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25/06/2024 | FRANCE | N°23/02477

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 25 juin 2024, 23/02477


ARRÊT N° /2024

SS



DU 25 JUIN 2024



N° RG 23/02477 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FIXH







Pole social du TJ d'EPINAL

22/00227

08 novembre 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANTE :



Madame [Z] [C] [M] [W]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]>


Représentée par Maître Emmanuelle LARRIERE, avocat au barreau d'EPINAL

substituée par Maître Virginie COUSIN, avocat au barreau de NANCY





INTIMÉE :



Groupement MDPH 88, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]



Dispensée d...

ARRÊT N° /2024

SS

DU 25 JUIN 2024

N° RG 23/02477 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FIXH

Pole social du TJ d'EPINAL

22/00227

08 novembre 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

Madame [Z] [C] [M] [W]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître Emmanuelle LARRIERE, avocat au barreau d'EPINAL

substituée par Maître Virginie COUSIN, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Groupement MDPH 88, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]

Dispensée de comparaitre

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Mme Catherine BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Madame Céline PAPEGAY (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 15 Mai 2024 tenue par Madame Catherine BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HÉNON, président, Dominique BRUNEAU et [Z] BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 25 Juin 2024 ;

Le 25 Juin 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [Z] [W] est née le 7 janvier 1972.

Par décision du 24 juin 2021, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) lui a attribué la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

Par demande reçue à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Vosges le 25 février 2022, madame [Z] [W] a sollicité une réévaluation de ses droits.

Par décision du 16 juin 2022, le président du conseil départemental des Vosges lui a accordé une carte mobilité inclusion.

Par courrier du 6 juillet 2022, madame [Z] [W] a sollicité de la MDPH une notification de décision relative à l'allocation aux adultes handicapés (AHH).

Par courrier du 28 juillet 2022, la MDPH a accusé réception de ce courrier constituant un recours gracieux à l'encontre d'une décision de la CDAPH du 16 juin 2022 concernant la non-attribution de l'AAH.

Par décision du 8 septembre 2022, la CDAPH a rejeté son recours, au motif que son autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne ce qui correspond à un taux d'incapacité égal ou supérieur à 50% et inférieur à 80% sans restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi.

Le 2 novembre 2022, madame [Z] [W] a saisi le tribunal judiciaire d'Epinal d'un recours à l'encontre de cette décision.

Par jugement RG 22/227 du 1er mars 2023, le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal a déclaré recevable le recours de madame [Z] [W] et a ordonné une expertise médicale, confiée au docteur [S] [O], aux fins de déterminer le taux d'incapacité de madame [W] et indiquer ses restrictions médicales à l'emploi.

Le docteur [S] [O] a déposé son rapport d'expertise le 17 mai 2023 et a conclu à un taux d'incapacité compris entre 50 et 80 %, sans restriction substantielle et durable à l'emploi.

Par jugement RG 22/227 du 8 novembre 2023, le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal a :

- dit que madame [Z] [W] ne remplit pas les conditions d'attribution de la prestation sollicitée

- débouté madame [Z] [W] de sa demande

- confirmé la décision du 16 juin 2022 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées

- rappelé qu'en application de l'article L. 142-11 du code de la sécurité sociale, modifié par la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 entrée en vigueur le 1er janvier 2022, les frais résultant des « consultations et expertises ordonnées par les juridictions compétentes dans le cadre des contentieux mentionnés aux 1° et 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l'article L. 142-1 sont pris en charge par l'organisme mentionné à l'article L. 221-1 »

- condamné madame [Z] [W] aux dépens.

Par acte du 24 novembre 2023, madame [Z] [W] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 15 mai 2024 à laquelle la MDPH des Vosges a été dispensée de comparaître.

PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [Z] [W], représentée par son avocat, a repris ses conclusions reçues au greffe par voie électronique le 19 avril 2024 et a sollicité ce qui suit :

- déclarer recevable et bienfondé l'appel interjeté par madame [W] à l'encontre du jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal le 8 novembre 2023

Y faisant droit

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' dit que madame [W] ne remplit pas les conditions d'attribution de la prestation sollicitée

' débouté madame [W] de sa demande

' confirmé la décision du 16 juin 2022 de la CDAPH

' condamné madame [W] aux entiers dépens

Et statuant à nouveau,

- juger que madame [W] présente un taux d'incapacité au moins égal à 50 %, ainsi qu'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi

En conséquence,

- infirmer la décision rendue le 9 septembre 2022 par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées

- juger que madame [W] peut prétendre au bénéfice de l'allocation adulte handicapé

- condamner la MDPH 88 à verser à madame [W] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la MDPH 88 aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions conclusions reçues au greffe le 24 avril 2024, la maison départementale des personnes handicapées des Vosges a sollicité ce qui suit :

- rejeter la requête de l'appelante, madame [W], et confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Epinal le 8 novembre 2023 en toutes ses dispositions

- la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- confirmer la décision de la CDAPH du 16 juin 2022 refusant l'octroi de l'AAH à madame [W].

