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20/06/2024 | FRANCE | N°23/02023

France | France, Cour d'appel de Nancy, 2ème chambre, 20 juin 2024, 23/02023


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° /24 DU 20 JUIN 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/02023 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHW2

Jonction par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 03 avril 2024 avec la procédure référencée : N° RG 23/02024 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHW4



Décision déférée à la cour :

jugement du tribunal judiciaire d

e NANCY, R.G. n° 19/00511, en date du 17 août 2022,



APPELANTE :

Madame [T] [R],

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 5] (54), domiciliée [Adre...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /24 DU 20 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/02023 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHW2

Jonction par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 03 avril 2024 avec la procédure référencée : N° RG 23/02024 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHW4

Décision déférée à la cour :

jugement du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 19/00511, en date du 17 août 2022,

APPELANTE :

Madame [T] [R],

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 5] (54), domiciliée [Adresse 2]

Représentée par Me Maxime JOFFROY de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉES :

S.A. PACIFICA

Société anonyme, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 352358865, ayant son siège social [Adresse 3]

Représentée par Me Joëlle FONTAINE de l'AARPI MILLOT-LOGIER, FONTAINE & THIRY, avocat au barreau de NANCY

La CPAM DE MEURTHE ET MOSELLE,

dont le siège social est [Adresse 4]

Non représentée bien que la déclaration d'appel et les conclusions lui aient été régulièrement signifiées à personne morale par acte de Me Nadège GEORGES-WERNERT, commissaire de justice à [Localité 5] en date du 13 novembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, chargé du rapport,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;

A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 20 Juin 2024, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Mme [T] [R] a été victime d'un accident de la circulation le 11 octobre 2012 alors qu'elle circulait au volant de son véhicule : le véhicule conduit par M. [L] [C], assuré auprès de la compagnie d'assurances Pacifica, est venu heurter le sien à l'arrière.

S'agissant d'un accident de trajet pour Mme [R], cet accident a été pris en charge dans le cadre de la législation sur les risques du travail.

Mme [R] été placée en arrêt de travail et a bénéficié de divers soins et traitements, dont une kinésithérapie, et une prise en charge psychologique. En outre, deux IRM réalisées les 3 décembre 2012 et 11 février 2013 ont révélé la présence d'un syndrome de la jonction dorso-lombaire avec hernie discale épidurale antéro-latérale droite sans anomalie de signal médullaire, ainsi que des signes de discopathie.

Mme [R] a perçu à titre d'avance de son assureur une indemnité provisionnelle d'un montant total de 4 400 euros, mais elle a refusé l'offre d'indemnisation à titre définitif qui lui a été présentée.

C'est ainsi que par acte d'huissier en date du 17 février 2016, Mme [R] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nancy d'une demande de provision et d'expertise médicale.

Par ordonnance en date du 29 mars 2016, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise médicale, et a désigné le professeur [B] pour la réaliser. Il a en revanche rejeté la demande de provision.

Dans son rapport en date du 3 octobre 2016, le professeur [B] a conclu que l'état de santé de Mme [R] n'était pas consolidé.

Par suite, par actes d'huissier en date des 25 et 27 octobre 2016, Mme [R] a fait délivrer une nouvelle assignation en référé à la compagnie d'assurances Pacifica, aux fins de voir :

- commettre à nouveau le professeur [B] en lui demandant de procéder à une nouvelle expertise dans le courant de l'été 2017,

- autoriser le professeur [B] à s'adjoindre en tant que de besoin tout sapiteur en neurologie ou en psychiatrie,

- condamner en l'état la compagnie Pacifica solidairement avec son assuré à régler à Mme [R] une indemnité provisionnelle complémentaire de 16 000 euros à valoir sur ses préjudices,

-condamner la compagnie Pacifica et son assuré à rembourser à Mme [R] les frais de la première expertise médicale du professeur [B] (1 200 euros) ainsi qu'à prendre en charge les frais de la nouvelle expertise,

- les condamner au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer le jugement à intervenir opposable à la CPAM de [Localité 5],

- condamner la compagnie Pacifica et son assuré en tous les dépens de la première procédure de référé et de la seconde procédure.

Par ordonnance en date du 3 janvier 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nancy a ordonné une nouvelle expertise judiciaire confiée au professeur [B] et pour le surplus, a rejeté la demande de provision de Mme [R] ainsi que sa demande de remboursement des frais de la première expertise.

