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23/05/2024 | FRANCE | N°23/01081

France | France, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 23 mai 2024, 23/01081


ARRÊT N° /2024

PH



DU 23 MAI 2024



N° RG 23/01081 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFS3







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BAR LE DUC

F22/00018

14 avril 2023











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



ASSOCIATION LOCALE ADMR [5] prise en

la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY substitué par Me GUINET , avocate au barreau de METZ









INTIMÉE :



Madame [S] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Repré...

ARRÊT N° /2024

PH

DU 23 MAI 2024

N° RG 23/01081 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFS3

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BAR LE DUC

F22/00018

14 avril 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANTE :

ASSOCIATION LOCALE ADMR [5] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY substitué par Me GUINET , avocate au barreau de METZ

INTIMÉE :

Madame [S] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Monsieur [W] [E], régulièrement muni d'un pouvoir de représentation

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 22 Février 2024 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 23 Mai 2024 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 23 Mai 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Madame [S] [D] a été engagée sous contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, par l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE, devenue ASSOCIATION LOCALE ADMR [5], à compter du 01 mai 2018, en qualité d'accompagnante en résidence.

La convention collective nationale de l'aide, accompagnement et les soins et services à domicile s'applique au contrat de travail.

En date du 04 juillet 2019, la salariée a été victime d'un accident du travail, à la suite duquel elle a été placée en arrêt de travail longue maladie jusqu'en décembre 2021.

Par courrier du 29 janvier 2022, Madame [S] [D] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 07 février 2022.

Par courrier du 11 février 2022, Madame [S] [D] a été licenciée pour faute grave.

Par requête du 24 juin 2022, Madame [S] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc, aux fins :

- de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE à lui verser les sommes suivantes :

- 1 486,64 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3 171,49 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 317,15 euros de congés payés afférents,

- 1 585,74 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 700,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice sur visite médicale d'embauche,

- 829,56 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat ayant pénalisé l'inscription à Pôle emploi,

- 700,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- d'ordonner la rectification des fiches de salaires de l'année 2020 de façon à tenir compte du salaire maintenu et de ne pas pénaliser dans le calcul de la retraite,

A titre reconventionnel, l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE demandait la condamnation de Madame [S] [D] au paiement de la somme de 268,26 euros au titre de remboursement d'un trop-perçu de salaire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc rendu le 14 avril 2023, lequel a :

- requalifié le licenciement de Madame [S] [D] pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE à verser à Madame [S] [D] les sommes suivantes :

- 1 486,49 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 171,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 317,15 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 1 585,74 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 829,56 euros à titre de dommages et intérêts pour retard de remise de l'attestation Pôle Emploi,

- 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire conformément aux articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail ; dit que la moyenne des 3 derniers mois de salaires d'élève à 1 167,45 euros brut,

- débouté l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE de ses demandes,

- condamné l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc rendu le 23 juin 2023, lequel a :

- reçu la requête en rectification d'erreur matérielle,

- en conséquence, ordonné la rectification du jugement du 14 avril 2023 n° RG 22/18, n° de minute 22/15, en ces termes : « dit qu'il y a lieu de condamner l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE à verser à Madame [S] [D] : préjudice lié à la non-visite médicale d'embauche à 500,00 euros et d'entériner la rectification correspondante page 4 paragraphe 5 tiret 5 »,

- dit que la présence décision sera portée en marge de la minute,

- dit que la présente notification sera notifiée comme le jugement initiale,

- mis les dépens à la charge du trésor public.

Vu l'appel formé par l'association locale ADMR [5] le 17 mai 2023, enregistré sous le numéro RG 23/01081,

Vu l'appel formé par l'association locale ADMR [5] le 25 juillet 2023, enregistrée sous le numéro RG 23/01638,

Vu l'ordonnance de jonction rendue le 22 novembre 2023, laquelle a ordonné la jonction des procédures numéro RG 23/01081 et numéro RG 23/01638 sous le numéro RG 23/01081.

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de l'association locale ADMR [5] déposées sur le RPVA le 22 décembre 2023, et celles de Madame [S] [D] reçues au greffe de la chambre sociale le 31 octobre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 07 février 2024,

L'association locale ADMR [5] demande :

- de la recevoir en ses appels et la déclarer bien fondée,

A titre principal :

- d'annuler le jugement n°23/26 du conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc rendu le 23 juin 2023 en ce qu'il a :

- reçu la requête en rectification d'erreur matérielle déposée par Madame [S] [D],

- ordonné la rectification du jugement du 14 avril 2023 n° RG 22/18, n° de minute 22/15, en ces termes : « dit qu'il y a lieu de lire condamner l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE à verser à Madame [S] [D] : préjudice lié à la non visite médicale d'embauche à 500 euros et d'entériner la rectification correspondante page 4, paragraphe 5, tiret 5 »,