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience par l'appelante et régulièrement communiquées avant l'audience par l'intimée.

L'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'attribution d'une allocation à adulte handicapé

Aux termes des articles L821-1 et D821-1 du code de la sécurité sociale, toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les collectivités mentionnées à l'article L751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et dont l'incapacité permanente est au moins égale à 80% perçoit, dans les conditions prévues au titre 2 du livre 8 dudit code, une allocation aux adultes handicapés.

Aux termes des articles L821-2 et D821-1 du code de la sécurité sociale, l'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes : son incapacité permanente est supérieure ou égale à 50 % et la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par l'article D821-1-2.

Aux termes de l'article D821-1-2 du même code, pour l'application des dispositions du 2° de l'article L821-2, la restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi subie par une personne handicapée qui demande à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés est appréciée ainsi qu'il suit :

1° La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre, du fait de son handicap même, des difficultés importantes d'accès à l'emploi. A cet effet, sont à prendre en considération :

a) Les déficiences à l'origine du handicap

b) Les limitations d'activités résultant directement de ces mêmes déficiences

c) Les contraintes liées aux traitements et prises en charge thérapeutiques induits par le handicap

d) Les troubles qui peuvent aggraver ces déficiences et ces limitations d'activités.

Pour apprécier si les difficultés importantes d'accès à l'emploi sont liées au handicap, elles sont comparées à la situation d'une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d'accès à l'emploi.

2° La restriction pour l'accès à l'emploi est dépourvue d'un caractère substantiel lorsqu'elle peut être surmontée par le demandeur au regard :

a) Soit des réponses apportées aux besoins de compensation mentionnés à l'article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi sans constituer des charges disproportionnées pour la personne handicapée ;

b) Soit des réponses susceptibles d'être apportées aux besoins d'aménagement du poste de travail de la personne handicapée par tout employeur au titre des obligations d'emploi des handicapés sans constituer pour lui des charges disproportionnées ;

c) Soit des potentialités d'adaptation dans le cadre d'une situation de travail.

3° La restriction est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à compter du dépôt de la demande d'allocation aux adultes handicapés, même si la situation médicale du demandeur n'est pas stabilisée. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

4° Pour l'application du présent article, l'emploi auquel la personne handicapée pourrait accéder s'entend d'une activité professionnelle lui conférant les avantages reconnus aux travailleurs par la législation du travail et de la sécurité sociale.

5° Sont compatibles avec la reconnaissance d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi :

a) L'activité à caractère professionnel exercée en milieu protégé par un demandeur admis au bénéfice de la rémunération garantie mentionnée à l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles ;

b) L'activité professionnelle en milieu ordinaire de travail pour une durée de travail inférieure à un mi-temps, dès lors que cette limitation du temps de travail résulte exclusivement des effets du handicap du demandeur ;

c) Le suivi d'une formation professionnelle spécifique ou de droit commun, y compris rémunérée, résultant ou non d'une décision d'orientation prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 241-5 du code de l'action sociale et des familles.

En l'espèce, madame [Z] [W] fait valoir qu'elle souffre de multiples pathologies, à savoir notamment une maladie invalidante entraînant des douleurs sur l'ensemble du corps au niveau musculaire et articulaire, lui occasionnant des insomnies, une maladie génétique entraînant des difficultés dans les mouvements demandant précision et dextérité manuelle, une problématique au niveau dorsal, des douleurs au niveau de l'estomac en raison d'une problématique anxieuse, une problématique au niveau des genoux et une apnée du sommeil appareillée, un syndrome dépressif.