L'expert a déposé un nouveau rapport d'expertise médicale en date du 17 octobre 2017 dont les conclusions sont les suivantes :

- existence d'un lien direct et certain entre le traumatisme initial et l'état séquellaire,

- déficit fonctionnel temporaire :

- gêne temporaire partielle de 25% du 11 octobre 2012 au 31 décembre 2012

- gêne temporaire partielle de 15% du 1er janvier 2013 au 21 juin 2016,

- gêne temporaire partielle de 10% du 22 juin 2016 au 24 février 2017,

- aide par une tierce personne temporaire familiale :

- pendant la période de déficit fonctionnel temporaire de 25% : 3 heures par semaine,

- pendant la période de déficit fonctionnel temporaire de 15% : 2 heures par semaine,

- pendant la période de déficit fonctionnel temporaire de 10% : 1 heure par semaine,

- consolidation : 24 février 2017,

- souffrances endurées : 2,5/7,

- déficit fonctionnel permanent : 7%,

- pas d'assistance par une tierce personne après consolidation,

- incidence professionnelle : aptitude à reprendre une activité professionnelle avec des restrictions qui sont la limitation des stations debout prolongées et l'absence de port de charge,

- préjudice sexuel : oui, positionnel.

A la suite du dépôt par l'expert de son rapport d'expertise, la compagnie d'assurances Pacifica a adressé une offre d'indemnisation à titre définitif en date du 28 décembre 2017 à Mme [R], qui l'a refusée.

C'est dans ces conditions que, par actes d'huissier en date des 17 et 18 janvier 2019, Mme [R] a assigné la société Pacifica et la CPAM 54 devant le tribunal de grande instance de Nancy pour obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi.

Mme [R] a demandé au tribunal de :

À titre principal :

- condamner la compagnie d'assurances Pacifica à lui verser les sommes suivantes dont à déduire les provisions versées pour un total de 4 400 euros :

- 642,42 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

- 7 571,08 euros au titre des frais divers,

- 7 065 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 8 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 6 960 euros au titre de l'aide humaine temporaire,

- 16 356,57 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

- 5 052,01 euros au titre des dépenses de santé futures,

- 14 350 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 709 650,60 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 70 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- 3 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À titre subsidiaire :

- condamner la compagnie d'assurances Pacifica à lui verser les sommes suivantes dont à déduire les provisions versées pour un total de 4 400 euros :

- 642,42 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

- 7 571,08 euros au titre des frais divers,

- 7 065 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 8 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 6 960 euros au titre de l'aide humaine temporaire,

- 16 356,57 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

- 5 052,01 euros au titre des dépenses de santé futures,

- 14 350 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 547 270,02 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 232 380,58 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- 3 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause,

- condamner la compagnie Pacifica aux entiers dépens,

- déclarer commun et opposable à la Caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle le jugement à venir.

La société Pacifica a demandé au tribunal de :

- liquider comme suit les préjudices subis du fait de l'accident survenu le 11 octobre 2012 dont Mme [R] a été la victime, dont à déduire la provision de 4 400 euros perçue par Mme [R] :

- dépenses de santé actuelles : 327,04 euros,

- frais divers : 3 000 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 5 416,5 euros,

- souffrances endurées : 3 200 euros,

- aide tierce personne avant consolidation : 5 655 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 6 177,59 euros,

- perte de gains actuels : 4 094,47 euros,

- perte de gains professionnels futurs : 0 euros,

- incidence professionnelle : 10 000 euros,

- débouter Mme [R] de sa demande au titre des frais divers, des dépenses de santé futures, du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel,

- débouter Mme [R] de toutes demandes plus amples ou contraires,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par jugement en date du 17 août 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- déclaré la société Pacifica tenue d'indemniser Mme [R] pour l'ensemble des préjudices qu'elle a subis découlant de l'accident de la circulation en date du 11 octobre 2012 dont elle a été victime,

- sursis à statuer sur l'indemnisation sollicitée par Mme [R] au titre des postes de préjudice suivants : dépenses de santé actuelles, frais divers y compris l'assistance temporaire par une tierce personne, pertes de gains professionnels actuels, dépenses de santé futures, déficit fonctionnel permanent, pertes de gains professionnels futurs et incidence professionnelle jusqu'à production :

- par la CPAM de Meurthe-et-Moselle, du décompte récapitulatif des prestations, en relation avec l'accident de la circulation en date du 11 octobre 2012, qu'elle a servies et qu'elle sera amenée à servir à Mme [R],

- par Mme [R] du décompte récapitulatif des prestations, en relation

avec l'accident de la circulation en date du 11 octobre 2012, que son organisme mutuel lui a servies et qu'il sera amené à lui servir,

- ordonné en tant que de besoin à la CPAM de Meurthe-et-Moselle de produire au tribunal le décompte susvisé,

- condamné la société Pacifica à verser à Mme [R] la somme de 8 694 euros à titre de dommages et intérêts, déduction étant faite de l'indemnité provisionnelle de 4 400 euros qu'elle a perçue, se répartissant ainsi :

- déficit fonctionnel temporaire : 6 594 euros,

- souffrances endurées : 5 000 euros,

- préjudice sexuel : 1500 euros,

- débouté Mme [R] de la demande de réparation qu'elle a formée au titre du

préjudice d'agrément qu'elle aurait subi,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- réservé l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- déclaré le présent jugement commun à la CPAM de Meurthe et Moselle,

- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état électronique en date du 27 septembre 2022.

