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25/06/2024 | FRANCE | N°23/01573

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 25 juin 2024, 23/01573


ARRÊT N° /2024

SS



DU 25 JUIN 2024



N° RG 23/01573 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGWF







Pole social du TJ de NANCY

21/107

05 avril 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1









APPELANTE :



Etablissement Public CAF DE MEURTHE ET MOSELLE prise en la personne de son reprÃ

©sentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Monsieur [V], régulièrement muni d'un pouvoir de représentation







INTIMÉ :



Monsieur [G] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandrine BOUDET, substituté par Me JACQUIN, avocats au barreau d...

ARRÊT N° /2024

SS

DU 25 JUIN 2024

N° RG 23/01573 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGWF

Pole social du TJ de NANCY

21/107

05 avril 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

Etablissement Public CAF DE MEURTHE ET MOSELLE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Monsieur [V], régulièrement muni d'un pouvoir de représentation

INTIMÉ :

Monsieur [G] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandrine BOUDET, substituté par Me JACQUIN, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Monsieur BRUNEAU

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Madame PAPEGAY (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 14 Mai 2024 tenue par Monsieur BRUNEAU, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 25 Juin 2024 ;

Le 25 Juin 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

Faits, procédure, prétentions et moyens

Selon formulaire du 6 février 2019, M. [G] [E], se déclarant sans revenu au cours des 12 derniers mois, a sollicité de la Maison Départementale des Personnes Handicapées le bénéfice de l'Allocation aux Adultes Handicapés (AAH).

Il a perçu l'AAH à compter du 1er mars 2019, servie par de la CAF de Meurthe-et-Moselle (ci-après dénommée la CAF).

La CAF a procédé à un contrôle de sa situation et lui a réclamé par courrier du 7 octobre 2020 différents justificatifs de revenus.

Par courrier du 6 novembre 2020, la CAF l'a informé du changement de ses droits, compte tenu de la pension de retraite qu'il percevait depuis le 1er juillet 2016, à compter du 1er mars 2019, et lui a réclamé un indu d'un montant de 13 603,61 euros correspondant à un trop perçu d'AAH et de RSA.

Le 2 décembre 2020, M. [G] [E] a sollicité du président de la commission de recours amiable de la CAF une remise de dettes et la reprise de ses versements AAH et RSA.

Par décision du 15 mars 2021, ladite commission a rejeté sa demande.

Le 20 avril 2021, M. [G] [E] a sollicité le versement de son AAH devant le pôle social du tribunal judiciaire de Nancy.

Par jugement du 30 juin 2023, le tribunal a :

- déclaré le recours de M. [G] [E] recevable,

- débouté la CAF de Meurthe-et-Moselle de ses demandes,

- dit non fondé l'indu réclamé par la CAF de Meurthe-et-Moselle,

- condamné la CAF de Meurthe-et-Moselle à rembourser à M. [G] [E] les sommes perçues en remboursement de cet indu,

- ordonné à la CAF de Meurthe-et-Moselle, en tant que de besoin l'y condamner, à verser à M. [G] [E] l'AAH litigieuse omise et ce depuis la date à laquelle il en a été privé,

- condamné la CAF de Meurthe-et-Moselle aux dépens de l'instance.

Par acte du 17 juillet 2023, la CAF a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions reçues au greffe le 18 octobre 2023, la CAF demande à la cour de :

- infirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Nancy ' pôle social du 30 juin 2023,

- déclarer irrecevable le recours de M. [E],

- juger bien fondé l'indu notifié à M. [E] par la CAF de Meurthe-et-Moselle,

- condamner M. [E] au remboursement du solde de sa dette d'AAH qui s'élève à 10 646,75 euros,

- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

- reconventionnellement, condamner M. [E] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions notifiées par RPVA le 19 février 2024, M. [G] [E] demande à la cour de :

A titre principal

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- DECLARE le recours de M. [G] [E] recevable,

- DEBOUTE la CAF de Meurthe-et-Moselle de ses demandes,

- DIT non fondé l'indu réclamé par la CAF de Meurthe-et-Moselle,

- CONDAMNE la CAF de Meurthe-et-Moselle à rembourser à M. [E] [G] les sommes perçues en remboursement de cet indu,

- ORDONNE la CAF de Meurthe-et-Moselle, en tant que de besoin l'y condamne, à verser à M. [G] [E] l'AAH litigieuse omise et ce depuis la date à laquelle il en a été privé,

- CONDAMNE la CAF de Meurthe-et-Moselle aux dépens de l'instance.

- débouter la CAF de l'ensemble de ses demande, fins et prétentions,

A titre subsidiaire

- lui accorder les plus larges délais de paiement,

- statuer sur les dépens comme en matière d'aide juridictionnelle.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l'audience ou invoquées par les parties dispensées de comparution.