Elle fait également valoir qu'elle n'a pas de diplômes, a eu six enfants et n'a pas travaillé de 1999 à 2019, est âgée de 50 ans et s'est vu accorder la qualité de travailleur handicapé. Elle ajoute qu'elle travaille régulièrement depuis 2021 pour la mairie de [Localité 4] en tant qu'agent de restauration ou animatrice périscolaire pour 14h45 hebdomadaires. Elle indique qu'un ergonome a établi en 2021 les restrictions induites par ses pathologies et a étudié ses trois projets professionnels, qui nécessitent des aménagements qui constituent des freins sur le marché de l'emploi.

Elle fait enfin valoir qu'elle conteste les conclusions de l'expert puisqu'il ne tient pas compte du syndrome dépressif pour lequel elle est traitée et de sa maladie génétique, ni du fait que les aménagements nécessaires du poste de travail sont un frein sur le marché de l'emploi.

La maison départementale des personnes handicapées des Vosges fait valoir que la seule existence de pathologies n'a pas nécessairement de conséquences quant à la capacité d'exercer un emploi. Elle ajoute qu'il appartient au demandeur de démontrer la restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi (RSDAE) qu'il aurait rencontrée en produisant des documents attestant d'essais ou tentatives d'activités salariales qui auraient échoué en raison de son état de santé.

Elle précise que trois professionnels de santé ont conclu à l'absence de RSDAE en raison des pathologies de madame [W] et que l'ergonome n'a envisagé que ses projets professionnels et aucun élément ne prouve que les recommandations émises pour ces postes pourraient être un frein sur le marché de l'emploi.

Un taux d'incapacité compris entre 50 et 79% sans restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi (RSDAE) a été attribué à madame [Z] [W] par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.

Madame [Z] [W] ne conteste pas ce taux, de telle sorte qu'il lui appartient d'apporter la preuve de l'existence d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.

A titre liminaire, il convient de rappeler d'une part que la RSDAE doit être appréciée au jour de la demande d'AAH et d'autre part que l'existence de multiples pathologies est insuffisante pour apporter la preuve de la restriction, qui n'existe que s'il existe une difficulté importante d'accès à l'emploi exclusivement due au handicap.

Le docteur [S] [O], expert désigné par les premiers juges, a clairement conclu à l'absence de restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi au motif que madame [W] est « capable d'occuper tout emploi ne justifiant pas de port répété de charges et pouvant alterner les positions debout et assise », après avoir rappelé qu'elle était autonome pour l'ensemble des actes de la vie quotidienne et que quelques troubles attentionnels et des troubles épisodiques du sommeil ne constituent pas un frein à une quelconque activité professionnelle.

L'expert a également relevé qu'aux termes du rapport du cabinet d'ergonomie, un travail en périscolaire comme animatrice ou surveillante en collège ou lycée est envisageable. En effet, la nécessité d'aménagements d'un poste de travail ne peut caractériser une RSDAE que lorsque ces aménagements constituent une charge disproportionnée pour l'employeur, ce que madame [W] ne prétend pas.

Bien plus, madame [W] travaille ou travaillait régulièrement en qualité d'agent technique territorial contractuel à la commune de [Localité 4], dans un service de restauration scolaire, notamment du 1er septembre 2022 au 21 octobre 2022, et si son temps de travail hebdomadaire était inférieur à un mi-temps, aucun élément du dossier ne permet de dire que cette durée était en lien avec son handicap.

Enfin, madame [W] ne caractérise aucun manquement de l'expert dans l'exercice de sa mission. Si elle prétend qu'il n'a pas tenu compte de son syndrome dépressif et de sa maladie génétique, il convient de relever que son avocat a adressé un dire à expert concernant ces pathologies, que l'expert a répondu à ce dire, qu'il a expressément mentionné dans son rapport l'ensemble des traitements médicamenteux, des pathologies et des doléances de madame [W], a réalisé un examen clinique et a notamment indiqué qu'elle ne fournissait aucun document quant à sa maladie génétique et qu'elle ne présentait aucun trait dépressif ni trouble de la compréhension.

Au vu de ce qui précède, madame [W] n'apporte aux débats aucun élément objectif permettant de contester les conclusions de l'expert.

Dès lors, elle sera déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Madame [Z] [W] succombant, elle sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement RG 22/227 du 8 novembre 2023 du pôle social du tribunal judiciaire d'Epinal en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE madame [Z] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE madame [Z] [W] aux entiers dépens d'appel

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par monsieur Guerric HENON, président de chambre et par, Céline PAPEGAY ,greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en sept pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 23/02477
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.02477 ?
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