Par déclaration au greffe en date du 22 septembre 2023, Mme [R] a interjeté appel en sollicitant l'infirmation de ce jugement rendu le 17 août 2022 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice d'agrément et en ce qu'il a condamné la société Pacifica à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des souffrances endurées et la somme de 1 500 euros au titre du préjudice sexuel.

Parallèlement, sur avis de son médecin conseil, la Caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle a estimé, à la date du 12 mai 2014, que son état de santé était consolidé et permettait la reprise d'une activité professionnelle à temps plein.

Par décision du 6 octobre 2014, la Caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle lui a attribué un taux d'IPP de 7% dont 5% correspondant au taux médical et 2% au taux professionnel.

Mme [R] a été examinée par le médecin du travail dans le cadre d'une visite de reprise. Le 26 mai 2014, ce dernier l'a déclarée définitivement inapte à son poste de travail mais apte à un poste sans port de charges et sans station debout prolongée.

Le 11 juin 2014, Mme [R] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par son employeur.

Le 3 octobre 2014, elle a adressé à la Caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle un certificat médical mentionnant un état de rechute.

Le 7 juillet 2015, la Caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle a informé Mme [R] de ce que le médecin conseil retenait l'absence de relation de cause à effet entre l'accident initial et les lésions médicalement constatées à l'origine du nouvel arrêt de travail.

A la demande de Mme [R], une nouvelle expertise médicale amiable a été réalisée le 24 novembre 2015. A l'issue de cette expertise, le Dr [J] a confirmé l'avis du médecin-conseil.

Mme [R] a saisi la commission de recours amiable qui a rejeté sa contestation le 9 mars 2016.

Mme [R] a saisi le 11 avril 2016 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy aux fins de contester cette décision de rejet.

Par jugement rendu le 2 mai 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy a ordonné avant dire droit une nouvelle mesure d'expertise médicale et a sursis à statuer pour le surplus des demandes.

Le rapport d'expertise judiciaire du docteur [D] du 8 juin 2018 a reconnu un lien de causalité certain entre l'accident de trajet du 11 octobre 2012 et les troubles invoqués le 3 novembre 2014, ce qui a conduit la Caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle à reconnaître l'existence d'une rechute au 3 novembre 2014, consolidée à la date du 24 février 2017.

Par décision du 3 octobre 2017, la MDPH a alloué à Mme [R] l'allocation aux adultes handicapés (AAH), retenant un taux d'incapacité supérieur à 80%.

Un nouvel examen de Mme [R] a été réalisé le 21 juillet 2017 et le rapport définitif d'expertise médicale du professeur [B] a été déposé le 20 novembre 2017.

Au terme de ce rapport, le professeur [B] a fixé la consolidation au 24 février 2017. Il confirme l'existence d'un lien direct et certain entre le traumatisme initial et l'état séquellaire présenté par Mme [R] ; les gênes temporaires sont évaluées comme suit : une gêne temporaire de 25 % du 11 octobre 2012 au 31 décembre 2012, puis de 15 % à compter du 1er janvier 2013 jusqu'au 21 juin 2016, pour la période postérieure il fixe à 10% le déficit fonctionnel temporaire du 21 juin 2016 au 24 février 2017 ; il conclut également sur les évaluations suivantes :

- une aide par tierce personne de 3 h/semaine du 11 octobre 2012 au 31 décembre 2012 puis à hauteur de 2h/semaine du 1er janvier 2013 au 21 juin 2016 et 1h/ semaine du 21 juin 2016 au 24 février 2017,

- des souffrances endurées à hauteur de 2,5/7,

- inaptitude définitive au poste de travail antérieur d'auxiliaire de vie à domicile, Mme [T] [R] pouvant toutefois reprendre une activité professionnelle sans port de charge, ni station debout prolongée,

- déficit fonctionnel permanent : 7%.

Mme [R] ayant refusé l'offre d'indemnisation adressée par la société Pacifica le 28 décembre 2017, elle a assigné cette dernière ainsi que la Caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle devant le tribunal judiciaire de Nancy.