- dit que la présente rectification sera portée en marge de la minute,

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc rendu le 14 avril 2023 en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement de Madame [S] [D] pour faute grave en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- condamné l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE à verser à Madame [S] [D] :

- 1 486,49 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 171,43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 317,15 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 1 585,74 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice lié à l'absence de visite médicale (somme non reprise dans le dispositif du jugement),

- 829,56 euros à titre de dommages et intérêts pour retard de remise de l'attestation Pôle Emploi,

- 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE de ses demandes,

- condamné l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution,

- de débouter Madame [S] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- reconventionnellement, de condamner Madame [S] [D] au remboursement de la somme de 268,26 euros nets à titre de régularisation de salaire pour trop perçu en novembre 2020,

- de condamner Madame [S] [D] au paiement de la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [S] [D] aux entiers frais et dépens,

A titre subsidiaire, si la Cour n'accueille pas la demande, formée à titre principal, en annulation du jugement n°23/26 rendu par le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc le 23 juin 2023 :

- d'infirmer ledit jugement en ce qu'il condamne l'association MIEUX VIVRE EN CAMPAGNE à verser à Madame [S] [D] la somme de 500,00 euros au titre du préjudice lié à la non visite médicale d'embauche,

- de débouter Madame [S] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- reconventionnellement, de condamner Madame [S] [D] au paiement de la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Madame [S] [D] aux entiers frais et dépens.

Madame [S] [D] demande :

- de la satisfaire dans toutes ses explications et prétentions, à savoir :

- de requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de condamner l'association locale ADMR [5] à lui payer les sommes suivantes :

- 1 486,64 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3 171,49 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 317,15 euros à titre d'indemnités compensatrice de congés payés afférents,

- 1 585,74 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 700,00 euros de dommages et intérêts pour préjudice sur visite médicale d'embauche,

- 829,56 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents obligatoires de fin de contrat ayant pénalisé l'inscription à Pôle emploi,

- 700,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner l'association locale ADMR [5] aux entiers dépens, ainsi qu'aux frais liés aux éventuels frais d'exécution y compris les frais d'huissier.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 22 décembre 2023, et en ce qui concerne la salariée le 31 octobre 2023.

Sur la demande d'annulation du jugement du 23 juin 2023

L'association ADMR [5] fait valoir que ce jugement a méconnu le principe de l'effet dévolutif de l'appel, le conseil des prud'hommes ayant procédé à la rectification de son jugement, alors qu'il avait déjà été fait appel de cette décision.

Mme [S] [D] ne conclut pas sur ce point.

Motivation

Il résulte des articles 462 et 561 du code de procédure civile que lorsqu'un appel est formé à l'encontre d'un jugement affecté d'une erreur ou d'une omission matérielle, seule la cour d'appel a compétence pour rectifier la décision qui lui est déférée, la juridiction du premier degré étant dessaisie.

En l'espèce, le jugement du 23 juin 2023 rectifiant une omission matérielle a été rendu alors que le jugement rectifié était frappé d'appel.

En conséquence, le conseil de prud'hommes ne pouvait statuer sur la demande de rectification.

Il sera dès lors fait droit à la demande d'annulation de ce jugement.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 11 février 2022 (pièce 3 de l'employeur) indique :

« (') Le 25 puis le 26 janvier 2022, M. [J], résidant de notre structure, vous a manifesté son inconfort suite à une fuite d'urine au niveau de sa protection ayant pour conséquence d'avoir mouillé et auréolé son pantalon. Sans même l'avoir changé, ni lavé, vous l'avez contraint à rejoindre la salle de restauration dans cet état.

De plus, le 26 janvier 2022, suite au passage de l'infirmière HAD, Mme [Y] s'est plainte de n'être pas bien positionnée dans son lit ce qui lui procurait un mal être dû à son escarre. Une aide à domicile ADMR présente à ce moment vous a demandé de l'aider pour la repositionner ce que vous avez refusé.

Les manquements à vos obligations dans le cadre de votre travail sont considérés par l'ensemble des membres responsables de la résidence comme des actes de maltraitance du fait de votre négligence envers des personnes dépendantes, fragiles et atteintes dans leur dignité.

Lors de notre entretien en date du 07/02/2022, vous n'avez présenté aucune justification nous permettant de modifier notre point de vue quant aux faits qui vous sont reprochés.

Par conséquent, nous sommes amenés à vous licencier pour faute grave.

(...) »

L'association ADMR [5] expose que la fonction d'accompagnatrice en résidence de Mme [S] [D] lui imposait de prêter assistance aux deux résidents les 25 et 26 janvier 2022.

