La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°23/02006

France | France, Cour d'appel de Nancy, 2ème chambre, 20 juin 2024, 23/02006


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° /24 DU 20 JUIN 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/02006 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHVY



Décision déférée à la cour :

Jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G. n° 23/000384, en date du 24 août 2023,



APPELANTE :

L' OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE L'AGGLOM

ERATION D'EPINAL,

Etablissement public à caractère industriel ou commercial, dont le siège social est situé [Adresse 2] immatriculé au RCS sous le n° 278.801.24...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /24 DU 20 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/02006 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FHVY

Décision déférée à la cour :

Jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G. n° 23/000384, en date du 24 août 2023,

APPELANTE :

L' OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DE L'AGGLOMERATION D'EPINAL,

Etablissement public à caractère industriel ou commercial, dont le siège social est situé [Adresse 2] immatriculé au RCS sous le n° 278.801.246

Représentée par Me Franck KLEIN de la SELARL AVOCAT JURISTE CONSEIL, avocat au barreau d'EPINAL

INTIMÉ :

Monsieur [T] [I],

domicilié [Adresse 1]

Non représenté bien que la déclaration d'appel et les conclusions lui ait été régulièrement signifiées à étude par acte de Me Loïc FLESCHEN, commissaire de justice à EPINAL en date du 02 novembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère, chargée du rapport

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;

A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 20 Juin 2024, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [I] est locataire d'un logement auprès de l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal (ci-après dénommé OPH) depuis l'année 2011.

Par acte du 24 octobre 2014, à effet rétroactif au 1er octobre 2014, l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal a procédé, suite au recouvrement intégral d'un arriéré locatif, au renouvellement du bail locatif de M. [I] pour un appartement situé [Adresse 1], moyennant un loyer mensuel initial de 172,12 euros, hors charges.

Le 16 mai 2023, l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal a fait notifier à M. [I] une sommation d'avoir à restaurer un état de propreté suffisant pour le 30 mai 2023, de justifier de la souscription d'une assurance locative et de permettre l'accès aux locaux loués.

Faute d'obtenir une résolution amiable, le bailleur a fait assigner M. [I] devant le juge des contentieux de la protection d'Epinal aux fins de voir :

- dire et juger résilié le bail signé le 24 octobre 2014,

- ordonner la libération des lieux, faute de quoi le locataire et tous occupants de leur chef seront expulsés avec le concours de la force publique si nécessaire,

- supprimer le délai de deux mois devant suivre le commandement de quitter les lieux, en raison du comportement fautif du preneur,

- dire qu'il sera procédé en tant que besoin à l'enlèvement des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux et à leur séquestration dans un garde-meuble aux risques et périls de M. [I],

- condamner M. [I] au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, jusqu'à la libération effective des lieux, cette indemnité étant révisée selon les conditions prévues au contrat et à chaque fois que la législation l'autorisera,

- condamner M. [I] aux dépens ainsi qu'à verser à l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 24 août 2023, le juge des contentieux de la protection d'Epinal a :

- rejeté la demande de résiliation judiciaire du bail conclu le 24 octobre 2014, à effet rétroactif au 1er octobre 2014, entre l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal d'une part et M. [I] d'autre part,

- rejeté la demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal.

Par déclaration enregistrée le 21 septembre 2023, l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal a interjeté appel du jugement précité, en toutes ses dispositions.

Par conclusions déposées le 20 novembre 2023, l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

- prononcer la résiliation du bail signé le 24 octobre 2014,

- ordonner la libération des lieux, faute de quoi le locataire et tous occupants de leur chef seront expulsés avec le concours de la force publique si nécessaire,

- supprimer le délai de deux mois devant suivre le commandement de quitter les lieux, en raison du comportement fautif du preneur,

- juger qu'il sera procédé en tant que besoin à l'enlèvement des meubles et objets mobiliers se trouvant dans les lieux et à leur séquestration dans un garde-meuble aux risques et périls de M. [I],

- condamner M. [I] au paiement du solde des loyers dû au 3 octobre 2023 soit la somme de 949,38 euros, indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamner M. [I] au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, jusqu'à la libération effective des lieux,

- juger que cette indemnité sera révisée selon les conditions prévues au contrat et à chaque fois que la législation l'autorisera,

- condamner M. [I] à verser à l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

- condamner M. [I] à verser à l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

- condamner M. [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'intimé n'a pas constitué avocat. L'appelant lui a régulièrement signifié à étude sa déclaration d'appel le 2 novembre 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2024.