Mme [R] a demandé au tribunal de :

A titre principal, de condamner la compagnie d'assurances Pacifica à lui verser les sommes suivantes :

- 642,42 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

- 7 571 ,08 euros au titre des frais divers,

- 6 960 euros au titre de l'aide humaine temporaire,

- 16 356 ,57 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

- 167,16 euros au titre des dépenses de santé futures,

- 15 785 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 736 192 ,13 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 70 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, si la compensation des droits à retraite st basculé sur l'incidence professionnelle :

- 572 887,12 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 233 305 ,01 euros au titre de l'incidence professionnelle.

La société Pacifica a demandé au tribunal de :

- liquider comme suit les préjudices subis par Mme [R] :

- dépenses de santé actuelles : 327, 04 euros,

- frais divers : 3 000 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : déjà indemnisé (jugement du 17 août 2022),

- souffrances endurées : déjà indemnisé (jugement du 17 août 2022),

- aide tierce personne avant consolidation : 5 655 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 6 177 ,59 euros,

- perte de gains actuel : 4 094,47 euros,

- perte de gains professionnels futurs : 0 euros,

- incidence professionnelle : 10 000 euros,

- débouter Mme [R] de sa demande au titre des frais divers, des dépenses de santé futures, du préjudice d'agrément.

Par jugement en date du 23 août 2023, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- condamné la société Pacifica à payer à Mme [R], avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, la somme de 80 973, 43 euros au titre de dommages et intérêts, se répartissant ainsi :

- 327,04 euros pour les dépenses de santé actuelles,

- 167,16 euros pour les dépenses de santé futures,

- 5 100 euros pour les frais divers,

- 6 960 euros pour l'aide humaine avant consolidation,

- 9 327,23 euros pour les gains professionnels actuels,

- 14 000 euros pour le déficit fonctionnel permanent,

- 45 092 euros pour les pertes de gains professionnels échues après consolidation jusqu'à la date du présent jugement,

- condamné la société Pacifica à payer à Mme [R] au titre de la perte de gains professionnels futurs à compter du présent jugement, une rente d'un montant de 578,11 euros par mois, jusqu'à ce que Mme [R] soit éligible à la retraite ou à la perception de l'allocation de solidarité sur la vieillesse,

- dit que cette somme est payable d'avance, avant le 5 de chaque mois, par mandat ou virement, ou encore en espèces contre reçu, au domicile du créancier, et sans frais pour lui, en sus de toutes prestations sociales auxquelles il pourrait prétendre,

- dit que cette rente sera indexée chaque année sur l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains dont le chef de famille est ouvrier ou employé,

- dit que la révision interviendra le 1er juillet de chaque année, et pour la première fois le 1er juillet 2024, en fonction du dernier indice connu,

- dit que la société Pacifica procédera elle-même à l'indexation de la pension,

- dit que le montant ainsi obtenu sera arrondi à l'unité inférieure,

- débouté Mme [R] de sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Pacifica à payer à Mme [R] la somme de 2 000 euros

en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Pacifica aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration au greffe en date du 22 septembre 2023, Mme [R] a interjeté appel en sollicitant l'infirmation du jugement rendu le 23 août 2023 par le tribunal judiciaire de Nancy en ce qu'il a fixé à 9 327,23 euros ses pertes de gains professionnels actuels, à 14 000 euros le déficit fonctionnel permanent, à 45 092 euros les pertes de gains professionnels futurs échus après consolidation jusqu'à la date du jugement, à 578,11 euros par mois la rente mensuelle au titre de la perte de gains professionnels futurs à compter du jugement avec indexation et révision, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle et en ce qu'il a condamné la société Pacifica à lui verser 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de jonction du 3 avril 2024, le magistrat de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures d'appel.

Par conclusions déposées le 19 février 2024, Mme [R] demande à la cour de:

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 17 août 2022 sous le numéro de RG 19/00511 au titre des dispositions relatives au préjudice d'agrément, aux souffrances endurées et au préjudice sexuel,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 17 août 2022 sous le numéro de RG 19/00511 pour le surplus,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 23 août 2023 sous le numéro de RG 19/0511 au titre des dispositions relatives aux pertes de gains professionnels actuels, au déficit fonctionnel permanent, aux pertes de gains professionnels futurs échus et à échoir, à l'incidence professionnelle et à l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 23 août 2023 sous le numéro de RG 19/00511 pour le surplus.

