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06/06/2024 | FRANCE | N°23/00321

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 06 juin 2024, 23/00321


ARRÊT N° /2024

PH



DU 06 JUIN 2024



N° RG 23/00321 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FD4U







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

21/00035

07 décembre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.S. ERT TECHNOLOGIES prise en la pe

rsonne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aline CHAPELLE de la SELEURL A2C AVOCAT, avocat au barreau de PARIS









INTIMÉE :



Madame [S] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Géraldine EMONET de la SELAFA ACD, substitu...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 06 JUIN 2024

N° RG 23/00321 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FD4U

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EPINAL

21/00035

07 décembre 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

S.A.S. ERT TECHNOLOGIES prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aline CHAPELLE de la SELEURL A2C AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [S] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Géraldine EMONET de la SELAFA ACD, substituée par Me Leyla DUYGULU, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : PERRIN Céline

DÉBATS :

En audience publique du 21 Mars 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 06 Juin 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 06 Juin 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.

Mme [S] [C] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée, par la S.A.S ERT Technologies à compter du 11 mai 2015, en qualité de responsable hotline.

La convention collective nationale des cadres des travaux publics s'applique au contrat de travail.

Du 13 au 20 mai 2016, la salariée est en arrêt de travail pour maladie, suivi d'un second arrêt travail à compter du 15 juin 2016 avant d'être placée en congé de maternité jusqu'en septembre 2017.

A compter du 01 septembre 2017, elle occupait le poste de chef de projet RSE et relations écoles, suivant avenant à son contrat de travail.

Par courrier du 03 février 2020, Mme [S] [C] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 17 février 2020, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 24 février 2020, Mme [S] [C] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse, avec dispense de préavis.

Par requête du 19 février 2021, Mme [S] [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Epinal, aux fins :

- de dire qu'elle a été victime de harcèlement moral,

- par conséquent, de condamner la S.A.S ERT Technologies à lui verser la somme de 23 008,14 euros nets à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral et financier subi du fait du harcèlement moral (soit 6 mois de salaire),

- de dire que le licenciement est nul car prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la protection des victimes de harcèlement moral,

- de condamner la S.A.S ERT Technologies à lui verser la somme de 23 008,14 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (soit 6 mois de salaire),

- à titre infiniment subsidiaire, si le conseil devait considérer que le licenciement n'est pas nul, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- par conséquent, de condamner la S.A.S ERT Technologies à lui verser la somme de 19 173,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (soit 5 mois de salaire),

- de dire que la S.A.S ERT Technologies n'a pas procédé au rattrapage salarial à l'issue de son congé maternité,

- par conséquent, de condamner la S.A.S ERT Technologies à lui verser la somme de 4 034,03 euros bruts au titre du rappel de salaire outre la somme de 403.43 euros au titre des congés payés afférents,

- de condamner la S.A.S ERT Technologies à lui verser la somme de 12 909,59 euros bruts au titre du rappel de salaire sur prime d'objectifs et 1 290.95 euros au titre des congés payés afférents,

- de dire que le forfait annuel en jours ne repose sur aucune base légale,

- de dire que le forfait annuel en jours n'a pas été correctement exécuté,

- par conséquent, de condamner la S.A.S ERT Technologies à lui verser la somme de 35 867,06 euros bruts outre la somme de 3 586,71 euros au titre des congés payés afférents,

- de dire que la S.A.S ERT Technologies a eu recours à du travail dissimulé,

- par conséquent, de condamner la société S.A.S ERT Technologies à lui verser la somme de 23 008,14 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- de condamner la S.A.S ERT Technologies à lui remettre une attestation France Travail (ex. Pôle Emploi) rectifiée et un bulletin de salaire correspondant aux condamnations, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir,

- de condamner la S.A.S ERT Technologies à lui verser la somme de 3 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l'instance,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir au visa de l'article 515 du code de procédure civile.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 07 décembre 2022 qui a:

- dit et jugé que Mme [S] [C] a été victime de harcèlement moral,

- par conséquent, condamné la S.A.S ERT Technologies à payer à Mme [S] [C] la somme de 11 504,07 euros nets à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral et financier subi du fait du harcèlement moral,

- dit et jugé que le licenciement est nul,

- par conséquent, condamné la S.A.S ERT Technologies à payer à Mme [S] [C] la somme de 23 008,14 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- dit et jugé que la S.A.S ERT Technologies n'a pas procédé au rattrapage salarial de Mme [S] [C] à son retour de congé maternité,

