La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°23/01042

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 20 juin 2024, 23/01042


ARRÊT N° /2024

PH



DU 20 JUIN 2024



N° RG 23/01042 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFP7







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

22/00111

03 mai 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



Association FONDATION SAINT CHARLES-EHPAD  

[5] Prise en la personne de son représentant légal domicilié en sa qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Eric SEGAUD de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉE :



Madame [X] [B]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SEL...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 20 JUIN 2024

N° RG 23/01042 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFP7

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

22/00111

03 mai 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Association FONDATION SAINT CHARLES-EHPAD  [5] Prise en la personne de son représentant légal domicilié en sa qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Eric SEGAUD de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

Madame [X] [B]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substitué par Me RISACHER , avocat au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 22 Février 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 13 Juin 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 20 Juin 2024.

Le 20 Juin 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [X] [B] a été engagée sous contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, par l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY à compter du 11 juin 2021 au 10 décembre 2012, en qualité d'agent des services logistiques à la fonction de lingère, affectée à l'établissement EHPAD [6].

La relation contractuelle s'est poursuivie suis contrat unique d'insertion à temps partiel à compter du 11 décembre 2012 au 10 juin 2013, puis sous contrat à durée déterminée à temps partiel à compter du 11 juin 2023 au 10 décembre 2013.

A compter du 11 décembre 2013, la relation contractuelle s'est poursuivie sous contrat à durée indéterminée à temps partiel, à hauteur de 28 heures hebdomadaires, en qualité d'agent des services logistiques à la fonction de lingère, affectée à l'établissement EHPAD [6].

La convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but non lucratif s'applique au contrat de travail.

Par courrier du 13 septembre 2021 remis en main propre, Madame [X] [B] a été notifiée de l'obligation vaccinale contre la COVID-19 suite à l'adoption de la loi n°2021-1040 du 05 août 2021 entrée en vigueur le 30 août 2021, le pass vaccinal étant rendu obligatoire pour tous les agents publics ou salariés des établissements et services sanitaires et médico-sociaux.

Par courrier du 27 septembre 2021, la salariée a été notifiée de la suspension de son contrat de travail en raison de l'absence de présentation de justificatif d'un pass vaccinal valide, avec possibilité de prendre des congés payés ou des jours de repos conventionnels.

Par requête du 18 mars 2022, Madame [X] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de dire et juger que la décision de suspension de son contrat de travail et l'interruption concomitante du versement de sa rémunération est une sanction pécuniaire illicite,

- de dire et juger que la décision de suspension de son contrat de travail et l'interruption concomitante du versement de sa rémunération est une discrimination,

- de dire et juger que la décision de suspension de son contrat de travail et l'interruption concomitante du versement de sa rémunération violent l'article L.1111-4 du code de la santé publique,

- de dire et juger que l'employeur en demandant lui demandant de produire un justificatif de son statut vaccinal a violé le libre consentement éclairé dont elle disposait pour choisir ou non de se faire vacciner et a généré une violation du secret médical général et absolu

- de dire et juger que la loi du 05 août 2021 et son article 14 en application duquel la décision de suspension de son contrat de travail a été prise contrevient à l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme qui garantit le respect de la vie privée,

- de dire et juger que la loi du 05 aout 2021 et son article 14 en application duquel la décision de suspension de son contrat de travail a été prise contrevient aux articles 5 et 10 de la convention d'OVIEDO,

- de dire et juger que la loi du 05 aout 2021 et son article 14 en application duquel la décision de suspension de son contrat de travail a été prise contrevient au règlement de l'union européenne du 14 juin 2021,

- de dire et juger que la loi du 05 aout 2021 et son article 14 en application duquel la décision de suspension de son contrat de travail a été prise contrevient à de nombreux engagements internationaux de la France,

- en conséquence, d'annuler la suspension de son contrat de travail,

- d'ordonner sa réintégration sans délai dans sa fonction,

- d'enjoindre l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY à reprendre le versement de son salaire à hauteur de 1 680,43 euros brut mensuel, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard, passé la notification du jugement à intervenir, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- de condamner l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY à lui verser la somme de 26 886,88 euros brut à titre de rappel de salaire à compter du 27 septembre 2021, outre la somme de 2 688,68 euros brut de congés payés afférents,

- de condamner l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY à lui verser la somme de 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- de prononcer l'exécution provisoire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 03 mai 2023, lequel a :

- dit que Madame [X] [B] est recevable et bien fondée en toutes ses demandes,

- dit que la suspension du contrat de travail et l'interruption du versement de la rémunération de Madame [X] [B] au regard de la loi française du 05/08/2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ne sont pas illicites au titre de la sanction et de la discrimination,