Statuant à nouveau et à titre principal,

- condamner la compagnie d'assurances Pacifica à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

- 8 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 19 278,98 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

- 15 785 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 731 022,15 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 70 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- 3 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire si la perte des droits à retraite devait être intégrée dans l'incidence professionnelle, condamner la compagnie d'assurances Pacifica à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

- 8 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 19 278,98 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

- 15 785 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 573 454,08 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 227 568,07 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- 3 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre infiniment subsidiaire si la juridiction retenait une cessation de l'activité

professionnelle, condamner la compagnie d'assurances Pacifica à verser à Mme [R] les sommes suivantes :

- 8 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 19 278,98 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,

- 15 785 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 731 022,15 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- 3 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

- débouter la compagnie Pacifica de son appel incident et globalement de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la compagnie Pacifica à verser à Mme [R] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner la compagnie Pacifica aux entiers dépens, en ce compris les frais de

signification, d'exécution forcée et, le cas échéant, de frais de consignation à expertise judiciaire (1 200 euros),

- déclarer commun et opposable à la CPAM de Meurthe-et-Moselle l'arrêt à venir.

Par conclusions déposées le 1er février 2024, la société Pacifica demande à la cour de :

- juger recevables mais mal fondés les appels principaux interjetés par Mme [R],

- l'en débouter.

Faisant droit à l'appel incident de la société Pacifica,

- réformer le jugement entrepris du chef des indemnités allouées à Mme [R] au titre des postes de préjudices suivants : frais divers, perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle,

et statuant à nouveau de ces chefs,

- liquider comme suit les préjudices subis du fait de l'accident survenu le 11 octobre 2012 dont Mme [R] a été la victime :

- frais divers : 3 000 euros,

- perte de gains actuels : 4 094,47 euros,

- perte de gains professionnels futurs : néant,

- incidence professionnelle : 7 077,59 euros,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- débouter Mme [R] de toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamner Mme [R] aux dépens d'appel.

Mme [R] a fait assigner la Caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle devant la cour d'appel par acte de commissaire de justice du 13 novembre 2023 (signification à personne morale). Néanmoins, la Caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe-et-Moselle n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Les appels interjetés à titre principal ou à titre incident ne portent pas sur les postes suivants, qui sont donc arrêtés définitivement :

- les dépenses de santé actuelles : 327,04 euros,

- les dépenses de santé futures : 167,16 euros,

- l'aide humaine avant consolidation : 6 960 euros,

- le déficit fonctionnel temporaire : 6 594 euros.

Il convient d'analyser les demandes et moyens des parties concernant tous les autres postes du préjudice corporel de Mme [T] [R].

1°/ Les souffrances endurées :

Il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.

Le professeur [B] a évalué à 2,5/7 les souffrances endurées par Mme [T] [R].

Suite à l'accident, Mme [T] [R] a subi des douleurs dorso-lombaires importantes, conduisant notamment à la prescription de médicaments anti-douleurs (Lyrica) et à des séances de kinésithérapie à finalité antalgique ; mais la persistance des douleurs a nécessité des examens par IRM qui ont montré l'existence de discopathies L2-L3 et T12-L1 avec une petite hernie discale épidurale au niveau T12-L1, non opérable compte-tenu des risques neurologiques. Ces douleurs physiques ont nécessité un traitement morphinique ([O] et [V]). La persistance des douleurs physiques subies par Mme [T] [R] a eu des répercussions psychologiques, nécessitant la prise ponctuelle d'antidépresseurs.

L'intensité et la persistance des douleurs (rachi-algies) ressenties par Mme [T] [R] justifient l'octroi d'une indemnité de 7 500 euros.

Le jugement déféré sera réformé sur ce point.

2°/ Le déficit fonctionnel permanent :

Le déficit fonctionnel permanent correspond à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite, ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

L'expert judiciaire a évalué à 7% le taux de déficit fonctionnel permanent de Mme [T] [R], taux que les parties ne remettent pas en cause.

Mme [T] [R], née le [Date naissance 1] 1986, était âgée de 30 ans au jour de la consolidation médico-légale fixée au 24 février 2017.

Mme [T] [R] demande que la valeur du point soit fixée à 2 255 euros, tandis que la société Pacifica demande qu'elle soit fixée à 2 000 euros.

Eu égard au tableau clinique que l'expert dresse et aux répercutions des séquelles de l'accident dans la vie quotidienne de la victime, la valeur du point doit être fixée à 2 255 euros, soit une indemnité de : 7 x 2 255 euros = 15 785 euros.

Le jugement déféré sera réformé sur ce point.

3°/ Le préjudice d'agrément :

Il s'agit d'indemniser l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement, à cause des séquelles résultant de l'événement traumatique, une activité à laquelle elle justifie s'être adonnée de manière spécifique dans le domaine sportif, ludique ou culturel.

