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09/07/2024 | FRANCE | N°23/00642

France | France, Cour d'appel de Nancy, Première présidence, 09 juillet 2024, 23/00642


COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

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N° RG 23/00642 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FEUK

du 09 Juillet 2024



Minute : /2024







REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



A l'audience du 04 Juin 2024, présidée par M. JEAN-TALON, premier président, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY en date du 15 décembre 2023,

assisté de Madame RIVORY, greffier, et statuant sur la requête, enregistrée au Secrétariat de la Première Présidence le 29 Mars 2023 sous le numéro N°...

COUR D'APPEL DE NANCY

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Requête en indemnisation à raison

d'une détention provisoire

--------------------------------------

N° RG 23/00642 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FEUK

du 09 Juillet 2024

Minute : /2024

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

A l'audience du 04 Juin 2024, présidée par M. JEAN-TALON, premier président, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de NANCY en date du 15 décembre 2023, assisté de Madame RIVORY, greffier, et statuant sur la requête, enregistrée au Secrétariat de la Première Présidence le 29 Mars 2023 sous le numéro N°RG 23/00642 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FEUK, conformément aux dispositions de l'article 149-2 du Code de Procédure Pénale et formée par :

Monsieur [B] [U]

né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 5] en ALBANIE

de nationalité Albanaise

FOYER [4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

ayant pour avocat Me Eléonore DUPLEIX substituée par Me GARCIA TRULA, avocats au barreau de NANCY

L'Agent Judiciaire de l'Etat était représenté par Me François JAQUET, avocat au barreau de NANCY.

Le ministère public était représenté par M.Hugues BERBAIN, Procureur Général près la Cour d'Appel de Nancy.

Vu la requête déposée le 24 mars 2023 par Maître Eléonore DUPLEIX au nom de M.[B] [U] et ses conclusions ultérieures notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'État notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général près la cour d'appel de Nancy, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu l'avis de fixation à l'audience du 4 juin 2024 ;

Vu les articles 149 à 150, R. 26 à R. 40-22 du code de procédure pénale ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 juin 2020, M. [B] [U] a été mis en examen par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Nancy pour avoir commis le crime de viol aggravé. Il a été placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention le même jour.

Il a été remis en liberté sous contrôle judiciaire le 23 novembre 2021.

Par ordonnance du 15 décembre 2022, non frappée d'appel, le juge d'instruction a prononcé le non-lieu à suivre.

M. [B] [U] a ainsi été placé en détention provisoire durant 529 jours ou 1 an, 5 mois et 12 jours.

*****

Suivant requête parvenue au secrétariat de la première présidence le 24 mars 2023, M.[U] a sollicité l'indemnisation du préjudice moral subi du fait de sa détention provisoire à hauteur de la somme de 54.000 euros, outre la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de ses écritures, l'agent judiciaire de l'État a offert de réparer le préjudice moral subi à hauteur de la somme de 35.000 euros et a sollicité la réduction à de plus justes proportions de la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le procureur général près cette cour a soutenu le caractère satisfactoire des sommes offertes par l'agent judiciaire de l'Etat au titre du préjudice moral et a conclu à la réduction à de plus justes proportions de la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lors des débats, tenus à l'audience du 4 juin 2024, les parties ont été représentées et ont maintenu, chacune, la position développée dans leurs écritures, auxquelles il sera expressément fait référence.

Le demandeur a eu la parole en dernier.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la requête

En application de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel direct et certain que lui a causé cette détention.

En l'espèce, M. [B] [U] a bénéficié d'une décision de non-lieu rendue par le magistrat instructeur du tribunal judiciaire de Nancy, devenue définitive en l'absence de recours diligenté dans le délai légal, a présenté sa requête dans le délai de six mois fixé par l'article 149-2 du code de procédure pénale et n'apparaît pas se trouver dans l'un des cas d'exclusion prévus par l'article 149 précité.

Sa requête est donc recevable.

Sur le bien-fondé de la requête

S'agissant du préjudice moral

Pour déterminer l'existence et l'étendue du préjudice moral, il doit être tenu compte de l'âge de la personne détenue, de sa situation familiale et des répercussions que la détention a pu avoir sur sa santé physique ou mentale.

En l'espèce, M. [U] a nécessairement subi un préjudice moral résultant du choc carcéral et de la souffrance psychologique ressentis par toute personne brutalement, injustement et durablement privée de liberté durant plus de 17 mois.

Seul le préjudice moral résultant directement de la détention peut être indemnisé. Les dénégations de l'intéressé au cours de la procédure pénale, les infractions reprochées, les peines encourues et le sentiment qu'il a pu éprouver de n'avoir pu se faire entendre des juges, malgré ses protestations d'innocence, sont des circonstances qui ne découlent pas directement de la détention et qui ne peuvent être prises en considération dans l'appréciation du préjudice moral résultant de celle-ci.

Par ailleurs, il n'est pas démontré de conditions particulièrement difficiles de détention.

En revanche, constituent des facteurs d'aggravation du préjudice la durée substantielle de la détention et la limitation des liens avec sa famille restée en Albanie. Si M. [U] s'est volontairement éloigné de celle-ci en venant en France pour y demander asile, et si le magistrat instructeur a autorisé le 14 septembre 2020 les contacts téléphoniques avec son père, il est constaté qu'aucun contact familial n'a pu intervenir entre le 12 juin et le 14 septembre 2020 et que les appels téléphoniques passés depuis la détention sont malaisés et très onéreux.

En définitive, l'allocation de la somme de 40.000 euros réparera intégralement le préjudice moral subi par M. [U] du fait de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet.

S'agissant des frais non compris dans les dépens

Il serait inéquitable que M. [U] conserve la charge intégrale des frais non compris dans les dépens qu'il a déboursés du fait de la présente instance. En l'absence de justification d'une dépense plus ample, la somme de 1.800 euros lui sera en conséquence accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Déclarons recevable en la forme la requête de M. [B] [U] ;

Lui allouons, en indemnisation de la détention provisoire injustifiée dont il a fait l'objet, la somme de 40.000 euros au titre de son préjudice moral ;

Lui allouons en outre la somme de 1.800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons le surplus de la demande ;

Rappelons qu'en application de l'article R. 40 du code de procédure pénale, la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

Laissons les frais à la charge de l'État.

Ainsi fait, jugé et prononcé par le premier président, conformément aux dispositions de l'article 149-1 du code de procédure pénale, le 9 juillet 2024.

Le greffier Le premier président

Laurène RIVORY Marc JEAN-TALON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Première présidence
Numéro d'arrêt : 23/00642
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;23.00642 ?
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