé au maximum légal la majoration de la rente versée à monsieur [U] [Z] et dit que cette majoration sera versée par la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle et au besoin l'y a condamné

- sursis à statuer sur les demandes d'indemnisation complémentaires,

- sursis à statuer sur les demandes de madame [Z] et des deux enfants mineurs [W] et [A] et leur a réservé tous droits éventuels de ce chef

- débouté la SARL [8] de l'ensemble de ses prétentions,

- ordonné une expertise et commis pour y procéder le docteur [L] [T] avec mission et dans les formes habituelles en la matière

- fixé à la somme de 900 euros le montant de la provision à valoir sur les frais et honoraires de l'expert, la charge de la SARL [8]

- condamné la SARL [8] à payer à monsieur [U] [Z] une somme de 2 000 euros à titre de provision

- condamné la SARL [8] à payer à monsieur [U] [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle à payer à monsieur [U] [Z] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'expert a déposé son rapport le 5 août 2021.

Par jugement RG 19/475 du 30 juin 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Nancy a :

- fixé aux montants suivants les préjudices de monsieur [U] [Z] suite à l'accident du travail dont il a été victime le 17 juillet 2017 et pour lequel la faute inexcusable de l'employeur a été reconnue :

- dépenses de santé actuelles : 46 euros

- tierce personne : 3 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire (total et partiel) : 986 euros

- souffrances endurées : 6 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 1 500 euros

- DFP : 9 000 euros

- préjudice d'agrément : 2500 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros

Soit un montant total de 31 032 euros

- débouté les demandeurs du surplus de leurs prétentions,

- condamné la CPAM de Meurthe et Moselle à payer à monsieur [U] [Z] ladite somme de 31 032 euros

- condamné la société [8] à rembourser à la CPAM de Meurthe et Moselle l'ensemble des sommes qu'elle aura versées au titre de la faute inexcusable, y compris les dépens incluant les frais d'expertise

- condamné la société [8] à payer aux consorts [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société [8] aux dépens de l'instance.

Par acte du 27 juillet 2023, les consorts [Z] ont interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

A l'audience du 7 février 2024, l'affaire a été successivement renvoyée aux 27 mars 2024 et 26 juin 2024 à la demande des parties. Elle a été plaidée à cette dernière audience.

PRETENTIONS DES PARTIES

Les consorts [Z], représentés par leur avocat, ont repris leurs conclusions récapitulatives reçues au greffe par voie électronique le 26 mars 2024 et ont sollicité ce qui suit :

- infirmer le jugement rendu le 30 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Nancy contentieux de la sécurité sociale

Statuant à nouveau

A titre principal

- condamner la SARL [8] à verser à monsieur [U] [Z] :

. Au titre des préjudices patrimoniaux temporaires : 5 900 euros

. Au titre des préjudices patrimoniaux permanents : 161 211 euros

Soit au titre des préjudices patrimoniaux une somme totale de : 167 111 euros

. Au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires : 12 000 euros

. Au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents : 39 000 euros

Soit au titre des préjudices extra-patrimoniaux une somme totale de : 51 000 euros

- condamner la SARL [8] à verser à madame [Z] au titre des préjudices extra-patrimoniaux une somme totale de 25 000 euros

- condamner la SARL [8] à verser à [A] [Z] au titre de son préjudice moral une somme de 10 000 euros

- condamner la SARL [8] à verser à [W] [Z] au titre de son préjudice moral une somme de 10 000 euros

A titre subsidiaire,

- ordonner un complément d'expertise à M. [T] pour mission de :

- d'ENTENDRE contradictoirement les parties et leurs conseils dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel

- de RECUEILLIR les renseignements nécessaires sur l'identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son statut exact, son mode de vie antérieure à l'accident et sa situation actuelle

- de SE FAIRE COMMUNIQUER par la victime tous documents médicaux la concernant notamment ceux consécutifs à l'accident litigieux et à son état de santé antérieur

- de CHIFFRER par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l'accident, qui n'est pas celui de celui retenu par la caisse au titre de la législation professionnelle, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation

- de CHIFFRER les préjudices patrimoniaux permanents (dépenses de santé futures, indemnisation liée à l'adaptation au logement, frais de véhicule adapté)

- dit que l'expert désigné pourra, en cas de besoin, s'adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir simplement avisé les conseils des parties et le magistrat chargé du contrôle des expertises

- dit que l'expert adressera un pré-rapport aux conseils des parties qui, dans les quatre semaines de la réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport définitif

- dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe dans les quatre mois à compter de l'acceptation de sa mission, sauf prorogation dûment sollicitée auprès du juge chargé du contrôle des opérations d'expertise, et en adresser une copie aux conseils des parties

- dit que les frais de ce complément d'expertise seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle qui en récupérera le montant auprès de l'employeur, la société

- réserver les autres chefs de demandes et les dépens

En tout état de cause,

- condamner la SARL [8] à verser aux consorts [Z] la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'instance et la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile d'appel

- condamner la SARL [8] aux entiers frais et dépens de la présente instance.

