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06/06/2024 | FRANCE | N°23/01080

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 06 juin 2024, 23/01080


ARRÊT N° /2024

PH



DU 06 JUIN 2024



N° RG 23/01080 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFSZ







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

22/00137

05 mai 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.S.U. CONTITRADE FRANCE prise en la perso

nne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Leslie NICOLAÏ de la SELAS FACTORHY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Marie KOEHL, avocat au barreau de PARIS









INTIMÉ :



Monsieur [V] [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 06 JUIN 2024

N° RG 23/01080 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFSZ

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

22/00137

05 mai 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S.U. CONTITRADE FRANCE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Leslie NICOLAÏ de la SELAS FACTORHY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Marie KOEHL, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [V] [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Mme [P] [D], régulièrement munie d'un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : PERRIN Céline

DÉBATS :

En audience publique du 21 Mars 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 06 Juin 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 06 Juin 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.

M. [V] [I] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la S.A.S.U Contitrade France, exploitante sous l'enseigne commerciale « BestDrive », à compter du 07 octobre 1991, en qualité de technicien contrôlographe.

Au dernier état de ses fonctions, le salarié occupait le poste de magasinier.

La convention collective nationale des services de l'automobile s'applique au contrat de travail.

Le 18 novembre 2020, M. [V] [I] s'est vu notifier un rappel à l'ordre.

Il s'est vu notifier des avertissements les 09 juin 2021, 08 mars 2022 et 29 avril 2022.

Par courrier du 07 juin 2022, M. [V] [I] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 juin 2022.

Par courrier du 23 juin 2022, M. [V] [I] a été licencié pour cause réelle et sérieuse.

Par requête du 02 novembre 2022, M. [V] [I] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal, aux fins :

- de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la S.A.S.U Contitrade France à lui verser les sommes de:

- 116 400,00 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de prononcer une astreinte journalière de 50,00 euros à compter de la décision,

- de condamner la S.A.S.U Contitrade France aux entiers dépens.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 05 mai 2023 qui a:

- requalifié le licenciement de M. [V] [I] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamné la S.A.S.U Contitrade France à payer à M. [V] [I] la somme de 49 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [V] [I] de sa demande de requalification du licenciement sans cause réelle et sérieuse sous astreinte de 50,00 euros par jour à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- condamné la S.A.S.U Contitrade France à payer à M. [V] [I] la somme de 500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.S.U Contitrade France aux dépens de l'instance,

- ordonné en application de l'article L.1235-4 du code du travail le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage en l'espèce 3 mois,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaires pour les sommes visées à l'article R.1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des 3 derniers mois de salaires fixée à 2 450,00 euros.

Vu l'appel formé par la S.A.S.U Contitrade France le 17 mai 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la S.A.S.U Contitrade France déposées sur le RPVA le 12 janvier 2024, et celles de M. [V] [I] reçues au greffe de la chambre sociale le 08 novembre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 21 février 2024,

La S.A.S.U Contitrade France demande à la cour:

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

**A titre principal :

- de juger que le licenciement de M. [V] [I] repose sur une faute grave,

- en conséquence, de débouter M. [V] [I] de l'intégralité de ses demandes,

**A titre subsidiaire :

- de juger que le licenciement de M. [V] [I] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, de le débouter de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

**A titre infiniment subsidiaire :

- de juger que M. [V] [I] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice justifiant que lui soit allouée la somme de 20 mois de salaire à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, de débouter M. [V] [I] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 20 mois de salaire,

*

En tout état de cause :

- de débouter M. [V] [I] de ses autres demandes,

- de le condamner au versement de la somme de 1 500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [V] [I] aux entiers dépens.

M. [V] [I] demande à la cour:

- de dire et juger bien fondées ses demandes,

- en conséquence, de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 05 mai 2023 en ce qu'il a :

- condamné la S.A.S.U Contitrade France à lui verser les sommes de:

- 49 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la S.A.S.U Contitrade France au remboursement à France Travail (ex. Pôle Emploi) des indemnités versées à M. [V] [I] pendant sa période de chômage,

- de condamner la S.A.S.U Contitrade France aux entiers dépens de l'instance, lesquels comprendront les frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision par voie d'huissier de justice et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier en application des articles 10 et 12 du décret n°96.1080 du 12 décembre 1996 modifié par le décret n°2001-212 du 08 mars 2001 portant fixation du tarif des huissiers en matière civile,

*

Statuant à nouveau :

- de débouter la S.A.S.U Contitrade France de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

- de la condamneraux entiers dépens de l'instance,

- de la condamner au versement de la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR ;

La cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par la S.A.S.U Contitrade France le 12 janvier 2024, et par aux conclusions de M. [V] [I] reçues au greffe de la chambre sociale le 08 novembre 2023.

- Sur les avertissements.

M. [V] [I] expose que les avertissements des 09 juin 2021, 08 mars 2022 et 29 avril 2022 étaient injustifiés ; toutefois, il n'en demande pas l'annulation.

- Sur le licenciement.

La S.A.S.U Contitrade France expose que le licenciement pour faute grave est justifié dans le mesure où, durant les mois qui ont précédé cette mesure, M. [V] [I] a commis de nombreuse erreurs ayant pu causer à l'entreprise des préjudices, alors que le salarié était apte à remplir ses fonctions qui ne demandaient pas de formation adaptée.

M. [V] [I] conteste les motifs du licenciement en ce que d'une part il n'a pas été formé au poste de magasinier, d'autre part que l'erreur d'enregistrement de prix qui lui est reprochée n'a pas porté à conséquence pour l'entreprise, et que la sanction est sans cause réelle et sérieuse.

