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20/06/2024 | FRANCE | N°23/01560

France | France, Cour d'appel de Nancy, 2ème chambre, 20 juin 2024, 23/01560


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT N° /24 DU 20 JUIN 2024





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/01560 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGVB



Décision déférée à la cour :

Jugement du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 21/00697, en date du 15 juin 2023,



APPELANTS :

Madame [V] [I]

née le [Date naissance 4] 1980 à [Localité 7] (54), domicil

iée [Adresse 1]

Représentée par Me Nicolas LITAIZE-THIERY de l'AARPI BERNA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NANCY



Monsieur [M] [C]

né le [Date naissance 5] 198...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /24 DU 20 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/01560 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGVB

Décision déférée à la cour :

Jugement du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 21/00697, en date du 15 juin 2023,

APPELANTS :

Madame [V] [I]

née le [Date naissance 4] 1980 à [Localité 7] (54), domiciliée [Adresse 1]

Représentée par Me Nicolas LITAIZE-THIERY de l'AARPI BERNA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NANCY

Monsieur [M] [C]

né le [Date naissance 5] 1980 à [Localité 7] (54), domicilié[Adresse 1]

Représenté par Me Nicolas LITAIZE-THIERY de l'AARPI BERNA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

La société HOIST FINANCE AB (Publ)

société anonyme de droit suédois dont le siège social se situe [Adresse 6] (Suède), immatriculée au RCS de STOCKHOLM sous le n° 556012-8489, et agissant enFrance par le biais de sa succursale HOIST FINANCE AB (Publ) [Adresse 3], immatriculée au RCS de LILLE Métropole sous le n° 843 407 214, prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la société CA CONSUMER FINANCE, société anonyme dont le siège social est situé [Adresse 2] et immatriculée au RCS D'EVRY sous le n° 542 097 522, en vertu d'un acte de cession des créances en date du 19 décembre 2023

Représentée par Me Raoul GOTTLICH de la SCP SCP D'AVOCATS RAOUL GOTTLICH PATRICE LAFFON, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique devant la cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;

A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 20 Juin 2024, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant bon de commande n°27879 signé le 11 avril 2019, M. [M] [C] a confié à la société GREEN RGE, dans le cadre d'un démarchage à domicile, la fourniture et l'installation d'une pompe à chaleur air-air et d'un chauffe-eau thermodynamique pour un montant de 26 900 euros TTC, financé au moyen d'un contrat de prêt consenti à M. [M] [C] et à Mme [V] [I] par la SA CA CONSUMER FINANCE, sous l'enseigne SOFINCO, suivant offre préalable signée le même jour, prévoyant un remboursement sur une durée de 125 mois au taux de 3,836 % l'an après un différé de paiement de cinq mois.

La livraison des biens financés a été prévue au 11 mai 2019 par le bon de commande.

Le 28 mai 2019, M. [M] [C] a signé une attestation de réception des travaux financés, indiquant que la livraison et la pose étaient terminées et que l'installation correspondait au bon de commande, ainsi qu'une demande de financement du crédit.

Par courriers du 11 décembre 2019 adressés respectivement à la société GREEN RGE et à la SA CA CONSUMER FINANCE, M. [M] [C] et Mme [V] [I] ont demandé l'annulation du bon de commande et du contrat de crédit affecté en faisant état de l'usage de leur droit de rétractation (lié au point de départ erroné indiqué au bon de commande), ainsi que des irrégularités du bon de commande (pour absence de mention des garanties légales, des caractéristiques essentielles, des prix unitaires et du nom du médiateur).

La première échéance de remboursement du prêt a été fixée au 15 janvier 2020.

Une procédure de liquidation judiciaire simplifiée a été ouverte à l'égard de la société GREEN RGE par jugement du 28 janvier 2020, qui a désigné la SELARLU BaillyMJ en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier en date du 16 mars 2020, M. [M] [C] et Mme [V] [I] ont déclaré une créance à la procédure collective de la société GREEN RGE.

Par courrier du 27 mai 2020, la SELARLU BaillyMJ, ès qualités, a informé le conseil de M. [M] [C] et Mme [V] [I] qu'elle abandonnait le matériel en raison de l'impécuniosité de la procédure, et lui a transmis les coordonnées de l'assureur de la société GREEN RGE ainsi que l'attestation d'assurance.

Par courriers recommandés avec demande d'avis de réception du 19 août 2020, la SA CA CONSUMER FINANCE a mis M. [M] [C] et Mme [V] [I] en demeure de s'acquitter des échéances échues et impayées à hauteur de 2 314,56 euros dans un délai de quinze jours sous peine de déchéance du terme du contrat de prêt.