La SAS [8], représentée par son avocat, a repris ses conclusions récapitulatives et responsives n° 1 notifiées par voie électronique le 30 avril 2024 et a sollicité ce qui suit :

Sur l'appel principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 30 juin 2023 en ses

dispositions ayant :

- débouté monsieur [U] [Z] de ses demandes au titre :

- de dépenses de santé futures

- des frais de véhicule adapté

- de l'adaptation du logement

- au titre des pertes de gains professionnels futurs

- au titre de l'incidence professionnelle

- fixé aux montants suivants les préjudices de monsieur [U] [Z] suite à l'accident du travail dont il a été victime le 17 juillet 2017, pour lesquels la faute inexcusable de l'employeur a été reconnue :

- Dépenses de santés actuelles : 46 euros

- Déficit fonctionnel temporaire (total et partiel) : 986 euros

- Préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros

- Préjudice esthétique permanent : 1 500 euros

- Déficit fonctionnel permanent, en retenant un taux d'IPP de 5% : 9 000 euros

- Préjudice sexuel : 5 000 euros

- débouté madame [R] [Z] de sa demande au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurs en qualité de victime par ricochet

- débouté madame [R] [Z] sa demande au titre de son préjudice sexuel en qualité de victime par ricochet

- débouté madame [R] [Z] de sa demande d'indemnité au titre du préjudice moral en qualité de victime par ricochet

- débouté messieurs [W] [Z] et [A] [Z], pris en la personne de leurs représentants légaux, de toute demande d'indemnité au titre de leur préjudice moral en qualité de victime par ricochet

- débouter madame [R] [Z], et les enfants [A] et [W] [Z], de l'ensemble de leurs demandes

A titre incident,

- infirmer les dispositions du jugement ayant alloué à monsieur [U] [Z]:

- une somme de 3 000 euros au titre de l'aide humaine temporaire

- une somme de 6 000 euros au titre des souffrances endurées,

- une somme de 2 500 euros au titre du préjudice d'agrément : 2 500 euros

Statuant à nouveau sur ces deux chefs de demandes,

- débouter monsieur [Z] de sa demande au titre du préjudice d'agrément

- ramener pour le surplus les sommes allouées à monsieur [U] [Z] à de plus justes proportions, et fixer à :

- la somme de 1 740 euros l'indemnité allouée à monsieur [Z] au titre de l'aide humaine temporaire

- la somme de 4000 euros l'indemnité allouée à monsieur [Z] au titre des souffrances endurées

En tout état de cause

- débouter monsieur [U] [Z] de sa demande d'expertise complémentaire

- le débouter du surplus de ses demandes

- débouter Madame [R] [Z], et les enfants [A] et [W] [Z], pris en la personne de leurs représentants légaux, de l'ensemble de leurs demandes

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de MEURTHE ET MOSELLE

- condamner monsieur [U] [Z] et madame [R] [Z] ensemble à verser à la société [8] à payer une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle, dument représentée, a repris ses conclusions reçues au greffe le 23 janvier 2024 et a sollicité ce qui suit :

- débouter les consorts [Z] de leur demande d'indemnisation formulée au titre des dépenses de santé futures et de leurs demandes d'indemnisation des victimes par ricochet

- prendre acte que la CPAM s'en rapporte à la sagesse de la cour pour le surplus.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 29 août 2024 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'indemnisation des préjudices personnels de la victime directe

Aux termes de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime a le droit de demander à l'employeur la réparation du préjudice causé par :

- les souffrances physiques et morales par elle endurées,

- ses préjudices esthétiques

- ses préjudice d'agrément

- le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a considéré qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l'article L 452-3 ne pouvait s'opposer à ce qu'une victime puisse réclamer réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

La Cour de cassation a considéré que les termes « dommages non couverts par le livre IV » devaient être compris comme désignant les dommages qui ne sont pas indemnisés, même partiellement, par le livre IV du code de la sécurité sociale, écartant toute demande complémentaire concernant les postes de préjudices partiellement ou forfaitairement indemnisés par la législation des accidents du travail.(civ. 2e 4 avril 2012 pourvois n° 11-14.594 et suivants). Elle a également considéré que le Conseil Constitutionnel n'avait pas consacré le principe de la réparation intégrale du préjudice causé par l'accident dû à la faute inexcusable de l'employeur (civ.2e 4 avril 2012 pourvoi n° 11-10.308).