Elle explique que deux jours de suite, les 25 et 26 janvier 2022, la salariée a contraint l'un des résidents, M. [J], à rejoindre la salle de restauration alors que son pantalon était souillé par une fuite d'urine, et alors qu'il ne pouvait se changer seul. Elle souligne que M. [J] avait averti Mme [S] [D] de son inconfort.

L'employeur indique que le 26 janvier 2022, Mme [S] [D] a refusé d'aider une aide à domicile à repositionner Mme [Y], résidente, qui se plaignait d'une escarre.

L'appelante conteste que Mme [S] [D] ait pu se trouver auprès de Mme [M] lorsqu'elle a été sollicitée, 20 mètres séparant les chambres de ces deux résidentes.

Mme [S] [D] explique, s'agissant de Mme [Y], qu'elle n'a pas refusé d'aider l'aide à domicile, mais était occupée avec une autre résidente, Mme [M], qu'elle ne pouvait lâcher et laisser seule ; que dès qu'il n'y a plus eu de risque de chute, elle est allée dans la chambre de Mme [Y] mais l'aide-ménagère avait réussi à la repositionner.

Elle demande d'écarter les attestations de M. [J] et du fils de Mme [Y], pour non-conformité avec l'article 202 du code de procédure civile.

Elle ajoute qu'aucune attestation de l'assistante à domicile n'est produite, et fait valoir qu'il n'est pas indiqué que cette dernière l'aurait sollicité en criant, et non en se déplaçant.

Motivation

Mme [S] [D] ne conteste pas que les actes qui lui sont reprochés de ne pas avoir accompli faisaient partie de ses tâches.

S'agissant des griefs relatifs à M. [J], l'association ADMR [5] renvoie à l'attestation de ce dernier en pièce 4.

Cette attestation est dactylographiée, mais conforme pour le surplus aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, ce qui permet de la prendre en compte comme tout autre élément de preuve.

M. [K] [J] expose que « Le 25 et le 26 janvier 2022 au matin, j'ai eu des fuites urinaires, même avec la protection, mon pantalon de pyjama en était mouillé et auréolé.

Les membres du personnel dans ces cas-là me retirent ma protection, font une toilette légère et me changent mon pantalon, ce que Madame [D] n'a pas voulu faire ces 2 jours m'a fait aller à la salle commune dans cet état ».

Mme [S] [D] ne conteste pas la matérialité des faits dans ses écritures.

Ce premier grief est donc établi.

S'agissant du deuxième grief, l'association ADMR [5] renvoie à ses pièces 5 (plan de la résidence), 6 (attestation de M. [J] [Y]) et 7 (attestation du médecin).

Le plan en pièce 5 précise qu'il y a une distance de 20 mètres entre la chambre 6 et la chambre 10.

L'attestation en pièce 6 est rédigée par M. [J] [Y] : « J'atteste les dires de ma mère, Mme [Y] [G] née le 21 septembre 1921, et disposant de toutes ses facultés mentales : le 26 janvier 2022 suite au passage de l'infirmière du HAD, étant mal positionnée sur son lit, cela lui faisait mal au niveau de son escarre. La personne de l'ADMR a appelé Mme [D] pour l'aider, celle-ci a refusé de venir ».

La pièce 7 est un certificat médical du Docteur [B] qui indique que Mme [Y] « ne présente pas d'altération des fonctions supérieures ».

L'employeur ne rapporte cependant aucun élément matériel permettant de contredire la version présentée par Mme [S] [D], à savoir que l'aide à domicile ADMR serait venue jusqu'à la chambre de Mme [M] pour lui demander de l'aide pour repositionner Mme [Y], mais qu'elle ne pouvait venir devant assister pour l'instant cette autre résidente, ce qui constitue un motif ôtant au grief tout caractère fautif.

Dans ces conditions, cette deuxième faute n'est pas démontrée.

Au terme de ce développement, seul le premier grief est établi.

Compte tenu de la nature des faits, et de ce qu'ils se sont produits deux fois, le licenciement pour faute grave est justifié.

Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a requalifié la rupture.

Sur les conséquences financières du licenciement

Le licenciement étant fondé sur une faute grave, il sera droit à la demande de réformation du jugement en ce qu'il a condamné l'association ADMR [5] au paiement des indemnités suivantes : indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche

Mme [S] [D] explique qu'elle travaillait la nuit, qu'elle n'a pas bénéficié de visite médicale d'embauche ni de suivi régulier pendant l'exécution du contrat de travail ce qui a entraîné pour elle un accident du travail le 04 juillet 2019, la nuit à 3h30 , à la suite duquel elle a été en arrêt pendant deux ans et quatre mois.

L'association ADMR [5] précise que Mme [S] [D] a été vue en reprise après accident du travail le 29 novembre 2021.