Mme [T] [R] avait, comme tout un chacun, des activités de loisirs qu'elle a abandonnées ou reprises à un rythme moins soutenu après son accident (ces pertes sont compensées au titre du déficit fonctionnel temporaire ou du déficit fonctionnel permanent). Mais elle ne justifie pas s'être adonnée de manière spécifique à une discipline sportive, culturelle ou ludique particulière avant son accident et avoir dû y renoncer en tout ou partie depuis l'accident.

L'expert n'a d'ailleurs pas retenu l'existence d'un préjudice d'agrément.

Par conséquent, c'est à juste titre que Mme [T] [R] a été déboutée de ce chef de demande par le tribunal.

4°/ Le préjudice sexuel :

Par 'préjudice sexuel', il faut entendre trois types de préjudices de nature sexuelle :

- le préjudice morphologique lié à l'atteinte des organes sexuels résultant du dommage subi,

- le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte du désir ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir),

- le préjudice lié à une impossibilité ou difficulté à procréer.

L'expert a retenu l'existence d'un préjudice sexuel 'positionnel', qui s'explique par les douleurs qu'elle ressent au niveau de la charnière dorso-lombaire.

Compte-tenu du jeune âge de Mme [T] [R], soit 30 ans au jour de la consolidation, l'indemnité de 3 000 euros qu'elle sollicite à ce titre apparaît pleinement justifiée. Cette indemnité lui sera donc octroyée et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

5°/ Les pertes de gains professionnels actuels :

Il s'agit de compenser les pertes de gains professionnels subies par la victime directe jusqu'à la date de la consolidation dès lors qu'il est établi que ces pertes de gains sont causées par l'accident.

Lorsque l'accident est survenu, le 11 octobre 2012, Mme [T] [R] travaillait en qualité d'auxiliaire de vie depuis le 1er juin 2012 au sein de la société Vitame, dans le cadre d'un CDD puis d'un CDI. Elle n'a reçu de salaire pour un mois plein dans le cadre de son CDI que pour les mois d'août et de septembre 2012.

Il convient donc de prendre en compte ces deux salaires mensuels d'août et de septembre 2012 pour déterminer le salaire de référence. La société Pacifica reproche à cette méthode la faiblesse de la base temporelle, soit deux mois, qui ne constituerait pas un 'gage de pérennité' suffisant. Toutefois, le 'gage de pérennité' est procuré par la nature du contrat de travail dont il s'agit, à savoir un CDI.

Le salaire net perçu en août 2012 a été de 1154,64 euros et de 1157,80 euros en septembre 2012, heures supplémentaires incluses (qu'il n'y a pas lieu de déduire, car rien ne vient démontrer leur caractère exceptionnel). Toutefois, ce salaire inclut des 'remboursements de frais kilométriques', qui ne sont pas des rémunérations mais des remboursements de frais, qu'il convient de déduire :

- 1154,64 euros - 259,70 euros = 894,94 euros,

- 1157,80 euros - 205,13 euros = 952,67 euros,

soit (894,94 + 952,67) / 2 = 923,80 euros de salaire mensuel net moyen.

Mme [T] [R] aurait donc dû percevoir (en tenant compte d'une revalorisation salariale de 2% par an) :

- d'octobre à décembre 2012 : 923,80 euros x 3 = 2 771,40 euros,

- en 2013 : (923,80 x 1,02 = 942,27 euros) x 12 mois = 11 307,24 euros,

- en 2014 : (942,27 x 1,02 = 961,11 euros) x 12 mois = 11 533,32 euros,

- en 2015 : (961,11 x 1,02 = 980,33 euros) x 12 mois = 11 763,96 euros,

- en 2016 : (980,33 x 1,02 = 999,94 euros) x 12 mois = 11 999,28 euros,

- de janvier à février 2017 : (999,94 x 1,02 = 1 019,94 euros) x 2 mois = 2 039,88 euros,

soit un total de 51 415,08 euros.

Au cours de cette même période, Mme [T] [R] a perçu des indemnités journalières de la sécurité sociale à hauteur de 42 118,58 euros et des salaires à hauteur de 1 756,97 euros, soit une perte de gains de 7 539,53 euros. Le jugement déféré sera réformé sur ce point.

6°/ Les pertes de gains professionnels futurs :

Le poste des pertes de gains professionnels futurs vise à indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus postérieurement à la date de la consolidation et consécutivement à l'incapacité permanente (partielle ou totale) à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour celle-ci d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé.

L'expert judiciaire a jugé Mme [T] [R] 'apte à reprendre une activité professionnelle avec des restrictions qui sont la limitation des stations debout prolongées et l'absence de port de charges'.