Motifs

1/ Sur la recevabilité de la demande :

La caisse fait valoir que l'intéressé n'a à aucun moment contesté l'indu qui lui a été notifié car ayant formulé une demande de remise de dette et la reprise des versements pour les mêmes raisons, il s'ensuit que ce faisant, elle a reconnu la dette faisant l'objet de l'indu, rendant irrecevable toute contestation de celle-ci.

Cependant, il convient de relever que si le lettre de saisine de la commission de recours amiable comporte une demande de remise de dette, il convient également de constater que celle-ci est également assortie d'une demande de reprise des versements de l'AAH qui lui est servie sans qu'aucun élément résultant de ce courrier ne puisse établir que cette demande de reprise de versement soit réalisée sur une autre base que celle de l'allocation qui lui était servie auparavant.

De même les explications contenues dans le courrier qui portent essentiellement sur la situation de l'intéressé, les conditions d'entrée en jouissance de la pension de retraite servie par la Caisse national des retraites d'Algérien, de non exportabilité de celle-ci, d'information de la CAF et de la réaction de celle-ci n'apparaissent nullement comporter d'expression de reconnaissance de dette dont la demande de remise formulée dans ces conditions présente un caractère ambigu pouvant s'entendre comme une demande d'annulation.

Il s'ensuit que le recours formé par l'intéressé est recevable.

2/ Sur la contestation de la notification d'indu et la demande de reprise des versements :

Il résulte de l'article L. 821-1 du code de sécurité sociale que toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les collectivités mentionnées à l'article L. 751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés.

Il résulte de ce même texte que le droit à l'allocation aux adultes handicapés est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre, au titre d'un régime de sécurité sociale, d'un régime de pension de retraite ou d'une législation particulière à un avantage de vieillesse et que ce le montant de cette allocation est soumis à la condition de prendre en compte les ressources dont dispose l'intéressé selon les conditions énoncés par ce texte et celles des articles R. 821-4 et suivants du code de sécurité sociale.

Cette allocation aux adultes handicapés, servie en exécution d'une obligation nationale destinée à garantir un minimum de revenu et subordonnée à un plafond de ressources de l'intéressé et, le cas échéant, de son conjoint, constitue essentiellement une prestation d'assistance (2e Civ., 14 mars 2002, pourvoi n° 00-12.716, Bulletin civil 2002, II, n° 47).

La convention générale de sécurité sociale entre la France et l'Algérie du 1er octobre 1980, pose en son article 1er un principe d'égalité de traitement en ce que les travailleurs français ou algériens, exerçant en Algérie ou en France une activité salariée assimilée à une activité salariée, sont soumis respectivement aux législations de sécurité sociale, applicables en Algérie ou en France et en bénéficient, ainsi que leurs ayants droit, dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces États.

Plus particulièrement en ce qui concerne l'assurance vieillesse, ce même accord pose en son article 26 un principe de levée des clauses de résidences en ce que lorsque, pour l'octroi de prestations de vieillesse à caractère contributif ou pour l'accomplissement de certaines formalités, la législation de l'un des États contractants oppose aux travailleurs étrangers des conditions de résidence sur le territoire de cet État, celles-ci ne sont pas opposables aux bénéficiaires de la présente Convention résidant sur le territoire de l'autre État.

L'article 33 de ce même accord concernant le paiement des pensions de vieillesse précise que les travailleurs, ressortissants de l'une ou l'autre des Parties contractantes, titulaires d'une prestation de vieillesse au titre de la législation d'une Partie bénéficient de cette prestation lorsqu'ils résident sur le territoire de l'autre Partie.

Par ailleurs, il convient de souligner que l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres et la République Algérienne démocratique et populaire du 22 avril 2002 pose un principe de non-discrimination en son article 68 relatif dont il résulte que les travailleurs de nationalité algérienne et les membres de leur famille résidant avec eux bénéficient, dans le domaine de la sécurité sociale, d'un régime caractérisé par l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport aux propres ressortissants des États membres dans lesquels ils sont occupés.

L'article 69 de ce même accord précise que les dispositions du présent chapitre au nombre desquels figure l'article 68 sont applicables aux ressortissants de l'une des parties qui résident ou travaillent légalement sur le territoire du pays d'accueil.

