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25/06/2024 | FRANCE | N°23/02509

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 25 juin 2024, 23/02509


ARRÊT N° /2024

SS



DU 25 JUIN 2024



N° RG 23/02509 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FIZN







Pole social du TJ d'EPINAL

23/46

08 novembre 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANTE :



[4] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siÃ

¨ge social

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Maître Michaël RUIMY de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Maître Géraldine EMONET , avocate au barreau de NANCY





INTIMÉE :



CPAM DES VOSGES prise en la personne de son représentant légal pour ce d...

ARRÊT N° /2024

SS

DU 25 JUIN 2024

N° RG 23/02509 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FIZN

Pole social du TJ d'EPINAL

23/46

08 novembre 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

[4] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

ayant son siège [Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître Michaël RUIMY de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Maître Géraldine EMONET , avocate au barreau de NANCY

INTIMÉE :

CPAM DES VOSGES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Madame [J] [H], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Madame Catherine BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Madame Céline PAPEGAY (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 15 Mai 2024 tenue par Madame Catherine BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HÉNON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 25 Juin 2024 ;

Le 25 Juin 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [P] [L] épouse [X] est salariée de la SASU [4] ([4]) au pôle santé La ligne Bleue, depuis le 6 mai 1991 en qualité d'infirmière diplômée d'Etat et exerce les fonctions de cadre infirmier depuis le 1er janvier 2010 et de cadre de santé depuis le 1er mai 2019.

Le 19 mai 2022, elle a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges (ci-après dénommée la caisse) une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical initial établi le 8 juin 2020 par le docteur [N] [O] faisant état de « burn out professionnel ».

Par courrier du 13 juin 2022, la caisse a transmis à la société [4] la copie de la déclaration de maladie professionnelle de madame [P] [L] épouse [X] et du certificat médical initial, l'a informée de la nécessité d'investigations complémentaires et de la possibilité de consulter les pièces du dossier et de formuler des observations en ligne du 5 septembre 2022 au 16 septembre 2022, puis de consulter le dossier au-delà de cette date et jusqu'à la décision qui sera transmise au plus tard le 23 septembre 2022.

Par courrier du 19 septembre 2022, la caisse a fait savoir à la société [4] que le dossier serait transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) et qu'elle avait la possibilité de le consulter et compléter le dossier en ligne jusqu'au 19 octobre 2022 et qu'au-delà de cette date, elle pouvait formuler des observations jusqu'au 31 octobre 2022 sans joindre de nouvelles pièces, la décision devant intervenir au plus tard le 18 janvier 2023.

Par courrier du 22 septembre 2022, le pôle santé La ligne Bleue a sollicité de la caisse la communication des pièces médicales du dossier via le médecin désigné par la salariée.

Par courrier du 10 octobre 2022, la salariée a désigné son médecin traitant pour permettre à l'employeur de prendre connaissance de son dossier médical.

Par courrier du 20 décembre 2022, la caisse a informé la société [4] de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de madame [P] [L] épouse [X] suite à l'avis favorable du CRRMP.

Le 20 janvier 2023, la société [4] a saisi la commission de recours amiable de la caisse et a sollicité l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie en raison de la violation du principe du contradictoire.

Par décision du 6 mars 2023, la commission de recours amiable a rejeté son recours.

Le 16 mars 2023, la société [4] a saisi le tribunal judiciaire d'Epinal d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable.

Par jugement RG 23/46 du 8 novembre 2023, le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal a :

- déclaré la [4] recevable en son recours,

- débouté la [4] de ses demandes,

- déclaré opposable à la [4] la décision du 20 décembre 2022 de la CPAM des Vosges de prise en charge au titre de la législation au titre des risques professionnels relatifs à la maladie professionnelle déclarée par madame [L] [P] épouse [X] « burn out professionnel » le 19 mai 2022,

- condamné la [4] à payer à la CPAM des Vosges la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la [4] aux dépens.

Par acte du 27 novembre 2023, la société [4] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 15 mai 2024.

PRETENTIONS DES PARTIES

La société [4], représentée par son avocat, a repris ses conclusions reçues au greffe le 22 avril 2024 et a sollicité ce qui suit :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Epinal rendu le 8 novembre 2023

- juger que la CPAM a violé le principe du contradictoire en ne laissant pas à la [4] un délai utile de 30 jours à pour consulter les pièces du dossier, émettre des observations et ajouter de nouvelles pièces

- juger que la CPAM a manifestement violé le principe du contradictoire dans le cadre de la procédure d'instruction

En conséquence

- juger la décision de prise en charge de la maladie du 8 juin 2020 déclarée par madame [P] [X] inopposable à la [4]

- prononcer l'exécution provisoire.

La caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, dument représentée, a repris ses conclusions datées du 19 avril 2024 et reçues au greffe les 25 avril 2024 et 14 mai 2024 et a sollicité ce qui suit :

- débouter la société [4] de son recours et de ses demandes

- confirmer le jugement rendu le 8 novembre 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal

- condamner la société [4] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges une somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel

- condamner la société [4] aux dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience.

L'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'opposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie

Aux termes de l'article R461-9 I du code de la sécurité sociale, la caisse dispose d'un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l'article L. 461-1.