MOTIFS

Aux termes du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui

ne conclut pas à hauteur d'appel est réputée s'approprier les motifs du jugement de première instance.

Sur les manquements de M. [I]

Le premier juge a rejeté la demande de résiliation du bail au motif que M. [I] avait commis des manquements graves et répétés à ses obligations de locataire mais que la résiliation était disproportionnée par rapport au principe fondamental de respect de la vie privée et notamment du droit au logement en relevant que M. [I] (non comparant en première instance) était locataire depuis plus de 22 ans, n'avait pas de dette de loyer et qu'en l'absence d'informations sur son âge et ses revenus, il convenait de considérer que M. [I] répondait aux critères des locataires protégés du fait de leur particulière vulnérabilité (plus de 65 ans et démuni).

L'OPH sollicite l'infirmation du jugement en faisant valoir que le prononcé de la résiliation du bail est justifié compte tenu des manquements graves et répétés du locataire à ses obligations. Il ajoute que M. [I] est âgé de 59 ans ,ainsi qu'il ressort de sa demande de logement mentionnant qu'il est né le 4 février 1964, et qu'il dispose de surcroît de ressources puisqu'il règle partiellement son loyer. L'Office public de l'habitat ajoute que pour pouvoir proposer une offre de relogement encore faudrait-il pouvoir prendre contact avec M. [I] qui ne réagit aucunement aux multiples courriers et appels qui lui ont été adressés, l'intéressé ne se donnant de surcroît pas la peine de comparaître.

Il ressort des dispositions combinées des articles 1224 et 1227 du code civil que la résolution d'un contrat peut être demandée en justice en cas d'inexécution suffisamment grave d'une obligation.

Selon l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est tenu :

- de s'acquitter du loyer et des charges aux termes convenus,

- d'user paisiblement des lieux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location,

- de justifier d'une assurance contre les risques dont il doit répondre en sa qualité de locataire,

- de permettre l'accès aux lieux loués pour la préparation et l'exécution de travaux nécessaires au maintien en état ou à l'entretien normal des locaux loués.

En l'espèce, concernant tout d'abord l'obligation d'user paisiblement des lieux, l'Office public de l'habitat justifie avoir adressé au cours de l'année 2011 des mises en demeure à M. [I] lui demandant de restaurer un état de propreté satisfaisant dans le logement après avoir pu constater un défaut d'hygiène prononcé ayant conduit des voisins à se plaindre d'odeurs nauséabondes émanant de son logement. À la suite de nouvelles plaintes reçues, au cours de l'année 2022, de voisins et de prestataires ayant refusé d'intervenir en raison de l'extrême insalubrité du logement (odeurs nauséabondes ; lavabo et baignoire bouchés comme les toilettes débordant de matières fécales durcies et fermentant ; jets de seaux d'urine de l'intéressé par la fenêtre), l'Office public de l'habitat a pu faire constater par la police municipale l'état d'extrême insalubrité du logement. M. [I] n'a donné aucune suite quelconque aux multiples demandes qui lui ont été adressées par l'Office public de l'habitat aux fins de voir restaurer un état d'hygiène satisfaisant dans son logement, notamment par courrier recommandé du 19 septembre 2022, par sommation du 16 mai 2023 mais également par des notes apposées sur sa porte.

Concernant l'impossibilité d'accéder aux lieux loués, il ressort des pièces produites par l'Office public de l'habitat que n'ont pas pu entrer dans le logement de M. [I], malgré plusieurs avis de passage et des sommations délivrées à M. [I] les 27 févriers 2023 et 16 mai 2023, les entreprises chargées d'une part du ramonage et d'autre part d'une étude indispensable à la réalisation de travaux de réhabilitation de l'ensemble de l'immeuble.

