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23/05/2024 | FRANCE | N°23/01083

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 23 mai 2024, 23/01083


ARRÊT N° /2024

PH



DU 23 MAI 2024



N° RG 23/01083 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFTA







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

21/00589

03 mai 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2









APPELANTE :



Madame [N] [R]

[Adresse 1]

[Localité 5]
>Représentée par Me Maxime JOFFROY de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocat au barreau de NANCY









INTIMÉES :



C.G.E.A. IDF-OUEST pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 8]

Ni comparante ni représentée



S.E.L.A.R.L. AXYME en la personne de Me Jean-Cha...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 23 MAI 2024

N° RG 23/01083 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFTA

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

21/00589

03 mai 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

Madame [N] [R]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Maxime JOFFROY de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉES :

C.G.E.A. IDF-OUEST pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 8]

Ni comparante ni représentée

S.E.L.A.R.L. AXYME en la personne de Me Jean-Charles DEMORTIER, liquidateur judiciaire de la Sas BIOSERENITY France anciennement dénommée SERENITY MEDICAL SERVICES (Jugement Tribunal de Commerce de Paris du 10 novembre 2023) dont le siège est situé [Adresse 3]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Olivier HUGOT, avocat au barreau de PARIS

2M ET ASSOCIES, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, prise en la personne de Maître [G] [J], dont le siège social est situé [Adresse 4], es qualité d'administrateur judiciaire de BioSerenity France (anciennement dénommée Serenity Medical Services), société par actions simplifiée, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le n° 817 914 278 et dont le siège social est situé [Adresse 3],

Représentée par Me Olivier HUGOT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 01 Février 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 18 Avril 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 23 Mai 2024;

Le 23 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [N] [R] a été engagée sous contrat de travail à durée déterminée, par la société BIOSERENITY FRANCE à compter du 16 septembre 2020 au 16 octobre 2020, puis du 17 octobre 2020 au 18 décembre 2020, en qualité d'infirmière.

Le temps de travail de la salariée était fixé à hauteur de 39 heures hebdomadaires.

La convention collective nationale de l'hospitalisation privée s'applique au contrat de travail.

Par requête du 16 décembre 2021, Madame [N] [R] a saisi le conseil de prud'hommes Nancy, aux fins :

- avant dire droit, d'enjoindre à la société SAS BIOSERENITY la délivrance des documents suivants sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter de la décision prononçant l'injonction :

- son registre du personnel,

- l'ensemble des bulletins de paie délivrés aux salariés occupés aux fonctions d'Infirmier et relevant de la position II coefficient 246, statut ETAM, sur la période qui s'étend du 1er septembre 2020 au 31 décembre 2020, dont les bulletins de paie de Mme [V] [H],

Sur le fond :

- de requalifier les contrats à durée déterminée des 16 septembre 2020 et 17 octobre 2020 en contrat de travail à durée indéterminée.

- de juger que la rupture intervenue le 18 décembre 2020 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de juger fautive l'exécution du contrat de travail du fait de la société SAS BIOSERENITY FRANCE compte tenu notamment de l'inégalité de traitement subie,

- de condamner la société SAS BIOSERENITY FRANCE à lui verser les sommes suivantes :

- 4 130,00 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 4 130,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 543,00 euros à titre d'indemnité de préavis avec les congés payés afférents,

- 20 399,22 euros au titre du salaire, des indemnités de précarité et des congés payés afférents,

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- d'ordonner la remise des documents sociaux conformes sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard passé le jugement,

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir en application de l'article 515 du code de procédure civile.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 03 mai 2023, lequel a :

- requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Madame [N] [R] en contrat à durée indéterminée à temps plein,

- dit qu'il produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société SAS BIOSERENITY à lui verser les sommes suivantes :

- 4 130,00 à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail,

- 4 130,00 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 543,00 brut à titre d'indemnité de préavis, congés payés inclus,

- 2 000,00 à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- dit que la demande de rappel de salaires, indemnités de précarité et congés payés est recevable,

- débouté Madame [N] [R] de sa demande de rappel de salaires, indemnités de précarité et congés payés,

- condamnée la société SAS BIOSERENITY FRANCE à verser à Madame [N] [R] la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire totale de la décision en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- ordonné la rectification des documents sociaux sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard passé 15 jours la notification du présent jugement,

- débouté la société SAS BIOSERENITY FRANCE de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société SAS BIOSERENITY FRANCE aux entiers frais et dépens éventuels de l'instance.