Par courriers recommandés avec demande d'avis de réception du 18 septembre 2020, la SA CA CONSUMER FINANCE a notifié à M. [M] [C] et Mme [V] [I] la déchéance du terme du contrat et les a mis en demeure de lui payer la somme exigible de 30 278,76 euros.

-o0o-

Par actes d'huissier délivrés les 12 et 13 octobre 2020, M. [M] [C] et Mme [V] [I] ont fait assigner la société Bailly MJ, ès qualités, ainsi que la SA CA CONSUMER FINANCE, devant le tribunal judiciaire de Nancy, afin de voir à titre principal constater la résiliation du contrat de vente résultant de l'exercice de leur droit de rétractation et prononcer la résiliation de plein droit du contrat de crédit, et subsidiairement, prononcer l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, avec privation de la créance de restitution du prêteur et allocation de dommages et intérêts.

M. [M] [C] et Mme [V] [I] ont fait valoir qu'aucune information ne leur avait été donnée sur l'exercice de leur droit de rétractation en violation des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation, et que le point de départ mentionné sur le bordereau était erroné (à compter de la signature du contrat et non de la livraison), de sorte que leur droit avait été prorogé d'un an, soit jusqu'au 11 juin 2020. Ils se sont également prévalus de l'irrégularité du bon de commande liée à l'absence de mention de la date de livraison des biens et de la possibilité de saisir un médiateur.

Par ordonnance en date du 22 juin 2021, le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent matériellement à connaître de l'affaire et a renvoyé la cause et les parties devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy.

La SA CA CONSUMER FINANCE a conclu à l'irrecevabilité des demandes, à défaut de déclaration de créance au mandataire judiciaire en charge de la procédure collective du vendeur, et au débouté des demandes en sa qualité de tiers au contrat de vente, soutenant la régularité du contrat de crédit et l'absence de faute commise dans le déblocage des fonds intervenu après réception de l'attestation de fin de travaux. Elle a sollicité à titre reconventionnel que soit prononcée la résolution judiciaire du contrat aux torts des emprunteurs, ainsi que leur condamnation solidaire à lui restituer le capital emprunté, augmenté des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et à lui payer des dommages et intérêts.

La société Bailly MJ, ès qualités, n'a pas été représentée en première instance.

Le juge a relevé d'office les moyens tirés de la forclusion, de l'insuffisance de vérification de la solvabilité des emprunteurs et d'informations précontractuelles (comprenant la consultation du FICP), ainsi que de l'absence de lisibilité du contrat au regard de sa police de caractères inférieure au corps huit.

Par jugement en date du 15 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy a :

- déclaré recevables les demandes de M. [M] [C] et Mme [V] [I],

- prononcé la résolution du contrat de vente n° 27879 d'un montant de 26 900 euros conclu le 11 avril 2019 entre la SARL GREEN RGE d'une part, et M. [M] [C] et Mme [V] [I] d'autre part,

- prononcé en conséquence la résiliation du contrat de crédit affecté d 'un montant de 26 900 euros conclu le 11 avril 2019 entre la SA CA CONSUMER FINANCE et M. [M] [C] et Mme [V] [I],

- dit n'y avoir lieu à ordonner la restitution du prix de vente de la pompe à chaleur et du chauffe eau thermodynamique installés au domicile de M. [M] [C] et Mme [V] [I],

- condamné solidairement M. [M] [C] et Mme [V] [I] à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 26 900 euros au titre du capital emprunté,

- condamné la SA CA CONSUMER FINANCE à payer à M. [M] [C] la somme de 500 euros au titre du préjudice moral,

- condamné la SA CA CONSUMER FINANCE à payer à Mme [V] [I] la somme de 500 euros au titre du préjudice moral,

- débouté la SA CA CONSUMER FINANCE de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,

- dit que la présente décision n'est pas assortie de l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif.

Le juge a constaté la déclaration de créance de M. [M] [C] et Mme [V] [I] à la procédure collective de la société GREEN RGE. Il a constaté que le bon de commande ne comportait pas la mention du délai maximal durant lequel le droit de rétractation pouvait être exercé, et a retenu qu'un délai de rétractation d'un an avait commencé à courir à compter de l'expiration du délai de rétractation initial de quatorze jours calculé à partir de la livraison des biens financés, soit à compter du 28 mai 2019, de sorte que les emprunteurs avaient jusqu'au 12 juin 2020 pour exercer ce droit dont ils avaient régulièrement fait usage par courriers du 11 décembre 2019. Il a jugé que le vendeur en liquidation judiciaire ne pouvait être condamné à la restitution du prix et qu'il n'y avait pas lieu à restitution de la pompe à chaleur et du ballon thermodynamique.

