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23/05/2024 | FRANCE | N°23/01486

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 23 mai 2024, 23/01486


ARRÊT N° /2024

PH



DU 23 MAI 2024



N° RG 23/01486 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGQK







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SCHILTIGHEIM

19/15

20 décembre 2019











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2





Saisine sur renvoi après cassation







DEMANDEUR A LA SAISINE:>


Monsieur [L] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant, Représenté par Me François SIMONNET de la SELAS CABINET SIMONNET, avocat au barreau de STRASBOURG







INTIMÉE :



S.A.S. DECO 6 agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Local...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 23 MAI 2024

N° RG 23/01486 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FGQK

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SCHILTIGHEIM

19/15

20 décembre 2019

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

Saisine sur renvoi après cassation

DEMANDEUR A LA SAISINE:

Monsieur [L] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant, Représenté par Me François SIMONNET de la SELAS CABINET SIMONNET, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉE :

S.A.S. DECO 6 agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY substitué par Me BARRIOS , avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 08 Février 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 16 Mai 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette dte le délibéré a été prorogé au 23 mai 2024 ;

Le 23 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [L] [K] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société SAS DECO 6, dont il était associé, à compter du 01 avril 2005, en qualité d'agent technico-commercial.

Courant 2016, la société SAS DECO 6 a racheté le fonds de commerce « COULEURS D'ALSACE » situé à [Localité 5], et est entrée au capital de la société DAW FRANCE.

Au dernier état de ses fonctions, Monsieur [L] [K] occupait le poste de responsable commercial en charge du site de [Localité 5].

Par courrier du 20 novembre 2018, Monsieur [L] [K] a démissionné de son poste de travail.

Par courrier du 17 décembre 2018, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête du 25 janvier 2019, Monsieur [L] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Schiltigheim, aux fins :

- de juger que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée par les manquements commis par l'employeur et qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société SAS DECO 6 à lui verser les sommes suivantes :

- 37 522,10 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 108 050,00 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 16 250,00 euros à titre de rappel sur commissions pour l'année 2016,

- 16 250,00 euros à titre de rappel sur commissions pour l'année 2017,

- 16 250,00 euros à titre de rappel sur commissions pour l'année 2018,

- 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 5 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'appliquer les intérêts au taux légal,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim rendu le 20 décembre 2019, lequel a :

- dit et jugé que la démission du 20 novembre 2018 est claire et non équivoque et qu'elle ne s'assimile pas à une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- débouté Monsieur [L] [K] au titre de sa demande d'indemnité de licenciement,

- débouté Monsieur [L] [K] de sa demande dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [L] [K] au titre de ses demandes de rappel sur commissions dues pour les années 2016, 2017 et 2018,

- condamné Monsieur [L] [K] à verser à la société SAS DECO 6 la somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar rendu le 29 octobre 2021, lequel a :

- confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

- condamné Monsieur [L] [K] à régler à la société SAS DECO 6 la somme de 2 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande présentée par Monsieur [L] [K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [L] [K] aux dépens de la procédure d'appel

Vu l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 21 juin 2023, lequel a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu par le 29 octobre 2021, entre les parties, par la Cour d'appel de Colmar,

- remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la Cour d'appel de Nancy,

- condamné la société SAS DECO 6 aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société SAS DECO 6 et l'a condamné à payer à Monsieur [L] [K] la somme de 3 000,00 euros.

Vu la requête sur saisine de la juridiction de renvoi déposée par Monsieur [L] [K] le 04 juillet 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [L] [K] déposées sur le RPVA le 16 janvier 2024, et celles de la société SAS DECO 6 déposées sur le RPVA le 23 janvier 2024,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 24 janvier 2024,

Monsieur [L] [K] demande :

- de déclarer recevable l'appel en la forme,

- de dire l'appel bien fondé au fond,

- de déclarer recevable la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim rendu le 20 décembre 2019 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- de condamner la société SAS DECO 6 à payer à Monsieur [L] [K] les sommes suivantes :

- 27 328,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 732,86 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 38 260,07 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 59 130,00 euros à titre de rappel sur commissions,

- 104 759,71 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1222-1 du code du travail.