- dit que la suspension du contrat de travail et l'interruption du versement de la rémunération de Madame [X] [B] au regard de la loi française du 05/08/2021 relative à la gestion de la crise sanitaire sont illicites au titre de la violation du secret médical, de la violation des droits internationaux et à titre principal de la violation de son droit au libre consentement éclairé,

En conséquence :

- annulé la suspension du contrat de travail de Madame [X] [B],

- ordonné la réintégration de Madame [X] [B] dans sa fonction sans délai,

- ordonné la reprise du versement des salaires de Madame [X] [B] à hauteur de la somme de 1 680,43 euros brut sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du 8ème jour passé la notification du présent jugement,

- condamné l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY à payer à Madame [X] [B] les sommes suivantes :

- 26 886,88 euros au titre du rappel des salaires,

- 2 688,68 euros au titre des congés payés y afférents

- 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY de l'ensemble de ses demandes,

- dit que le présent jugement est exécutoire de droit par provision dans la limite de l'article R.1454-28 du code du travail, étant précisé que la moyenne des salaires calculée sur les trois derniers mois est de 1 680,43 euros bruts,

- condamné l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY aux entiers dépens de l'instance, y compris ceux liés à une exécution forcée.

Vu l'appel formé par l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY le 12 mai 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY déposées sur le RPVA le 18 décembre 2023, et celles de Madame [X] [B] déposées sur le RPVA le 27 octobre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 07 février 2024,

L'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a :

- dit que Madame [X] [B] est recevable et bien fondée en toutes ses demandes,

- dit que la suspension du contrat de travail et l'interruption du versement de la rémunération de Madame [X] [B] au regard de la loi française du 05/08/2021 relative à la gestion de la crise sanitaire sont illicites au titre de la violation du secret médical, de la violation des droits internationaux et à titre principal de la violation de son droit au libre consentement éclairé,

En conséquence :

- annulé la suspension du contrat de travail de Madame [X] [B],

- ordonné la réintégration de Madame [X] [B] dans sa fonction sans délai,

- ordonné la reprise du versement des salaires de Madame [X] [B] à hauteur de la somme de 1 680,43 euros brut sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du 8ème jour passé la notification du présent jugement,

- condamné l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY à payer à Madame [X] [B] les sommes suivantes :

- 26 886,88 euros au titre du rappel des salaires,

- 2 688,68 euros au titre des congés payés y afférents

- 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY de l'ensemble de ses demandes,

- dit que le présent jugement est exécutoire de droit par provision dans la limite de l'article R.1454-28 du code du travail, étant précisé que la moyenne des salaires calculée sur les trois derniers mois est de 1 680,43 euros bruts,

- condamné l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY aux entiers dépens de l'instance, y compris ceux liés à une exécution forcée.

- de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a :

- dit que la suspension du contrat de travail et l'interruption du versement de la rémunération de Madame [X] [B] au regard de la loi française du 05/08/2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ne sont pas illicites au titre de la sanction et de la discrimination,

*

Statuant à nouveau :

- de juger la demande indemnitaire formulée par Madame [X] [B] au titre du manquement à l'obligation de bonne foi comme ayant la nature d'une demande nouvelle,

- de juger irrecevable la demande indemnitaire à hauteur de 5000,00 euros au titre du manquement à l'obligation de bonne foi,

- de débouter Madame [X] [B] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner Madame [X] [B] à verser à l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY la somme de 5 000,00 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,

- de condamner Madame [X] [B] à verser à l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [X] [B] aux entiers dépens.

Madame [X] [B] demande :

- de confirmer purement et simplement et en tous point le jugement entrepris notamment en ce qu'il a :

- déclaré Madame [X] [B] recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,

- dit et jugé que la suspension du contrat de travail à compter du 27 septembre 2021 de Madame [X] [B] et l'interruption concomitante du versement de sa rémunération viole l'article L.1111-4 du code de la santé publique,

- dit et jugé que l'employeur, en demandant à Madame [X] [B] de produire un justificatif de son statut vaccinal a violé le libre consentement éclairé dont elle disposait pour choisir ou non de se vacciner et a généré une violation du secret médical général et absolu et protégé notamment par l'article L 4624-8 du Code du Travail et dont seul le Médecin du Travail est détenteur et garant,

- dit et jugé que la loi du 05 août 2021 et notamment son article 14 en application duquel la décision de suspension du contrat de travail du 27 septembre 2021 a été prise contrevient à l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui garantit le respect de la vie privée,

- dit et jugé que la loi du 05 août 2021 et notamment son article 14 en application duquel la décision de suspension du contrat de travail du 27 septembre 2021 a été prise contrevient aux articles 5 et 10 de la Convention d'Oviedo,

- dit et jugé que la loi du 05 août 2021 et notamment son article 14 en application duquel la décision de suspension du contrat de travail du 27 septembre 2021 a été prise viole le Règlement de l'Union Européenne du 14 juin 2021 n°2021/953,

- dit et jugé que la loi du 05 août 2021 et notamment son article 14 en application duquel la décision de suspension du contrat de travail du 27 septembre 2021 a été prise contrevient à de nombreux engagements internationaux de la France,

*

Y ajoutant :

- de condamner l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY à verser à Madame [X] [B] la somme de 5 000,00 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la violation de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- de condamner l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY à verser à Madame [X] [B] la somme de 3 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles de la procédure d'appel,

- de condamner l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de l'association FONDATION SAINT CHARLES DE NANCY déposées sur le RPVA le 18 décembre 2023, et de Madame [X] [B] déposées sur le RPVA le 27 octobre 2023.

