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25/06/2024 | FRANCE | N°23/02520

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 25 juin 2024, 23/02520


ARRÊT N° /2024

SS



DU 25 JUIN 2024



N° RG 23/02520 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FI2H







Pole social du TJ d'EPINAL

17/00127

08 novembre 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANTE :



Madame [K] [U]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

>
Représentée par Maître Julie PICARD de la SELARL EPITOGES, avocat au barreau d'EPINAL substitué par Maître Clothilde LIPP, avocate au barreau de NANCY





INTIMÉE :



Caisse CPAM DES VOSGES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 3]



Rep...

ARRÊT N° /2024

SS

DU 25 JUIN 2024

N° RG 23/02520 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FI2H

Pole social du TJ d'EPINAL

17/00127

08 novembre 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

Madame [K] [U]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître Julie PICARD de la SELARL EPITOGES, avocat au barreau d'EPINAL substitué par Maître Clothilde LIPP, avocate au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Caisse CPAM DES VOSGES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

ayant son siège [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Madame [J] [I], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Madame Catherine BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Madame Céline PAPEGAY (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 15 Mai 2024 tenue par Madame Catherine BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HÉNON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 25 Juin 2024 ;

Le 25 Juin 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [K] [U] exerçait la profession de chargée de clientèle en qualité de salarié de la [4] ([4]).

Le 29 septembre 2015, elle a établi une déclaration de maladie professionnelle, qu'elle a adressée à la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, ci-après dénommée la caisse, accompagnée d'un certificat médical du docteur [R] daté du 23 novembre 2015 faisant état d'une dépression grave constatée pour la première fois le 27 novembre 2012.

La caisse a instruit cette déclaration dans le cadre des maladies hors tableau.

Le médecin conseil de la caisse ayant estimé que le taux d'incapacité permanente partielle de Madame [K] [U] était égal ou supérieur à 25%, la caisse a transmis le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de [Localité 7] Nord-Est.

Le 1er février 2017, le CRRMP de [Localité 7] Nord Est a émis un avis défavorable à la prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 1er mars 2017, la caisse a informé madame [K] [U] du refus de la prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels au vu de l'avis du CRRMP.

Le 24 mars 2017, madame [K] [U] a saisi la commission de recours amiable de la caisse.

Le 2 juin 2017, madame [K] [U] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Vosges d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par décision du 6 juin 2017, la commission de recours amiable a rejeté son recours.

Le 20 juin 2017, madame [K] [U] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Vosges d'un recours contre la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement du 20 juin 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Vosges a déclaré les recours recevables, ordonné la jonction des deux instances et ordonné la transmission du dossier au CRRMP de [Localité 8] Alsace-Moselle.

Au 1er janvier 2019, l'affaire a été transmise en l'état au pôle social du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire d'Epinal.

Le 27 novembre 2018, le CRRMP de [Localité 8] Alsace-Moselle a émis un avis défavorable à la reconnaissance de l'affection déclarée en maladie professionnelle.

Par jugement 15 mai 2019, le pôle social du tribunal de grande instance d'Epinal a annulé les avis rendus par les deux CRRMP en raison d'une irrégularité de leur composition et a ordonné la transmission du dossier au CRRMP de [Localité 5] Bourgogne Franche Comté.

Le 12 novembre 2020, le CRRMP de [Localité 5] Bourgogne Franche Comté a émis un avis défavorable.

Par jugement du 3 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal a désigné le CRRMP des Hauts de France pour un nouvel avis.

Par ordonnance du 1er décembre 2021, le CRRMP du Centre Val de Loire était désigné aux lieu et place du CRRMP des Hauts de France.

Le 9 février 2023, le CRRMP des Hauts de France émettait un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.

Par jugement RG 17/127 du 8 novembre 2023, le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal a :

- dit que la maladie de madame [K] [U] au titre d'une « dépression grave » ne constitue pas une maladie professionnelle au titre de la législation au titre des risques professionnels

- débouté madame [K] [U] de ses demandes

- confirmé la décision du 1er mars 2017 de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges

- condamné madame [K] [U] aux dépens.

Par acte du 29 novembre 2023, madame [K] [U] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 15 mai 2024.

PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [K] [U], représentée par son avocat, a repris ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2024 et a sollicité ce qui suit :

- infirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire d'Epinal le 8 novembre 2023 (RG 17/00127)

En conséquence, et statuant à nouveau,

A titre principal,

- annuler l'avis du CRRMP de la région du Centre Val de Loire et ordonner l'avis d'un nouveau CRRMP,

En conséquence

- ordonner l'avis d'un second CRRMP

A titre subsidiaire,

- juger qu'il existe un lien direct entre l'activité professionnelle et l'affection déclarée.

En tout état de cause,

- condamner la CPAM à verser à madame [U] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code procédure civile

- condamner la CPAM aux entiers dépens.

La caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, dument représentée, a repris ses conclusions reçues au greffe le 10 mai 2024 et a sollicité ce qui suit :

- recevoir les écritures de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges et les déclarer bien fondées

- débouter madame [K] [U] de son recours et de ses demandes

- confirmer le jugement rendu le 8 novembre 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal

- condamner madame [K] [U] aux dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la reconnaissance de maladie professionnelle

Aux termes de l'article L461-1 alinéas 4 et 5 et de l'article R461-8 du code de la sécurité sociale, peut être reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L434-2 et au moins égal à 25%. Dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

En l'espèce, madame [U] fait valoir que le CRRMP a statué sans avoir l'avis du sapiteur, le docteur [S], psychiatre, qui avait été désigné par la CPAM pour donner son avis sur l'affection déclarée, et qui n'a jamais déposé son rapport. Elle ajoute que la motivation de l'avis du CRRMP est inexistante de telle sorte que l'avis d'un nouveau CRRMP s'impose.

Elle fait également valoir que la situation de harcèlement moral pour certains salariés, dont elle-même, a été constatée par la médecin du travail le 22 novembre 2012 et par le directeur d'agence, monsieur [V]. Elle ajoute que les CRRMP n'indiquent pas quelles pièces mettraient en évidence un risque extra-professionnel. Elle précise que le docteur [O], psychiatre, a exclu tout lien avec un état antérieur.

La caisse primaire d'assurance maladie des Vosges fait valoir que dans le cadre de sa déclaration de maladie professionnelle, madame [U] avait été convoquée par le docteur [S], psychiatre, dont l'avis sapiteur avait été sollicité par le médecin conseil, et ce afin d'évaluer si son taux d'incapacité prévisible était ou non supérieur à 25% et de permettre la transmission du dossier au CRRMP. Elle précise que le docteur [S] n'a jamais communiqué son rapport à la caisse, mais que le médecin conseil a néanmoins déposé son rapport médical, communiqué à l'assurée. Elle ajoute que le docteur [S] n'avait pas été désigné pour apprécier l'existence d'un lien de causalité entre la pathologie et le travail.

Elle fait également valoir que le CRRMP de [Localité 5] a relevé l'existence d'un état pathologique extraprofessionnel intercurrent pouvant expliquer à lui seul l'apparition de la pathologie et que son avis a été confirmé par le CRRMP du Centre Val de Loire, alors que les deux premiers CRRMP avait également retenu des facteurs extraprofessionnels. Elle ajoute qu'elle n'a pas accès aux informations médicales du dossier et que les CRRMP sont soumis au secret médical de telle sorte qu'ils ne peuvent décrire précisément son état de santé non en lien avec sa demande de maladie professionnelle. Elle précise que les CRRMP se sont notamment basés sur l'avis de la médecine du travail, le rapport d'enquête administrative et les éléments transmis par le médecin conseil et madame [U]. Elle indique que dix médecins se sont prononcés sur son dossier et ont tous conclu à l'absence de lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et le travail.

L'avis du CRRMP de [Localité 5] Bourgogne Franche Comté du 12 novembre 2020 est rédigé comme suit :

« Considérant le curriculum laboris et la nature des activités professionnelles exercées par madame [U] [K], telles que décrites dans le rapport/synthèse d'enquête administrative du 6 mai 2016, activités de chargée de clientèle de particuliers exercées dans le même établissement bancaire depuis le 01/02/2002, dans différentes agences, dans la dernière agence à [Localité 6] depuis le 25 avril 2012, activités interrompues depuis la prescription d'un arrêt de travail du 16 décembre 2013 au 1er octobre 2015 avec reprise dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique le 1er octobre 2015 avec attribution d'une CI le 11 janvier 2016 et formulation par le médecin du travail d'une inaptitude à tous postes après deux visites, décision contestée par l'assurée mais confirmée par l'inspection du travail en date du 1er avril 2016,

Considérant les données anamnésiques qui permettent de retenir le 23 novembre 2015 la rédaction d'un certificat médical initial pour déclaration de maladie professionnelle par l'assurée en date du 29 septembre 2015, pathologie instruite en tant que MP hors tableau ('),