La société SAS DECO 6 demande :

- de dire et juger Monsieur [L] [K] mal fondé en son appel,

En conséquence :

- de confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

*

A titre subsidiaire :

**In limine litis :

- de déclarer irrecevable la demande de Monsieur [L] [K] tendant au paiement de dommages et intérêts pour exécution prétendument déloyale du contrat de travail,

**Sur le fond :

- de condamner Monsieur [L] [K] à restituer à la société SAS DECO 6 la somme de 63 459,78 euros à titre de salaires trop versés,

- d'ordonner la compensation entre toute somme que Monsieur [L] [K] devrait à la société SAS DECO 6 et toute somme que la société SAS DECO 6 devrait à Monsieur [L] [K],

- de fixer la moyenne des rémunérations à la somme de 7 359,28 euros,

- de fixer les condamnations aux sommes suivantes :

- 22 077,84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 207,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 33 607,37 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 7 359,28 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base du barème Macron et sur l'assiette de 7 359,28 euros,

- de débouter Monsieur [L] [K] de l'ensemble ses demandes fins et prétentions,

*

En toute hypothèse :

- de condamner Monsieur [L] [K] à payer à la société SAS DECO 6 la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [L] [K] aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de Monsieur [L] [K] déposées sur le RPVA le 16 janvier 2024, et celles de la société SAS DECO 6 déposées sur le RPVA le 23 janvier 2024.

Sur la rupture du contrat de travail :

Monsieur [L] [K] expose qu'il exerçait depuis le 1er avril 2005 les fonctions de technico-commercial au sein de la SAS DECO 6 ; qu'il était entré au capital de la société à hauteur de 1.138 actions sur un total de 6.000 soit environ 19 % ; que sa rémunération était composée d'un fixe mensuel de 2820 euros d'heures supplémentaires d'un montant de 232,40 euros ainsi que d'une rémunération variable maximale de 48.960 euros sur la base d'un « barème prime des commerciaux ».

Il indique qu'en 2016, la SAS DECO 6 a acquis de la société Trade Peinture un fonds de commerce « Couleurs d'Alsace » situé à [Localité 5] et qu'il était devenu responsable commercial en charge du site de [Localité 5], son salaire fixe passant à 5000 euros.

Il expose avoir démissionné et pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettres du 24 novembre 2018 et du 17 décembre 2018, dans lesquels il exprime un certain nombre de griefs.

Les griefs dont se prévaut [L] [K] dans ses conclusions sont les suivants : inquiétudes quant à la gestion de la société et problèmes de communication, agression, fermeture du site de [Localité 5] et remarques d'employés, remises de bordereaux et demande de loyauté, propos injurieux et diffamatoires et non perception de commissions.

- Sur le premier grief :

Les inquiétudes et les problèmes de communication invoqués dans le courrier de démission concernent la gestion de la société et des difficultés pouvant être rencontrées par Monsieur [L] [K] en tant qu'actionnaire. En tant que salarié, il ne peut s'en prévaloir. Ce grief n'est donc pas établi.

- Sur le deuxième grief :

Monsieur [L] [K] produit un courrier adressé à M. [S] [Y] par son conseil le mettant en demeure de présenter ses excuses suite à son comportement à l'issue d'une assemblée générale d'actionnaires. En l'absence de témoignages corroborant ses dires, ce seul élément est insuffisant pour démontrer qu'une agression et des menaces ont été faites à l'encontre de Monsieur [L] [K]. Il en résulte que ce grief n'est pas établi.

- Sur le troisième grief :

Monsieur [L] [K], en tant qu'actionnaire de la société, était présent lors de l'assemblée générale du 20 juin 2018, au cours de laquelle il s'est opposé à la fermeture du site de [Localité 5], il ne peut soutenir avoir été mis devant le fait accompli en tant que salarié. Quant aux remarques d'employés, là encore il n'est fourni aucun élément étayant ses propos. Ce grief n'est en conséquence pas établi.

- Sur le quatrième grief :

Les demandes présentées par l'employeur suite à la démission de Monsieur [L] [K] s'inscrivent dans son pouvoir de direction et ne relèvent pas d'un manquement grave. En effet, il ne peut être reproché à un employeur de réclamer les bordereaux de remises de chèques cadeaux signés et tamponnés avant la fin du préavis. Tout comme il n'est pas incongru que l'employeur rappelle au salarié qui quitte son entreprise d'avoir une « attitude loyale », s'agissant d'un devoir salarial. Ce grief n'est encore une fois pas établi.

- Sur le cinquième grief :

Il appartient à Monsieur [L] [K] d'apporter tous éléments quant aux propos insultants et diffamatoires allégués dans la prise d'acte. Toutefois, force est de constater que dans le cadre de la présente instance, aucun élément n'est fourni permettant de les corroborer, de sorte que ce grief n'est pas établi.