Vu l'appel formé par Madame [N] [R] le 22 mai 2023,

Par jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 03 août 2023, la société SAS BIOSERENITY FRANCE a été placée en redressement judiciaire.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 novembre 2023, la société a été placée en liquidation judiciaire, avec la désignation de la société SELARL AXYME, prise en la personne de maître [D] [O], en qualité de mandataire liquidateur.

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Madame [N] [R] déposées sur le RPVA le 28 décembre 2023, et celles des sociétés AXYME et 2 M et ASSOCIES, ès qualités, déposées sur le RPVA le 13 décembre 2023,

Par courrier reçu au greffe le 23 novembre 2023, l'UNEDIC ' AGS a indiqué ne pas souhaiter intervenir.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 10 janvier 2024,

Madame [N] [R] demande :

- de déclarer recevable et bien fondé son appel

- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 03 mai 2023 en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaires, indemnités de précarité et congés payés,

- de confirmer pour le surplus le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

- de fixer sa créance au passif de la société SAS BIOSERENITY FRANCE à la somme de 20 349,22 euros brut à titre de rappel de salaires, congés payés et régularisation de l'indemnité de précarité inclus,

- de débouter la société SELARL AXYM, prise en la personne de Maître [D] [O] en qualité de liquidateur judiciaire de la société SAS BIOSERENITY FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires,

- de débouter la société SELARL 2M ASSOCIES, prise en la personne de Maître [G] [J] en qualité d'administrateur judiciaire de la société SAS BIOSERENITY FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples et contraires,

- de dire que l'arrêt sera opposable au CGEA-AGS de l'Ile-de-France Ouest tenu à garantie en application des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

- de condamner la société SAS BIOSERENITY FRANCE à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société SAS BIOSERENITY FRANCE aux entiers dépens, en ce compris l'ensemble des frais de signification.

La société SAS BIOSERENITY FRANCE représentée par son liquidateur judiciaire la société AXYME et par son administrateur judiciaire la société SELARL 2M ET ASSOCIES, demande :

- de prononcer la mise hors de cause de la SELARL 2M et associés, ès qualités d'administrateur judiciaire de Bio Serenity France

- de juger recevable et bien fondée la société SAS BIOSERENITY FRANCE, représentée par son administrateur la société SELARL 2M ET ASSOCIES, en ses conclusions,

- d'infirmer en intégralité le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en date du 3 mai

2023,

Statuant à nouveau,

In limine litis :

- de déclarer irrecevable la demande nouvelle de Madame [N] [R] fondant une demande indemnitaire à hauteur de 20 349,22 euros brut à titre de rappel de salaires, congés payés et régularisation de l'indemnité de précarité inclus,

A titre principal :

- de constater la rupture des relations contractuelles entre Madame [N] [R] et SAS BIOSERENITY FRANCE, par l'arrivée de l'échéance du terme du contrat à durée déterminée,

- de constater l'absence de violation du principe à travail égal salaire égal, par BioSerenity France

- en conséquence, de débouter Madame [N] [R] de l'ensemble de ses chefs de demande, fins et prétentions,

En tout état de cause :

- de condamner Madame [N] [R] à verser à AXYME, ès qualités de liquidateur judiciaire de BioSerenity France la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de Procédure Civile et aux entiers dépens d'instance.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant des intimées le 13 décembre 2023 et en ce qui concerne la salariée le 28 décembre 2023.

Sur la demande de mise hors de cause de la SELARL 2M et associés

Cette demande n'est pas motivée ; par ailleurs les conclusions d'intimées sont présentées aux noms des sociétés AXYME et 2 M et ASSOCIES, ès qualités.

Elles seront donc déboutées de cette demande.

Sur la fin de non-recevoir

Les sociétés AXYME et 2 M et ASSOCIES, ès qualités font valoir que la demande de Mme [N] [R] au titre d'une inégalité de traitement n'était pas présentée dans sa requête introductive d'instance déposée devant le conseil des prud'hommes.