- par conséquent, condamné la société S.A.S ERT Technologies à payer à Mme [S] [C] la somme de :

- 4 034,03 euros bruts à titre du rappel de salaire,

- 403,43 euros au titre des congés payés y afférents,

- condamné la ERT TECHNOLOGIES à payer à Mme [S] [C] la somme de 11.800,00 euros bruts à titre de rappel de salaire,

- dit que le forfait annuel en jours ne repose sur aucune base légale,

- dit que le forfait annuel en jour n'a pas été correctement exécuté,

- débouté Mme [S] [C] de sa demande tendant à condamner la S.A.S ERT Technologies à la somme de 25 909,70 euros bruts et la somme de 2 590,97 euros au titre des congés payés afférents,

- dit que la S.A.S ERT Technologies n'a pas eu recours à du travail dissimulé,

- par conséquent, débouté Mme [S] [C] de sa demande,

- condamné la S.A.S ERT Technologies à remettre à Mme [S] [C] une attestation France Travail (ex. Pôle Emploi) rectifiée ainsi que le bulletin de salaire correspondant aux condamnations sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de deux mois après la notification du jugement,

- dit que le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- débouté Mme [S] [C] de sa demande d'exécution provisoire formulée au titre de l'article 515 du code de procédure civile,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire pour les sommes visées à l'article R.1454-14 du code du travail, calculés sur la moyenne des trois derniers mois fixée à 3 834,00 euros,

- condamné la S.A.S ERT Technologies à payer à Mme [S] [C] la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la S.A.S ERT Technologies de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.S ERT Technologies aux entiers frais et dépens de l'instance.

Vu l'appel formé par la S.A.S ERT Technologies le 10 février 2023,

Vu l'appel incident formé par Mme [S] [C] le 08 août 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la S.A.S ERT Technologies déposées sur le RPVA le 22 décembre 2023, et celles de Mme [S] [C] déposées sur le RPVA le 06 février 2024,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 21 février 2024,

La S.A.S ERT Technologies demande à la cour:

- de la déclarer recevable et fondée en son appel,

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 07 décembre 2022 en ce qu'il a débouté Mme [S] [C] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et jugé que la société n'avait pas eu recours au travail dissimulé,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il:

- l'a condamnée à payer à Mme [S] [C] les sommes de:

- 11 504,07 euros nets à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral et financier subi du fait du harcèlement moral,

- 23 008,14 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

- 4 034,03 euros bruts à titre du rappel de salaire en raison du rattrapage des augmentations salariales pendant le congé maternité,

- 403,43 euros au titre des congés payés y afférents,

- 11.800,00 euros bruts à titre de rappel de salaire en raison du versement partiel des bonus annuels,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée à remettre à Mme [S] [C] une attestation France Travail (ex. Pôle Emploi) rectifiée ainsi que le bulletin de salaire correspondant aux condamnations sous astreinte de 50 euros par jours de retard à compter de deux mois après la notification du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- l'a condamnée aux entiers frais et dépens de l'instance,

*

Statuant à nouveau :

- de constater l'absence de harcèlement moral et débouter Mme [S] [C] de l'ensemble de ses demandes,

- de juger que le licenciement de Mme [S] [C] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter Mme [S] [C] de l'ensemble de ses demandes,

- de la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de la débouter de sa nouvelle demande formée en cause d'appel au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires,

- de la débouter de sa nouvelle demande formée en cause d'appel au titre de la discrimination,

- de la débouter au versement de la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme [S] [C] aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Mme [S] [C] demande à la cour:

- de rejeter l'appel de la S.A.S ERT Technologies,

- de faire droit à son appel incident,

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Epinal rendu le 07 décembre 2022, en ce qu'il a :

- dit et jugé qu'elle a été victime de harcèlement moral,

- par conséquent, condamné la S.A.S ERT Technologies à lui payer la somme de 11 504,07 euros nets à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral et financier subi du fait du harcèlement moral,

- dit et jugé que le licenciement est nul,

- par conséquent, condamné la S.A.S ERT Technologies à lui payer la somme de 23 008,14 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- dit et jugé que la S.A.S ERT Technologies n'a pas procédé au rattrapage salarial à son retour de congé maternité,

- par conséquent, condamné la société S.A.S ERT Technologies à lui payer les sommes de :