Le juge a constaté l'absence de faute du prêteur dans le déblocage des fonds au regard de la vérification préalable de l'exécution des obligations du vendeur (par une attestation claire et précise).

Il a retenu qu'au regard du nombre de relances de paiement adressées à M. [M] [C] et Mme [V] [I] entre février et juillet 2020, les emprunteurs avaient subi un préjudice moral qu'il convenait d'indemniser, et qu'aucune mauvaise foi de leur part ne ressortait de l'absence de paiement des mensualités du prêt, dans la mesure où ils avaient régulièrement usé de leur faculté de rétractation.

-o0o-

Le 17 juillet 2023, M. [M] [C] et Mme [V] [I] ont formé appel du jugement à l'encontre de la SA CA CONSUMER FINANCE, tendant à son infirmation en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu à ordonner la restitution du prix de vente de la pompe à chaleur et du chauffe eau thermodynamique installés au domicile de M. [M] [C] et Mme [V] [I],

- condamné solidairement M. [M] [C] et Mme [V] [I] à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 26 900 euros au titre du capital emprunté,

- condamné la SA CA CONSUMER FINANCE à payer à M. [M] [C] la somme de 500 euros au titre du préjudice moral,

- condamné la SA CA CONSUMER FINANCE à payer à Mme [V] [I] la somme de 500 euros au titre du préjudice moral,

- débouté M. [M] [C] et Mme [V] [I] de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 22 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [M] [C] et Mme [V] [I], appelants, demandent à la cour sur le fondement des articles L. 111-1, L. 221-1, L. 221-18, L. 221-20, L. 242-1 et L. 312-54 du code de la consommation, ainsi que des articles 1131, 1137, 1186 al. 2 du code civil, des articles 699 et 700 du code de procédure civile et des articles 514 et suivants du code de procédure civile :

- de confirmer le jugement rendu le 15 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Nancy en ce qu'il a :

* déclaré leurs demandes recevables,

* prononcé la résolution du contrat de vente n° 27879 d'un montant de 26 900 euros conclu le 11 avril 2019 entre avec la SARL VMS GREEN RGE,

* prononcé en conséquence la résiliation du contrat de crédit affecté d'un montant de 26 900 euros conclu le 11 avril 2019 avec la SA CA CONSUMER FINANCE,

* dit n'y avoir lieu à ordonner la restitution du prix de vente, de la pompe à chaleur et du chauffe-eau thermodynamique installés à leur domicile,

* débouté la SA CA CONSUMER FINANCE de sa demande de dommages et intérêts,

- d'infirmer le jugement pour le surplus en ce qu'il :

* les a condamnés solidairement à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 26 900 euros au titre du capital emprunté,

* a condamné la SA CA CONSUMER FINANCE à leur payer à chacun la somme de 500 euros au titre du préjudice moral,

* a débouté les parties de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* a dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens,

* a dit que la présente décision n'est pas assortie de l'exécution provisoire,

* a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif,

Et statuant à nouveau,

- de juger que la SA CA CONSUMER FINANCE-SOFINCO a commis une faute en s'abstenant de vérifier la régularité du contrat principal,

- de juger en conséquence que la société HOIST FINANCE, venant aux droits de la SA CA CONSUMER FINANCE, sera privée de sa créance de restitution du capital emprunté, y compris des frais afférents,

- de condamner la société HOIST FINANCE, venant aux droits de la SA CA CONSUMER FINANCE, à la somme de 2 000 euros à titre de dommages intérêts à Mme [I],

- de condamner la société HOIST FINANCE, venant aux droits de la SA CA CONSUMER FINANCE, à la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts à M. [C],

- de condamner la société HOIST FINANCE, venant aux droits de la SA CA CONSUMER FINANCE, à la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de première instance et à 3 000 euros au titre du même article à hauteur de cour,

- de condamner la société HOIST FINANCE, venant aux droits de la SA CA CONSUMER FINANCE, aux entiers frais et dépens à hauteur de première instance et de cour.

Au soutien de leurs demandes, M. [M] [C] et Mme [V] [I] font valoir en substance :

- que le prêteur a commis une faute en s'abstenant de vérifier la régularité du contrat principal quant aux éléments essentiels relatifs au droit de rétractation, aux caractéristiques essentielles du bien, à la date ou au délai de livraison et à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation en cas de litige ; que l'installation financée sur le contrat de vente irrégulier n'a pas fonctionné durablement en raison du défaut l'affectant, et qu'ils ont subi un préjudice lié au paiement du prix sans contrepartie ;

- qu'ils ont été victimes d'un préjudice moral d'importance lié aux diverses relances et menaces émanant de la société SOFINCO qui perdurent depuis l'année 2020, tel qu'attestées par deux courriels de commissaire de justice des 18 août et 18 septembre 2023 ; qu'ils ont été inscrits au FICP et ne pouvaient envisager la souscription de nouveaux crédits.