*-*-*

La CAF fait valoir que l'article L. 821-1 est sans équivoque en ce que le droit à l' AAH doit tenir compte de toute les pensions perçues par le bénéficiaire et ne saurait se limiter aux seules pensions servies sur le territoire national. Il s'ensuit que le premier juge ayant considéré que l'intéressé ne dispose pas réellement des pensions perçues en raison de la non-exportabilité du dinar a violé l'article L. 821-1 du code de sécurité sociale. De plus en se limitant à la réelle perception de la pension en cause sur le territoire national, le premier juge ne prend pas en compte la faculté pour l'intéressé d'en disposer lors de ses différents voyages en Algérie. Cette application est consacrée par la jurisprudence ( Soc. 11 janvier 1996, n° 93-20.928, Ca Paris 9 septembre 2022). La pension en cause doit donc entrer dans le calcul de l'AAH de l'intéressé, lequel n'a informé la CAF de son droit à retraite qu'à compter de septembre 2020 alors qu'il en bénéficiait depuis 2016, alors qu'il était tenu d'infirmer de toutes informations relatives à sa situation en application de l'article R. 821-4-5 du code de sécurité sociale. La CAF ne saurait être tenu responsable de ce manquement.

*

L'intéressé fait valoir qu'en août 2019, son épouse qui est restée en Algérie lui a fait parvenir un document daté du 16 juillet 2020 émanant de la Caisse Nationale des Retraites ' Agence locale de Bouira ' Algérie, selon lequel depuis le 1er juillet 2016, une pension de retraite lui était servie d'un montant mensuel de 129.494,90 dinars, ce qu'il ignorait parfaitement jusque-là. Cette pension est versée sur un compte de la Banque Postale d'Algérie ' agence d'Alger ' compte1209053-28 sur lequel son épouse dispose d'une procuration. Cet argent sert strictement à l'entretien de l'épouse de Monsieur [G] [E] et de leur fille étudiante en Algérie. Monsieur [G] [E] n'a jamais perçu un seulement centime de cette pension, la loi algérienne interdisant formellement la sortie de dinars du pays. Le 07 septembre 2019, Monsieur [G] [E] a en toute loyauté déclaré à la CAF l'existence de cette pension de retraite dont il ignorait jusque lors être bénéficiaire. Il ne peut percevoir sa retraite dès lors que dinar algérien n'étant pas exportable en France.

*-*-*

Au cas présent, il convient de relever que le service d'une pension par la Caisse nationale de retraite d'Algérie au profit de l'intéressé à compter du 1er juillet 2016 et pour un montant fixé le 16 juillet 2020 à 129 494,90 dinars algériens est attesté par les décomptes et l'attestation de revenu produits aux débats.

Au regard des dispositions applicables qui ont été rappelées, il y a lieu de prendre en considération pour la détermination du montant de l'AAH et compte tenu de la finalité de cette allocation, les ressources dont dispose l'intéressé et non pas celle dont cellui-ci pourrait théoriquement disposer.

Si l'intéressé expose qu'il ne peut percevoir sa retraite dès lors que le dinar algérien n'est pas exportable en France, il convient cependant de relever qu'il ne justifie pas de l'impossibilité effective de pouvoir disposer de cette retraite sous une forme ou sous une autre.

Au contraire, il résulte de ses propres explications que cette retraite, d'un montant correspondant à 800 euros par mois selon les propres explications de l'intéressé figurant dans la lettre de saisine de la commission de recours amiable, est versée sur un compte postal dont il est titulaire ainsi qu'il résulte de ses propres explications.

Si l'intéressé expose qu'il n'a jamais perçu cette pension en France, cette circonstance est indifférente dès lors qu'il admet que cette pension est utilisée par son épouse qui a procuration sur ce compte et que l'affectation de ces sommes à l'entretien de la partie de sa famille restée en Algérie n'en constitue pas moins une source de revenu qui lui est procurée et dont il dispose pour contribuer à l'entretien de sa famille et ne se trouve pas dans l'obligation d'y pourvoir en mobilisant d'autres ressources.

Il convient en conséquence de rejeter la contestation de l'intéressé, qui par ailleurs ne formule aucune observation quant à la reprise des versements ni ne conteste les explications de la caisse quant au-delà du montant servi jusqu'en juillet 2021 et quant à l'impossibilité d'un service de l'allocation considérée au mois d'aout 2021 compte tenu de l'âge de l'intéressé.

Enfin, si l'intéressé expose solliciter les plus larges délais force est cependant de constater qu'il ne formule aucune proposition et ne produit pas d'élément propre à établir sa situation financière actuelle, de sorte qu'il convient de rejeter en l'état cette demande.

3/ Sur les mesures accessoires

L'intéressé qui succombe sera condamné aux dépens sans qu'il ne soit nécessaire de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nancy en ce qu'il a déclaré le recours de M. [E] recevable ;

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et dans cette limite,

Rejette le recours de M. [E] ;

Condamne M. [E] à payer à la caisse d'allocations familiales de Meurthe et Moselle la somme de à 10 646,75 euros au titre du solde restant dû de la notification d'un indu d'allocations d'adultes handicapés du 6 novembre 2020 d'un montant initial de 13 603,61 euros ;

Condamne M. [E] aux dépens ;

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en sept pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-1ère sect
Numéro d'arrêt : 23/01573
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.01573 ?
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