Enfin, dans son arrêt du 20 janvier 2023 (Assemblée Plénière pourvoi n° 21-23.947), la cour de cassation, saisie d'un pourvoi à l'encontre d'un arrêt de la cour de céans du 7 septembre 2021 (RG n° 21/95) a dit que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent après avoir rappelé :

- que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle atteinte d'une incapacité permanente égale ou supérieure au taux de 10 %, prévu à l'article R. 434-1 du même code, est égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité éventuellement corrigé

- que la victime a le droit de demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle

- qu'elle juge depuis 2009 que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, et d'autre part, le déficit permanent, de telle sorte que la victime qui réclame une réparation distincte de ses souffrances physiques et morales doit démontrer qu'elles n'ont pas été indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent

- que cependant, le Conseil d'Etat juge de façon constante qu'eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité,

Il est rappelé que monsieur [Z] a souffert d'un traumatisme crânien sans perte de connaissance avec plaie occipitale, d'une disjonction acromio claviculaire de l'épaule droite et d'une fracture tassement des corps vertébraux de T6-T7, et qu'il a été consolidé le 30 novembre 2017, sans séquelles, et qu'il a subi une rechute le 21 juin 2018, consolidée le 14 septembre 2018 avec un taux d'IPP de 10%.

A titre liminaire, il convient de relever que monsieur [Z] ne réclame pas, à hauteur d'appel, d'indemnisation au titre des dépenses de santé actuelles et du déficit fonctionnel temporaire.

' Sur les souffrances endurées

Il s'agit des souffrances physiques, psychiques et morales et troubles associés que doit endurer la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis.

-oo0oo-

Monsieur [U] [Z] réclame la somme de 8 000 euros

La SAS [8] propose un montant de 4 000 euros.

La caisse s'en remet.

-oo0oo-

L'expert a évalué les souffrances physiques et morales endurées par monsieur [Z] à 3/7, correspondant au traumatisme initial, aux fractures T6-T7, au port du corset, à la vertébroplastie, à la rééducation, à la prise d'antalgiques et aux répercussions psychologiques de l'accident.

Au vu des souffrances décrites par l'expert, mais également au vu d'une période de consolidation d'une durée de 4,5 mois, à laquelle s'est ajoutée une durée de 3 mois au titre de la rechute, la somme de 6 000 euros sera allouée à monsieur [Z] et le jugement sera confirmé de ce chef.

' sur la tierce personne

Ce poste de préjudice correspond à la situation de la personne qui apporte de l'aide à la victime incapable d'accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante tels que l'autonomie pour se déplacer, se coucher, se laver, s'alimenter. L'indemnisation de ce poste de préjudice ne saurait être réduite en cas d'assistance familiale.

-oo0oo-

Monsieur [Z] fait valoir que l'expert a constaté qu'il a eu besoin, jusqu'à la consolidation de la rechute le 14 septembre 2018, de l'aide de son épouse, d'un frère de son épouse pour les déplacements quotidiens (courses, école, activité) et par une amie prenant en charge la garde de [A] durant son hospitalisation. Il ajoute que l'indemnité ne peut être réduite en cas d'assistance par un proche de la victime et réclame un taux de 25 euros/heure.

Il réclame l'indemnisation pour les aides suivantes :

- aide de son épouse pour le lever, la toilette et l'habillage de 30 minutes par jour jusqu'au 22 septembre 2017 puis 15 minutes par jour jusqu'au 1er décembre 2017 et 15 minutes par jour du 21 juin 2018 au 14 septembre 2018

- aide de son épouse pour le ménage, la préparation des repas, les courses, de 3 heures par semaine jusqu'au 22 septembre 2017

- aide de son beau-frère pour véhiculer madame [Z] à l'hôpital et entreprendre des démarches administratives

- aide d'une amie pour garder les enfants pendant les 5 jours d'hospitalisation de monsieur [Z], 24h/24 (étant précisé que [W] est lourdement handicapé atteint d'une paralysie cérébrale et ne peut rester seul sans surveillance, il est en journée en centre de [Localité 6] mais revient à la maison en fin d'après-midi).