Sur la suspension du contrat de travail de Madame [X] [B] :

L'employeur expose que l'article 12 de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 prévoit que doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue contre la COVID 19, les personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l'article L.6111-1 du code de la santé publique, tels que les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ; que l'article 1er de ladite loi prévoit que le non-respect de cette obligation vaccinale a pour conséquence la suspension du contrat de travail du salarié ainsi que l'interruption du versement de sa rémunération.

Il fait valoir que Madame [X] [B], exerçant la fonction d'agent de service logistique N°2 coefficient 312 au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) [5], était soumise à l'obligation vaccinale, laquelle entrait en vigueur le 30 août 2021 et était étendue jusqu'au 31 juillet 2022, mais qu'elle a refusé de s'y conformer (pièces n° 1 et 4).

L'employeur indique qu'en conséquence de ce refus, il a notifié à Madame [X] [B] par courrier du 27 septembre 2021 la suspension de son contrat de travail et de sa rémunération.

Madame [X] [B], ne conteste pas que la loi du 5 août 2021 s'applique à sa situation.

Elle fait valoir que la suspension de son contrat de travail et l'interruption concomitante du versement de sa rémunération violent l'article L.1111-4 du code de la santé publique relative au secret médical.

En revanche, il ressort de ses conclusions écrites qu'elle a pris « acte » que le conseil de prud'hommes a jugé que « la mesure de suspension du contrat de travail et son corolaire, à savoir, l'arrêt du versement de la rémunération, ne constituaient ni une sanction pécuniaire illicite ni une quelconque discrimination » et qu'elle considère que « Tout développement à ce sujet est donc purement superfétatoire » (page 6 des conclusions).

Madame [X] [B] fait en outre valoir que l'article 14 de la loi du 5 août 2021 est inconventionnel comme violant l'article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, le Règlement de l'Union Européenne n° 2021/953 du 14/06/2021 et l'article 2 de la Convention OIT n°111 et les articles 5 et 10 de la Convention d'Oviedo.

Motivation :

- Sur la violation de l'article L1111-4 du code de la santé publique :

Madame [X] [B] indique qu'en application de cet article, aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.

Sur ce

En l'espèce, l'article 14 de la loi du 5 août 2021 ne fait pas obligation à Madame [X] [B] de se vacciner mais tire les conséquences de sa non-vaccination au regard de l'exercice de sa profession.

- Sur la violation du secret médical :

L'article 14 de la loi du 5 août 2021 dispose :

I. - A. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret.

B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12.

Sur ce 

L'obligation vaccinale est ainsi considérée comme satisfaite si la personne justifie d'un statut vaccinal complet ou présente un certificat médical de contre-indication. La communication des documents demandés, justifiant vaccination, n'implique pas par elle-même l'accès de l'employeur à des données médicales concernant la santé du salarié.

- Sur la violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.

Cet article dispose que :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

Sur ce

En l'espèce la vaccination obligatoire, en tant qu'intervention médicale non volontaire, constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée au sens de l'article 8 de la Convention.

Cependant, d'une part cette ingérence est prévue par la loi et, d'autre par son objectif est notamment la protection des personnes âgées vivant en EHPAD, qui se trouvent dans une situation de particulière vulnérabilité, contre une maladie susceptible de faire peser un risque grave sur leur santé.

Le législateur, en adoptant la disposition contestée, a entendu, permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à lutter contre la propagation de l'épidémie de covid -19 par le recours à la vaccination, et garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des malades qui y étaient hospitalisés poursuivant ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

La mesure légale de protection consistant à suspendre le contrat de travail des personnels non vaccinés, prise au regard de la dynamique de l'épidémie, du rythme prévisible de la campagne de vaccination, du niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé et de l'apparition de nouveaux variants du virus plus contagieux, en l'état des connaissances scientifiques et techniques et universellement appliquée, dans le cadre d'une obligation légale et au nom de la solidarité sociale, pour le bien des personnes âgées vulnérables prises en charge dans les établissements sociaux et médico-sociaux, correspond aux buts que sont la protection de la santé et la protection des droits d'autrui, visés au paragraphe 2 de l'article 8 de la Convention.