Dans ses dernières conclusions transmises le 20 mars 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société HOIST FINANCE AB (Publ), intimée et appelante à titre incident, venant aux droits de la société CA CONSUMER FINANCE suivant cession de créance du 19 décembre 2023, demande à la cour :

- de confirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy en date du 15 juin 2023 en ce qu'il a :

* prononcé la résolution du contrat de vente n°27879 d'un montant de 26 900 euros conclu le 11 avril 2019 entre la société à responsabilité limitée VMS GREEN, RGE d'une part et M. [M] [C] et Mme [V] [I] d'autre part,

* prononcé en conséquence la résiliation du contrat de crédit affecté d'un montant de 26 900 euros conclu le 11 avril 2019 entre la SA CA CONSUMER FINANCE et M. [M] [C] et Mme [V] [I],

* dit n'y avoir lieu à ordonner la restitution du prix de vente, de la pompe à chaleur et du chauffe-eau thermodynamique installés au domicile de M. [M] [C] et Mme [V] [I],

* condamné solidairement M. [M] [C] et Mme [V] [I] à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 26 900 euros au titre du capital emprunté,

- de débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,

Et statuant à nouveau,

- de condamner solidairement M. [M] [C] et Mme [V] [I] à payer à HOIST FINANCE, venant aux droits CA CONSUMER FINANCE, anciennement dénommée SOFINCO, une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de s'entendre ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- de s'entendre condamner solidairement M. [M] [C] et Mme [V] [I] aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, la société HOIST FINANCE AB (Publ), venant aux droits de la société CA CONSUMER FINANCE, fait valoir en substance :

- que la société SOFINCO n'avait pas à s'assurer de la conformité au bon de commande auquel elle n'était pas partie ; que sa responsabilité suppose l'existence non démontrée d'une violation manifeste et caractérisée de la réglementation instaurée pour protéger le consommateur  et la démonstration d'un préjudice en lien avece ce manquement ;

- que M. [M] [C] et Mme [V] [I] ne rapportent pas la preuve d'un préjudice en lien avec la violation de ses obligations pour obtenir la privation de sa créance de restitution ; que le préjudice moral allégué est seulement lié aux contraintes résultant de l'absence de résolution amiable du litige.

-o0o-

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il y a lieu de constater au préalable que les parties n'ont pas formé appel des dispositions du jugement déféré ayant prononcé la résolution du contrat de vente et la résiliation du contrat de crédit affecté, et ayant dispensé la société GREEN-RGE, non intimée, de la restitution à M. [M] [C] et Mme [V] [I] du prix de vente, au regard de sa liquidation judiciaire, et les emprunteurs de la restitution au vendeur des biens financés.

Sur la faute du prêteur dans la vérification de la régularité du bon de commande

La résolution ou l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu'il finance, emporte pour l'emprunteur l'obligation de restituer au prêteur le capital prêté.

Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Aussi, l'absence de préjudice subi par les emprunteurs, en lien avec les fautes alléguées du prêteur, exclut la responsabilité de ce dernier.

En l'espèce, le premier juge a retenu, au soutien de la résolution du contrat de vente non contestée, que le bon de commande ne mentionnait pas le délai maximal durant lequel M. [M] [C] et Mme [V] [I] pouvaient invoquer leur droit de rétractation, et ce en méconnaissance des dispositions de l'article L. 221-5, I., 7°, du code de la consommation.

Aussi, il en résulte qu'en versant les fonds au vendeur sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires qui lui auraient permis de constater que le contrat était irrégulier, le prêteur a commis une faute de nature à le priver de sa créance de restitution.

Toutefois, la dispense de remboursement du capital emprunté est subordonnée à la

démonstration par les emprunteurs de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.

M. [M] [C] et Mme [V] [I] font état de ce que le prêteur a financé une installation sur le fondement d'un contrat de vente dont il aurait dû constater le caractère irrégulier, et que le matériel s'est avéré défectueux quelques jours après son installation et l'établissement de l'attestation de fin de travaux, ce qui leur a nécessairement causé un préjudice lié au paiement du prix sans contrepartie, justifiant la privation du prêteur de sa créance de remboursement du capital emprunté.