LA SAS [8] propose un coût horaire de 20 euros/heures pour un montant total de 1 740 euros. Elle précise que monsieur [Z] a repris le travail et la conduite le 4 décembre 2017. Elle ajoute que l'expert a écarté l'aide humaine temporaire pour la deuxième période, et que la seule mention d'une aide partielle dans les actes de la vie quotidienne ne suffit pas à admettre la nécessité d'une aide humaine indemnisable.

Elle fait également valoir que la demande au titre de l'aide administrative ou le transport de madame [Z] ou la garde des enfants 24h/24 pendant 5 jours d'hospitalisation est sans fondement.

La caisse s'en remet.

-oo0oo-

L'expert a évalué à l'aide apportée à monsieur [U] [Z] pour les tâches de la vie quotidienne ainsi qu'il suit :

- aide au lever, à la toilette, à l'habillage pour une durée de 30 minutes par jour jusqu'au 22 septembre 2017 puis d'une quinzaine de minutes par jour jusqu'au 1er décembre 2017

- aide-ménagère apportée par son épouse, aide à la préparation des repas, aide aux tâches ménagères, courses, pour une durée de 3 heures par semaine jusqu'au 22 septembre 2017 puis dégressive jusqu'à la date de sa reprise de travail.

Il a en outre retenu un déficit fonctionnel de 15% du 21 juin 2018 au 14 septembre 2018 au titre de la rechute, au regard notamment de la nécessité d'aide partielle aux actes de la vie quotidienne de telle sorte que monsieur [U] [Z] réclame légitimement une aide de 15 minutes par jour du 21 juin 2018 au 14 septembre 2018.

L'aide peut être évaluée à un montant équivalent au coût d'une heure payée au SMIC. Au 1er janvier 2017, le smic s'élevait à 9,76 euros bruts/heure soit environ 13,86 euros/heure charges patronales comprises avant éventuelles réductions fiscales et sociales.

Dès lors, le montant de 20 euros/heure offert par l'employeur est satisfactoire.

Par ailleurs, monsieur [Z] n'a déposé aucun dire à expert et est mal fondé à solliciter une indemnisation pour l'aide qui aurait été apportée par madame [M], sa belle-s'ur, qui, dans son attestation, n'évoque qu'un trajet le 17 juillet 2017, jour de l'accident, et la prise en charge de [A] pendant l'hospitalisation de son père, sans en préciser les circonstances, et sans expliquer en quoi il s'agirait d'une aide à la victime, sachant que madame [Z] pouvait prendre en charge son fils.

Il est également mal fondé à solliciter une indemnisation pour l'aide administrative qui aurait été apportée par monsieur [Y], dont il n'est aucunement établi qu'il aurait été empêché d'accomplir ces démarches.

Enfin, l'aide au transport de madame [Z] lors de l'hospitalisation de son époux n'est pas une aide apportée à monsieur [Z] et ne peut être prise en charge au titre de l'aide par tierce personne.

Dès lors, les sommes suivantes seront allouées à monsieur [Z] :

- du 17 juillet au 22 septembre 2017 : 0,5 h/jour pendant 67 jours soit 0,5 x 67 x 20= 670 euros

- du 22 septembre 2017 au 1er décembre 2017 : 0,25 h/jour pendant 70 jours soit 0,25x 70x20= 350 euros

- du 21 juin 2018 au 14 septembre 2018 : 0,25 h/jour pendant 85 jours soit 0,25 x 85 x 20 = 425 euros

- du 17 juillet 2017 au 22 septembre 2017 : 3 heures par semaine soit 8 x 3 x 20 = 480 euros

- du 23 septembre 2017 au 30 novembre 2017 : 3 heures par semaine de manière dégressive 9 x 3 x 20 = 540 euros limités à 400 euros au vu de la dégressivité

Soit un total de 2 325 euros

' Sur le préjudice esthétique

Il s'agit de l'altération de l'apparence physique de la victime.

-oo0oo-

L'expert a évalué ce poste de préjudice à 2,5/7 au titre du préjudice temporaire correspondant au port du corset et à l'utilisation d'un lit médicalisé et à 0/7 au titre du préjudice définitif.

Monsieur [U] [Z] sollicite la somme de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

La SAS [8] propose la somme de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et la somme de 1 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent, correspondant à une cicatrice dans le dos.