- 4 034,03 euros bruts à titre du rappel de salaire,

- 403,43 euros au titre des congés payés y afférents,

- dit que le forfait annuel en jours ne repose sur aucune base légale,

- dit que le forfait annuel en jour n'a pas été correctement exécuté,

- condamné la S.A.S ERT Technologies à lui payer la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.S ERT Technologies aux entiers frais et dépens de l'instance,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il:

- l'a déboutée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires,

- condamné la S.A.S ERT Technologies à lui verser la somme de 11 800,00 euros en lieu et place de la somme de 12 909,59 euros sollicités au titre de la prime d'objectif,

- l'a déboutée de sa demande au titre des congés payés afférents au rappel de salaire sur prime d'objectif,

- condamné la S.A.S ERT Technologies à lui verser la somme de 11 504,07 euros en lieu et place de la somme de 23 008,14 euros sollicités au titre des dommages et intérêts en raison du préjudice moral et financier subi du fait du harcèlement moral,

- jugé que la S.A.S ERT Technologies n'avait pas eu recours au travail dissimulé,

- l'a déboutée de sa demande au titre du travail dissimulé,

*

Statuant à nouveau :

- de condamner la S.A.S ERT Technologies à lui verser les sommes suivantes :

- A titre principal :

- 35 251,70 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées,

- 3 525,17 euros au titre des congés payés afférents,

- 14 063,37 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- 1 406,33 euros au titre des congés payés afférents,

- A titre subsidiaire :

- 34 077,89 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées,

- 3 407,79 euros au titre des congés payés afférents,

- 13 655,57 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

- 1 365,56 euros au titre des congés payés afférents,

- de condamner la S.A.S ERT Technologies à lui verser les sommes de:

- 12 909,59 euros bruts au titre du rappel de salaire,

- 1 290,95 euros au titre des congés payés afférents,

- 23 008,14 euros nets au titre des dommages et intérêts en raison du préjudice moral et financier subi du fait du harcèlement moral,

- de dire que la S.A.S ERT Technologies a eu recours à du travail dissimulé,

- par conséquent, de condamner la S.A.S ERT Technologies à lui verser la somme de 23 008,14 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses autres dispositions,

- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions,

*

En tout état de cause :

- de condamner la S.A.S ERT Technologies à la somme de 3 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la S.A.S ERT Technologies aux entiers frais et dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR ;

La cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par la S.A.S ERT Technologies le 22 décembre 2023 et par Mme [S] [C] le 06 février 2024.

- Sur les demandes de rappel de rémunérations.

- Sur la demande au titre du 'rattrapage salarial'.

Mme [S] [C] expose que lors de son retour de congé maternité, elle n'a pas bénéficié du 'rattrapage salarial' prévu par les dispositions de l'article L 1225-26 du code du travail ; elle demande à ce titre de voir condamner la S.A.S ERT Technologies à lui payer les sommes équivalents à la différence de sa rémunération.

La S.A.S ERT Technologies soutient que Mme [S] [C] ne justifie pas comme l'exige les dispositions de l'article L 1225-26 que les références qu'elle apporte au dossier correspondent à la notion de 'catégorie professionnelle'.

Motivation.

En l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles mentionnées dans le présent article, cette rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise.

La Convention collective nationale des cadres des travaux publics du 20 novembre 2015 ne prévoit pas des garanties d'évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité ; il convient donc de déterminer la catégorie professionnelle à laquelle la salariée appartient.

La S.A.S ERT Technologies ne conteste pas l'appartenance de Mme [S] [C] à la catégorie 'cadres', mais soutient qu'elle relève de la 'catégorie professionnelle' relative au poste qu'elle occupe.

Il ressort de la Convention collective applicable que celle-ci considère la catégorie 'cadres' comme une catégorie professionnelle spécifique, celle-ci étant divisée en 'niveaux' et 'positions' qui déterminent les postes accessibles en fonction de la formation d'origine du salarié et son expérience professionnelle.

Mme [S] [C] apporte au débat un document (pièce n° 20 de son dossier) faisant état des augmentations de rémunérations obtenues par les 27 salariés de l'entreprise appartenant à la catégorie 'cadres' à l'époque de son congé maladie ; la S.A.S ERT Technologies ne conteste pas ces éléments.