Mme [N] [R] fait valoir que sa demande était présentée dans sa requête introductive d'instance, dont elle a par la suite modifié le quantum.

Elle fait également valoir qu'il s'agit d'une demande accessoire à l'inégalité de traitement qu'elle dénonçait dans sa requête introductive d'instance.

Motivation

La requête initiale de Mme [N] [R] devant le conseil des prud'hommes précise que la salariée dénonce notamment une inégalité de traitement.

Sa demande n'est donc pas nouvelle et est parfaitement recevable.

La fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur la requalification du contrat de travail

Mme [N] [R] demande de confirmer le jugement qui a fait droit à la requalification.

Elle fait valoir que les deux contrats de travail à durée déterminée des 16 septembre 2017 et 17 octobre 2017 ont été transmis pour signature plus de 10 jours après l'embauche, et que par ailleurs aucun délai de carence n'a été observé entre les deux contrats.

Mme [N] [R] indique que son salaire moyen, calculé sur les mois complets d'octobre et novembre 2020, est de 4130 euros.

L'appelante souligne que le contrat de travail initial ne contient aucune clause de renouvellement, que le second contrat n'est pas un avenant emportant renouvellement, mais un nouveau contrat de travail à durée déterminée.

Les intimées font valoir que le deuxième CDD est un renouvellement du premier, puisqu'il est fait mention de ce premier contrat dans le second.

Elles estiment qu'il n'y a donc pas de délai de carence applicable.

Elles ajoutent que l'intention des parties de proroger le contrat se manifeste également par le fait qu'aucun document de fin de contrat n'a été établi entre les deux CDD.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L1243-13 du code du travail, une convention ou un accord de branche étendu peut fixer le nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat de travail à durée déterminée. Ce nombre ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Les conditions de renouvellement sont stipulées dans le contrat ou font l'objet d'un avenant soumis au salarié avant le terme initialement prévu.

Ces dispositions ne sont pas applicables au contrat de travail à durée déterminée conclu en application de l'article L. 1242-3.

L'article L1244-1 du même code indique que les dispositions de l'article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans l'un des cas suivants :

1o Remplacement d'un salarié absent ;

2o Remplacement d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu ;

3o Emplois à caractère saisonnier définis au 3o de l'article L. 1242-2 ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

4o Remplacement de l'une des personnes mentionnées aux 4o et 5o de l'article L. 1242-2.

En l'espèce, le premier contrat à durée déterminée (pièce 1 de Mme [N] [R]) ne prévoit pas de modalités de renouvellement.

Dès lors, en application de l'article précité, pour que le contrat puisse être renouvelé, un avenant devait être soumis à Mme [N] [R] avant le terme prévu.

Ce terme indiqué dans le CDD du 16 septembre 2020 est le 16 octobre 2020.

Le deuxième contrat ou avenant, selon la qualification de l'appelante ou des intimées, a été signé le 17 octobre 2020, soit après le terme du premier contrat.

En conséquence, la signature étant postérieure au terme du premier contrat, c'est bien un deuxième contrat à durée déterminée qui a été signé le 17 octobre 2020, et non un avenant au premier CDD du 16 septembre 2020.

L'article L1244-1 précité ne prévoit la possibilité de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié que dans les cas suivants : remplacement d'un salarié absent ; remplacement d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu ; emplois à caractère saisonnier ; remplacement d'un chef d'entreprise ou d'une exploitation agricole.

Les deux contrats litigieux visent un accroissement d'activité, objet ne rentrant pas dans les prévisions de l'article précité.

En conséquence, en application de l'article L1245-1 du code du travail, les contrats à durée déterminée de Mme [N] [R] doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée prenant effet à la date d'effet du premier CDD requalifié, soit le 16 septembre 2020.

Il convient de souligner que les deux CDD litigieux prévoyaient un temps de travail hebdomadaire de 39 heures, soit un temps plein.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières de la requalification du contrat de travail

Mme [N] [R] demande que le jugement soit confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer une indemnité de requalification.