Or, le préjudice résultant des désordres affectant les matériels commandés postérieurement à leur installation, tel que ressortant des courriers adressés par M. [M] [C] et Mme [V] [I], est sans lien avec la faute du prêteur liée à l'absence de vérification de la régularité du contrat préalablement au déblocage des fonds.

En effet, M. [M] [C] et Mme [V] [I] ont fait état d'un problème de fuite qui a été réparé avant la libération des fonds, puis ' après quinze jours d'utilisation ' d'un problème de clignotement du voyant marche-arrêt et du timer.

Par ailleurs, M. [M] [C] et Mme [V] [I] ne rapportent pas la preuve que l'obtention d'aides de l'Etat soit entrée dans le champ contractuel.

De même, M. [M] [C] et Mme [V] [I] ne peuvent utilement se prévaloir à l'encontre du prêteur du préjudice résultant des effets de la résolution du contrat de vente suite à l'usage de leur droit de rétractation, ni de la liquidation judiciaire du vendeur, étant précisé que le liquidateur a manifesté son intention d'abandonner le matériel litigieux aux acheteurs.

Au surplus, le premier juge a retenu à juste titre qu'aucune réserve n'avait été formulée par M. [M] [C] et Mme [V] [I] dans l'attestation de fin de travaux dont le contenu clair, précis et détaillé portait sur plusieurs items concernant la livraison et la pose, la mise en service et le fonctionnement, ainsi que sur l'explication donnée sur le fonctionnement.

Dans ces conditions, M. [M] [C] et Mme [V] [I] ne peuvent utilement prétendre que la faute du prêteur leur a causé un préjudice les dispensant du remboursement du capital emprunté.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [M] [C] et Mme [V] [I]

M. [M] [C] et Mme [V] [I] font valoir qu'ils subissent un préjudice moral important résultant des diverses relances et menaces émanant de la société SOFINCO qui perdurent depuis l'année 2020 jusqu'à ce jour.

Le premier juge a retenu que le nombre de relances adressées à M. [M] [C] et Mme [V] [I] permettait de caractériser l'existence d'un préjudice moral.

Cependant, aucune faute de l'établissement de crédit ne saurait résulter des demandes en paiement adressées aux emprunteurs qui ne se sont acquittés à ce jour d'aucune échéance du prêt litigieux consenti le 11 avril 2019, et ce alors que les biens commandés ont été installés et financés.

En effet, il y a lieu de rappeler, tel que développé plus avant, que M. [M] [C] et Mme [V] [I] ne subissent aucun préjudice en lien avec la faute du prêteur liée à l'absence de vérification de la régularité du bon de commande ou de l'exécution complète des prestations.

Dans ces conditions, M. [M] [C] et Mme [V] [I] ne peuvent prétendre à l'allocation de dommages et intérêts à ce titre.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts du prêteur

L'article 1231-6 alinéa 3 du code civil dispose que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

En l'espèce, le premier juge a retenu à juste titre que le prêteur ne justifiait pas de la mauvaise foi de M. [M] [C] et Mme [V] [I], ni d'un préjudice distinct de l'absence de paiement des échéances du prêt.

En effet, la mauvaise foi de M. [M] [C] et Mme [V] [I] ne saurait résulter de leur croyance erronée que les désordres survenus après l'installation des biens commandés pouvaient justifier l'absence de remboursement du prêteur ayant financé le contrat de vente et de prestation de service.

Dans ces conditions, le prêteur ne peut prétendre à l'allocation de dommages et intérêts.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [M] [C] et Mme [V] [I] qui succombent à hauteur de cour supporteront la charge des dépens d'appel, et seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

Eu égard à la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONSTATE que la société HOIST FINANCE AB (Publ) vient aux droits de la société CA CONSUMER FINANCE suivant cession de créance du 19 décembre 2023,

INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,

DEBOUTE M. [M] [C] et Mme [V] [I] de leurs demandes de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus en ses dispositions relatives à la recevabilité des demandes de M. [M] [C] et Mme [V] [I], à la résolution du contrat de vente et la résiliation du contrat de crédit affecté, à l'absence de restitution à M. [M] [C] et Mme [V] [I] du prix de vente et de restitution par M. [M] [C] et Mme [V] [I] du matériel installé, à leur condamnation solidaire à rembourser au prêteur le capital emprunté, au rejet de la demande de dommages et intérêts du prêteur et des demandes au titre des frais irrépétibles, et en ses dispositions relatives aux dépens,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [M] [C] et Mme [V] [I] de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [M] [C] et Mme [V] [I] in solidum aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d'appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en douze pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/01560
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.01560 ?
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