De telles restrictions sont incompatibles avec la poursuite par Mme [T] [R] de sa profession d'auxiliaire de vie. Elle a d'ailleurs été licenciée pour inaptitude en juin 2014.

Mme [T] [R] n'est donc plus apte à reprendre ses activités dans les conditions antérieures à l'accident. Elle explique qu'elle a recherché un emploi adapté à son handicap et a pu, dans le cadre d'un emploi CESU sur l'année 2019, s'occuper du linge d'un voisin à raison de deux heures par semaine, qu'elle a également travaillé à temps partiel (17,5 heures par semaines) à l'automne 2019 en qualité d'aide comptable pour une association, mais qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi depuis lors.

Le 6 août 2019, la CDAPH a reconnu à Mme [T] [R] la qualité d travailleur handicapé, estimant son taux d'incapacité supérieur à 80% et lui a accordé le bénéfice de l'AAH, allocation qu'elle indique être désormais sa seule source de revenu.

Dès lors que la victime a été licenciée pour inaptitude, à cause des séquelles consécutives à l'accident, il suffit de constater, comme en l'espèce, qu'elle n'est pas apte à reprendre ses activités dans les conditions antérieures, sans que cette dernière n'ait à justifier de la recherche d'un emploi compatible avec les préconisations de l'expert médical, pour qu'elle puisse bénéficier de la réparation intégrale de ses pertes de gains professionnels futurs.

La société Pacifica invoque un état antérieur, mais l'expert judiciaire a clairement indiqué que s'il existait un état antérieur oncologique (une leucémie en 1998) et psychologique, il n'existe pas d'état antérieur rachidien. Or, c'est la persistance des douleurs cervicales, dorsales et lombaires qui est la cause du handicap de Mme [T] [R] et qui a causé son licenciement pour inaptitude.

Par conséquent, il convient de procéder à la liquidation du préjudice de pertes de gains professionnels futurs subi par Mme [T] [R] :

- les pertes de gains professionnels futurs de mars 2017 jusqu'au 30 juin 2024 :

* de mars à décembre 2017 : (999,94 euros x 1,02 = 1 019,94 euros) x 10 mois = 10 199,40 euros,

* année 2018 : (1 019,94 euros x 1,02 = 1 040,34 euros) x 12 mois = 12 484,08 euros,

* année 2019 : (1 040,34 euros x 1,02 = 1 061,14 euros) x 12 mois = 12 733,68 euros,

* année 2020 : (1 061,14 euros x 1,02 = 1 082,36 euros) x 12 mois = 12 988,32 euros,

* année 2021 : (1 082,36 euros x 1,02 = 1 104 euros) x 12 mois = 13 248 euros,

* année 2022 : (1104 euros x 1,02 = 1 126,08 euros) x 12 mois = 13 512,96 euros,

* année 2023 : (1126,08 euros x 1,02 = 1 148,60 euros) x 12 mois = 13 783,20 euros,

* de janvier à juin 2024 : (1148,60 euros x 1,02 = 1 171,57 euros) x 6 mois = 7 029,42 euros,

soit 95 979,06 euros, sauf à déduire les indemnités journalières reçues de la sécurité sociale en 2017 (1 438,32 euros) et les salaires perçus en 2019 (3 306,10 euros).

Les arrérages échus au titre des pertes de gains professionnels futurs s'élèvent donc à 91 234,64 euros.

- les pertes de gains professionnels futurs à compter du 1er juillet 2024 :

Il convient de capitaliser les gains que Mme [T] [R] aurait dû percevoir du 1er juillet 2024 (date à laquelle elle est âgée de 37 ans) jusqu'à ses 65 ans, âge prévisible du départ en retraite (en appliquant le barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2022 - femmes - taux 0) : (1 171,57 euros x 12 mois = 14 058,84 euros) x 27,365 = 384 720,15 euros.

Pour calculer les droits à la retraite, il convient de procéder à la capitalisation de la moitié du revenu annuel de l'âge de 65 ans jusqu'à la date de mortalité (selon le même barème) : (14 058,84 euros / 2 = 7 029,42 euros) x 22,826 = 160 453,54 euros.

Les pertes de gains professionnels futurs a échoir s'élèvent ainsi, une fois déduit le capital versé par la CPAM au titre de l'accident du travail (2 922,41 euros), à : 384 720,15 + 160 453,54 - 2 922,41 = 542 251,28 euros.