Dès lors, la cour constate que l'article 14 de la loi du 5 août 2021 ne viole par l'article 8 de Convention européenne des droits de l'homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.

- Sur la violation du Règlement de l'Union Européenne n° 2021/953 du 14/06/21 :

Madame [X] [B] invoque le considérant n° 36 de ce Règlement qui dispose :

« Il y a lieu d'empêcher toute discrimination directe ou indirecte à l'encontre des personnes qui ne sont pas vaccinées, par exemple pour des raisons médicales, parce qu'elles ne font pas partie du groupe cible auquel le vaccin contre la COVID 19 est actuellement administré ou pour lequel il est actuellement autorisé, comme les enfants, ou parce qu'elles n'ont pas encore eu la possibilité de se faire vacciner ou ne souhaitent pas le faire. Par conséquent, la possession d'un certificat de vaccination, ou la possession d'un certificat de vaccination mentionnant un vaccin contre la COVID 19, ne devrait pas constituer une condition préalable à l'exercice du droit à la libre circulation ou à l'utilisation des services de transports de voyageurs transfrontaliers tels que les avions, les trains, les autocars ou les transbordeurs ou toute autre moyen de transport. En outre, le présent règlement ne peut être interprété comme établissant un droit ou une obligation d'être vacciné. »

Sur ce

En l'espèce, ce Règlement a pour objet d'assurer le libre exercice du droit à la libre circulation au sein de l'Union Européenne en établissant un cadre pour la délivrance, la vérification et l'acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l'UE) aux fins de faciliter l'exercice, par leurs titulaires, de leur droit à la libre circulation pendant la pandémie de COVID-19.

Dès lors ce règlement n'est pas applicable au litige qui ne concerne pas la libre circulation entre pays de l'Union européenne à l'aide d'un certificat Covid numérique de l'Union européenne.

- Sur la violation de la Convention n°111 de l'Organisation Internationale du Travail :

Madame [X] [B] invoque l'article 2 de la Convention qui indique :

« Tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à formuler et à appliquer une politique nationale visant à promouvoir, par des méthodes adaptées aux circonstances et aux usages nationaux, l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession, afin d'éliminer toute discrimination en cette matière ».

Sur ce

En l'espèce, aucune rupture d'égalité en droit ni aucune discrimination ne sont caractérisées en ce que la loi n°2021-1040 du 5 août 2021, notamment son article 12, s'applique de manière identique à l'ensemble des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé et dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux du code de la santé publique, à l'exception de celles y effectuant une tâche ponctuelle, qu'elles fassent ou non partie du personnel soignant, et en ce que les dispositions contestées qui font peser sur les personnes exerçant une activité au sein de ces établissements, une obligation vaccinale qui n'est pas imposée à d'autres personnes, constitue, compte tenu des missions des établissements de santé et de la vulnérabilité des patients qui y sont admis, une différence de traitement en rapport avec cette différence de situation, qui n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

- Sur la violation des articles 5 et 10 de la Convention d'Oviedo :

Madame [X] [B] invoque les articles 5 et 10 de la « Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine : Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine ».

Sur ce

Ce texte a le caractère d'un traité international et ne peut donc être invoqué dans le cadre d'un litige entre personnes de droit privé.

Dès lors, au vu de l'ensemble des éléments développés supra, il apparaît que la suspension du contrat de travail de Madame [X] [B] et la suspension subséquente de sa rémunération, sont légales.

En conséquence, Madame [X] [B] sera déboutée de toutes ses demandes relatives à l'annulation de la suspension de son contrat de travail, à sa réintégration dans son emploi et à ses rappels de salaire. Le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ces points.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Madame [X] [B] fait valoir que son employeur, en ne recherchant pas à la reclasser sur un autre poste, a exécuté déloyalement le contrat de travail.

Elle demande la somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts.

L'employeur fait valoir que cette demande est nouvelle et n'est donc pas recevable.

Madame [X] [B] ne conclut pas sur la question de la recevabilité.

Motivation :

La cour constate que Madame [X] [B] n'a pas formulé cette prétention devant le juge de première instance.

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions.

Si, aux termes des articles 70 et 325 du code de procédure civile, une prétention nouvelle peut être recevable si elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant, ce n'est pas le cas en l'espèce.

La demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sera donc déclarée irrecevable.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT A NOUVEAU :

Déboute Madame [X] [B] de toutes ses demandes,

Condamne Madame [X] [B] aux dépens de première instance ;

Y AJOUTANT

Déclare irrecevable la demande de Madame [X] [B] de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Déboute Madame [X] [B] et l'association FONDATION SAINT-CHARLES DE NANCY EHPAD SAINT-CHARLES de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [X] [B] aux dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Céline PAPEGAY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en onze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/01042
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.01042 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award