- Sur le sixième grief :

Monsieur [L] [K] expose que sa rémunération avant 2016 était composée d'un salaire fixe mensuel de 2820 euros, d'heures supplémentaires d'un montant de 232,40 euros ainsi que d'une rémunération variable maximale de 48 960 euros, sur la base d'un « barème prime des commerciaux » (annexe n° 7) ; que le 1er avril 2016, lui a été confiée la gestion du dépôt COULEURS D'ALSACE à [Localité 5] en qualité de Responsable commercial avec sept commerciaux placés sous son autorité ; que c'est dans ce cadre que sa rémunération fixe est passée à 5000 euros.

Il indique que cette augmentation lui a été annoncée « à partir du 1er mai 2016 » et qu'il l'a acceptée, mais fait valoir qu'à aucun moment n'a été débattue la modification de sa rémunération variable.

Monsieur [L] [K] fait valoir que dès lors que sa rémunération a été modifiée sans son accord, peu importe qu'il ait ou non invoqué ce grief dans sa lettre de démission ou dans celle du 17 décembre 2018, l'employeur a commis une faute qui justifie sa prise d'acte.

La société DECO 6 expose que Monsieur [L] [K] a consenti à la modification de la structure de sa rémunération.

Elle fait valoir que Monsieur [T], collègue de travail, atteste que lors d'une des réunions organisées pour préparer la fusion de la société avec Couleur d'Alsace, « nous avons convenu avec le directeur administratif et financier, M. [H], d'harmoniser les rémunérations de chacun des chefs des ventes. Ainsi M. [K] prenait le secteur NORD avec le dépôt de [Localité 5] et voyait son fixe passer de 2.820 euros à 5.000 euros brut / mois ainsi qu'une prime annuelle de 22.000 payable plusieurs fois l'année d'après » (pièce n° 4).

La société fait valoir également valoir que Monsieur [L] [K] reconnaît lui-même avoir accepté que son salaire fixe soit porté à 5000 euros ; que cette augmentation impliquait nécessairement que la partie variable du salaire soit modifiée à la baisse ; que si tel n'avait pas été le cas, sa rémunération aurait augmenté de 27%, ce qui aurait été disproportionné et constitutif d'une inégalité de traitement avec Monsieur [T] ; que néanmoins, avec le nouveau système, sa rémunération a de fait été augmentée (pièce n° 5).

Elle fait également valoir que Monsieur [L] [K] était actionnaire à 19% de la société et y jouait un rôle important, de telle sorte qu'il aurait nécessairement exprimé son désaccord avec la modification de sa rémunération, alors qu'au contraire il n'a formulé aucune critique entre avril 2016 et novembre 2018, bien que cette modification apparaisse sur ses bulletins de salaire (pièce n° 2).

La cour constate que la société DECO 6 ne produit aucun document démontrant que Monsieur [L] [K] a consenti par écrit à la modification de la structure de sa rémunération.

La seule pièce qu'elle produit relative à ce consentement, est l'attestation de Monsieur [T].

Mais, compte-tenu notamment de l'imprécision de cette attestation sur les modalités de ce consentement et notamment à la date à laquelle il serait intervenu, elle est insuffisante à le démontrer.

Le mode de rémunération contractuel d'un salarié constituant un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord le grief est démontré.

La circonstance que le nouveau mode de rémunération eût été plus avantageux est sans emport.

Précisément à cet égard, la cour relève qu'il résulte des conclusions de la société DECO 6 que si la partie variable du salaire de Monsieur [L] [K] n'avait pas été modifiée à la baisse, il en aurait résulté une augmentation de sa rémunération globale de 27%.

Cependant, pour justifier la rupture du contrat de travail, le manquement constaté doit être suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Or en l'espèce, Monsieur [L] [K] qui a pu constater dès la lecture de son bulletin de salaire de mai 2016 que la structure de sa rémunération avait été modifiée, notamment en ce que n'y apparaissait plus la mention « prime sur CA » et que celle-ci ne lui était plus versée, n'a demandé la rupture de son contrat de travail que le 20 novembre 2018.

Il résulte du laps de temps qui s'est écoulé entre la connaissance des faits par Monsieur [L] [K] et sa prise d'acte, que le grief de modification unilatérale de la structure de la rémunération n'était pas suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail pendant deux ans et sept mois.

Dès lors, en raison de l'ancienneté des faits la prise d'acte n'apparaît pas justifiée et la démission de Monsieur [L] [K] ne saurait produire les effets d'un licenciement abusif.

Sur la demande de rappel de commissions :

Monsieur [L] [K] réclame des rappels de 16 250 euros (38 250 euros de commissions dues - 22 000 euros de commissions versées) pour l'exercice 2016 ; 21.440 euros (43 440 euros - 22 000 euros) pour l'exercice 2017 ; 21 440 euros (43 440 euros ' 22000 euros) pour l'exercice 2018 (annexe n° 20).