La caisse s'en remet.

-oo0oo-

Le préjudice esthétique temporaire subi par monsieur [Z] est léger et est limité, en journée, au port d'un corset pendant une durée d'un mois. La somme de 3000 euros proposée par l'employeur est dès lors satisfactoire.

Monsieur [Z] ne tente même pas de décrire le préjudice esthétique permanent dont il prétend souffrir et l'expert n'a pas retenu de tel préjudice. L'employeur offre cependant une somme de 1 500 euros correspondant à une cicatrice dans le dos. Ce montant sera dès lors retenu.

' Sur le déficit fonctionnel permanent 

Il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours.

Ce poste de préjudice inclut dès lors le préjudice physique et le préjudice moral.

La détermination du taux du déficit fonctionnel permanent est distincte du taux d'incapacité permanente partielle déterminé par la caisse en ce que ce dernier taux est évalué d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle.

-oo0oo-

L'expert n'a pas évalué ce poste de préjudice.

Monsieur [U] [Z] indique que le tribunal a fixé le déficit fonctionnel permanent à 5% alors que l'expert a relevé des séquelles physiques, psychologiques et morales des suites de l'accident, impactant sa vie au quotidien. Il rappelle ses doléances exprimées devant l'expert (douleurs permanentes de la région dorsale entre les deux omoplates de jour comme de nuit, cotées de 7/10 à 10/10 et nécessitant la prise d'Aktiskenan 30 mg 3 fois par jour (morphine), troubles du sommeil secondaires aux douleurs, persistance de cauchemars avec réminiscences de l'accident la nuit, crises d'angoisse en rapport avec son état de santé actuel, répercussions dans sa vie familiale). Il ajoute qu'il ne peut plus s'occuper seul de [W] et que son épouse a dès lors été contrainte d'arrêter de travailler, qu'il a dû changer de secteur d'activité professionnelle et abandonner son projet de se mettre à son compte dans le bâtiment. Il sollicite la fixation d'un taux de 10% soit un montant de 18 000 euros.

La SAS [8] fait valoir que le tribunal a retenu qu'à la date du 30 novembre 2017, il n'y avait pas de séquelles indemnisables, et que ce n'est que lors de la rechute qu'un taux d'IPP a été alloué à monsieur [Z] par la caisse. Elle ajoute que le taux de 5% correspond aux douleurs dorsales avec limitations fonctionnelles des épaules. Elle propose la somme de 9 000 euros.

La caisse s'en remet.

-oo0oo-

Au vu des séquelles décrites par l'expert et des doléances de l'assuré, mais également au vu de l'absence de soins psychologiques ou psychiatriques, le tribunal a justement évalué le déficit fonctionnel permanent au taux de 5% et alloué une indemnisation de 9 000 euros.

' Sur le préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément indemnise l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs après la consolidation du fait des séquelles résultant de l'événement traumatique.

En matière de faute inexcusable, l'indemnisation n'est possible que si la victime justifie d'une activité sportive ou de loisirs antérieure au sinistre et de l'impossibilité pour elle de continuer à pratiquer régulièrement ladite activité (Cass. civ. 2E 28 février 2013 n°11-21015, 9 juillet 2015 n°14-16006, 17 décembre 2015 n°14-28858, 14 mars 2013 n°11-24 237)

-oo0oo-

L'expert indique que monsieur [Z] pratiquait comme activités de loisirs le football, la natation avec les enfants, la marche et la bicyclette. Il ajoute qu'il n'existe aucune contre-indication médicale à réaliser ces activités, mais que monsieur [Z] relate d'importantes douleurs dorsales l'empêchant de courir et donc de jouer au football avec les enfants, des douleurs irradiant au membre supérieur lorsqu'il nage la brasse, des douleurs pour la bicyclette et que seule la marche reste possible mais pas sur de longues distances.

Monsieur [U] [Z] réclame la somme de 4 000 euros, puisqu'il est limité dans la pratique de ses activités sportives, seule la marche restant possible, et pas sur de longues distances. Il ajoute que monsieur [Y] atteste devoir jouer le rôle de père de substitution pour accompagner les enfants.

La SAS [8] fait valoir que le préjudice d'agrément n'est indemnisable que si le demandeur apporte la preuve de la pratique régulière non occasionnelle d'une activité particulière de loisir ou sportive, ce qui exclut le fait de jouer occasionnellement au football avec ses enfants. Il ajoute que l'impossibilité de la pratique n'est pas démontrée et qu'il n'existe pas de contrindication médicale à l'exercice d'une activité sportive.