Motivation.

Selon l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse ; l'article L.1235-1 du même code précise qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par ailleurs, l'article L 6321-1 du code du travail dispose que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Par lettre du 23 juin 2022, la S.A.S.U Contitrade France a notifié à M. [V] [I] son licenciement en ces termes:

' Vous occupez actuellement la poste de magasinier...

Nous avons constaté le fait suivant:

En date du 2 juin 2022, nous avons pris connaissance d'une erreur de saisie de tarifs dans l'entrée des marchandises. En effet, vous avez réceptionné une livraison de Sonamia avec différents articles et vous avez entré l'un d'eux dans notre outil DIDAC sans le taux de remise de 60 %; Par conséquent, les 3 pneus sortaient à 237 euros au lieu de 94,80 euros.

Cette erreur a été rectifiée à temps par le responsable d'agence adjoint mais cela nous a fait perdre du temps en termes de recherche de l'incohérence et aurait pu engendrer un litige avec un client.

Vous avez fait preuve de manque d'attention et de rigueur et cela n'est pas recevable au vu de votre fonction.

De plus, vous aviez déjà eu plusieurs rappels à l'ordre et avertissements en ce sens.

Votre comportement entrave le bon fonctionnement de notre société et rend impossible la poursuite de votre relation contractuelle.

Pour résumer, vous avez un comportement inadéquat, vous ne faites pas preuve de sérieux et de professionnalisme et vous ne suivez pas les consignes.

Nous ne pouvons tolérer ce type de comportement et de manquement notamment au regard de votre fonction de magasinier d'une de nos principales agences sur la région.

Nous vous rappelons que l'article L 1222-1 du code du travail dispose que 'le contrat de travail est excéuté de bonne foi'.

Ainsi, l'obligation de loyauté découle de l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi. A ce titre, les salariés liés par un contrat de travail ne doivent pas causer de tort à leur employeur.

Vos agissements démontrent à l'évidence, de votre part, une exécution déloyale de votre contrat de travail ainsi qu'un manque de conscience professionnelle.

Au regard de l'ensemble de ces griefs, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

...

Nous vous dispensons du préavis à effectuer qui sera payé'.

En préliminaire, il ressort des termes de ce courrier que M. [V] [I] a été licencié pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave.

M. [V] [I] ne conteste pas le fait qui lui est reproché.

La S.A.S.U Contitrade France justifie le licenciement par l'accumulation d'erreurs commises par le salarié dans une courte période ; comme il a été relevé plus haut, les avertissements décernés au titre de l'exercice par M. [V] [I] de ses fonctions de magasinier n'ont pas donné lieu à demande d'annulation de sa part.

Toutefois, il ressort de la pièce n° 5 de son dossier que M. [V] [I] a été nommé à ces fonctions par avenant au contrat de travail du 22 juillet 2019, et qu'il exerçait précédemment les fonctions d' 'installateur vérificateur'.

La S.A.S.U Contitrade France ne démontre pas que les fonctions antérieurement remplies par M. [V] [I] impliquaient la réalisation de missions strictement similaires à celles de magasinier, et il ressort de la description de ce poste telle qu'elle est détaillée par la société aux pages 2 et 3 de ses conclusions qu'il implique la maîtrise de savoirs-faire nombreux et spécifiques, et qu'il ressort des termes mêmes de la lettre de licenciement que l'exercice de ce poste nécessite la maîtrise d'un outil informatique dédié.

Dès lors, la S.A.S.U Contitrade France ne démontre pas que M. [V] [I] a bénéficié d'une formation suffisante pour exercer ses fonctions de façon satisfaisante, l'employeur ne pouvant, pour éluder son obligation contractuelle, exciper de l'absence de demande de formation de la part du salarié.

Il convient donc en conséquence de dire le licenciement de M. [V] [I] sans cause réelle et sérieuse.

La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

- Sur l'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [V] [I] avait une ancienneté dans l'entreprise de 31 ans.

Sa rémunération mensuelle moyenne brut était de 2450 euros.

Il n'apporte aucun élément sur sa situation professionnelle ou matérielle postérieurement à son licenciement.

Au regard de ces éléments et conformément aux dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, il sera fait droit à la demande à hauteur de 10 mois de salaire, soit la somme de 24 500 euros.

La décision entreprise sera réformée sur ce point.

L'ancienneté dans l'entreprise de M. [V] [I] étant supérieure à deux ans et la S.A.S.U Contitrade France ne démontrant pas employer moins de 11 salariés à la date du licenciement, il sera fait application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail à hauteur de SIX mois de salaire.

La S.A.S.U Contitrade France qui succombe supportera les dépens d'appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [V] [I] l'intégralité des frais irrépétibles qu'il a exposés ; il sera fait droit à la demande à hauteur de 1500 euros.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME l'arrêt rendu le 5 mai 2023 par le conseil de prud'hommes d'Epinal dans le litige opposant M. [V] [I] à S.A.S.U Contitrade France sauf en ce qu'il a condamné celle-ci à payer à M. [V] [I] la somme de 49 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

STATUANT a nouveau sur ce point ;

CONDAMNE la S.A.S.U Contitrade France à payer à M. [V] [I] la somme de 24 500 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajoutant:

CONDAMNE la S.A.S.U Contitrade France aux dépens d'appel ;

LA CONDAMNE à payer à M. [V] [I] une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

CONDAMNE la S.A.S.U Contitrade France à rembourser à France-Travail le montant des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [V] [I] dans la limite des six mois prévue par la loi et ce, avec intérêts de droit à compter de la présente décision.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en sept pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/01080
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.01080 ?
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