Aux termes de l'article R461-10 du même code, lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d'un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

La caisse met le dossier mentionné à l'article R441-14, complété d'éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu'ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d'observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l'employeur.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'échéance de ces différentes phases lorsqu'elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

En l'espèce, la société [4] fait valoir que la caisse a violé le principe du contradictoire puisque le délai de 30 jours, qui doit être franc, commence à courir à compter du lendemain de la date de réception du courrier d'information à l'employeur de la saisine du CRRMP et ne peut être amputé des délais postaux. Elle ajoute que la phase de consultation commençait le lendemain de la réception du courrier, soit le 21 septembre 2022, et s'achevait le 19 octobre 2022 de telle sorte qu'elle n'a bénéficié que d'un délai de 28 jours. Elle indique que la caisse ne peut prétendre que seul le délai de 10 jours est à prendre en compte. Elle précise que la sanction du non-respect du délai de 30 jours est l'inopposabilité de la décision de prise en charge.

La caisse primaire d'assurance maladie des Vosges fait valoir que le contradictoire est respecté dès lors que l'employeur a réellement été en mesure de prendre connaissance des éléments qui fonderont sa décision et de faire valoir ses observations avant transmission du dossier au CRRMP. Elle ajoute que l'employeur a bien disposé d'un délai de 10 jours francs pour consulter l'ensemble du dossier et faire valoir ses observations.

Elle fait également valoir que si le délai de 40 jours est un délai franc, le premier délai de 30 jours ne l'est pas. Elle ajoute que le point de départ de ce délai est nécessairement la date de saisine du CRRMP par la caisse puisque cette dernière dispose d'un délai de 120 jours francs à compter de la saisine du CRRMP, et que cette saisine se matérialise par l'envoi aux parties d'un courrier les informant de cette saisine. Elle indique que le délai de 40 jours doit nécessairement être identique pour chacune des parties puisqu'à défaut, il y aurait un décalage dans les délais impartis à l'employeur et à la victime pour formuler leurs observations. Elle précise que pendant le délai de 30 jours, la caisse et le service médical peuvent également compléter le dossier ce qui renforce l'exigence d'un point de départ identique pour tous.

L'article R461-10 prévoit expressément que la caisse dispose d'un délai de 120 jours à compter de la saisine du CRRMP pour prendre sa décision, et qu'au cours de ce délai, le dossier doit être mis à disposition de l'employeur pendant 40 jours francs.

S'il prévoit également que la caisse doit informer l'employeur des dates d'échéance des différentes phases, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information, il ne précise pas le point de départ du délai de 40 jours.

Afin de garantir l'effectivité de ce délai de 40 jours, il ne peut courir qu'à compter de l'information qui en est donnée à l'employeur.

Dès lors, son point de départ doit être fixé au lendemain (le délai étant stipulé franc) de la date de réception par l'employeur du courrier de notification. A défaut, ce délai serait réduit d'une durée égale au délai nécessaire de l'acheminement de la notification par les services postaux ou au délai de transmission électronique de la notification et de son accusé de réception par le destinataire, et ce en violation des droits de l'employeur.

Par ailleurs, la fixation d'un tel point de départ n'est pas en contradiction avec l'obligation faite à la caisse de notifier à l'employeur les dates d'échéance des différentes phases de l'instruction d'un dossier transmis au CRRMP, et non des délais, puisque la caisse peut fixer les dates d'échéance du délai de 40 jours francs, subdivisé en deux délais de 30 et 10 jours, en tenant compte des délais d'acheminement susvisés.

Par courrier du 19 septembre 2022 reçu par l'employeur le 20 septembre 2022, la caisse l'a informé qu'il pouvait :

- compléter son dossier jusqu'au 19 octobre 2022

- formuler des observations jusqu'au 31 octobre 2022, sans joindre de nouvelles pièces.

Le délai de 40 jours, expressément stipulé en jours francs, étant un délai de 40 jours de 0 heures à 24 heures, il débute le lendemain de la réception du courrier du 19 septembre 2022 reçu le 20 septembre 2022, soit le 21 septembre 2022, et il s'achève le lendemain du dimanche 30 octobre 2022 soit le lundi 31 octobre 2022, de telle sorte que le délai notifié par la caisse est exact.

Cependant, ce délai de 40 jours est divisé en un premier délai de 30 jours et un second délai de 10 jours.

Le délai de 30 jours, pendant lequel l'employeur peut compléter le dossier, n'est pas stipulé franc. Il débutait en l'espèce le 21 septembre 2022 et expirait le jeudi 20 octobre 2022, alors que la caisse a fixé ce délai au 19 octobre 2022.

Les délais alloués à l'employeur ne sont dès lors pas conformes aux dispositions légales, de telle sorte que la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire et que la procédure d'instruction est irrégulière.

En conséquence, la décision de prise en charge de la maladie de madame [P] [L] épouse [X] est inopposable à la SAS [4] et le jugement sera infirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La caisse primaire d'assurance maladie des Vosges succombant, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la SASU [4] à lui verser la somme de 1 000 € au même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement RG 23/46 du 8 novembre 2023 du pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges du 20 décembre 2022 de reconnaissance de la maladie professionnelle du 8 juin 2020 de madame [P] [L] épouse [X] est inopposable à la société [4],

Y ajoutant,

DEBOUTE la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par monsieur Guerric HÉNON, président de chambre et par Céline PAPEGAY greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 23/02509
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.02509 ?
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