L'employeur ne conteste pas davantage que Mme [S] [C] n'a pas bénéficié des dispositions rappeleées plus haut.

Dès lors, il sera fait droit à la demande à hauteur de 4034,03 euros outre la somme de 403,43 euros, et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

- Sur les heures supplémentaires.

Il convient de constater à titre liminaire que le jugement entrepris n'est pas contesté en ce qu'il a dit que la convention de forfait jour ne reposait 'sur aucune base légale' ; dès lors, il convient de faire application du régime de droit commun relatif à la rémunération des heures de travail.

Mme [S] [C] expose qu'elle a été amené à effectuer des heures de travail au delà de l'horaire légal, dont elle demande le paiement.

La S.A.S ERT Technologies conteste cette demande.

Motivation.

Il ressort des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail en sa rédaction applicable au litige qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [S] [C] apporte au dossier:

- un décompte quotidien du nombre d'heures de travail qu'elle prétend avoir effectuées pour la période du 1er septembre 2017 au 25 février 2020 (pièce n° 23 de son dossier) ;

- un document de synthèse relatif à ces horaires sur la même période (pièce n° 51 id.) ;

Elle apporte donc à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis permetant à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Si la S.A.S ERT Technologies fait valoir que Mme [S] [C] prenait des pauses méridiennes importantes et que de ce fait elle n'a accompli aucune heure supplémentaire, elle n'apporte aucun élément concernant le contrôle des heures de travail du salarié auquel elle est tenue ni aucune pièce relative aux temps de pause méridienne de Mme [S] [C].

Dès lors, il sera fait droit à cette dernière dans la limite de la prescription, soit du 24 avril 2017 au 24 avril 2020, et ce à hauteur de 35 251,70 euros outre la somme de 3521,18 euros au titre des congés payés afférents.

La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

- Sur la demande au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires.

- Sur la recevabilité de la demande.

La S.A.S ERT Technologies expose que la demande présentée par Mme [S] [C] doit être rejetée en ce qu'elle n'a pas été présentée en première instance et est donc prescrite.

Il ressort des dispositions des articles 565 et 566 du code de procédure civile que les prétentions devant la cour d'appel ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, les parties ne pouvant ajouter à ces prétentions les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Il ressort de la lecture de la décision appelée que Mme [S] [C] a présenté en première instance une demande tendant à voir la S.A.S ERT Technologies condamnée à lui payer des sommes au titre des heures supplémentaires effectuées ; que la demande relative au dépassement du contingent des heures supplémentaires constitue l'accessoire et la conséquence de cette dernière demande.

En conséquence, la demande est recevable.

- Sur le fond.

Le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu par la convention collective applicable est de 145 heures.

Au regard du nombre d'heures supplémentaires retenues comme évoqué plus haut et des taux horaires applicables, il sera fait droit à la demande à hauteur de 14 063,37 euros, outre la somme de 1406, 34 euros au titre des congés payés afférents.

- Sur la demande au titre du travail dissimulé.

L'article L 8221- 5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner intentionnellement sur un bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Le fait pour un employeur de faire application d'une convention de forfait nulle ou inopposable au salarié n'établit pas le caractère intentionnel exigé par ce texte.

La demande sur ce point sera rejetée, et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

- Sur la demande au titre des primes.

Mme [S] [C] expose que la S.A.S ERT Technologies ne lui a pas réglé les primes d'objectifs contractuellement prévues depuis son entrée dans l'entreprise, soit sur cinq années ; que la prescription triennale n'est pas applicable en l'espèce dans la mesure où l'absence de paiement de certaines de ces primes trouve son origine dans son absence pour congé de maternité, et que cette absence de paiement de primes à ce titre est discriminatoire ; elle conclut à la confirmation de la décision entreprise.

La S.A.S ERT Technologies s'oppose à la demande ; elle soutient d'une part que seule la prescription triennale peut s'appliquer en l'espèce dans la mesure où Mme [C] n'a pas présenté de demande fondée sur une discrimination ; que d'autre part elle ne justifie pas que ces primes ne lui ont pas été versées, ce d'autant qu'un avenant est intervenu en 2019 pour modifier le montant de ces primes.

Motivation.

Il ressort des dispositions du contrat conclu entre les parties (pièce n° 1 du dossier de Mme [S] [C]) qu'était prévue en sus de la rémunération contractuellement fixée 'une prime annuelle d'un montant de 5 000 euros en fonction d'objectifs individuels et collectifs qui seront déterminés chaque année par la Direction Générale et pour la première fois au début de l'année 2016 pour l'exercice 2016".