Faisant valoir les conditions posées par la convention collective applicable, elle conteste que la salariée puisse être considérée comme travaillant la nuit.

Motivation

L'article R4624-17 du code du travail dispose que tout travailleur dont l'état de santé, l'âge, les conditions de travail ou les risques professionnels auxquels il est exposé le nécessitent, notamment les travailleurs handicapés, les travailleurs qui déclarent être titulaires d'une pension d'invalidité et les travailleurs de nuit mentionnés à l'article L. 3122-5, bénéficie, à l'issue de la visite d'information et de prévention, de modalités de suivi adaptées déterminées dans le cadre du protocole écrit prévu au troisième alinéa de l'article L. 4624-1, selon une périodicité qui n'excède pas une durée de trois ans.

L'article R4624-18 du même code prévoit que tout travailleur de nuit mentionné à l'article L. 3122-5 et tout travailleur âgé de moins de dix-huit ans bénéficie d'une visite d'information et de prévention réalisée par un professionnel de santé mentionné au premier alinéa de l'article L. 4624-1 préalablement à son affectation sur le poste.

Mme [S] [D] fait valoir notamment qu'elle n'a pas bénéficié de surveillance particulière comme travailleur de nuit, et que si elle avait vu un médecin du travail celui-ci aurait été informé que les travailleurs de nuit dans cet établissement travaillaient seuls et qu'il n'y avait aucun EPI pourtant obligatoire pour les travailleurs isolés.

Elle renvoie notamment à sa pièce 21 « relevé mensuel de décembre 2018 et mai 2019 », qui font apparaître des heures de nuit dans le mois à hauteur de 49,02 et 57,19.

L'association ADMR [5] qui indique en page 18 de ses écritures les conditions sur la fréquence minimale et le nombre d'heures minimal au cours d'une période de référence, permettant d'être considéré comme travailleur de nuit, ne renvoie à aucune pièce justifiant des horaires accomplis par Mme [S] [D], qui établirait qu'elle ne réponde pas à ces critères.

L'association ADMR [5] ne conteste ni l'accident du travail de Mme [S] [D], ni l'absence de visite médicale d'embauche, ni l'absence de suivi médical postérieur.

Elle ne répond pas à l'argument du travail isolé la nuit ou sans équipement particulier.

Les éléments que fait valoir Mme [S] [D] permettent d'établir un lien entre l'absence de visite médicale d'embauche et de suivi médical régulier, qu'elle invoque également dans ses écritures, et la survenance de son accident du travail.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association ADMR [5] à payer à Mme [S] [D] à ce titre 500 euros de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour retard dans la communication des documents de fin de contrat

Mme [S] [D] explique que l'employeur lui a adressé une attestation Pôle Emploi non signée, et a attendu le 10 mars 2022 pour en recevoir une signée, ce qui a retardé sa prise en charge au titre du chômage.

L'association ADMR [5] explique avoir rempli en ligne l'attestation Pôle Emploi sur le site de l'organisme, puis l'a adressé à Mme [S] [D] ; Mme [S] [D] lui a réclamé une attestation signée le 02 mars 2022 ; elle la lui a envoyée le 10 mars.

L'employeur ajoute qu'eu égard au délai de carence « congés payés » et au différé d'indemnisation, il est normal que Mme [S] [D] n'ait pas été prise en charge immédiatement ; qu'en toute hypothèse Mme [S] [D] n'a en aucun cas pu perdre ses droits à allocations et a nécessairement été indemnisée depuis.

Motivation

Mme [S] [D] renvoie à sa pièce 17 (relevé pôle emploi du 30 mai 2022).

Cette pièce ne démontre pas le retard allégué d'une prise en charge par Pôle Emploi, en raison d'une transmission tardive d'une attestation signée, à défaut pour Mme [S] [D] de justifier des indemnités perçues ou non entre le licenciement et ce relevé de mai, et à défaut de justifier de la perte de jours d'indemnisation qu'elle soutient.

Dès lors, Mme [S] [D] sera déboutée de sa demande à ce titre, et le jugement sera réformé en conséquence.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les parties seront déboutées de leurs demandes à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera réformé en ce qu'il a condamné l'association ADMR [5] sur ce même fondement, et aux dépens.

Chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Annule le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc le 23 juin 2023 ;

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc le 14 avril 2023 en ce qu'il a condamné l'association ADMR [5] à payer à Mme [S] [D] 500 euros de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement pour faute grave est fondé ;

Déboute Mme [S] [D] du surplus de ses demandes ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 pour la procédure en appel ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël Weissmann, Président de Chambre et par Madame Laurène Rivory, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en dix pages


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : Chambre sociale-2ème sect
Numéro d'arrêt : 23/01081
Date de la décision : 23/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-23;23.01081 ?
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