Considérant l'avis du médecin du travail,

Considérant le rapport du service du contrôle médical destinée au CRRMP en date du 28 avril 2016,

Considérant la chronologie des événements professionnels et médicaux, l'existence d'un état pathologique extra professionnel intercurrent pouvant expliquer à lui seul l'apparition de la pathologie,

Considérant l'absence d'argument opposable aux conclusions formulées par les CRRMP de [Localité 7] puis de [Localité 8],

Considérant les critères référencés dans le rapport de M. [D] relatif aux RPS en rapport avec les activités professionnelles,

Considérant que le CRRMP n'a pas compétence pour se prononcer en matière de harcèlement,

Considérant le dossier transmis par Me BENTZ, conseil de madame [K] [U] en date du 27 juin 2019 et du 23 septembre 2019,

Considérant le dossier de procédure,

Considérant l'avis de l'ingénieur prévention de la CARSAT BFC,

Il apparaît en conclusion que l'existence d'un lien direct et essentiel entre la pathologie de madame [K] [U] (« épisodes dépressifs ») déclarée le 29 septembre 2015 comme MP hors tableau sur la foi du certificat médical initial rédigé le 23 novembre 2015 (« dépression grave ») et ses activités professionnelles ne peut être retenu ».

L'avis du CRRMP du Centre- Val de Loire du 9 février 2023 est rédigé comme suit : « compte-tenu des éléments médico-administratifs présents au dossier, après avoir pris connaissance du questionnaire de l'employeur, après avoir entendu l'ingénieur conseil du service prévention de la CARSAT, le comité ne retient pas l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée et les activités professionnelles exercées par l'assurée ».

Ces deux avis sont concordants et parfaitement clairs.

Si l'avis du CRRMP du Centre- Val de Loire est plus laconique que celui du CRRMP de [Localité 5] Bourgogne Franche Comté, il est néanmoins fondé sur l'ensemble des éléments du dossier listés dans l'avis.

Par ailleurs, madame [U] ne prétend pas qu'elle n'aurait pas été en mesure d'adresser aux CRRMP tous les éléments nécessaires afin qu'ils se prononcent en étant parfaitement éclairés, sachant que le premier CRRMP indique que l'avocat de madame [U] lui a transmis deux courriers.

De plus, l'absence dans le dossier du rapport du docteur [S] est expliquée par l'inexistence d'un tel rapport, inexistence mentionnée dans le rapport médical produit par madame [U] (annexe 18). En outre, c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que son avis n'avait été sollicité que pour établir le taux d'incapacité prévisible de madame [U] et non pour apprécier le lien de causalité entre la pathologie et l'activité professionnelle.

Dès lors, l'avis du CRRMP de la région du Centre Val de Loire est valable et madame [U] sera déboutée de sa demande d'annulation.

Par ailleurs, le CRRMP de [Localité 5] Bourgogne Franche Comté fait expressément état de « facteur extraprofessionnel intercurrent pouvant expliquer à lui seul l'apparition de la pathologie ».

Pour contester l'existence d'un tel facteur extraprofessionnel, madame [U] se contente de produire un rapport d'expertise du docteur [O], psychiatre, rendu dans le cadre d'une demande de pension d'invalidité, établi le 12 septembre 2019, soit près de quatre ans après la déclaration de maladie professionnelle et près de sept ans après la date de première constatation médicale de la maladie. Si ce rapport confirme l'état de santé psychique dégradé de madame [U], il convient de rappeler que l'origine de cette dégradation importe peu pour déterminer l'état d'invalidité de telle sorte qu'à aucun moment l'expert ne s'est prononcé sur ce point.

Enfin, madame [U], qui a accès à l'ensemble des pièces médicales transmises au CRRMP, n'apporte aux débats aucune pièce, notamment aucun certificat de son médecin traitant ou de son psychiatre ni aucune attestation de témoin de ses proches qui tendraient à exclure tout facteur extraprofessionnel.

Au vu de ce qui précède, madame [K] [U] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes et le jugement sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Madame [K] [U] qui succombe sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné madame [K] [U] aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement RG 17/127 du 8 novembre 2023 du pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE madame [K] [U] de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNE madame [K] [U] aux entiers dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par monsieur Guerric HÉNON, président de chambre et par Céline PAPEGAY, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en huit pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 23/02520
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.02520 ?
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