La société BIOSERENITY FRANCE indique que le salaire de référence de Mme [N] [R] est de 4 130,03 euros.

Motivation

Aux termes des dispositions de l'article L1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.

Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

En l'espèce, il ressort des conclusions des parties qu'elles s'accordent sur le montant du salaire de référence de 4130 euros.

En l'absence de contestation subsidiaire du quantum de l'indemnité par la société BIOSERENITY FRANCE, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité de requalification due par la société BIOSERENITY FRANCE à 4130 euros.

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [N] [R] expose que, le contrat de travail étant requalifié en CDI, sa rupture par la survenance du terme du CDD constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle demande la confirmation du jugement quant à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur l'indemnité compensatrice de préavis, la convention collective prévoyant pour ses qualification et ancienneté un délai-congé d'un mois.

Mme [N] [R] précise sur cette dernière indemnité qu'elle se calcule sur la base du salaire qu'elle aurait perçu si elle avait travaillé, et qu'elle a accompli en pratique des heures supplémentaires non contractuelles.

Les intimées demandent à titre subsidiaire de ramener le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à une plus juste proportion correspondant à l'ancienneté de la salariée.

En ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis, elles demandent de prendre pour salaire de référence le salaire de base de 3 336,67 euros, et les heures supplémentaires contractualisées de 476,67 euros, soit un montant total de 3 813,31 euros,

Motivation

Il résulte des dispositions de l'article L1234-6 du code du travail que le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de préavis est la moyenne des salaires perçus sur la période d'exécution du contrat de travail, outre les éléments de salaire que le salarié aurait perçu pendant la période de préavis, tels que des primes.

En l'espèce, il ressort du développement précédent un accord des parties sur le salaire moyen perçu pendant l'exécution de la prestation de travail à hauteur de 4130 euros.

Mme [N] [R] qui invoque des heures supplémentaires non contractuelles réalisées ne renvoie à aucune pièce ; elle ne présente par ailleurs aucune demande de rappel d'heures supplémentaires.

Dans ces conditions, le salaire de référence à prendre en compte est celui de 4130 euros.

Les parties s'accordant sur une durée de préavis d'un mois, il sera fait droit à la demande à hauteur de 4130 euros, outre 413 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [N] [R] fait valoir que sa rémunération horaire a été réduite, passant de 25 euros à 20 euros, par le second CDD du 17 octobre 2020, mais a été mis en application au 1er octobre.

Elle estime qu'il s'agit d'une modification unilatérale illégale.

Mme [N] [R] fait également valoir qu'elle a subi une inégalité de traitement, ses autres collègues étant mieux payés qu'elle, jusqu'à 50 euros l'heure.

Les sociétés AXYME et 2 M et ASSOCIES, ès qualités, ne concluent pas sur cette demande.

Elles présentent en revanche des arguments sur la demande de rappel de salaire pour inégalité de traitement.

Les sociétés AXYME et 2 M et ASSOCIES, ès qualités, expliquent que la société BIOSERENITY FRANCE a recruté, dans le cadre d'un marché de l'ARS qu'elle avait remporté pour le suivi des malades de la COVID 19, du personnel alors qu'elle n'était pas en position de force sur le marché du travail ; qu'elle se devait de verser à certains collaborateurs des rémunérations plus importantes, à défaut de quoi ils ne rejoignaient pas ses effectifs.

Elles précisent que les rémunérations pouvaient varier en fonction du moment du recrutement, du niveau de diplôme, du temps de travail (jour, nuit, week-end) et de la durée du travail.

Les intimées expliquent que Mme [V] [H] avait, en plus de son diplôme d'infirmière, une licence en psychologie, ce qui était un atout dans la prise en charge des patients au téléphone.

Motivation

L'article L1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Aux termes des dispositions des articles L1132-1 et L1133-1 du code du travail, les différences de traitement, notamment en matière salariale, sont prohibées, sauf lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée.

En l'espèce, il ressort de l'examen des bulletins de paie produits en pièces 17 par Mme [N] [R] (bulletins de paie versés par les intimées en exécution d'une ordonnance du conseiller de la mise en état du 31 août 2023) que notamment, les salariés suivants, employés également en qualité d'infirmiers, ont été payés en septembre 2020 au taux horaire de 50 euros : M. [P] [W], Mme [C] [A], M. [X] [K], Mme [T] [M] ; au taux horaire de 48,75 euros : Mme [V] [H].