La caisse s'en remet.

-oo0oo-

Monsieur [U] [Z] ne justifie aucunement de quelconque activité sportive ou de loisirs pratiquée antérieurement, si ce n'est des activités du quotidien avec ses enfants.

Bien plus, l'expert indique qu'il n'existe aucune contrindication aux activités sportives de telle sorte qu'aucune indemnisation de ce chef ne peut être accordée.

Dès lors il sera débouté de ce chef de demande.

' Sur les dépenses de santé futures

Monsieur [Z] sollicite la somme de 12 665 eurospour le renouvellement d'un lit médicalisé et la somme de 20 595 euros pour le renouvellement d'un matelas à mémoire de forme, pour soulager ses douleurs dorsales, sachant que l'expert a noté l'utilisation d'un lit médicalisé avant la consolidation et la poursuite des douleurs dorsales durant la nuit après la consolidation. Il ajoute qu'il s'est vu prescrire un lit avec une potence, dont le coût moyen est de 2 100 euros dont 1030 euros pris en charge par la sécurité sociale, le lit devant être renouvelé tous les 5 ans. Il ajoute qu'il a dû faire l'acquisition d'un matelas à mémoire de forme, d'un coût moyen de 1 740 euros, à renouveler. Il sollicite subsidiairement un complément d'expertise sur ce point.

La SAS [8] fait valoir que le rapport d'expertise ne préconise pas ce type d'équipements pour l'avenir et que l'expert a retenu le recours à un lit médicalisé jusqu'au 1er novembre 2017, au titre du préjudice esthétique temporaire. Elle ajoute que la persistance de douleurs nocturnes ne suffit pas à justifier le recours à un lit médicalisé. Elle précise que ce poste de préjudice est couvert par la rente viagère versée par la sécurité sociale.

La caisse fait valoir que la réparation des dépenses de santé futures est assurée en tout ou partie par les prestations servies au titre du livre IV du code de la sécurité sociale de telle sorte que monsieur [Z] est mal fondé à en solliciter l'indemnisation.

-oo0oo-

A aucun moment, dans son rapport, l'expert n'évoque la nécessité pour monsieur [Z] de disposer d'un lit médicalisé ou d'un matelas à mémoire de forme et monsieur [Z] ne produit aux débats aucun certificat médical à cet égard ni aucun élément objectif permettant d'affirmer qu'il utilise toujours un lit médicalisé avec matelas à mémoire de forme.

Bien plus, c'est à juste titre que la caisse fait valoir que les dépenses de santé futures sont prises en charge au titre du Livre IV et ne peuvent donc être sollicitées au titre de l'indemnisation de la faute inexcusable (civ. 2e 13 mars 2014 n°13-13.417).

Dès lors, monsieur [Z] sera débouté de ce chef de demande.

' Sur l'aménagement du véhicule

Monsieur [U] [Z] fait valoir qu'il souffre d'une limitation de la rotation droite et gauche des épaules, d'un syndrome lombaire franc et de limitations fonctionnelles des deux épaules inhérentes à des douleurs provenant de la région dorsale, de telle sorte que le passage de vitesse et les man'uvres arrière constituent pour lui une souffrance. Il sollicite la somme de 47 951 euros correspondant au remplacement de son véhicule par un véhicule automatique et par le coût du renouvellement de l'aménagement. Il sollicite subsidiairement un complément d'expertise sur ce point.

La SAS [8] fait valoir que le simple constat de douleurs dorsales ne suffit pas à objectiver la nécessité médicale d'adaptation d'un véhicule. Elle ajoute que monsieur [Z] ne sollicite pas une adaptation du véhicule mais l'acquisition d'un nouveau véhicule.

La caisse s'en remet.

-oo0oo-

A aucun moment dans son rapport, l'expert n'évoque de difficultés ou de restrictions à la conduite d'un véhicule automobile, ou la nécessité de disposer d'un véhicule à boite de vitesses automatique.

Par ailleurs, la demande de monsieur [Z] de se voir financer un nouveau véhicule est particulièrement mal fondée puisqu'elle engendrerait un enrichissement.

Dès lors, monsieur [Z] sera débouté de ce chef de demande et il n'y a pas lieu à un retour du dossier à l'expert sur ce point.