Il demande ainsi la somme totale de 59 130 euros.

La société DECO 6 fait valoir à titre subsidiaire que s'il est admis que Monsieur [L] [K] n'a pas accepté la modification de sa rémunération, il faut recalculer cette dernière sur la base de son salaire fixe antérieur de 2820 euros, puisqu'il n'a pas non plus consenti à l'augmentation portant le fixe à 5000 euros.

En conséquence, elle réclame, à titre reconventionnel, de procéder à la compensation entre les primes réclamées par Monsieur [L] [K] et les salaires qu'elle aurait dû verser avant l'augmentation à 5000 euros.

La société DECO 6 demande ainsi la condamnation de Monsieur [L] [K] à lui verser la somme de 14 709,78 euros bruts.

Motivation :

La rémunération de Monsieur [L] [K] ayant été modifiée sans son consentement, l'employeur doit lui verser les commissions qu'il aurait dû percevoir en l'absence de cette modification, dont le montant se fixe, ainsi qu'il en ressort de l'annexe 20 de l'appelant et que par ailleurs la société ne conteste pas à titre subsidiaire le quantum, à la somme de 59 130 euros.

En revanche, la société DECO 6 ne prétendant pas ne pas avoir consenti à verser à Monsieur [L] [K] un salaire fixe de 5000 euros, elle ne peut demander à ce que ce montant soit rétroactivement revu à la baisse.

En conséquence, la société DECO 6 devra verser à Monsieur [L] [K] la somme de 59 130 euros à titre de rappels de primes pour les exercices 2016 à 2018 et sera déboutée de sa demande reconventionnelle.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La prise d'acte de Monsieur [L] [K] n'étant pas justifiée, sa démission ne peut produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence il sera débouté de toutes ses demandes indemnitaires.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Monsieur [L] [K] fait valoir qu'en modifiant sans son accord la structure de sa rémunération, en jetant le discrédit sur lui et en le poursuivant pour concurrence déloyale, la société DECO 6 n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail.

Il réclame en conséquence la somme de 20 000 euros.

La société DECO 6 fait valoir que cette demande est irrecevable comme ayant présentée pour la première fois à hauteur d'appel.

Sur le fond, elle fait valoir que le préjudice allégué est identique à celui allégué au titre de l'indemnisation pour licenciement abusif et ne peut être deux fois indemnisé.

Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, « les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ».

En l'espèce, la demande de dommages et intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail présente un lien suffisant avec les demandes indemnitaires relatives à la rupture du contrat de travail au tort de l'employeur.

Sur le fond, ne peuvent être pris en compte les éléments postérieurs à la rupture du contrat de travail.

Cependant, la modification unilatérale du contrat de travail de Monsieur [L] [K] par la société DECO 6 ressort d'une exécution déloyale de ce contrat.

La société DECO 6 devra en conséquence verser la somme de 5000 euros à Monsieur [L] [K] à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande figurant au dispositif de l'appelant d'une indemnité au titre de l'article L.1222-1 du code du travail :

Monsieur [L] [K] demande à la cour de « condamnée l'intimée à verser à l'appelant une indemnité de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L1222-1 du code du travail d'un montant de 20 000 euros ».

Cette demande, non motivée, apparait identique à celle de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et sera donc rejetée, un même préjudice ne pouvant être réparé deux fois.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :

La société DECO 6 sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

La cour constate que Monsieur [L] [K] ne formule aucune demande à ce titre.

La société DECO 6 sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim, en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [K] de sa demande de paiement de rappels de primes,

CONFIRME pour le surplus le jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim, en ses dispositions soumises à la cour ;

STATUANT A NOUVEAU

Condamne la société DECO 6 à verser à Monsieur [L] [K] la somme de 59 130 euros à titre de rappel de primes sur le chiffre d'affaires,

Déboute la société DECO 6 de sa demande reconventionnelle de voir condamner Monsieur [L] [K] à lui verser la somme de 14 709,78 euros,

Condamne la société DECO 6 aux dépens de première instance ;

Y AJOUTANT

Dit la demande de Monsieur [L] [K] de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail recevable,

Condamne la société DECO 6 à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Déboute Monsieur [L] [K] de sa demande de dommages et intérêts « sur le fondement de l'article L1222-1 du code du travail »,

Déboute la société DECO 6 de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société DECO 6 aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en dix pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/01486
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.01486 ?
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