La S.A.S ERT Technologies ne démontre pas que les objectifs prévus par le contrat lui ont été signifiés ; elle ne démontre pas par ailleurs que la 'lettre de mission' en date du 10 octobre 2019 aux termes de laquelle était prévue une prime S.A.S ERT Technologies de 1500 euros brut (pièce n° 15 du dossier de Mme [C]) a été signée par la salariée de telle façon qu'il ne peut pas être considéré que cette prime a remplacé celle initialement prévue.

La S.A.S ERT Technologies ne démontre pas qu'elle a intégralement versé les sommes auxquelles elle était contractuellement tenue envers Mme [C].

S'agissant de la prescription, si Mme [S] [C] soutient qu'elle n'a pas perçu la prime au titre de l'année 2016 en raison de son absence pour cause de congé maternité et que ce non-paiement de prime est discriminatoire de ce fait, elle ne présente pas de demande tandant à voir constater cette discrimination ; Mme [S] [C] ayant quitté l'entreprise le 24 mai 2020, il sera fait droit à la demande conformément aux dispositions de l'article L 3245-1 du code du travail pour la période du 24 mai 2017 au 24 mai 2020.

Sur cette base, il sera fait droit à la demande à hauteur de 10 500 euros, et la décision entreprise sera réformée sur ce point.

- Sur le harcèlement moral.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [S] [C] expose que la S.A.S ERT Technologies:

- a multiplié les actes dégradants et humiliants à son égard ;

- ne l'a pas préservé d'actes commis à con encontre ;

- a délibérément aggravé sa charge de travail.

Sur le premier fait, Mme [S] [C] apporte au dossier des courriels, établis sur la période du 17 mars au 3 mai 2016, émanant de M. [N] [G], lui donnant des instructions et accompagnant ces instructions de remarques telles que:

- 'Il faut vraiment pilotée (sic) vos affaires' ;

- ' Quant allez-vous piloter votre service '' ;

- 'Pas de bla-bla du résultat SVP ! ' ;

- 'Que ce soit la dernière fois que cela se produit' ;

- 'comme je vous l'a déjà écrit, que cela ne se reproduise plus' (pièces n° 9 et 43 du dossier de Mme [C]).

Le fait est donc établi.

Sur le deuxième fait, Mme [S] [C] expose qu'elle a fait l'objet de la part d'une autre salariée de l'entreprise, Mme [O] [P], de menaces en s'exprimant ainsi auprès d'autres salariés: ' Avec les escaliers de ces nouveaux locaux, [S] devrait faire attention. Un accident est si vite arrivé, je peux la pousser dans les escaliers'.

Ces propos ont été reconnus par l'intéressée, qui a fait l'objet sur ce point d'une mesure disciplinaire (pièce n° 13 du dossier de Mme [C]).

Dès lors, la S.A.S ERT Technologies a pris les mesures nécessaires pour sanctionner l'auteure de ces propos, et le fait dénoncé n'est donc pas établi.

Sur le troisième fait, Mme [S] [C] expose qu'il lui a été imposé des tâches en surplus de ces attributions contractuelles ; elle apporte au dossier un décompte de ses heures de travail faisant apparaître qu'elle a effectué 413 heures supplémentaires en 2018 et 425 heures supplémentaires en 2019.

Le fait dénoncé est donc établi.

Par ailleurs, Mme [S] [C] apporte au dossier:

- un certificat médical établi le 7 janvier 2021 par le Docteur [M] [J] indiquant que Mme [C] a été placée en arrêt de travail du 13 mai au 20 mai 2016 et du 1° au 5 juin 2016 pour 'burn-out', ce certificat n'étant pas contraire aux dispositions de l'article R 4127-28 du code de la santé publique (pièce n° 45 de son dossier) ;

- deux prescriptions médicales des 7 octobre 2019 et 6 février 2020

En réponse, la S.A.S ERT Technologies soutient qu'elle ne peut lui imputer des faits de harcèlement moral au titre de courriels qui lui ont été adressés par M. [N] [G], celui-ci, s'il était associé de la société et gérant de la société ERT Lux, n'avait aucune relation hierarchique ni fonctionnelle avec Mme [C].