' Sur l'aménagement du logement

Monsieur [U] [Z] fait valoir qu'au moment de l'accident, la famille était entrain d'acquérir une maison de plein pied, le compromis ayant été signé le 19 mai 2017 et l'acte authentique devant être signé le 30 juillet 2017. Il ajoute qu'en raison de l'accident, des arrêts de travail et de la perte de revenus occasionnée, il a été contraint de mettre un terme à ces démarches. Il indique que sa maison actuelle est très peu adaptée à ses séquelles en raison des étages. Il sollicite la somme de 80 000 euros au titre de la perte de chance, le marché de l'immobilier ayant augmenté. Il sollicite subsidiairement un complément d'expertise sur ce point.

La SAS [8] fait valoir que la demande est fantaisiste, le taux d'IPP de 10% alloué à monsieur [Z] ne justifiant pas de la nécessité d'adapter le logement. Elle ajoute que l'expert relève que la marche s'effectue sans boiterie, que l'accroupissement et l'agenouillement sont possibles et que son état n'est pas susceptible d'aggravation.

Elle fait également valoir que monsieur [Z] a fait le choix de démissionner de son emploi alors qu'il était apte à son poste, pour créer son entreprise, et qu'il résulte du rapport d'expertise qu'il a repris une activité salariée stable dans le domaine de la fibre optique. Elle ajoute qu'il n'a jamais été privé d'emploi et que ses revenus n'ont pas diminué dans des proportions faisant obstacle à l'acquisition d'une maison.

La caisse s'en remet.

-oo0oo-

A aucun moment dans son rapport l'expert n'évoque de nécessité d'aménagement du logement.

Par ailleurs, lors de l'examen clinique de monsieur [Z], l'expert indique que « la marche s'effectue sans boiterie. Elle n'est pas possible sur les talons mais est tenue sur la pointe des pieds. L'appui monopodal droit et gauche est tenu. L'accroupissement et l'agenouillement sont possibles. Les membres inférieurs sont normaux axés, sans recurvatum ni flexum des genoux. Il n'existe pas d'amyotrophie ni d'inégalité des membres inférieurs ». Il ne mentionne aucune difficulté pour monter des escaliers.

Dès lors, il n'existe aucun motif médical à l'aménagement du logement et aucune demande relative à la perte de chance d'acquérir une maison à un prix déterminé n'est recevable.

Dès lors, monsieur [Z] sera débouté de ce chef de demande.

' Sur le préjudice sexuel

Le préjudice sexuel correspond à l'atteinte à la morphologie des organes sexuels, à l'atteinte à l'acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) et à la fertilité (fonction de reproduction).

-oo0oo-

Monsieur [U] [Z] réclame la somme de 15 000 euros.

La SAS [8] sollicite la confirmation du jugement qui a alloué à monsieur [Z] la somme de 5 000 euros.

La caisse s'en remet.

-oo0oo-

L'expert indique que monsieur [Z] rapporte des difficultés dans la vie intime, positionnelle par crainte d'amplifier les douleurs et l'existence de difficultés érectiles qui seraient parfois sources de conflits et de conjugopathie, étant psychologiquement difficile à vivre. Il ajoute que son épouse confirme ces propos.

Aucun préjudice sexuel objectif n'est cependant démontré, l'expert se contentant de rapporter les propos de monsieur [Z].

Néanmoins, l'employeur offre la somme de 5 000 euros, qui sera dès lors allouée.

Au vu de ce qui précède, les préjudices de monsieur [U] [Z] seront fixés aux montants suivants :

- tierce personne : 2 325 euros

- souffrances endurées : 6 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 9 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 1 500 euros

- préjudice d'agrément : 0

- dépenses de santé futures : 0

- frais d'aménagement du véhicule et du logement : 0

- préjudice sexuel : 5 000 euros

Soit un montant total de 26 825 euros

La caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle sera condamnée à verser à monsieur [U] [Z] ce montant dont à déduire la provision versée par l'employeur de 2 000 euros, soit la somme de 24 825 euros.

Sur l'indemnisation des préjudices des victimes par ricochet

Aux termes de l'article L452-3 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.

La juridiction de sécurité sociale, saisie de demandes en réparation des préjudices complémentaires à la suite de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, n'a pas le pouvoir d'accorder au conjoint ou aux enfants de la victime qui a survécu à l'accident une indemnisation au titre du préjudice moral (civ. 2e 30 mai 2013 pourvoi n° 12-16.254).