Au total, le poste des pertes de gains professionnels futurs s'élève à 633 485,92 euros. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

7°/ L'incidence professionnelle :

L'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Mme [T] [R] sollicite une indemnité pour incidence à plusieurs titres :

- elle invoque une plus grande fatigabilité et pénibilité dans 'l'accomplissement de ses fonctions' ; toutefois, elle est indemnisée au titre des pertes de gains professionnels futurs pour la perte totale de perspectives de toute activité professionnelle, de sorte qu'elle ne peut plus invoquer une fatigabilité accrue dans le cadre d'une activité professionnelle, hormis pour la courte période pendant laquelle elle a retravaillé en 2019 ; il lui sera alloué à ce titre une indemnité de 500 euros ;

- elle invoque une dévalorisation certaine sur le marché du travail et une employabilité extrêmement fragile et restreinte ; toutefois, l'indemnisation octroyée au titre des pertes de gains professionnels futurs compense déjà la perte de toute employabilité ;

- elle invoque son licenciement pour inaptitude professionnelle, mais les conséquences de ce licenciement sont également compensées intégralement par l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs ;

- elle fait valoir qu'elle a dû renoncer au métier d'auxiliaire de vie 'qu'elle exerçait avec beaucoup de plaisir' ; il est exact qu'elle a perdu tout espoir d'exercer cette profession dans laquelle elle venait tout juste de se reconvertir au moment où l'accident s'est produit ; la privation d'exercer un métier dans lequel on s'est investi cause un préjudice indéniable ; au vu des éléments de la cause, ce chef de préjudice sera compensé par l'octroi d'une indemnité de 10 000 euros.

Mme [T] [R] sera donc indemnisée de son incidence professionnelle à hauteur de 10 500 euros et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

8°/ Les frais divers :

Le tribunal a retenu à ce titre les frais de médecins conseil auxquels a eu recours Mme [T] [R] (soit 3 900 euros selon le tribunal) et la somme que Mme [T] [R] a réglée au titre de la consignation des frais d'expertise judiciaire, soit 1 200 euros. Mme [T] [R] demande la confirmation, tandis que la société Pacifica estime que seuls les frais de conseil du docteur [X], à hauteur de 3 000 euros, doivent être pris en compte.

Or, Mme [T] [R] justifie avoir eu recours à deux médecins conseils sur des périodes différentes (le docteur [X] en 2014 et 2015 et le docteur [F] en 2016 et 2017). Le total des prestations facturées par ces deux médecins conseil s'élève à 4 440 euros. Dès lors, la somme de 3 900 euros réclamée à ce titre par Mme [T] [R] est pleinement justifiée.

Les frais d'expertise judiciaire (1200 euros) seront quant à eux inclus dans les dépens mis à la charge de la société Pacifica.

La société Pacifica sera donc condamnée au paiement d'une indemnité de 3 900 euros au titre des frais divers et le jugement déféré sera réformé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Pacifica, qui est la partie perdante, supportera les dépens de première instance (en ce compris les frais de l'expertise judiciaire) et d'appel et elle sera condamnée à payer à Mme [T] [R], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le jugement sera donc également réformé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME les deux jugements déférés en ce qu'ils ont fixé les indemnités dues par la société Pacifica à Mme [T] [R] au titre :

- des dépenses de santé actuelles à 327,04 euros,

- des dépenses de santé futures à 167,16 euros,

- de l'aide humaine avant consolidation à 6 960 euros,

- du déficit fonctionnel temporaire à 6 594 euros,

- du préjudice d'agrément à 0,

INFIRME les deux jugements déférés en leurs autres dispositions faisant l'objet d'appel et statuant à nouveau :

Fixe les indemnités dues par la société Pacifica à Mme [T] [R] au titre :

- des souffrances endurées à 7 500 euros,

- du déficit fonctionnel permanent à 15 785 euros,

- du préjudice sexuel à 3 000 euros,

- du pertes de gains professionnels actuels à 7 539,53 euros,

- des pertes de gains professionnels futurs à 633 485,92 euros (compensation des droits à pension de retraite comprise),

- de l'incidence professionnelle à 10 500 euros,

- des frais divers à 3 900 euros,

Condamne la société Pacifica à payer à Mme [T] [R] l'ensemble des sommes précitées, allouées en réparation de son préjudice corporel, sauf à déduire les provisions et acomptes déjà versés,

Condamne la société Pacifica à payer à Mme [T] [R], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de 3 000 euros au titre de frais irrépétibles d'appel,

Condamne la société Pacifica aux dépens de première instance, en ce compris les frais afférents à l'expertise judiciaire du professeur [B],

Condamne la société Pacifica aux dépens d'appel,

Déclare cet arrêt commun à la CPAM de Meurthe-et-Moselle.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en dix-neuf pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/02023
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.02023 ?
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