Si les sociétés AXYME et 2 M et ASSOCIES, ès qualités expliquent la différence de salaire de Mme [V] [H] par le fait qu'elle avait un diplôme supplémentaire, apportant une plus-value pour le suivi des malades de la COVID 19 par téléphone, elle n'en donne aucune autre pour les autres salariés, que la date de recrutement, ou les plages de travail, mais dont elle ne justifie pas.

A défaut de justification de la différence de salaire qu'elle a fait subir à Mme [N] [R], la société BIOSERENITY FRANCE a de ce fait exécuté de mauvaise foi le contrat de travail.

Les intimées ne répondent par ailleurs pas sur le changement de taux horaire appliqué à Mme [N] [R], passant de 25 euros (CDD en pièce 1 de l'appelante) à 22 euros (CDD en pièce 4 de l'appelante), alors que cette réduction, prévue dans le CDD daté du 17 octobre 2020, a été appliquée sur tout le mois d'octobre, soit à compter du 1er octobre (bulletin de salaire en pièce 10 de Mme [N] [R]).

Cette modification de salaire, élément essentiel du contrat de travail, sans le consentement de la salariée, à compter du 1er octobre 2020, alors qu'elle ne résultait que du CDD du 17 octobre, est également constitutive d'une exécution de mauvaise foi de la part de la société BIOSERENITY FRANCE.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société BIOSERENITY FRANCE à ce titre.

Sur la demande de rappel de salaire au titre d'une inégalité de traitement

Il résulte du développement qui précède une différence de taux horaire de salaire entre l'appelante et d'autres salariés occupant le même poste, sans justification par les sociétés AXYME et 2 M et ASSOCIES, ès qualités au regard des dispositions des articles L1132-1 et L1133-1 du code du travail.

Les sociétés AXYME et 2 M et ASSOCIES, ès qualités ne contestent pas à titre subsidiaire les calculs détaillés par Mme [N] [R] en page 23 de ses écritures, appuyant sa réclamation, au titre d'un rappel pour inégalité de traitement, outre un rappel sur congés payés (sur ce rappel de salaire), un rappel sur l'indemnité de précarité, et sur l'indemnité de congés payés.

Il sera dès lors fait droit à la demande de voir fixer sa créance à ce titre à 20 349,22 euros, le jugement étant réformé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, les sociétés AXYME et 2 M et ASSOCIES, ès qualités, seront condamnées aux dépens, en ce compris ses frais de signification, et à payer à Mme [N] [R] 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 03 mai 2023, en ce qu'il a débouté Madame [N] [R] de sa demande de rappel de salaires, indemnités de précarité et congés payés ;

Le confirme pour le surplus, ses condamnations constituant des créances de Mme [N] [R] sur la liquidation de la société BIOSERENITY FRANCE ;

Statuant à nouveau dans ces limites,

Rejette la fin de non-recevoir ;

Dit que Mme [N] [R] a subi une inégalité de traitement ;

Fixe la créance de Mme [N] [R] sur la liquidation judiciaire de la société BIOSERENITY FRANCE à ce titre à 20 349,22 euros ;

Y ajoutant,

Déboute les sociétés AXYME et 2M et ASSOCIES ès qualités de leur demande de mise hors de cause de la société 2M et ASSOCIES ;

Dit que les condamnations prononcées par le jugement du 03 mai 2023 et confirmées par le présent arrêt constituent des créances de Mme [N] [R] sur la liquidation judiciaire de la société BIOSERENITY FRANCE ;

Dit que le présent arrêt est opposable au CGEA ' AGS de l'ILE DE FRANCE OUEST ;

Condamne les sociétés AXYME et 2 M et ASSOCIES, ès qualités, à payer à Mme [N] [R] 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les sociétés AXYME et 2 M et ASSOCIES, ès qualités aux dépens, en ce compris les frais de signification exposés par Mme [N] [R].

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en douze pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/01083
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.01083 ?
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