Concernant l'obligation de justifier d'une assurance contre les risques locatifs, l'Office public de l'habitat a adressé en vain à M. [I] plusieurs mises en demeure d'en justifier ainsi qu'une sommation délivrée par commissaire de justice le 16 mai 2023.

Concernant enfin l'obligation de s'acquitter régulièrement de loyer et des charges, l'Office public de l'habitat verse aux débats un décompte faisant ressortir, à la date du 3 octobre 2023,un arriéré locatif d'un montant de 949,38 euros dont M. [I] ne justifie pas s'être acquitté.

Il résulte de ce qui précède que, malgré les très nombreux rappels qui lui ont été adressés, M. [I] a persisté à ne pas user paisiblement du bien loué qui se trouve dans un état extrêmement dégradé et insalubre, n'a pas permis l'accès au logement pour des travaux pourtant indispensables, n'a pas justifié d'une assurance contre les risques locatifs et ne s'acquitte de surcroît pas du règlement de la totalité de son loyer. Ces manquements graves et répétés de M. [I] à plusieurs de ses obligations essentielles de locataire justifient de prononcer la résiliation du bail à ses torts exclusifs.

Il convient dès lors d'infirmer le jugement de ce chef et en conséquence de :

- prononcer la résiliation du bail du 24 octobre 2014 aux torts de M. [I],

- ordonner l'expulsion de M. [I], de tous occupants de son chef et de tous biens, avec si besoin l'assistance de la force publique, tout en disant qu'il sera procédé si besoin à l'enlèvement des meubles se trouvant dans les lieux à à leur séquestration dans un garde-meubles aux risques et périls de M. [I],

- condamner M. [I] au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, jusqu'à la libération effective des lieux, cette indemnité étant révisée selon les conditions prévues au contrat et à chaque fois que la législation l'autorisera,

- condamner M. [I] à payer à l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal une somme de 949,38 euros au titre de sa dette locative due au 3 octobre 2023.

Sur la suppression du délai de deux mois prévu à l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution

Aux termes de l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, si l'expulsion porte sur un local affecté à l'habitation principale de la personne expulsée, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.

En l'espèce, l'OPH sollicite uniquement dans le dispositif de ses écritures de voir supprimer le délai de 2 mois devant suivre le commandement de quitter les lieux en raison du comportement fautif du preneur.

Force est de constater que, si les manquements de M. [I] sont bien caractérisés, ils ne permettent cependant pas de déroger à la disposition de l'article L 412-1 précité faisant bénéficier en principe le locataire expulsé d'un délai de deux mois à compter du commandement de quitter les lieux.

Il convient en conséquence de :

- rejeter la demande de l'OPH de voir supprimer le délai de 2 mois devant suivre le commandement de quitter les lieux,

- dire qu'à défaut pour M. [I] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés, il pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, être procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tout occupant de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [I] qui succombe sera condamné aux entiers dépens. Concernant l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de le condamner à payer à l'OPH une somme de 1 000 euros au titre de l'ensemble de la procédure tant de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau ;

Prononce la résiliation du bail du 24 octobre 2014 aux torts de M. [I] ;

Rejette la demande de l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal tendant à voir supprimer le délai de 2 mois prévu à l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Dit qu'à défaut pour M. [I] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, il pourra être procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tout occupant de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;

Dit qu'il sera procédé si besoin à l'enlèvement des meubles se trouvant dans les lieux et à leur séquestration dans un garde-meubles aux risques et périls de M. [I] ;

Condamne M. [I] à payer une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, jusqu'à la libération effective des lieux, cette indemnité étant révisée selon les conditions prévues au contrat et à chaque fois que la législation l'autorisera ;

Condamne M. [I] à payer à l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal une somme de 949,38 euros au titre de sa dette locative arrêtée au 3 octobre 2023 ;

Condamne M. [I] à payer à l'Office public de l'habitat de l'agglomération d'Epinal une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [I] aux entiers dépens ;

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d'appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en sept pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/02006
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.02006 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award