-oo0oo-

En l'espèce, les époux [Z] indiquent que leur fils [W] présente une paralysie cérébrale, se déplace en fauteuil roulant et est dépendant de ses parents pour l'alimentation, l'habillage, la toilette et les transferts. Ils ajoutent que ces tâches étaient réparties entre les deux parents et que les tâches d'habillage et de toilette sont désormais entièrement dévolues à la mère, qui a été contrainte de cesser toute activité professionnelle. Ils précisent que l'état de santé de son mari et de son fils n' ont pas permis à madame [Z] de rechercher un emploi et qu'elle a perdu 10 867 euros de la date de l'accident à la date de consolidation au 14 septembre 2018. Elle fait également valoir qu'elle subit directement un préjudice sexuel du fait des difficultés de son mari rencontrées dans leur vie intime.

La SAS [8] fait valoir que madame [Z] est recevable à solliciter l'indemnisation de préjudices patrimoniaux mais que c'est à tort que l'expert a indiqué que l'accident a eu pour conséquence la perte d'emploi de madame [Z] qui serait contrainte de s'occuper de son époux et de son fils, puisqu'elle a été licenciée pour faute grave en raison de son absence injustifiée. Elle ajoute que l'hospitalisation de son époux ne justifiait pas qu'elle abandonne son poste de travail et que le volume de l'aide humaine temporaire apportée ne justifiait pas la cessation de son activité professionnelle.

Elle fait également valoir que dès le mois de décembre 2017, monsieur [Z] a repris une activité professionnelle, dans des conditions qui n'ont pas modifié fondamentalement l'organisation des journées de la famille puisqu'il travaillait toujours cinq jours par semaine. Elle ajoute qu'il est autonome et que sa propre activité ne fait pas obstacle à l'activité professionnelle de son épouse.

Elle fait également valoir que le fait que leur fils ainé soit handicapé préexistait à l'accident. Elle ajoute que [W] est accueilli en hôpital de jour et rentre à son domicile le soir et le week-end ce qui ne fait pas obstacle à l'exercice d'une activité professionnelle.

Elle fait enfin valoir que le préjudice sexuel de la victime par ricochet et le préjudice moral des victimes par ricochet en l'absence de décès de la victime directe ne sont pas indemnisable en matière de faute inexcusable.

-oo0oo-

En matière de faute inexcusable de l'employeur, le préjudice des victimes par ricochet n'est indemnisable qu'en cas de décès du salarié, au titre de la rente du conjoint survivant et de l'indemnisation du préjudice moral des ayants droits.

Monsieur [U] [Z] n'étant pas décédé, l'éventuel préjudice économique et le préjudice moral et/ou sexuel de madame [Z] et de ses enfants n'est pas indemnisable et ils seront déboutés de leur demande.

Sur les frais et dépens

Les consorts [Z] succombant principalement, ils seront condamnés aux dépens de la présente instance, hors frais d'expertise, et seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est par ailleurs pas inéquitable de laisser à la charge de la SAS [8] l'intégralité des frais irrépétibles exposés de telle sorte qu'elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement RG 19/475 du 30 juin 2023 du pôle social du tribunal judiciaire de Nancy en ce qu'il a :

- fixé aux montants suivants les préjudices de monsieur [U] [Z] suite à l'accident du travail dont il a été victime le 17 juillet 2017 et pour lequel la faute inexcusable de l'employeur a été reconnue :

' dépenses de santé actuelles : 46 euros

' tierce personne : 3 000 euros

' déficit fonctionnel temporaire (total et partiel) : 986 euros

' préjudice d'agrément : 2500 euros

- condamné la CPAM de Meurthe et Moselle à payer à monsieur [U] [Z] ladite somme de 31 032 euros

LE CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau,

FIXE les préjudices de monsieur [U] [Z] aux montants suivants :

- tierce personne : 2 325 euros

- souffrances endurées : 6 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 9 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 1 500 euros

- préjudice d'agrément : 0

- dépenses de santé futures : 0

- frais d'aménagement du véhicule et du logement : 0

- préjudice sexuel : 5 000 euros

Soit un montant total de 26 825 euros

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle à verser la somme de 24 825 euros à monsieur [U] [Z],

CONDAMNE la SAS [8] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle l'ensemble des sommes qu'elle aura versées au titre du présent arrêt, y compris les dépens incluant les frais d'expertise,

Y ajoutant,

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE les consorts [Z] aux entiers dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Céline PAPEGAY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en dix neuf pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 23/01661
Date de la décision : 29/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-29;23.01661 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award