Il ressort toutefois d'un SMS rédigé par M. [B] [K], président de la société, le 17 juin 2016, que celui-ci indique à M. [N] [G] que, du fait de l'arrêt maladie de Mme [C], il a 'les mains libre pour organiser comme il souhaite' (pièce n° 10 du dossier de Mme [C]); qu'il ressort de la combinaison de ce message et des courriels reçus par Mme [C] de la part de M. [G] que celui-ci intervenait dans le fonctionnement de la société comme supérieur hiérarchique de fait de la salarié.

S'agissant du grief relatif aux heures supplémentaires, la S.A.S ERT Technologies soutient que les éléments relatifs aux heures de connexion de Mme [C] sur le système informatique interne (pièce n° 34 de son dossier et 41 du dossier de Mme [C]' ne démontrent pas la charge de travail alléguée.

Toutefois, la S.A.S ERT Technologies ne démontre pas comme elle le soutient que le temps de connexion représentait la totalité du temps de travail de la salariée, et il a été évoqué précédemment que la société ne fournissait aucun élement sur le contrôle de ce temps de travail.

Au regard de ces éléments, la S.A.S ERT Technologies ne démontre pas que les faits reprochés par la salariée sont étranger à tout harcèlement moral.

Il convient donc de constater que Mme [S] [C] a subi des faits de harcèlement moral.

Mme [S] [C] a subi du fait du harcèlement moral un préjudice qu'il convient d'indemniser ; il sera fait droit à la demande à hauteur de 11 504,07 euros nets, et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

- Sur la nature du licenciement.

L'article L 1152-3 du code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du même code, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Il ressort des termes de la lettre de licenciement du 24 février 2020 (pièce n° 6 du dossier de Mme [S] [C]) que la rupture du contrat de travail est motivée par 'le report de travail sur [vos] collègues', le 'manque d'investissement dans [votre] travail et le manque d'assiduité.

Au regard du volume de travail fourni par Mme [S] [C] compte tenu du nombre d'heures supplémentaires retenu précédemment, le licenciement est donc directement lié aux agissements de harcèlement moral évoqués plus haut.

En conséquence, le licenciement de Mme [S] [C] par la S.A.S ERT Technologies est nul, et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Il sera fait droit à la demande au titre de la rupture du contrat de travail à hauteur de 23 008,14 euros, soit l'équivalent de six mois de salaire, et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Le licenciement étant déclaré nul sur le fondement des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail, il sera fait application des dispositions de l'article L 1235-4 du même code et la S.A.S ERT Technologies sera condamnée à rembourser à l'etablissement public France-Travail le montant des indemnités de chômage éventuellement perçues par Mme [S] [C] dans la limite de six mois d'indemnités.

La S.A.S ERT Technologies qui succombe supportera les dépens de l'instance.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [S] [C] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a exposés ; il sera fait droit à la demande à hauteur de 2500 euros.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement rendu le 7 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes d'Epinal dans le litige opposant Mme [S] [C] à S.A.S ERT Technologies en ce qu'il a :

- Condamné la S.A.S ERT Technologies à payer à Mme [S] [C] la somme de 11 800 euros au titre de rappel de primes ;

- Débouté Mme [S] [C] de sa demande au titre des heures supplémentaires ;

CONFIRME la décision entreprise pour le surplus ;

STATUANT A NOUVEAU

CONDAMNE la S.A.S ERT Technologies à payer à Mme [S] [C] la somme de 10 500 euros au titre de rappel de primes ;

CONDAMNE la S.A.S ERT Technologies à payer à Mme [S] [C] la somme de 35 251,70 euros au titre des heures supplémentaires, outre la somme de 3521,18 euros au titre des congés payés afférents ;

Y AJOUTANT ;

DIT la demande au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires recevable ;

CONDAMNE la S.A.S ERT Technologies à payer à Mme [S] [C] la somme de 14 063,37 euros, outre la somme de 1406, 34 euros au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNE la S.A.S ERT Technologies aux dépens d'appel ;

LA CONDAMNE à payer à Mme [S] [C] une somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

CONDAMNE la S.A.S ERT Technologies à rembourser à l'etablissement public France-Travail le montant des indemnités de chômage éventuellement perçues par Mme [S] [C] dans la limite de six mois d'indemnités et ce, avec intérêts de droit à compter de la présente décision.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël Weissmann, Président de Chambre et par Madame Laurène Rivory, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/00321
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.00321 ?
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